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science fiction

science fiction SF

science fiction Publié le Samedi 15 Mars 2008 à 13:46:29

ImageImagewww.ava-anice-fiction.org ImageImageIl y a 200 000 ans, l'homo sapiens a été ensemencé dans notre galaxie par une race aujourd'hui disparue. L'une de ces civilisations vient d'arriver sur la Terre. Ces humains vivent parmi nous, sans révéler leur présence. Mais dans des circonstances exceptionnelles, ils peuvent nous contacter ou nous découvrons leur existence….

J'ai regroupé ces aventures dans deux recueils de nouvelles et trois romans, dont deux sont publiés aux Editions Thélès. " Retour sur Méga " et toutes mes nouvelles " Les visiteurs stellaires " et " Nos amis venus d'ailleurs " sont en lecture gratuite sur www.lecturegratuitepourtous.com

Mes romans " Objectif Terre " et " Pour une autre Terre " sont en vente chez www.amazon.fr

Pierre Chonion  LES GENS DU VILLAGE

1

Vous n'êtes jamais allés à Hautchamp et vous n'irez probablement jamais dans ce petit village de Corrèze comptant seulement soixante quinze habitants. Il y a vingt ans, il était totalement abandonné. Puis des gens ont acquis les bâtiments, souvent en ruines et les terrains, pour s'y fixer définitivement, loin du bruit et de la pollution. Ils ont tout remis en état et amélioré, sans chercher le superflu, et cela sans réclamer une quelconque aide publique. S'ils ne sont pas agriculteurs ou éleveurs, ceux de la seconde génération sont certainement employés dans la seule entreprise de la commune, une laiterie où l'on produit accessoirement d'excellents fromages. Car aussi étonnant que cela paraisse, personne, dans ce paisible village n'est allé vivre, ni même travailler ailleurs et personne de l'extérieur n'y a exercé un emploi.

Rien n'a été fait pour attirer les touristes ou les visiteurs. Il n'y a ni hôtel, ni bar, ni restaurant, mais un seul commerce où l'on trouve tous les produits nécessaires à la vie courante. Ne comptez pas acheter là-bas une habitation ou un terrain pour la construire, tout a été vendu il y a deux décennies et depuis, il n'y a rien à vendre.

Il n'y a pas d'école. Chaque journée scolaire, un bus part de la place du village et emmène les élèves à l'école primaire et au lycée de Médoc, la petite ville voisine distante de vingt sept kilomètres. Le chauffeur est également le gérant du magasin. Le matin, il revient à Hautchamp et ramène les produits destinés à être vendus par lui et par son épouse et le soir, les enfants et les adolescents prennent place pour le retour.

Si le matériel agricole est moderne, les techniques utilisées sont traditionnelles. Mais surtout, les engrais chimiques, les désherbants et les semences jugés néfastes à l'environnement sont totalement proscrits. La laiterie est un modèle en matière d'hygiène et ses rejets polluants sont inexistants. D'ailleurs, les spécialistes chargés d'enregistrer les taux de pollutions n'en ont jamais trouvé de traces mesurables, aussi bien dans le torrent qui la longe que dans l'air ambiant. Les pêcheurs et les randonneurs sont donc les seuls à traverser occasionnellement le village, mais sans s'y attarder, car rien ne les retient ici, surtout pas ces montagnards peu volubiles qui ne semblent pas apprécier l'intrusion de ces étrangers.

En fait, cet endroit inhospitalier est un véritable cul-de-sac. La seule route bitumée s'arrête sur la place du village. Pour se rendre dans les fermes et dans les bergeries, il faut utiliser des chemins sans issue, toujours bien entretenus par ces autochtones vivant en semi-autarcie, à l'écart du monde.

Les hautchampais ne sont pas accueillants, mais la nature ici, l'est encore moins. Peu de végétation, une forte érosion, pas de site intéressant à voir. Les rares visiteurs savent pourquoi ils ne reviennent généralement pas.

Les incursions en ville sont très rares et extrêmement brèves, toujours dictées par des raisons administratives, mais jamais judiciaires. Du reste, il n'y a jamais eu de problème avec des membres de cette communauté énigmatique, ni entre eux, d'après le peu de renseignements glanés ici et là. Evidemment, tout le monde se pose des questions. S'il s'agissait d'une secte ou d'une communauté religieuse ? Le chef de la police en personne a mené sa propre enquête, discrète, peut-être trop, car pas l'ombre d'une preuve n'est venue étayer ses présomptions. Alors, comment expliquer ce comportement étrange et aussi peu sociable ? Pourtant, ils se montrent toujours très polis, répondent si on leur parle, certes brièvement, mais sans chercher à se dérober à leur interlocuteur et sont toujours prêts à rendre service si on le leur demande. Par contre, eux ne demandent jamais rien aux autres, mais entre eux, si. Et lorsqu'ils sont ensemble, ils se montrent au contraire, extrêmement sociables.

