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LE RÊVE BLEU poèmes nouvelles

BONJOUR et BIENVENUE ! Alain Gautron

Imagination que tout cela ! Posté le Lundi 8 Décembre 2008 à 10h12

La folle du logis

 

Ce matin-là, j'étais allé en ville acheter une baguette pour midi et je rentrais tranquillement chez moi. Il faisait beau. On était au début du mois de juillet, et les vacanciers et les curistes commençaient à affluer. Divonne les Bains est une petite ville thermale très agréable. La proximité de la Suisse avec le Léman, ainsi que celle des monts Jura en font un lieu de villégiature idéal.

En passant près du casino, je remarquai, sur le côté, non loin de l'entrée de service, un fourgon de la Brinks en stationnement près d'une porte dérobée.

C'était la première fois que je remarquais cette porte. Elle devait probablement communiquer avec la salle du coffre, en tout cas c'est ce que j'imaginais.

Ah ! l' imagination ! Il faut dire avant toute chose que chez moi, elle est plutôt … débordante. Au moindre fait de la vie quotidienne, un oiseau qui s'envole, un quidam qui passe dans la rue, j'attribue les causes et les conséquences les plus rocambolesques. C'est plus fort que moi, je ne puis m'en empêcher. Les suppositions s'enchaînent d'elles-mêmes à toute vitesse dans mon esprit, échafaudant toutes sortes d'histoires extravagantes. A vrai dire, même si cette manie agace quelque peu mon entourage, j'avoue prendre beaucoup de plaisir à cette sorte de rêve éveillé. C'est pour moi un jeu inoffensif, une passionnante détente.

Pour en revenir à la scène qui s'offrait à mes yeux, nulle présence n'était visible, ni près du fourgon, ni à l'intérieur. La porte était close, fermée à clé, c'était certain. Elle me faisait d'ailleurs l'effet, sage précaution, d'être une porte blindée. De très fortes sommes d'argent transitent par les casinos, c'est bien connu.

Le parc qui entoure le domaine du casino s'orne de superbes massifs ombragés de platanes et hêtres centenaires. A une cinquantaine de mètres du fourgon, un jardinier était occupé à désherber  des rosiers. Il paraissait avoir la quarantaine. Il me semblait à son air bizarre que quelque chose le préoccupait. Il jetait de temps à autre un regard au véhicule, paraissant attendre un signal. Celui de l'ouverture de la porte, à n'en pas douter.

Pour mieux observer la suite des événements, je décidai de m'installer sur un banc, mais à distance respectable, on ne sait jamais. Afin de me donner une contenance, je tirai de ma poche un prospectus donné par la boulangère et me mis en devoir de faire semblant de le lire.

Le jardinier avait maintenant changé de massif et se trouvait plus près du fourgon, à trois mètres environ. La poche gauche de son tablier présentait un renflement suspect. Je pensai immédiatement à quelque arme de gros calibre.

Un peu plus loin, près de la grille d'entrée du parc donnant sur la rue, une femme en manteau noir faisait les cent pas depuis un bon moment. Attendait-elle quelqu'un ou quelque chose ? Elle portait à la main un étui à violon et regardait fréquemment sa montre. Mais que contenait cet étui ? Elle était jeune, très élégante, les yeux dissimulés derrière des lunettes noires. Elle aussi, furtivement, tournait de temps en temps la tête en direction du fourgon. Tous ses gestes trahissaient une nervosité difficilement contenue.

Je me dis que cette femme et le jardinier étaient assurément complices. Dès que la porte allait s'ouvrir, elle et le jardinier allaient ouvrir le feu, ou se jeter sur le convoyeur. C'était l'évidence. Et peut-être n'étaient-ils pas seuls. Il y avait certainement, cachés dans les épaisses haies de lauriers des tireurs embusqués, armés de lance rockets. C'est en effet ce genre d'arme qui est couramment utilisé par les malfaiteurs pour percer les blindages. J'avais il y a peu de temps  lu un article sur ce sujet. Je scrutai les haies sans rien y découvrir de suspect, ce qui me parut normal : ces gens-là sont très « professionnels », donc soigneusement dissimulés !

La porte allait s'ouvrir d'un moment à l'autre. Que se passait-il à l'intérieur ? Les employés de la Brinks se doutaient-ils que leurs moindres faits et gestes étaient épiés ? Songeaient-ils qu'ils étaient peut-être en train de vivre leurs derniers instants ?

Mais un autre fait m'intrigua soudain : d'habitude, l'un des deux convoyeurs reste à l'extérieur tandis que l'autre entre dans le bâtiment puis revient placer l'argent dans le fourgon. Ici, aucune trace du premier homme. J'en conclus donc qu'il avait dû être éliminé. Tué, corrompu ou même, pourquoi pas, complice des malfaiteurs ? En ce cas, dès que son collègue avait pénétré à l'intérieur du casino, il avait dû filer à l'anglaise. Etait-ce lui qui se trouvait au volant de la Mercedes grise stationnée de l'autre côté de la rue, en train de lire un journal ? C'était vraisemblable, car un coup de feu, une bagarre auraient alerté les passants, surtout à cette heure de la journée … et puis cette voiture leur permettrait, leur forfait accompli, de prendre rapidement la fuite. On retrouverait ensuite la Mercedes incendiée dans quelque carrière ou ravin. Tous les voleurs agissent ainsi.

 

Je me mis soudain à rire tout seul. Quel rêveur j'étais ! Pour imaginer des choses pareilles, il faut vraiment avoir un petit grain ! On me le dit quelquefois. Peut-être devrais-je consulter un psychologue … J'y songerai.

Il était midi et demie, et ma femme devait se demander ce que j'étais devenu. Elle avait l'habitude, mais tout de même ! Je me levai de mon banc. Allons, en route !

Quand la femme a tiré la première rafale, j'ai compris que la porte du casino venait de s'ouvrir.

 

Alain Gautron

 

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