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Lecture en ligne science ficti

Lecture en ligne science

Lecture en ligne science fiction Posté le Mardi 8 Avril 2008 à 18h58

ImageImageImage          www.ava-anice-fiction.org     Il y a 200 000 ans, l'homo sapiens a été ensemencé dans notre galaxie par une race aujourd'hui disparue. L'une de ces civilisations vient d'arriver sur la Terre. Ces humains vivent parmi nous, sans révéler leur présence. Mais dans des circonstances exceptionnelles, ils peuvent nous contacter ou nous découvrons leur existence….

J'ai regroupé ces aventures dans deux recueils de nouvelles et trois romans, dont deux sont publiés aux Editions Thélès. " Retour sur Méga " et toutes mes nouvelles " Les visiteurs stellaires " et " Nos amis venus d'ailleurs " sont en lecture gratuite sur www.lecturegratuitepourtous.com "Objectif Terre" et "Pour une autre Terre" sont en vente chez www.amazon.fr

Pierre Chonion   LE BERGER      1

A sept heures, la lumière s'alluma graduellement dans la chambre de Krystia, mais ce n'était pas la lumière habituelle. Des gerbes d'étincelles multicolores et totalement inoffensives étaient projetées sur les murs, le plafond, le plancher et les meubles à partir des spots situés aux quatre coins de la pièce. L'air de la chanson " Happy Birthday to you! " gagnait également en intensité.

Pour son dix septième anniversaire, ses parents venaient de lui faire une surprise. L'adolescente ne put s'empêcher de sourire. Comme chaque année à cette occasion, ils lui offriraient un cadeau, un seul, parfaitement adapté à ses goûts et d'une valeur sentimentale inestimable. Elle le conserverait précieusement comme les seize précédents et ne s'en séparerait jamais.

Dix sept ans ! La date anniversaire attendue longuement par tous les Mégasiens, l'âge auquel ils étaient enfin autorisés à quitter la base de Highland, accompagnés d'un inspecteur qui, au terme d'une sortie de trois jours dans le monde extérieur, leur accordait ou non le permis d'évoluer seuls parmi les Terriens.

La jeune fille prit son bain, s'habilla, retrouva à la cafétéria ses parents, sa sœur aînée Tiffany et ses amis, Jonathan, Karen et Greg. Il lui souhaitèrent un bon anniversaire et lui offrirent des cadeaux symboliques, dans cette communauté où l'argent n'avait pas court. Puis elle prit en leur compagnie son petit déjeuner habituel.

A huit heures, l'homme autorisé à lui accorder où à lui refuser son précieux visa devait la rejoindre ici même pour aller lui faire passer son examen dans un endroit tenu secret.

Daniel Morrison n'était pas simplement le pilote officiel de l'Albus. Outre ses interventions de secours, il entrait également dans ses attributions de conduire les candidats au permis sur les lieux choisis par lui et d'évaluer leur comportement dans la civilisation occidentale. Depuis huit jours, il préparait Krystia à cette première rencontre, comme il l'avait fait durant trois ans avec les sept jeunes Mégasiens arrivés à cet âge initiatique. Il s'était toujours parfaitement acquitté de cette tâche, se faisant à chaque fois passer pour le père des jeunes dont il avait la charge. Sa jovialité, son humour et son ouverture d'esprit étaient des atouts fortement appréciés par ces derniers. Mais il prenait son travail à cœur et à deux reprises, il avait demandé à des candidats insuffisamment préparés, à les revoir trois mois plus tard.

-Tu as bien révisé tes cours ? demanda Tiffany.

-Oui, mais les épreuves pratiques me font un peu peur, lui répondit sa sœur. Je regrette à présent de ne pas avoir sympathisé avec ton ami comme tu avais su le faire avant ton examen.

-Je me souviens avoir commis une faute éliminatoire, mais il a passé l'éponge. Il le fera aussi avec toi si le cas se présente, sinon il aura à faire à moi et il le sait !

-Tu as cherché à l'influencer ? s'étonna Greg.

-Non ! Mais nous le connaissons. Il est trop bien dans notre groupe, il ne va pas prendre le risque de s'en faire exclure.

-Ce serait dommage pour lui comme pour nous, dit Karen en apercevant leur ami entrer dans la salle.

-Je vous souhaite une bonne journée à tous ! déclara ce dernier et surtout à vous, Krystia et un bon anniversaire !

-Merci Daniel ! répondit l'adolescente, assez mal à l'aise.

-Soyez cool, tout se passera bien !