Dans les deux établissements scolaires de la ville, il en va de même. En classe, dans la cour de récréation ou à la cantine, les jeunes hautchampais restent toujours ensemble. Ils forment des groupes distincts et ne se mêlent jamais aux autres élèves, sauf s'ils ne peuvent pas faire autrement du fait de cette vie en collectivité à laquelle ils ne peuvent pas échapper.

Céline Granger, la fille de l'un des trois médecins de la ville, lycéenne en première, quitte précisément deux de ses camarades de classe, citadines comme elle et passe à proximité de l'un de ces groupes hautchampais pour rejoindre sa meilleure amie, Muriel, qu'elle vient d'apercevoir de l'autre côté de la cour. Pas un seul regard pour elle, évidemment. C'est comme si elle n'existait pas. Mais cette indifférence ne la gêne pas ; depuis le temps, elle s'y est habituée.

-Muriel, samedi, je fête mon anniversaire, je peux compter sur ta présence ?

-Bien entendu ! J'y ai toujours participé, comme toi d'ailleurs au mien.

-C'est normal, nous avons toujours été les meilleures amies du monde. Depuis la maternelle, nous nous sommes toujours retrouvées dans la même classe. Onze ans déjà !

-Avec Alban, nous sommes trois dans ce cas.

-Alban ? Si je l'invitais !

-Mais tu n'y penses pas Céline, c'est un hautchampais ! Il ne viendra jamais ! Tu l'imagines se mêler à la fête ? C'est totalement impensable.

-Nous n'avons jamais fait le premier pas. Peut-être que si nous leur tendons la main…

-Eux non plus, la coupa Muriel. Jamais en vingt ans ! Ces gens-là nous ignorent, ignorons-les !

-Je vais quand même le lui demander, simplement pour voir sa réaction. Et s'il acceptait ?

-J'en serais la première surprise. Mais si tu as du temps à perdre !

Céline recherche ce garçon du regard dans l'un de ces groupes inassimilables. Il n'est pas aisé à repérer, car autre particularité étonnante, elle ne se souviens jamais avoir vu parmi eux ou elles, des gros ou des maigres, des grands ou des petits, des blonds ou des bruns. Ils ont tous des cheveux châtains, plus ou moins clairs. Finalement, elle le reconnaît grâce à son tee-shirt jaune.

Elle se rend dans sa direction et, arrivée près de lui, l'interpelle de sa voix la plus douce afin de ne pas l'effrayer.

-Alban, pourrais-je te parler un instant ?

Il sursaute, se retourne brusquement et la dévisage comme s'il la voyait pour la première fois. Les autres aussi semblent interloqués.

Elle le prend par le bras et l'entraîne à l'écart. Il la suit d'une démarche hésitante.

-Alban, il y a un point commun entre toi, moi et Muriel.

-Nous avons toujours été dans la même classe, répond-t-il après un court instant de réflexion. A ma connaissance, il n'y a personne d'autre.

-Samedi après-midi, je fête mes seize ans, lui annonce-t-elle en confirmant sa bonne réponse par un hochement de tête. Je serais heureuse si tu pouvais te joindre à nous. Tu connais tous mes invités.

Le garçon se fige. Il met un long moment avant de se remettre de sa surprise.

-Mais je n'ai jamais rien fait pour toi et tes amis me détestent !

-Tu te trompes, lui affirme-t-elle. Ils ne te détestent pas, ils te sont aussi indifférents que toi tu l'es envers eux. Cette situation ne peux plus durer. J'ai fait le premier pas. Tu peux faire le second, si toi aussi tu veux faire changer les choses, mais rien ne t'y oblige.

Le hautchampais est à présent complètement décontenancé. Les autres les observent de loin, dans le même état de stupéfaction, sans pouvoir saisir un seul mot de leur conversation.

-Si je viens, je vais rester seul dans mon coin et tous tes amis vont se moquer de moi, lui rétorque-t-il. Tu veux donc me ridiculiser à leurs yeux ? Si c'est là ton intention, je ne marche pas.

-Alban, je t'en prie ! Encore une fois, tu te trompes. Je te promets de rester avec toi pendant la plus grande partie de la soirée et si par moments je dois te laisser, Muriel te tiendra compagnie.

Elle regrette aussitôt de s'être autant avancée, mais maintenant, il est trop tard pour reculer.

L'adolescent, en proie à de multiples tiraillements, hésite longuement avant de donner sa réponse. Finalement, il prend une décision à laquelle la jeune fille n'avait jamais vraiment crue.

-Alors, je viendrai, Céline. Je te remercie pour ton invitation.

Il lui met la main sur son épaule et ajoute :

-Moi aussi, je ferai l'effort pour me rapprocher de toi.

