Blog créé grâce à Iblogyou. Créer un blog gratuitement en moins de 5 minutes.

Léo fait son cinéma

Le procès (Orson Welles, 1962) Posté le Vendredi 3 Avril 2009 à 18h25

Leprocès

Le procès
de Orson Welles

 

 

Synopsis : Traîné devant un tribunal, un fonctionnaire est pris dans les rouages d'une société tentaculaire et absurde.

 

 

Avec Le procès, Orson Welles livre une interprétation talentueuse et très personnelle du roman de Kafka, s’appropriant un univers littéraire riche et saisissant pour le transposer à l’écran avec une maîtrise et une technique remarquables.

Le procès brasse de nombreuses thématiques, omniprésentes dans le roman et sur lesquelles Welles fonde son film. Son implication y fut par ailleurs très forte, il dira lui-même : « s’il m’a été possible de faire ce film, c’est parce que j’ai fait des rêves récurrents de culpabilité toute ma vie : je suis en prison, je ne sais pas pourquoi, on va me juger, et je comprends pas pourquoi »[1] et cela se ressent profondément à l’écran. La description et la mésaventure de Monsieur K. peuvent se voir comme un autoportrait de Welles, de ses obsessions comme de ses déconvenues.

L’histoire suit le parcours d’un homme accusé d’un crime dont il ne connait pas le motif par un système oppressant et inquisiteur. Plus il tentera d’en élucider les causes ou d’en dénoncer l’absurdité, plus il se heurtera à des obstacles externes (la police, l’opinion publique...) ou internes (sentiment de culpabilité, angoisses personnelles...) qui le plongeront dans une spirale frénétique et explosive... Peu importe que K. soit coupable ou innocent, c’est avant tout la culpabilité qu’il ressent qui est au centre du film, son comportement vis-à-vis de celle-ci et les aspects du système qui l’accuse. Outre un traitement profond de thématiques telles que la culpabilité, la faute, l’oppression, la justice ou encore le désir qui découlent du roman, Le procès possède une dimension critique sous-jacente puissante et intemporelle. Si en 1962, le film fait particulièrement écho au maccarthysme, à la bureaucratisation déshumanisante des sociétés ou encore au totalitarisme soviétique, sa force réside dans sa capacité à transcender le cas particulier en s’interrogeant sur des considérations universelles.

Toujours est-il que cette base littéraire est propice à des expérimentations visuelles ou sensorielles que Welles ne va pas se priver de mettre en scène avec la virtuosité qu’on lui connaît. Cette histoire hallucinante et absurde baigne dans un univers angoissant et excessif duquel émane une sensation de cauchemar et d’oppression particulièrement éprouvante pour K. comme pour le spectateur. Il n’est d’ailleurs pas évident d’entrer dans cet univers étrange et irrationnel, noyé de dialogues absurdes et de comportements incongrus. Mais le génie d’Orson Welles est de parvenir à retranscrire cet univers par une mise en scène personnelle inspirée et travaillée absolument géniale. Il est difficile de ne pas être conquis par le style baroque et inventif du réalisateur qui semble avoir eu une idée différente pour chaque plan. Il joue ainsi successivement voire simultanément sur la profondeur de champ, les cadrages, les jeux d’ombres et de lumières, les vrais faux raccords, les décors et j’en passe, pour évoquer à la fois l’univers étouffant et oppressant du système et l’espace mental et onirique d’un K. déboussolé. Les décors jouent un rôle important dans cette représentation ; c’est avec intelligence que Welles a utilisé la gare d’Orsay pour exprimer la perte de repères de son personnage dans un espace labyrinthique, étroit et contigu duquel il n’arrive pas à se défaire. La très belle photographie, le noir et blanc contrasté et l’éclairage particulier participent évidement grandement à la réussite de l’ensemble. C’est aussi très largement le cas des acteurs, notamment d’Anthony Perkins parfait et dans la continuité de son rôle dans Psychose, mais aussi d’Orson Welles lui-même, Romy Schneider ou encore Jeanne Moreau.

Le procès ne fait que confirmer une fois de plus l’immense talent d’Orson Welles, son génie de la mise en scène et sa vision novatrice et inspiratrice du cinéma. Il est toujours dommage de se rendre compte de cela lorsqu’il est trop tard, mais le seul tort d’Orson Welles fut définitivement d’être en avance sur son temps et de ne pas convaincre un public encore trop traditionaliste.

 

 

Image

 

 

Titre : Le procès
Titre original : The Trial
Réalisateur : Orson Welles
Scénario : Orson Welles d’après le roman de Franz Kafka
Photographie : Edmond Richard
Musique : Jean Ledrut
Format : Noir et blanc
Genre : Drame
Durée : 120 min
Pays d'origine : Allemagne, France, Italie
Date de sortie : 1962
Distribution : Anthony Perkins, Orson Welles, Romy Schneider, Jeanne Moreau, Elsa Martinelli...



[1] « Moi, Orson Welles » entretien avec Peter Bogdanovich (édition Points)

Un commentaire. Dernier par bibliothèques numériques francophones le 17-07-2013 à 09h57 - Permalien - Partager
Commentaires