-J'aimerais bien être un peu plus détendue, mais je n'ai pas l'assurance naturelle de ma sœur.

-Tiffany est un peu trop sûre d'elle. Cela lui a d'ailleurs joué de mauvais tours.

-Mais si je n'étais pas aussi inconsciente, répliqua l'intéressée, je n'aurais jamais rencontré Jonathan !

-Et notre groupe n'existerait pas ! renchérit Karen. Ne change surtout pas, reste comme tu es ! Daniel sera toujours là pour te secourir et nous pour arriver à la rescousse.

-N'y aurait-il pas un sous-entendu dans cette phrase ? s'inquiéta l'unique représentant des forces spéciales.

-Non, pas du tout, répondit la Terrienne en riant. Restons solidaires !

Une heure plus tard, l'Albus se posa dans une véritable purée de pois, dans les Montagnes Rocheuses du Nouveau Mexique. Son pilote ne savait jamais à l'avance sur quel site présélectionné des Etats Unis il allait atterrir. C'était la météo qui décidait. Le jour anniversaire, il y avait généralement toujours un secteur prévu sur le territoire Nord-Américain où le temps serait couvert, condition obligatoire pour ne pas se faire repérer. Si la veille, la météo ne prévoyait aucune condition favorable pour une arrivée discrète, il prévenait aussitôt son élève de l'avancée de son départ pour un atterrissage avant le lever du jour. Cela s'était déjà produit à deux reprises.

L'appareil reposait dans un cratère creusé à son arrivée par Daniel au moyen du laser dont son ovni était équipé. La partie supérieure, très légèrement bombée, avait pris l'aspect du sol dont elle semblait faire partie intégrante. Ses deux passagers, en tenue de randonneurs, quittèrent la petite clairière où ils s'étaient posés.

-J'ai constaté la présence près d'ici, depuis plusieurs jours d'un jeune berger. Ce sera votre premier contact. J'en ai déjà rencontré quelques uns. Ces gens là sont très primitifs. C'est très bon pour vous mettre en confiance, mais vous devrez éviter de montrer votre supériorité intellectuelle. Efforcez-vous de vous mettre à son niveau et tout se passera bien. De toute façon, je serai là pour intervenir en cas de dérapage ou d'imprévu.

Malgré ces propos rassurants, une certaine anxiété se lisait sur le visage de la jeune fille. Ce n'était pas un jeu auquel elle allait se livrer, ni même un simple exercice, mais une série de tests répartis sur plusieurs jours au terme desquels, après avoir rencontré plusieurs Terriens de plus en plus évolués et fait face à des situations toujours plus complexes, son instructeur lui ferait connaître son verdict. En cas d'échec, elle se voyait mal attendre trois mois et réviser ses cours avant de pouvoir repasser son permis, même si en cas de succès partiel, elle avait droit à la conduite accompagnée.

-Détendez-vous ! lui conseilla son guide, vous êtes trop crispée. Soyez naturelle !

Krystia s'efforça de sourire. Elle prit une profonde inspiration et relâcha ses muscles.

Ils marchèrent en silence durant plusieurs kilomètres dans un épais brouillard.

Soudain, ils entendirent des chiens aboyer au loin.

-Ce sont des Bergers Allemands ? demanda la jeune fille, pas très rassurée.

-Non, des Border Collie. Une race très affectueuse. Ils nous ont probablement sentis arriver. Le vent commence à se lever ; il leur porte notre odeur.

Les deux randonneurs sortirent de la limite inférieure des nuages.

Les chiens accoururent à leur rencontre.

-Splash ! Floch ! Au pied ! cria le berger, tout occupé à confectionner un panier en osier.

Le couple animalier fit demi-tour et revint vers son maître en trottinant, mais sans cesser de japper

-Bonjour ! fit simplement ce dernier en relevant la tête.

Les arrivants saluèrent le berger et s'arrêtèrent près de lui.

Ce dernier posa son ouvrage à ses pieds et se leva.

-C'est un travail remarquable ! le félicita la jeune fille, feignant l'admiration, en prenant dans ses mains, d'un œil faussement connaisseur, le panier à moitié achevé.

-Je vous remercie ! lui répondit l'artiste insatisfait par cette première expérience de vannerie, complètement ratée.

Elle reposa cette chose difforme et tourna son regard vers le troupeau qui broutait à proximité.

-Ce sont de bien beaux moutons ! continua-t-elle en découvrant ces animaux pour la première fois de sa vie.

-Dans deux jours, je vais les reconduire dans la vallée, lui apprit le jeune montagnard, habillé de vêtements confectionnés dans des tissus rudimentaires, mais propres. Les premiers froids vont bientôt arriver.