Même s'ils n'ont pas saisi leurs paroles, " ceux d'en haut ", comme on les appelle communément dans la région, restent médusés, comme l'est également Muriel, venue à leur rencontre. En découvrant le sourire radieux de sa copine, elle comprend.

-Alors, Alban, tu viendras ?

-Seulement si toi aussi, tu acceptes de me tenir compagnie, répond-il en arborant le même sourire.

-Ce sera avec un grand plaisir.

Tous les élèves et les deux professeurs présents dans la cour à ce moment historique, regardent cette scène avec incrédulité. Pour la première fois depuis vingt ans, un groupe formé des membres de ces deux populations antagonistes vient de se former volontairement et en plus, ils rient.

Le secret a été bien gardé. Aussi, la surprise est-elle totale. Quand le dernier invité se présente devant l'entrée de la propriété du docteur Granger, les participants à la fête n'en croient pas leurs yeux. Céline et Muriel viennent accueillir leur désormais camarade de classe avec une joie non dissimulée, le gratifiant au passage d'une bise qu'il leur rend. Quelques uns commencent à s'approcher lentement du nouvel arrivant.

-Vous connaissez tous Alban, lance leur hôtesse à la cantonade. Approchez, il ne vous mordra pas.

D'autres viennent les rejoindre.

-A ma connaissance, continue Muriel, Alban est le premier hautchampais à tenter de se rapprocher de nous. Et croyez-moi, c'est beaucoup plus difficile pour lui que pour nous. Alors, mettons-y également du nôtre !

Ces paroles d'encouragement, pleines d'espoir, atteignent leur but. Les dix huit adolescents ne forment bientôt plus qu'un seul groupe.

Céline et son amie tiennent leur promesse. Elles restent tout l'après-midi avec l'invité surprise de la première. Pour lui comme pour les autres, ce n'est pas évident de communiquer avec quelqu'un d'aussi différent et distant à qui l'on a pratiquement jamais adressé la parole, malgré des années de vie scolaire commune. Mais la volonté de nouer le contact est réelle de part et d'autre. Les tentatives de dialogue sont timides, les progrès lents, et à la fin de la journée, l'incompréhension a nettement régressé. Il faudra beaucoup de temps pour combler ce gouffre, tant " ceux d'en haut " sont à ce point différents. Les plus motivés promettent de poursuivre dans cette voie.

Lorsque tous les invités sont partis, Alban reste avec les deux filles pour les aider à tout remettre en ordre. Ils se retrouvent à nouveau tous les trois, comme le jour de l'invitation. Le docteur est en visite chez ses patients. La mère de Céline, séparée de lui depuis un an, occupe la même profession à Concarneau.

-Le problème, ce n'est pas vous, dit-il d'un air navré, c'est moi. Vous, vous êtes ouverts, je m'en suis rendu compte cet après-midi, mais moi, je ne le suis pas. Personne ne l'est chez nous, du moins pas avec vous. Je n'ai pas osé leur dire que j'allais participer à votre fête, ils n'auraient pas compris.

-Mais pourquoi avez-vous dressé ce mur entre nous ? demande Muriel avec insistance. Il y a bien une raison !

-Il y en a une, en effet. Mais je n'ai pas le droit de vous la dévoiler. J'en suis désolé.

-Nous avons fait quelque chose de mal ? s'inquiète Céline.

-Non, nous n'avons rien à vous reprocher, ni à vous, ni à nous-mêmes et il n'y a pas de crainte à avoir, ni d'un côté, ni de l'autre, tant que ce secret sera bien gardé. Mais je vous en prie, ne m'en demandez pas plus, cette situation me met déjà très mal à l'aise.

-Tu n'apprécies pas notre compagnie ? s'offusque Muriel.

-Mais si, et tout particulièrement la vôtre ! Mais j'ai l'impression d'avoir trahi les miens. J'ai brisé un tabou en venant m'intégrer à votre groupe. Ils vont forcément l'apprendre ; je crains leur réaction.

-Ils vont te sanctionner ? s'inquiète à nouveau Céline.

-Au plus me réprimander, le rassure l'énigmatique garçon. Mais je ne regrette rien.

Le docteur Michel Granger arrive à ce moment-là, sa trousse médicale à la main. A la vue de l'adolescent, il s'arrête instantanément.

-C'est donc vous, le fameux Alban Prévost ! Si je m'attendais à vous trouver chez moi !

-Papa, intervient sa fille, c'est moi qui l'ai invité !

-Mais je ne te reproche rien, Céline, bien au contraire. Tu m'épates. Réussir à faire venir un hautchampais à la maison, cela ne s'est jamais produit. A des réjouissances en plus ! ajoute-t-il en riant. J'imagine la tête de mes patients ; ils vont me harceler de questions.

-La nouvelle a déjà filtré ? s'étonne Muriel.

-Filtré ? Elle s'est répandue en ville comme une traînée de poudre. C'est un événement sans précédent !

-Je me demande si j'ai bien fait d'accepter cette invitation, soupire la nouvelle vedette locale.

