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orphena

La fée des rêves

Le mercredi c'est piscine Publié le Samedi 11 Octobre 2008 à 00:25:04

8h12. Bon sang, j’ai trop dormi ! Envie de pisser, prostate… Ras-le-bol ! Bonne journée ? Pas sûr. 

Mais c’est comme ces satanées intuitions qui vous arrivent au moment où vous vous y attendez le moins. C’est comme ça, encore une fois. Je sens que cette journée risque d’être... comment dire ? Mouillée. C’est ça ! Il y a de l’humidité dans l’air. Je ne sais pas si ça me vient des rhumatismes, mais le temps est à l’orage. 

Quand je parle d’orage… je ne parlais pas de Madame crabe rouge, la voisine, qui s’est encore frotté sa main sur ma joue. 

— Peau de vache de crabe-rouge ! 

— Je vous ai entendu, me crie-t-elle de la cuisine. 

— Je disais qu’il va pleuvoir. 

— Moquez-vous de moi. En tout cas, je vous rappelle que nous sommes mercredi. 

Qu’est-ce que ça peut bien me faire ? Ce n’est pas le jour du poisson ! 

— Eh alors ! 

— Le mercredi… c’est piscine. 

Je hausse les épaules. 

J’ai eu mon petit déjeuner, mon costume, ma baffe, bref… je suis prêt pour… où dois-je aller, d’ailleurs ? 

Quand je sors, Tit’fille n’est pas à son poste. Pas de devoirs ? Nous sommes mercredi, c’est vrai, jour où les enfants ont du temps libre pour jouer au parc, certainement. Mais voilà que la pluie tombe exactement à mon endroit, et pas ailleurs... Mais, je me fais arroser ! 

— Eh, attention ! 

Voisine-arrosoir au dessus est penchée à la fenêtre. 

— Désolée, Monsieur G., j’arrose mes plantes, c’est mercredi… 

— Eh alors ! Les plantes n’ont soif que le mercredi ? 

— Non, mais le mercredi c’est piscine. 

— M’en tape ! J’aime pas l’eau. 

— Vous avez tort, un bon bain c’est agréable, non ? 

Vraiment ! Je ne comprendrai jamais le comportement des personnes de mon quartier. Tous séniles ces viocs ! 

Je descends de cinq pas et j’attends mon abruti de chauffeur qui est en retard. D’habitude, à peine je pose le pied sur le trottoir que la voiture est déjà prête à m’engouffrer. Je regarde à droite. Rien. A gauche… Ah, une voiture arrive, un peu rapide à mon goût, le caniveau plein d’eau. Voiture, caniveau, eau… cela fait-il bon ménage ? Et, bien sûr,… elle ne s’arête pas… 

Pantalon imbibé, chaussures noyées, chaussettes trempées, humeur baba au rhum. 

— Merde ! Chauffard de mes... si je t’attrape les… je te fais bouffer ton… va te faire voir chez les… et dis leur de te briser les… menues et puis tu les... avec des... dans le… sans… 

— Désolé Mr G, me fait le décapité par la portière sans ralentir. C’est que  je suis pressé, car aujourd’hui c’est mercredi. 

Décidément ! Ont décidé de me faire chier. 

— M’en tape le silex ! Et alors ? 

— C’est piiiiisciiiiiineeeee. 

Fait la voix qui nous joue les Marconi en s’éloignant en même temps que son maître. 

— Ville de dingues ! Vieux séniles et vieux cons ! L’asile… c’pas fait pour’l’ chiens ! 

Je ne sais pas si je l’ai déjà dit… mais j’aime pas l’eau. La dernière fois que j’ai pris un bain c’était… heu, m’en rappelle plus. Mais de toute façon, ce n’est pas pour aujourd’hui. Et puis d’ailleurs, pour quoi faire ? J’en ai pris un… heu, il n’y a pas longtemps, certainement. Je mes sens sous les aisselles. Bon… j’avoue que ce ne serait pas un luxe de tremper la carcasse. Allez, un petit pschitt de sent bon fera l’affaire. Mais que fait Alfred, bon sang ? 

Tant pis, j’avance en direction de mon bureau tout seul. Ce n’est pas loin et… d’ailleurs, c’est par où, déjà ? Et merde, m’en souviens pas ! Bon, allons droit devant, il y aura toujours une personne pour m’indiquer le chemin. 

Tiens, justement, une jeune fille brune, qu’il me semble avoir déjà vu, m’arrête pour me demander son chemin. Elle me tend une carte où elle a écrit « PAR LA ». 

Etrange ! Elle a encore a rayé le « L » et la patte du « R ». Qu’est-ce que ça veut dire ? « PAA », ou « PAPA »… enfin, quelque chose comme ça. 

— Bonjour Mr G. Pouvez-vous m’indiquer la direction de la piscine, s’il vous plaît ? 