La jeune fille était surprise car cet autochtone ne sentait pas l'odeur des bêtes.

" Il vient certainement de prendre un bon bain et en aura profité pour se changer, se dit-elle en inspirant pour détecter l'odeur d'un détergent. "

Elle reconnut un léger parfum de lavande.

Krystia s'était attendue à voir un homme d'âge mûr, au teint buriné, aux traits grossiers et à l'allure rustique. Mais non, elle se trouvait face à un garçon paraissant à peine vingt ans et aux traits fins et réguliers. Elle le dévisagea pour tenter de savoir si elle avait rencontré l'idiot du village, mais son regard restait impénétrable.

Pas de livre, pas de transistor, pas de console de jeu autour de lui, rien si ce n'était cette ébauche de panier en osier dont personne ne voudrait.

-C'est votre seule occupation, à part garder les moutons ? fit-elle en regardant l'objet au sol d'un air miséricordieux.

Le regard plein de reproches de l'inspecteur Morrison la transperça de part en part. Ce dernier sortit un cylindre de sa poche et le pointa en direction du garçon.

-Oubliez cette dernière question ! lui commanda-t-il d'un ton ferme. Chassez-la de votre mémoire ! Raidissez votre corps ! Vous dormez debout ! Vous allez oublier tout ce que vous allez entendre et vous ne vous réveillerez que lorsque je vous l'ordonnerai !

La jeune fille baissa la tête avec accablement.

-Je suis désolée ! balbutia-t-elle d'un air abattu.

-Encore une erreur comme celle-là et je vous recale ! la menaça l'homme investi de ce pouvoir.

L'adolescente reprit espoir.

-A l'avenir, je serai plus vigilante ! lui promit-elle, soulagée par la tolérance de son examinateur.

-J'y compte bien ! Je ne vous accorderai pas une seconde chance. Préparez-vous à poser une question plus intelligente et changez d'attitude envers ce garçon.

Daniel Morrison lui laissa un peu de temps pour lui permettre de se reprendre, puis il cria :

-Réveillez-vous !

-Ce troupeau, enchaîna la candidate au permis, ce doit être une énorme responsabilité !

Le berger sortit instantanément de son état hypnotique et la regarda avec surprise.

-Je garde les moutons depuis l'âge de huit ans, lui dit-il. D'abord avec mon père, puis seul depuis quelques années. Nous avons parlé avec des centaines de randonneurs, mais pas un seul n'a prononcé ce mot : responsabilité. Vous êtes vraiment sincère ou vous vous moquez de moi ?

-Pourquoi me moquerais-je de vous ?

-Beaucoup nous considèrent comme des gens frustes, plus ou moins arriérés.

-Cela ne m'est jamais venu à l'esprit ! mentit-elle.

-Pour devenir berger, il faut suivre une formation obligatoire et obtenir son diplôme. On nous apprend à reconnaître les plantes dont les moutons se nourrissent, à choisir les meilleurs pâturages, à veiller sur les troupeaux et à les protéger des prédateurs. Il faut apprendre à désinfecter les plaies dues aux parasites, à soigner les inflammations et à mettre bas. On suit des cours de menuiserie, de secourisme, de dressage de chiens et d'anatomie.

-Quel programme ! s'exclama la jeune fille en feignant d'être fortement impressionnée.

-Je n'ai eu aucun mal à décrocher mon diplôme, dit le jeune berger avec modestie. J'ai tout appris sur le tas, dès mon plus jeune âge.

Il parla longuement du travail de ses parents à la ferme, située loin, tout au fond de la vallée, des animaux sauvages et domestiques, de la nature et de la montagne.

-Le vent souffle de plus en plus fort, fit-il remarquer en jetant un regard en direction des sapins les plus proches. Des pointes sont annoncées à plus de cent kilomètres à l'heure. Je vous conseille d'aller vous abriter avec moi dans ma cabane en attendant la fin du mauvais temps.

-Nous vous remercions pour votre invitation, lui répondit Daniel Morrison, mais mon véhicule est garé pas très loin d'ici. Nous y serons dans quelques minutes.

-Alors dépêchez-vous de rentrer ! En montagne, le temps change très vite.

-Et votre troupeau ? s'inquiéta l'adolescente.

-Ne vous inquiétez pas pour lui. Nous allons le conduire en lieu sûr, dans une grotte.

-Notre visite lui a fait plaisir, devina l'adulte.