-Tu as bien fait, approuve le docteur et je t'en félicite. J'espère bien te revoir ici très bientôt et souvent.

-Maintenant, je dois vous quitter, mais je reviendrai, c'est promis.

Puis, se tournant vers son amie.

-Céline, je te remercie pour tout. Cet anniversaire restera toujours un bon souvenir pour moi. J'ai un cadeau à te faire.

Il retire un objet minuscule de sa poche et le remet dans la main de la jeune fille ébahie.

-Une pépite d'or ! s'exclame cette dernière. Non, je ne peux pas l'accepter.

-Je l'ai trouvée dans le lit du torrent. Elle m'est inutile. Chez nous, nous n'avons jamais manqué de rien.

-C'est donc cela le secret du village ! s'exclame Muriel.

-Non, pas du tout. Il n'y a pas plus d'or ici qu'ailleurs dans les montagnes. Cette pépite est minuscule, mais c'est la plus grosse jamais trouvée dans ma commune. Garde-la, Céline, en souvenir de cette journée. Tu la mérites.

-Oh, merci ! fait son amie en l'embrassant sur les deux joues.

 

2

Alban n'essuiera aucun reproche. Son comportement et son attitude étonneront fortement ses proches, mais du moment qu'il n'a rien révélé de leur secret, il n'y a pas lieu de lui en vouloir. En l'apprenant, Cécile et Muriel en sont soulagées.

Maintenant, lorsqu'il parle aux autres lycéens, ses camarades l'observent avec curiosité. A son retour parmi eux, ils le questionnent, essaient de comprendre ce revirement soudain, mais comme il ne s'explique pas lui-même son changement, ils n'insistent pas. Ils finissent par admettre sa singularité.

Le plus surprenant pour eux est son rapprochement beaucoup plus marqué avec Céline et l'intérêt mutuel qu'ils se portent dorénavant. On les voit de plus en plus souvent ensemble, se parler, rire, sortir en ville, se montrer des signes d'affection, ignorant les regards médusés des autres. Certains jours, l'adolescent part au lycée en scooter afin de pouvoir passer la soirée avec son amie, parfois chez elle, à la grande joie du docteur Granger. Ce dernier apprécie particulièrement ce garçon, timide au début, mais rapidement mis en confiance dans ce petit foyer où il semble se plaire. Céline et son père évitent toujours d'aborder les sujets sensibles se rapportant au secret de " ceux d'en haut ".

Les parents d'Alban ont manifesté le souhait de faire la connaissance de cette camarade de classe dont leur fils leur parle si souvent et avec autant d'enthousiasme. Elle arrive donc un dimanche matin, elle aussi sur son scooter et passe une journée agréable en leur compagnie. Ils lui font visiter la laiterie et la fabrique de fromages. Comme leur fils, elle doit effectuer à la fin de l'année scolaire, un stage d'un mois en entreprise. A sa grande surprise, ils lui proposent de l'employer durant cette période, dans le service administratif où la mère de son ami effectue seule les tâches liées à la tenue des stocks, le planning de production, la paye et la comptabilité. Comme chaque année depuis trois ans, leur fils apportera son concours dans la partie technique. L'adolescente peut être hébergée chez eux, dans une chambre mise entièrement à sa disposition. Dans un premier temps, cette proposition la laisse sans voix. Jamais un étranger n'est venu travailler à Hautchamps, ni même y a séjourné. Elle se demande comment elle sera accueillie. Dans sa ville, depuis cette fête d'anniversaire, on la regarde comme une bête curieuse, mais cela ne la dérange pas. Alors ici ou là, où est la différence ? L'important, c'est de rester auprès de son ami. Elle accepte donc avec joie.

Cette nouvelle extraordinaire fait évidemment le tour de la petite ville, mais elle n'étonne pas vraiment, dans la mesure où elle s'inscrit dans la continuité des événements précédents.

Arrive enfin la première journée du stage. L'accueil des douze employés est poli, sans plus. Puis au fil des jours, l'atmosphère se détend. La bonne humeur permanente de cette jeune stagiaire se confond avec celle de l'ensemble du personnel. Elle aime travailler avec Elodie, la mère d'Alban. Cette dernière se montre très gentille et très attentionnée. Elle a beaucoup d'humour et fait pleinement confiance à sa protégée.

Les bonnes relations s'étendent progressivement aux autres villageois et surtout aux lycéens. Ces derniers semblent subitement découvrir cette fille qu'ils côtoyaient depuis plusieurs années sans la connaître. Ils lui parlent, souvent pour la première fois, plaisantent avec elle et parfois l'invitent chez eux. Sylvie en particulier, dans sa classe depuis la sixième, était auparavant une parfaite étrangère. Maintenant, Céline passe certaines de ses soirées chez elle et à l'occasion, y dort.