— Mais, mademoiselle, je ne veux pas aller à la piscine ! 

— C’est mercredi, et vous pourriez m’y accompagner, comme quand j’étais… 

Comme quand quoi ? Elle était quoi ? Pourquoi a-t-elle l’air émue ? 

Le temps est beau et incite à la promenade. Cette jeune fille, que je connais, enfin je crois, m’a l’air gentille, quoi qu’un peu étrange. Mais comme ils sont tous fous dans le coin… 

— Si vous voulez, mademoiselle. Mais je vous préviens, je ne rentrerai pas. Je ne sais pas si je vous l’ai dit… mais je n’aime pas l’eau. 

— Comme vous voudrez, Mr G. 

Bon, je ne suis pas si mauvaise compagnie que ça puisque cette jeune fille me prend le bras. Je me sens plus jeune d’un coup. Et me voilà un hidalgo thermal. 

— Avez-vous retrouvé ce que vous cherchiez, Mr G. ? 

— Et qu’est-ce que je cherche, demoiselle ? 

— Vous le savez bien, votre… lucidité. 

— Ah… Lucie Dité… vous parlez de cette petite fille ?... ma fille, peut-être. 

— Humm… oui… enfin, si vous le dites. 

— Non… désolé, mademoiselle, mais en ce moment je manque de lucidité. 

— Cherchez encore, faites des efforts, j’en suis sûre que vous allez finir par la retrouver. 

Nos pas s’approchent de la grande et majestueuse bâtisse thermale dont tout le monde ici semble être fier. Ce monument destiné au bien-être des personnes, est envahie par des… comment dire…des  vieux-cons séniles en mal de source. 

— Bon, mademoiselle, c’est ici que je vous quitte. Moi, l’eau… 

— Allons, Mr G., je suis sûre qu’un bon bain ne vous tuera pas. 

— Me tuer ! Vous en avez de bonnes ! 

— Allons, allons, faites un effort pour votre… fille. 

— Lucie ! Bon, finalement je préfère vous laisser ici, mademoiselle. Je trouverais tout seul le chemin de mon bureau, merci et au-revoir. 

Elle semble déçue, mais bon ! Je ne suis pas son guide. 

Je tourne à droite, fais encore quelques pas, regarde les oiseaux voler. Les animaux en liberté dans le parc. J’aime la nature et ses êtres beaux, ainsi que les chaussures et les tricots. Rigole de ma boutade, avance tête penchée sourire aux lèvres  puis je m’arrête le nez pointé sur le carrelage blanc d’un sol inconnu et les pensées lointaines, quand… 

— Mon Dieu ! C’est quoi ça ? 

Je suis devant des… comment dire ? Chairs, os, têtes d’animaux découpées, yeux livides, groins pincés, boyaux horribles, cervelles décervelées, foies sanguinolents, viandes broyées, pieds paquets  et bien d’autres choses terribles… à manger ! 

Je tourne la tête lentement à droite. Une dame, qui me regarde avec les yeux désorbités est restée pétrifiée avec la main tendue vers une autre (un veau) qui, elle-même, lui tend la main pour recevoir les quelques pièces de monnaie que lui tend la statue. Mais je suis au marché de la morgue ! Trafic d’organes d’animaux pour ogres pas beaux. 

— Il y a complicité de meurtre ! 

Un homme de forte corpulence, grosse bedaine, grosses hanches, grosses moustaches, mine patibulaire au tablier tâché de sang, tient dans sa main droite une… comment dire ? Hache, oui c’est ça, levée à la hauteur de sa tête. Il s’apprête certainement à ôter la vie à cette pauvre volaille.  Aïe, aïe, aïe (sans tête et sans plumes, étrange le volatile !). 

— Mais vous êtes un assassin ! Au-secours, je crie. 

— Je vais vous laisser, Madame Renée, vous avez du travail, fait la statue sortant de l’immobilité et qui a retrouvé soudainement la parole. 

— Vous êtes leur complice ? 

— Qu’est-ce que le vieux zinzin vient faire ici ? gronde la bedaine sanglante, désosseur d’oiseaux déplumés et décapités. 

— Charognard, viandard ! 

— Je vais vous laisser, Madame Renée, répète l’acheteuse de muscles de cadavres d’animaux desanimés

— Robert ! Tiens ta langue… monsieur est important. 

— Ouais, tueur de bovidés déplumés, je suis une personne importante, Môssieur le trancheur de têtes… décapitées. 

— Ho, là, là, je sens que je vais trancher dans le vif du sujet !… retiens-moi, Renée, je sens que je vais la lui faire retrouver sa lucidité plus tôt que prévue au membre honorifique sans neurones du Carré des tarés. 

  Je vais vous laisser, Madame Renée… 

— Non Robert, tu n’en feras rien. 