-C'est exact, approuva l'adolescente. Il doit rester des semaines sans voir personne et sans parler, si ce n'est à lui même ou à ses chiens.

-Si encore il avait un téléphone portable ! Mais ici, les ondes ne passent pas, j'ai vérifié.

-Mais il a l'air heureux, comme le sont les simples d'esprit.

Ils progressaient lentement car la pente était forte et le vent contraire et très violent. Pour couronner le tout, la pluie se mit à tomber. De grosses gouttes leur cinglaient le visage. Fort heureusement, ils avaient prévu des vêtements en conséquence. A cause des bourrasques et du sol accidenté et glissant, il leur était difficile d'assurer leur équilibre.

Les éclairs se succédaient à un rythme fou, le grondement du tonnerre était assourdissant et continu. Face aux éléments déchaînés, l'angoisse commençait à s'emparer de la jeune fille. Son visage était marqué par l'effort et la souffrance. Elle tentait de s'abriter derrière son guide.

Soudain, ce fut l'accident ! Une rafale de vent d'une violence inouïe, un pied qui glisse sur la roche humide et devant les yeux horrifiés de celle dont il devait assurer la sécurité, l'homme tomba et tenta désespérément de s'accrocher à la paroi lisse. Sa tête heurta le tronc d'un sapin et son interminable glissade prit fin contre un rocher.

Krystia, témoin impuissante de ce drame porta ses deux mains devant sa bouche et étouffa un cri d'horreur. Désemparée, elle revint sur ses pas et trouva un passage plus sûr pour rejoindre son guide inanimé. Il gisait, inconscient mais vivant. Sa respiration était saccadée, il n'y avait pas de trace de sang.

" Il va revenir à lui ! " espéra la jeune fille désemparée. Mais les minutes s'écoulaient et la victime restait inconsciente malgré la pluie drue et froide qui lui martelait le visage.

Finalement, elle se décida à reprendre sa marche forcée pour appeler les secours mégasiens à partir de l'Albus.

Elle arriva à bout de forces dans la clairière et là, elle sentit le ciel lui tomber sur la tête. Un sapin avait été déraciné par la tempête et reposait à l'endroit précis où se trouvait l'ouverture de l'aéronef. Impossible de pénétrer à l'intérieur ! Il obstruait complètement l'entrée. Il n'était même pas envisageable de déplacer le tronc. Seule une tronçonneuse pouvait en venir à bout.

Accablée par ce double coup du sort, la malheureuse se laissa tomber à genoux sur le sol.

Malgré la fatigue, elle tenta de rassembler ses esprits en vue de trouver une solution. Elle n'en trouva pas. Les siens ignoraient où ils se trouvaient car Daniel Morrison ne laissait jamais de plan de vol, ne sachant pas à l'avance où il se poserait. Elle sentit le découragement s'abattre sur elle. Seule, dans un monde inconnu et hostile, sans toit, sans nourriture ni argent, démunie de tout, comment pourrait-elle survivre ?

Vaincue par l'épuisement et le désespoir, elle sombra dans un état léthargique.

Quand elle retrouva ses esprits, la tempête avait cessé. Elle ne savait pas pendant combien de temps elle était restée semi-inconsciente. Son premier réflexe fut de se rendre à l'endroit où se trouvait le corps de son guide. Elle ne voyait pas comment il aurait pu survivre dans ces conditions. Il était très certainement déjà mort et elle devrait cacher son corps dans les taillis car elle n'avait rien pour l'enterrer. Elle devrait également recouvrir l'Albus de terre car s'il était découvert, ce serait une catastrophe pour sa colonie. Sans outils, sans rien, cette tâche lui parut insurmontable.

A sa grande stupéfaction, son guide respirait encore. S'il existait un espoir de le sauver sans faire naître le moindre soupçon auprès des Terriens, elle devait le tenter.

2

David Ripley achevait de remettre en place un volet arraché par la tempête quand il entendit aboyer les chiens. Il se retourna et vit au loin une jeune fille accourir dans sa direction. Malgré la distance, il la reconnut immédiatement à ses vêtements : il s'agissait de la jeune fille rencontrée le matin même. Intrigué et inquiet à la fois de la voir revenir, seule de surcroît, il se précipita à sa rencontre.

-Mon père est blessé ! cria-t-elle.

En fait, il ignorait à la fois leur nom et ce lien de parenté. Ils ne s'étaient tout simplement pas présentés.

-Vous avez un véhicule ? cria-t-elle à nouveau. Cela nous rapprochera.

-Désolé ! répondit-il d'un air navré. Je n'en ai pas.