Mais c'est dans sa famille d'accueil qu'elle se retrouve le plus souvent, en présence de son ami, toujours aussi charmant et bienveillant.

Le village l'a adoptée ; elle s'y sent bien. Aussi, quand ses employeurs lui proposent de prolonger son contrat d'un mois, elle accepte sans hésiter.

Une seule fois, au cours d'une promenade avec Alban, elle rencontre un étranger. Mais tous deux le connaissent bien, c'est leur professeur de sciences naturelles. Bien entendu, il prend de ses nouvelles puis continue son chemin, rassuré de voir son élève aussi épanouie dans un milieu aussi hostile. Comme tous ses confrères, il se pose une foule de questions à son sujet, auxquelles aucun d'entre eux n'est capable d'apporter le moindre début de réponse.

Extrêmement curieuse de nature, la jeune fille observe, est à l'affût du plus petit indice qui peut éclairer sa lanterne, mais toujours sans donner l'impression d'espionner. L'ancienne église a été réhabilitée, mais personne ne semble la fréquenter. Invitée à une réunion du conseil municipal, elle y assiste sans rien remarquer d'anormal. Rien, dans les conversations ne peut lui mettre la puce à l'oreille. Vraiment, le secret est bien gardé et surtout bien caché. Si encore elle sentait les habitants de cette mystérieuse commune sur le qui-vive. Même pas ! Ils lui semblent empreints d'une grande sérénité et lui paraissent parfaitement bien équilibrés. Elle-même se sent, au fils des jours et des semaines, gagnée par un merveilleux sentiment de bien-être.

Et si elle avait été droguée à son insu ? se demande-t-elle. Volontairement ou pas. Des plantes ou des roches pourraient émettre des émanations qui expliqueraient son étonnante sérénité. Elle se soumet donc à des tests simples, contrôlant ses réflexes ou la dilatation de sa pupille par exemple, mais tout lui paraît normal.

Dès la fin de leur stage, les deux adolescents prennent le train pour Concarneau en vue de passer leurs derniers jours de congés chez la mère de Céline. Là-bas, loin des regards curieux, des questions importunes et répétitives, ils profitent du calme et des bienfaits de l'océan. Auparavant, la jeune fille souffrait des disputes incessantes de ses parents. Depuis leur séparation, elle ressent un certain soula-gement, mais parfois, sa mère lui manque. Aussi, profite-t-elle de chaque période de congés pour aller la retrouver.

 

 

 

3

Le jour de la rentrée est arrivé. Céline entre dans la cour du lycée. Tous " ceux d'en haut " se rendent spontanément à sa rencontre pour lui adresser un petit bonjour, lui demander de ses nouvelles et savoir si son séjour à la mer s'est bien passé. Alban reste en compagnie d'une douzaine de jeunes de son âge, invités comme lui à la fête donnée par son amie à l'occasion de son anniversaire. Ils ne se sont pas revus depuis trois mois.

Les autres élèves et les professeurs présents dans la cour regardent ces deux attroupements avec incrédulité. Chacun est parfaitement conscient d'assister à un événement exceptionnel, plus précisément à la confirmation des situations insolites constatées à la fin de la dernière année scolaire, à la différence près que ce phénomène prend de l'importance. Certains lycéens, invités comme Alban à cette fête d'anniversaire devenue mémorable, avaient depuis, échangé quelques mots avec ce dernier. Mais en ce jour de rentrée, ils se montrent tous très bavards et n'arrêtent pas de plaisanter. Ces retrouvailles les rendent à l'évidence très heureux.

Quant à Céline, c'est à peine croyable. Tous les hautchampais, à l'exception de son surprenant ami, l'ont rejoint et conversent encore plus joyeusement avec elle. Cette fille, inexistante à leurs yeux, il n'y a pas si longtemps, semble exercer sur eux une véritable fascination.

A la surprise générale, le proviseur, suivi du chef de la police et du maire de la ville, pénètrent dans la cour. Les trois hommes se figent à la vue de cette double scène. Puis ils se dirigent en direction du groupe principal.

-Bonjour Céline, fait le responsable de l'établissement scolaire. Vos amis " d'en haut " ont l'air de vous tenir en très grande estime.

-Il n'y a rien d'étonnant à cela, répond la jeune fille, sans montrer le moindre signe d'affolement, je viens de passer deux mois chez eux.

-C'est justement cela qui est étonnant, intervient le commissaire principal. Personne, en vingt ans, n'a passé plus de quelques heures à Hautchamp ou plus de quelques minutes en compagnie de ses habitants. Alors, pourquoi vous ?

Il a au moins le mérite d'être direct.

-Je ne sais pas. J'ai sympathisé avec le fils du propriétaire de la laiterie et ses parents m'ont demandé si j'accepterais d'effectuer mon stage chez eux. J'ai accepté.

Les élèves énigmatiques de cette curieuse commune n'ont pas attendu longtemps pour s'éclipser.