— C’est mercredi, non ? Qu’est-ce que le zinzin… 

— Robert ! Ne traite pas un héros…. 

  Je vais vous laisser, Madame Renée… 

— T’en foutre moi du héros ! 

— Robert ! 

  Je vais vous … heu… 

— Vous rendez-vous compte ? hurle la baudruche sanglante, laisser en liberté une telle erreur de la nature sans cervelle… eh, l’Alzheimer, j’en ai si tu veux ! 

— Tu t’es vu, pourvoyeur de cadavres pas frais ? Grosse bedaine grasse, exterminateur de familles à quat’ pattes, même à deux, d’ailleurs. Cuiseur de groins, ébouillanteur de boyaux, équarrisseur de tondus sans charisme, désosseur des osés, maquignon de mes…     

— Je vais… 

— Oh, la, la… vais lui transplanter la tête de veau des dimanches, moi ! Tu vas voir Renée, va retrouver la mémoire en un éclair, l’Alzheimer… 

— Robert ! 

— Heu… Je vais vous laisser… 

— Retiens-moi, retiens-moi… 

— Attends, assassin… va t’en cuire de tuer des animaux… 

— Heu… J’aimerai bien vais vous laisser, M’dame Renée... 

Je serre mes poings et je me mets en garde. 

— Va t’en cuire, boucher ! 

Ça ne sent pas que la friture et le sang froid dans la caverne de l’ogre René. La bagarre attire du monde, ça sent le roussi. Des personnes arrivent en courant. J’avance poings serrés mais, d’un coup, je suis levé, mes jambes courent dans le vide. 

— Ah, enfin vous voilà ! Vous en avez mis du temps ! 

Je regarde à gauche, un gros balaise blanc me soutient le bras. Regarde à droite, le même… mais en noir. 

— Les dupliqués ! Merde ! 

— Allons, allons… il va se calmer maintenant, l’Alzheimer. 

— C’est ça, ôtez-le-moi de ma vue où je lui greffe une cervelle de porc à ce cochon… 

— Lâchez-moi, va t’en faire du pâté de tête, Dracula à moustaches. Va t’en cuire boucher ! 

— J’aimerais bien vous laisser, Madame Renée. 

— Bon ! Il va se calmer, l’Alzheimer ? 

— Robert ! 

— Boucher ! 

— … vais vous laisser… 

Je suis dehors. Ils me posent. 

— Bon, ça y est ? Il est calme ? 

— Foutez-le à l’eau, crie le convoyeur de fonds (de veau) du fond de sa morgue près de son veau (qui parle) et de leur complice. 

— Robert ! 

— Pas piscine, pas piscine. 

— Si, si, si… 

— Renée, lâche la chienne. 

— Non, non. 

— Sissi !... Attaque le « Livide ». 

— Non, pas lâche sa chienne ! 

— Ouaf, ouaf ! happe sa chienne (et non pas : Alsacienne… c’est pas la même race !). 

— Rob ! Rob ! Rap le veau… 

— Vais vous laisser maintenant… 

Ils me transportent vers un endroit plus tranquille. Ils ont ôté de ma vue l’éléphant rouge à moustaches avec son fauve (je parle de la chienne !), ainsi que son veau qui a bon fond… 

Ils me déposent, sans ménagements, sur quelque chose de dur mais de mouvant. Mes jambes continuent à marcher. Comme ils ne font pas attention à moi, j’en profite pour accélérer le pas car je vois, pas loin, la piscine qui se profile. 

— C’est piscine aujourd’hui, font-ils, rigolant le dos tourné. 

Mais entre mon nez et mon menton c’est mes lèvres qui rigolent car ils ne font plus attention à moi. Distraits, les dupliqués black and white

— Hi, hi, hi…Vais les laisser les Whisky-ki. 

Position de coureur, coudes au niveau de la poitrine, mon souffle s’accélère. Mais, curieux, le paysage reste toujours le même. Cette maudite piscine ne me quitte pas. Eux non-plus. 

— Vais les semer les doubles. 

Mais rien à faire, les dupliqués ne s’éloignent pas. 

— Ça y est, il est calmé le translucide ? 

Je regarde mes pieds. Pourtant je marche, je cours même, et je n’arrive pas à les distancer. Le blanc tient dans la main un petit boitier noir. Il appuie sur un bouton (blanc) et mon rythme s’accélère (noir, c’est noir, comme mon désespoir). 

— Hé, doucement ! 

— Bon, il va se calmer l’Alzheimer ? 

Je cours, je cours… mais… 

— Sur un tapis roulant ! 

— Le mercredi c’est ?... 

— Allez l’Alzheimer… dis-le avec nous. 

— Piiiiisciiiiiineeeee !!!!!! j’ai hurlé. 

… 

— Bon, maintenant je vous laisse, Mme Renée. Au-revoir.   

… 

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