" Je devais m'y attendre, se dit la jeune fille. Il ne possède évidemment pas son permis de conduire. "

-Je le porterai, lui dit le jeune homme en lui emboîtant le pas dans la direction d'où elle était venue.

En chemin, tout en courant à ses côtés, il lui demanda dans quel état se trouvait son père. Sa réponse ne fut guère rassurante. Puis il se présenta enfin et il lui demanda leurs noms. Elle lui donna seulement leurs prénoms.

L'extraterrestre s'était beaucoup dépensée physiquement et nerveusement. Elle était épuisée. Elle ralentit rapidement la cadence et David dût même l'aider à franchir les passages difficiles. Le berger ne lui posa plus de questions ; elle était trop essoufflée pour répondre d'une manière intelligible.

Daniel Morrison était toujours vivant. Le garçon lui souleva ses paupières et lui prit son pouls. Puis il lui retira sa casquette et passa ses doigts au-dessus de sa tempe.

-Hémorragie interne ! lâcha-t-il avec gravité. Il faut faire vite !

Il se saisit aussitôt du blessé, remonta péniblement la pente jusqu'au chemin qu'il dévala à toutes jambes, malgré sa charge. La Mégasienne suivit son allure comme elle le put, sans comprendre, trébuchant plusieurs fois à cause de la fatigue, se relevant et repartant pour retomber plus loin.

David Ripley s'engouffra dans sa cabane, déposa la victime sur la table et s'empressa de faire bouillir de l'eau sur le réchaud à gaz. Puis il se laissa tomber d'épuisement sur une chaise. Krystia arriva à son tour, haletante, s'agenouilla et attendit de reprendre son souffle avant de demander :

-Qu'allez-vous faire ?

-Je vais l'opérer !

-Mais vous êtes fou ! s'indigna-t-elle. Vous n'êtes pas chirurgien, mais un simple berger ! Vous allez le tuer !

-Si je ne tente rien, dans moins d'un quart d'heure il sera mort !

La fille accusa le coup. Le cas de son guide était désespéré, elle s'en rendait parfaitement bien compte.

-Je vous interdis de le charcuter ! se révolta-t-elle. Laissez-le mourir en paix !

A présent, elle s'en voulait terriblement d'avoir fait appel à ce jeune imbécile. Maintenant, il allait avertir tout son village et déclencher un formidable séisme lorsque l'autopsie révélerait la nature extraterrestre de la victime ! Comme si elle n'avait pas encore assez d'ennuis comme cela !

-Je suis chirurgien, je vais le sauver ! déclara le berger à la stupéfaction de la jeune fille.

Puis il se leva avec détermination, sortit d'une armoire une blouse blanche, des gants caoutchoutés, tout le nécessaire afférent à sa profession. Il déposa ses instruments en métal dans la casserole où l'eau commençait à frémir.

-Ne restez pas plantée là ! Aidez-moi à moi à revêtir ma tenue !

L'extraterrestre semblait avoir perdu la parole. Elle obéit aux ordres comme un automate, sans prononcer un mot.

-Couvrez-vous la tête et mettez ce masque. J'aurai besoin de vous pour m'éponger le front avec ces compresses. Mais si vous êtes trop sensible, vous pouvez sortir, j'essaierai de me débrouiller seul.

-Vous ne pouvez pas être chirurgien ? parvint-elle à dire en s'exécutant à nouveau. Vous êtes si jeune !

-J'ai vingt cinq ans et plusieurs années d'avance sur mes camarades de cours. J'ai déjà opéré avec succès une hémorragie cérébrale.

A ce moment-là, Krystia découvrit l'ordinateur, les étagères pleines d'ouvrages médicaux, divers appareils qui n'avaient pas leur place dans une cabane de berger, mais plutôt dans un bloc opératoire.

Le chirurgien alluma les lampes au krypton. Une lumière froide inonda la pièce.

Avec son scalpel maintenant stérilisé, il incisa la partie du crâne fracturée. Lorsqu'il mit à nu le lobe occipital, il poussa un cri de surprise et se figea.

-Mais il n'est pas humain ! s'écria-t-il au comble de la stupéfaction.

Son regard atterré croisa celui guère plus rassuré de l'extraterrestre.

-Nous sommes des humains, mais pas des Terriens, rectifia cette dernière avec un certain embarras.

David se fit violence pour se ressaisir immédiatement. Le temps pressait.

-Epongez-moi le front, je vais retirer ces caillots de sang.

Les différences biologiques n'étaient pas très grandes, mais le jeune homme s'avançait en terrain inconnu. Il travaillait sur la partie la plus délicate du corps humain. Le plus difficile fut de stopper les lésions.