-Ils ont l'air d'avoir quelque chose à se reprocher, commente avec suspicion le représentant des forces de l'ordre, en les regardant s'éloigner d'un air craintif.

-Ils n'ont rien à se reprocher ! lui lance d'un ton ferme, l'adolescente furieuse. Je connais bien les hautchampais, ce sont tous des gens honnêtes.

-Honnêtes, je vous crois, se reprend l'homme, désolé d'avoir provoqué cette réaction. D'ailleurs, nous n'avons jamais eu de problèmes avec eux. Mais ils sont différents de nous, vous en convenez ?

-J'en convenais, rectifie la lycéenne. Mais durant ces deux mois, je n'ai absolument rien trouvé d'anormal dans leur comportement.

André Auroy, le maire de Médoc, prend la parole.

-Céline, je suis un ami de ton père et je te connais depuis toujours. Je sais que tu es une fille particulièrement intelligente et curieuse, tes bulletins scolaires l'attestent. Il y a forcément une explication. J'ai peine à croire que tu n'aies rien trouvé, au moins quelques indices.

-Rien, je vous l'assure.

Le chef de la police prend une profonde inspiration.

-Les bruits les plus alarmants courent en ville, dit-il. L'hypothèse la plus communément admise est celle d'une secte qui vous aurait acquis à sa cause.

-C'est faux ! explose la jeune fille. Il n'y a ni secte, ni communauté religieuse, ni drogués dans ce village. Si cela avait été le cas, croyez-moi, je m'en serais aperçue. D'ailleurs, aucun de ses habitants n'a jamais tenté la moindre approche dans ce sens auprès des gens d'ici, vous en convenez ?

La victime de son courroux prend un air dépité.

-J'en conviens, en effet. Mais pour faire cesser ces faux bruits, nous devons connaître la vérité. Elle finira bien par éclater.

-Pas aujourd'hui, lui dit le maire. Je connais bien Céline, nous n'obtiendrons rien de plus.

Les trois hommes repartent, déçus de leur démarche infructueuse.

-Elle est au courant de tout ! dit le commissaire principal, mais elle ne veut pas parler ; elle protège ses amis.

La manière dont leur amie a répliqué au chef de la police n'a pas échappé aux élèves " d'en haut ". Ils lui manifestent leur admiration et leur gratitude.

-Bien envoyé !

-Ils n'ont pas insisté longtemps !

Ou tout simplement :

-Merci Céline.

Alban la prend dans ses bras.

-Je t'aime ! lui souffle-t-il dans le creux de l'oreille.

C'est la première fois qu'il lui avoue son amour.

-Moi aussi, je t'aime ! lui répond-t-elle d'une voix imperceptible.

-Qu'est-ce qu'ils se disent ? demande un élève de sixième.

-Ils se disent qu'ils s'aiment ! déclare à voix haute l'un de ses camarades de classe, à l'ouïe particulièrement fine.

-Nous aussi on t'aime ! crie un troisième.

Une larme perle sur la joue de leur grande copine. Elle leur sourit.

-Je vous aime tous ! leur avoue-t-elle.

A l'heure de la sortie, Alban ne monte pas dans l'autocar avec les autres hautchampais, comme il le fait habituellement. Céline, avec l'accord de son père, l'a invité à venir coucher chez elle, dans la chambre d'amis. C'est un retour de bons et loyaux services qui lui évite un trajet d'une heure et demie, aller et retour. Ils lui ont même proposé de passer la nuit chez eux aussi souvent qu'il le souhaiterait.

Au petit matin, il entreprend de se raser pour la première fois de sa vie. Il fait disparaître le léger duvet au-dessus de sa lèvre supérieure, mais comme il est totalement inexpérimenté en la matière, il se coupe très légèrement avec son rasoir jetable. Céline, arrivée à la rescousse, n'a aucune peine à soigner cette coupure superficielle. Quelques gouttes de sang seulement ont coulé. Il n'est même pas nécessaire d'y appliquer un pansement.

Le soir, il repart chez lui après avoir promis à son amie de passer une prochaine nuit chez elle.

Céline rentre chez elle et, avant d'aller se coucher, en jetant dans la poubelle un sachet d'infusion, elle aperçoit à l'intérieur le morceau de coton dont elle s'était servie pour cicatriser la coupure de son ami.

" Je vais étudier son groupe sanguin ", décide-t-elle.

Rien de plus facile. Son père est médecin et il possède le matériel nécessaire. En outre, la biologie est sa matière préférée.

Lorsque le microscope électronique lui dévoile la structure de la trace de sang analysée, elle ne peut s'empêcher de pousser un cri de stupéfaction. Elle se paralyse et devient blême. Ce sang ne ressemble à aucun autre ! Certes, il est composé de globules rouges et blancs, mais ces derniers sont tellement différents de tous ceux qu'elle a étudié jusqu'ici. Enfin un indice ! se dit-elle. Ces gens seraient donc des mutants !

