La carte postale
Clémentine est debout à la fenêtre de sa chambre, son ours en peluche à la main. Elle écarte délicatement le rideau en étamine de lin et scrute la campagne endormie en cette matinée brumeuse d'octobre. Elle a un peu froid. Il faudra qu'elle demande à Sophie de monter le chauffage. Depuis un moment déjà, Clémentine attend le facteur. Que fait-il, ce matin ? Il est presque neuf heures et demie. D'habitude, il est là beaucoup plus tôt …
Clémentine attend quelque chose d'important : une carte postale de ses parents. Ils sont partis dans le midi, à Collioure. C'est là qu'habite sa grand-mère paternelle. Ils ont promis de lui écrire dès leur arrivée. Elle entend encore son papa et sa maman, quand ils l'ont ramenée au pensionnat :
« Ne t'inquiète pas, ma chérie, nous ne sommes partis que pour quelques jours, et nous t'enverrons une jolie carte postale dès que nous serons arrivés chez grand-mère ! Travaille bien, surtout, et sois sage ! »
Clémentine aurait bien voulu y aller aussi. Elle aime beaucoup sa grand-mère et celle-ci se fait bien vieille. Elle a même entendu ses parents dire à mi-voix qu'elle était malade ... Hélas, il y a l'école !
On est quel jour déjà ? Quand sont-ils partis ? Dimanche ? Elle ne sait plus très bien. Dans ce pensionnat, tous les jours se ressemblent. Quelquefois aussi, les idées se mélangent dans sa tête. Il faudra qu'elle demande à quelqu'un, à Sophie, par exemple. Oui, elle est tellement gentille Sophie !
Mais toujours pas de facteur ! Clémentine a beau écarquiller les yeux, coller son nez à la vitre, la cour et la petite route qui serpente dans la campagne et conduit au portail d'entrée sont complètement désertes ! Sous sa fenêtre, les membres du personnel de l'établissement vont et viennent, comme chaque jour. Clémentine imagine que la voiture du facteur est peut-être tombée en panne, ou que … Clémentine passe beaucoup de temps à sa fenêtre à s'imaginer des tas de choses.
Mais voici qu'on frappe à sa porte. Elle se retourne brusquement, le cœur battant. Le facteur ? Non, ce n'est que Sophie.
« Allons, madame Loiseau, il est temps de descendre à la salle à manger, le repas est prêt !
― Mais, Sophie, j'attends le facteur, j'attends une carte postale de mes parents … Ils ont promis de m'écrire en me ramenant au pensionnat …
― Madame Loiseau, vous avez quatre-vingt-cinq ans, et vous savez bien que c'est une maison de retraite, ici ! Allez, donnez-moi le bras, nous allons descendre tranquillement toutes les deux. »