Son assistante connaissait les noms de tous les instruments qu'il lui demandait de lui passer et de stériliser à nouveau. Il lui demanda à plusieurs reprises de lui en tenir dans diverses positions ou d'écarter certains organes. Elle avait le geste sûr et possédait incontestablement de très bonnes connaissances médicales.

-Nous avons réussi ! dit le chirurgien après son dernier point de couture.

-Vous avez réussi ! corrigea Krystia. Un véritable exploit ! Inimaginable ! Je n'en reviens pas !

Ils posèrent une compresse sur la partie opérée puis la fixèrent à l'aide d'un bandage.

Le Terrien fit alors deux pas en arrière et s'écroula sur une chaise, la tête en arrière, les yeux clos.

-David ! Que t'arrive-t-il ? s'écria la Mégasienne, affolée, en se précipitant vers lui.

-C'est la tension nerveuse, ne t'inquiète pas. Ca va aller.

Elle lui enleva son masque et posa les mains sur ses épaules. Il ouvrit les yeux et lui sourit. L'inconnue lui rendit son sourire.

-Il s'en sortira, c'est certain, lui confirma-t-il. Mais il gardera des séquelles de son accident. Rien de bien méchant, de petites pertes de mémoire ou bien…

-Il n'y aura pas de séquelles ! le coupa-t-elle. Nos chirurgiens mégasiens vont reconstituer les cellules détruites, les neurones et les connections entre elles. Notre patient va retrouver toutes ses facultés. Mais j'ai un aveu à te faire, David : cet homme n'est pas mon père !

-Mais alors, à quoi rime cette comédie ?

Elle lui en expliqua longuement la raison, n'omettant pas de lui signaler au passage l'épisode amusant de l'effacement du souvenir de sa gaffe matinale.

-Tu comprends, conclut-elle. Les jeunes sont généralement insouciants et imprudents. Si on les lâche dans votre monde, ils finiront involontairement par révéler notre présence sur Terre. Ici, nous ne sommes pas chez nous ! Réfléchis bien à cela : il vaut mieux pour vous que nous n'intervenions pas, en aucune manière. Nous ne pourrons pas régler vos problèmes, bien au contraire !

-Chacun sa route, chacun son destin !

-Exactement !

David prit un air ennuyé.

-Moi aussi, j'ai des aveux à te faire, Krystia. Avant tout, je tiens à te rassurer. Cela ne met absolument pas en cause le succès de mon intervention. Ton guide est bel et bien hors de danger. Mais je t'ai menti !

-Tu n'est pas chirurgien et tu n'as pas vingt cinq ans ! Je m'en doutais !

-J'ai en effet anticipé ces événements. Il me reste encore cinq années d'études à accomplir pour le devenir et j'ai vingt ans.

-Mais je t'ai vu opérer un extraterrestre avec la maestria d'un grand professeur ! s'étonna son admiratrice.

-Je me suis beaucoup entraîné sur des moutons blessés, malades ou morts. Cela m'a permis d'acquérir une parfaite maîtrise et une grande dextérité. Heureusement, sinon je n'avais aucune chance de sauver ton examinateur.

L'adolescent prit un air soucieux.

-Dis-moi, Krystia, quand il se réveillera, il découvrira la vérité. Tu as laissé un Terrien l'opérer et donc maintenant, je suis au courant de votre présence sur Terre. Tu risques d'être recalée à ton examen.

Son amie éclata de rire.

-Certainement pas ! Nous lui avons sauvé la vie et tu vas tenir ta langue, n'est-ce-pas ?

-Promis, juré !

-Et tu as une tronçonneuse ?

-Bien sûr, mais je ne vois pas le rapport !

-Tu vas dégager l'entrée de l'Albus et ainsi me permettre d'appeler les secours mégasiens.

-Vous allez effacer de mon esprit tous mes souvenirs de la journée, comme ton guide l'a fait ce matin avec moi ?

-Après les services inestimables que tu nous as rendus ? Tu as sauvé l'un des nôtres et l'Albus. Notre appareil serait forcément tombé un jour ou l'autre entre les mains des Terriens. Tu imagines les conséquences ? Non, c'est impossible ! Les Mégasiens ont un sens moral beaucoup plus élevé que celui de tes semblables. Mais toi, tu es différent, nous te considérerons désormais comme l'un des nôtres.

-Tu as l'air bien sûre de toi !

-Quand tu nous connaîtras mieux, tu comprendras pourquoi.