Une idée lui traverse l'esprit. Elle se précipite dans la chambre occupée la nuit précédente par Alban et trouve ce qu'elle était venue chercher : un cheveu.

Le résultat de l'analyse microscopique confirme ses craintes. Les différences avec celui d'un être normal sont encore plus grandes.

Elle n'ignore pas que la peau laisse échapper régulièrement des cellules mortes. Elle coupe un morceau de ruban adhésif et passe la partie collante sur le drap. L'épiderme lui aussi diffère totalement du sien !

Sa stupeur est à son paroxysme. Ses amis sont biologiquement anormaux ! En souffrent-ils ? C'est la première question qu'elle se pose. Certainement se dit-elle, mais moralement ou physiquement ? Leur espérance de vie ne semble pas affectée, car elle se souvient avoir vu de nombreux vieillards dans ce village. Cela la réconforte un peu, mais son inquiétude est néanmoins très grande. Après avoir longuement hésité, elle juge préférable de ne pas alerter son père. Après tout, si " ceux d'en haut " gardent le silence sur leur anormalité, ils ont certainement de bonnes raisons de le faire. Elle est leur amie, leur seule amie ; il est hors de question pour elle de les trahir.

Maintenant, elle comprend leur silence et cet isolement volontaire. Ils refusent d'être l'objet d'études de la part des scientifiques et des journalistes. Aux sollicitations de tous ordres, ils ont choisi de vivre paisiblement dans leur village de montagne. Ils y sont heureux, elle l'a constaté elle-même. A leur place, elle aurait fait le même choix.

Elle vient de mettre à jour d'une manière totalement fortuite, un secret qui hante les esprits des gens de la région depuis vingt ans, mais elle doit le garder pour elle. " Ceux d'en haut " n'ont absolument rien à craindre d'elle, mais ils l'ignorent. Peut-être s'en douteraient-ils s'ils apprenaient sa découverte, mais il lui semble normal qu'ils ne prennent aucun risque en se confiant à une étrangère, fut-elle leur amie. Car pour Céline, cette mutation n'est pas seulement superficielle, elle affecte également des organes internes. La preuve, jamais un hautchampais n'a participé à une quelconque épreuve sportive. En cas de blessure sérieuse, il aurait été emmené à l'hôpital et les chirurgiens auraient immanquablement découvert ses incroyables anormalités biologiques.

En dehors du sujet sensible de ce comportement étrange qu'ils n'abordent jamais, les deux jeunes gens ne se sont jamais rien caché. Céline se demande si elle doit informer son ami de sa découverte. Elle réfléchit longuement. Si elle s'impose un mutisme total envers les gens dits normaux, les villageois n'ont rien à craindre. Elle peut donc lui annoncer cette nouvelle car il lui fait totalement confiance. Il n'aura aucune raison d'être inquiet. Mieux, cette révélation soulagera leur conscience et il n'y aura plus aucune barrière entre eux.

 

4

Le lendemain matin, à la fin de la seconde heure de cours, en regagnant la cour de récréation, Alban fait une remarque :

-Céline, je te sens tendue. Quelque chose ne va pas ?

-Trouvons un endroit tranquille. J'ai à te parler.

Le garçon est maintenant le plus tendu des deux.

Ils trouvent une salle vide et vont s'asseoir sur un banc. La jeune fille sort trois clichés de son sac et les étale sur le bureau, bien en face de son camarade de cours. Ce dernier devient blême.

-Ce sont des agrandissements d'échantillons sanguins, de cheveu et de peau, précise Céline en l'observant avec intérêt.

-Tu viens de percer un secret vieux de vingt ans, laisse échapper avec accablement, le pauvre garçon. Félicitations ! Tu en as parlé à ton père ?

-Tu n'y penses pas ! Je ne vais quand même pas trahir mes amis ! Non, je n'ai averti personne et je ne le ferai jamais.

Alban se tourne alors vers son amie et lui pose les mains sur ses épaules.

-Merci Céline, lui dit-il en retrouvant sa voix naturelle. Je savais que je pouvais compter sur toi. Mais je suis tenu au secret ; j'ai prêté serment, comme nous tous d'ailleurs.

-Je comprends. Mais comment avez-vous pu passer au travers de tous les contrôles médicaux, à la visite médicale par exemple ? Parce que vous n'êtes pas différents seulement à l'extérieur, mais également à l'intérieur, n'est-ce-pas ?

-En effet, répond-t-il d'un air surpris, en extirpant une grosse pièce de monnaie fixée à l'intérieur de son tee-shirt, au niveau de son épaule. Ceci est un hypnotiseur. Si je le presse, mon interlocuteur se retrouve sous mon entière domination. Je peux le contrôler à ma guise.

Comme la veille, la jeune fille est de nouveau paralysée par la stupeur.

