L'important, c'est …
Il se nommait
En possédait le teint, la candeur et le charme.
Aimable de surcroît, toujours de bonne humeur,
Pourtant, le croirez-vous,
En le voyant passer, surtout les demoiselles,
Chacun se retournait, ravi, comme envoûté.
« Quel garçon merveilleux ! me confia l'une d'elles,
Fasse le ciel qu'un jour il me vienne arrêter ! »
Je dus la détromper : il n'arrêtait personne.
Et d'ailleurs, à quoi bon ? Pour lui faire plaisir,
On respectait la loi. Je sais, cela étonne,
Mais lorsque tout va bien, rien ne sert de sévir.
Les conducteurs pressés réduisaient leur vitesse
En le saluant bas, et les truands locaux
Pour ne pas le froisser, se rendaient à la messe,
Jurant de s'amender, repentants et penauds.
Lui récitait des vers, juché sur son vélo,
Allant de-ci de-là par les champs et la ville,
Prodiguant à chacun gentillesse et bon mot.
Ainsi vivait-on là bienheureux et tranquille.
Quand cet état de fait s'étala dans la presse,
Lors d'une grande fête on le félicita,
Mais son ministre lui souffla que ses prouesses
Ne remplissaient en rien les caisses de l'Etat :
« Vous n'êtes point payé pour être philanthrope ! »
Mais lui n'écoutait pas : une belle aux yeux verts
Fendait vers lui la foule. Il sourit : « Calliope ! »*
Ils se prirent la main, il y eut un éclair.
A la seconde même ils avaient disparu.
On ne les revit pas, mais depuis cette affaire,
Il court une rumeur que, d'un air entendu,
On évite les roses en certains ministères !
*Muse de la poésie
Alain Gautron