La nuit tombait ; il était trop tard pour aller dégager l'entrée de l'ovni. Ils se chargeraient de cette opération le lendemain à l'aube. Ils installèrent leur patient, endormi pour plusieurs heures sous l'effet des anesthésiques, sur l'une des trois couchettes situées dans la seule pièce de la cabane et préparèrent ensemble le repas du soir. L'ambiance était chaleureuse, le moral au beau fixe.

 

3

La nuit avait effacé toutes les traces de la fatigue de la veille.

Daniel Morrison fut le premier à se réveiller, surpris de se retrouver dans une pièce étrange et rustique et entouré d'appareils terriens, apparemment de haute technologie. Il avait la sensation d'avoir été drogué, de flotter. Il porta la main à sa tête et se rendit compte immédiatement de l'état dans lequel il se trouvait, de la gravité de sa blessure, mais aussi qu'il avait été soigné. Par des Terriens ou par des Mégasiens ? Là était la question. Avec difficulté et lenteur, il réussit à tourner légèrement la tête à droite et constata la présence dans les deux autres couchettes d'un représentant de chacune des deux races. Il les reconnut instantanément et en fut en partie soulagé ; son cerveau fonctionnait bien et il ne se trouvait pas dans un hôpital terrien. Mais il ignorait tout de la situation.

-Krystia ! souffla-t-il.

A cet appel, les deux adolescents se réveillèrent.

La jeune fille tenta de le réconforter.

-Tout va bien, le rassura-t-elle. Nous revenons de loin, de très loin. Tout va s'arranger, grâce à David.

-David ?

-Oui, le berger. En réalité, c'est un futur chirurgien ; il en a déjà les compétences. Il vous a opéré. Vous aviez une hémorragie interne. Il vous restait quelques minutes à vivre. L'opération a été longue et compliquée et notre anatomie lui est inconnue, mais il a réussi !

-Nous avons réussi ! rectifia son héros. Krystia m'a beaucoup aidé. Elle possède de très bonnes connaissances en la matière.

-Moi aussi, je suis une formation médicale, précisa l'intéressée. C'est une chance !

L'élève fit le point complet à son instructeur. Elle ne lui cacha rien. Ce dernier débordait de reconnaissance envers les deux admirables adolescents.

-Krystia, fit son guide, je vais être indisponible pendant quelques semaines. David est le mieux placé pour terminer mon travail. Je vais le proposer auprès de notre chef pour me remplacer, s'il est d'accord évidemment.

-Mais, mes études ?

Daniel Morrison sourit.

-Nous assurerons votre formation. Dans un an, vous serez le meilleur chirurgien terrien et peut-être même, humain.

-Nous vivons principalement dans une base du New Hampshire, lui rappela son amie. Je te la ferai visiter. Mais rien ne nous interdit de parcourir le monde et même de voyager dans l'espace.

-Comment pourrais-je refuser une telle proposition ?

Daniel Morrison était resté couché, mais les chiens montaient la garde devant la cabane du berger. Ses sauveteurs s'étaient rendus dans la clairière où David, muni d'une tronçonneuse, coupa d'abord les branches du sapin avant de s'attaquer au tronc. Son amie l'aidait en faisant place nette sur toute la surface supérieure de l'Albus.

Après plus d'une heure d'efforts conjugués, l'entrée était dégagée. Krystia l'ouvrit à l'aide de la télécommande et invita avec un plaisir non dissimulé son ami Terrien à entrer dans l'ovni.

L'appareil était de petite dimension, mais le jeune homme fut vivement impressionné par tout ce concentré de technologie futuriste.

La Mégasienne mit le contact radio et appela sa base. Elle parlait en anglais à son interlocuteur et après l'avoir rassuré sur le sort de l'engin et de ses occupants, car ses semblables étaient tous très inquiets par leur absence de nouvelles, elle fit un rapport très détaillé de la situation.

-Regagnez tous les deux la cabane, nous envoyons immédiatement une équipe pour récupérer Daniel et l'Albus ! conclut la voix de l'extraterrestre.

Une heure et demie plus tard, les chiens aboyèrent à nouveau.

Les deux amis inséparables sortirent et virent un point grossir dans le ciel. En réalité, ils eurent beaucoup de mal à le distinguer car il se confondait avec sa couleur, passant d'un bleu très clair au blanc laiteux.

-Vos vaisseaux sont toujours recouverts de cette tenue de camouflage ? demanda David.

-Oui, mais depuis peu. Ils sont également indétectables aux radars. Malgré tout, nous évitons de sortir de jour, surtout si le temps est beau comme aujourd'hui. Il faut vraiment des circonstances spéciales.

