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Léo fait son cinéma

Fenêtre sur cour (Alfred Hitchcock, 1954) Posté le Dimanche 10 Mai 2009 à 16h41

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Fenêtre sur cour
de Alfred Hitchcock

 

 

Synopsis : À cause d'une jambe cassée, le reporter-photographe L. B. Jeffries est contraint de rester chez lui dans un fauteuil roulant. Homme d'action et amateur d'aventure, il s'aperçoit qu'il peut tirer parti de son immobilité forcée en étudiant le comportement des habitants de l'immeuble qu'il occupe dans Greenwich Village. Et ses observations l'amènent à la conviction que Lars Thorwald, son voisin d'en face, a assassiné sa femme. Sa fiancée, Lisa Fremont, ne le prend tout d'abord pas au sérieux, ironisant sur l'excitation que lui procure sa surveillance, mais finit par se prendre au jeu...

 

 

Peu de réalisateurs, si ce n'est aucun, peuvent se vanter d'avoir une filmographie aussi riche et exceptionnelle que celle d'Alfred Hitchcock. Fenêtre sur cour, parmi tant d'autres, est là pour nous le rappeler, inaugurant une décennie de films particulièrement remarquables (Mais qui a tué Harry ? (1955), La main au collet (1955), L'homme qui en savait trop (1956), Sueurs froides (1958), La mort aux trousses (1959), Psychose (1960), Les oiseaux (1963)) qui finiront d'assurer sa notoriété. Avec Fenêtre sur cour, Hitchcock livre un film que l'on peut volontiers considérer comme un chef d'œuvre et comme l'un de ses plus réussis, ne se contentant pas seulement de disséminer avec parcimonie des touches de son talent de mise en scène et de traitement du suspense mais offrant une œuvre complète qui associe subtilement une intrigue policière captivante, une comédie romantique intelligente et une réflexion des plus intéressantes sur notre regard de spectateur.

En décidant de restreindre son intrigue à un espace clos – celui d'un appartement – dont les fenêtres donnent sur un voisinage pour le moins intriguant, Hitchcock s'impose des contraintes particulières de mise en scène et de décors mais s'ouvre aussi à de nombreuses possibilités dont il saura tirer parti avec une ingéniosité remarquable. Les décors, très travaillés et particulièrement réussis, laissent deviner un sens du détail admirable tout en utilisant très habilement un espace essentiellement vertical qui répond au besoin de l'histoire. La très belle photographie couleur participe à fortifier cette impression en révélant un décor éclatant et expressif, ce que le noir et blanc n'aurait pu faire. De son côté, la caméra adopte le point de vue du personnage principal – joué par James Stewart –, idée simple mais géniale, à partir duquel chaque spectateur s'identifiera et suivra l'évolution de l'histoire. Cela permet à Hitchcock de donner un sens plus important aux images et à ce qu'elles montrent plutôt qu'à ce que racontent les personnages. La caméra, en suivant simplement le regard de James Stewart, permet au spectateur de comprendre très exactement ce à quoi il pense sans même qu'il ne le dise. Le procédé est brillamment utilisé, la mise en scène et le montage faisant preuve de beaucoup d'astuce et de maîtrise, à l'image des premières images dévoilant en un seul plan toutes les informations nécessaires à la compréhension de la situation et évitant ainsi plusieurs minutes d'explications laborieuses et superflues.

Mais il permet surtout de placer le spectateur dans une position inhabituelle de voyeur qu'il ne peut éviter mais à laquelle il prend un plaisir certain. Le spectateur épie, grâce au regard indiscret de James Stewart, les moments de vies intimes du voisinage représentant chacun avec humour un état amoureux (le jeune couple marié à la sexualité débordante, la femme seule en manque d'amour, le couple marié sans enfant qui le substitue à un chien, la jeune femme aux multiples amants...) qui fait directement écho à la relation amoureuse complexe qu'entretient James Stewart avec Grace Kelly. Il projette dans son voisinage ses peurs et ses craintes de l'engagement et voit dans chacun de ses voisins une raison de ne pas s'y soustraire. L'obstination de Grace Kelly pour lui faire changer d'avis s'intègre très bien à l'intrigue et l'enrichit immensément, lui conférant une dimension supplémentaire que l'on ne renie pas. De nombreuses analyses très intéressantes ont été faites sur la position particulière de James Stewart dans le film, relevant l'ambigüité de son voyeurisme (que la méthode Koulechov[1] sur le montage, dont Hitchcock affirme s'être ouvertement inspiré, participe à créer), sa posture très proche de celle de la création cinématographique (en inventant des histoires à partir de ce qu'il voit) ou encore l'évolution du regard qu'il porte envers Grace Kelly (très sommairement car les pistes de lecture sont infinies, il commence à l'aimer une fois que celle-ci passe de l'autre côté du décor).

Tout cela illustre très succinctement toute la richesse thématique de l'œuvre qu'a réalisé Hitchcock mais démontre également tout son talent car Fenêtre sur cour est aussi une intrigue policière mêlée d'une comédie romantique extrêmement plaisante et réussie si on la prend au premier degré. Le scénario de John Michael Hayes est brillant, enchaînant avec une simplicité exceptionnelle les péripéties du récit que la mise en scène et le montage participent à mettre en valeur tout au long du film (cela ne fait pas de mal de le répéter, d'autant plus qu'ici plus que jamais la virtuosité de la mise en scène, associé à l'art du montage, ne relève pas du simple exercice de style mais se justifie et s'intègre dans un ensemble cohérent et ambitieux comme nous l'avons vu précédemment).

Du côté des acteurs, James Stewart est excellent (il fallait un acteur « tout le monde », sans qu'il n'ai pour autant aucun talent, pour que le spectateur s'identifie à lui instantanément, il l'incarne mieux que quiconque) et Grace Kelly tout simplement sublime (même si son rôle ne se résume pas seulement à être belle) ; son apparition à l'écran est d'ailleurs probablement l'une des plus belles de l'histoire du cinéma, tout comme le baiser qui s'en suit. Comme quoi Hitchcock prouve qu'il est aussi un réalisateur sensible en sachant magnifiquement mettre en valeur ses égéries. Et le personnage de Thelma Ritter apporte une touche d'humour des plus appréciables. L'humour est d'ailleurs omniprésent et très bien exploité dans Fenêtre sur cour, c'est aussi cet aspect qui lui a valu sa réussite.

Fenêtre sur cour est à juste titre reconnu à la fois par le public et la critique comme un immense chef d'œuvre. C'est aussi l'un de mes préférés du réalisateur dans lequel il réussit un véritable tour de force en livrant un film aux multiples pistes de lectures tout en conservant la force et l'efficacité de son histoire d'origine.  

 

 

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Titre : Fenêtre sur cour
Titre original : Rear Window
Réalisateur : Alfred Hitchcock
Scénario : John Michael Hayes, adapté de la nouvelle éponyme de Cornell Woolrich
Photographie : Robert Burks
Musique : Franz Waxman
Format : Couleur
Genre : Policier
Durée : 110 min
Pays d'origine : Etats-Unis
Date de sortie : 1954
Distribution : James Stewart, Grace Kelly, Wendell Corey, Thelma Ritter



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