Cet engin était identique à celui visité par le jeune étudiant en médecine. Il se posa avec douceur et en silence, à quelques mètres d'eux. Deux hommes et une femme en descendirent. Le plus grand des trois portait un uniforme. Il s'approcha des deux jeunes gens et leur tendit la main en souriant.

-Je suis Hugh Walken, le responsable de la communauté mégasienne et voici Karen et Greg. Je connais bien évidemment notre petite Krystia et je suis heureux de faire la connaissance de son ami David.

-Enchanté ! répondit simplement le jeune homme en leur serrant la main.

-Et moi donc ! J'ai tenu à faire spécialement le déplacement pour vous remercier d'avoir sauvé Daniel et l'Albus, mais aussi pour faire votre connaissance et dans quelques jours, j'aurai le plaisir de vous accueillir dans notre base où vous serez chez vous, si vous nous faites l'honneur de votre visite.

-Je vous remercie et j'accepte votre invitation avec joie.

-Tout notre savoir sera à votre disposition. Vous deviendrez un très grand chirurgien, je n'en doute pas. Pouvez-vous nous conduire jusqu'à notre convalescent ?

-Suivez-moi ! Il voulait se lever, mais je le lui ai interdit. Il est sous ma responsabilité, vous comprenez !

-Je vous comprends. Un malade ou un blessé doit toujours suivre les conseils de son médecin.

David ouvrit la porte de sa modeste demeure et invita le chef mégasien à entrer en premier.

Le blessé se dressa sur un coude à leur arrivée.

-Non, reste couché ! lui ordonna son responsable, tu dois rester allongé. N'est-ce-pas docteur Ripley?

-Absolument !

-Tout est de ma faute ! se lamenta le malheureux guide. Je n'aurais jamais dû m'aventurer ici avec mon élève après avoir pris connaissance du bulletin météo. La montagne est encore plus dangereuse en cas de mauvais temps. Je me suis fait surprendre comme un débutant par une bourrasque et par la roche mouillée.

-La radio a parlé de vent fort, mais pas de tempête, souligna le médecin pour redonner le moral à son patient rongé par le remord, sinon je ne vous aurais pas laissés repartir.

-Il n'y a pas eu de dommages irrémédiables, fit le président du Conseil sur un ton rassurant et c'est bien là l'essentiel. Au contraire, ces péripéties nous ont permis d'accueillir dans notre communauté un élément de très grande valeur et un ami sûr et inestimable, n'est-ce-pas Krystia ?

La jeune fille rougit. L'ami en question lui passa le bras autour de ses épaules et déclara :

-Votre étudiante en médecine ne l'a pas spécifié dans son rapport, mais elle m'a assisté avec une très grande efficacité lors de mon opération. Sans son aide, je n'aurais jamais réussi à sauver mon patient. Je tenais à vous le préciser.

La Mégasienne était devenue écarlate. Le futur chirurgien l'attira légèrement à lui et il lui sourit.

-Nous formons une bonne équipe, déclara ce dernier. Je pense que je vais me plaire chez vous.

Krystia lui rendit son sourire.

-Hugh, dit-elle sans détacher son regard de celui de son ami, l'inspecteur Morrison a une proposition à vous faire.

-En effet, confirma ce dernier. Durant ma courte indisponibilité, David sera certainement le mieux placé pour continuer mon travail.

-Accepté ! approuva leur chef. Krystia, à partir de cette minute, vous avez un nouveau guide.

-Merci à vous tous ! fit la jeune élève, émue presque jusqu'aux larmes.

David n'avait jamais quitté le plancher des vaches. Son baptême de l'air, il le fit dans un ovni en conduisant ses occupants à l'endroit où était situé l'Albus. Ce dernier avait été un peu cabossé par la chute du sapin, mais il était en parfait état de vol. Les deux engins mirent le cap sur leur base après avoir déposé le nouveau couple terramégasien devant la cabane.

Le lendemain, le berger et sa bergère reconduisirent le troupeau à la ferme paternelle où David apprit à ses parents éberlués qu'il avait fait la rencontre de sa vie, mais sans révéler l'origine de sa compagne. Sur son avenir, il resta très vague mais les assura de la poursuite de ses études dans un établissement spécialisé réservé aux étudiants surdoués. Malheureusement, pour des raisons classées " secret défense ", il lui était interdit d'en dire plus.

Après une bonne nuit de sommeil passée dans la chambre de David, l'instructeur conduisit son élève en ville pour continuer son initiation.

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