Elle met un long moment avant de se ressaisir.

-Qu'attends-tu pour effacer mes souvenirs ? Tu ne le peux pas ?

-Si, je le peux, mais je ne le veux pas. Tu es la personne en qui j'ai le plus confiance et j'éprouve trop de respect pour toi. Je refuse de te manipuler.

Elle tombe en pleurant dans les bras de son ami.

-Céline, tu sais beaucoup de choses, mais tu ignores l'essentiel. S'il te plait, ne me pose plus de questions. Je dois respecter ma parole donnée. J'en suis désolé.

-Je comprends, mais une chose m'inquiète. Vous êtes capables de concevoir des appareils qui vous donnent le pouvoir de diriger nos actes. Vous pouvez prendre notre contrôle quand bon vous semble. Peut-être m'as-tu hypnotisée à mon insu.

-Non, Céline. Jamais ! Nous utilisons notre hypnotiseur seulement en cas de force majeure. Nos intentions sont bonnes. Notre préoccupation première, c'est de ne pas nous faire remarquer, ensuite, c'est d'exercer le minimum d'influence sur vous, aucune si cela est possible.

-Je te crois.

Le garçon prend un air soucieux.

-Ma crainte, ce n'est pas que tu parles, car j'ai vraiment confiance en toi, mais c'est que tu t'éloignes de moi, parce que je suis différent.

-Je ne me suis jamais sentie aussi proche de toi, Alban.

-Merci, Céline.

-Merci pour quoi ? Tes différences te valorisent à mes yeux. Vous nous êtes supérieurs dans tous les domaines. Au niveau de l'intelligence en particulier.

-Nous ne sommes pas très sociaux, lui fait remarquer son ami.

-Cela se discute. Nous avons trop de défauts, nous ne méritons pas votre amitié.

-Toi, si !

-Vos anomalies biologiques, vous en souffrez ? s'inquiète la jeune fille.

-Pas le moins du monde. Notre seul souci, c'est de les cacher aux autres.

-Tu vas avertir les tiens de ma découverte ?

-Oui. Nous ne nous cachons rien. Mais tu n'as absolument rien à craindre. Ne t'offusque pas si nous ne te mettons pas dans la confidence. Si un jour tu découvres la seconde partie de l'énigme, tu comprendras les raisons de notre extrême prudence.

Ils se serrent l'un contre l'autre et se taisent. Deux êtres si éloignés et si proches à la fois ! Seuls dans cette pièce, ils savourent ce moment de silence et de solitude. La sonnerie annonçant la reprise des cours les ramène dans le monde réel.

 

5

Tout le village est rapidement au courant. Mais cela n'affecte aucunement les relations entre ses habitants et la hautchampaise d'adoption. Au contraire, ils la tiennent maintenant en plus haute estime. Tous apprécient encore davantage son intelligence et ses qualités humaines.

Elle a pris l'habitude de passer les week-ends chez son ami et ce samedi, comme à l'accoutumée, elle roule en scooter en direction d'Hautchamp.

C'est une route de montagne étroite et sinueuse, très peu fréquentée.

Soudain, à la sortie d'un virage, un accident l'oblige à s'arrêter. La chaussée est bloquée par une voiture et un scooter renversé auprès duquel gît un cyclomotoriste. A ses côtés, un homme est prostré.

Elle se précipita vers la victime. Horreur ! A travers la visière du casque, elle reconnaît Sylvie, sa camarade de classe, une fille du village d'en haut, inanimée mais en vie. Elle repose sur le dos, sa respiration régulière soulève sa poitrine à un rythme étrangement lent.

-Tout est de ma faute, reconnaît l'homme. Je roulais trop vite et j'ai coupé le virage.

-Vous avez prévenu les secours ?

-Oui, une ambulance va arriver d'un moment à l'autre.

Cette nouvelle, rassurante au premier abord, est en réalité une véritable catastrophe. A l'hôpital, les chirurgiens vont découvrir l'incroyable vérité. Ses amis sont perdus, à moins que… Une idée folle lui traverse l'esprit, mais elle doit faire vite. Le temps est compté.

Elle plonge la main dans l'encolure du blouson de la victime et trouve l'objet recherché, accroché à l'intérieur de son tee-shirt, exactement à l'endroit prévu. Elle le retire sans peine et le serre entre le pouce et l'index.

Le chauffard a la trentaine ; il est bâti comme une armoire à glace.

-Transportez-la derrière ce buisson ! lui ordonne-t-elle en tendant le bras en direction de l'un des rares massifs broussailleux présents dans cette région aride.

Il s'exécute sans discuter : la pièce agit donc comme prévu.

-Maintenant, vous allez suivre mes instructions !

-Très bien, mademoiselle.

L'ambulance s'arrête à moins d'un mètre de la victime.

-C'est la fille du docteur Granger ! s'étonne le premier ambulancier.

-On va encore parler d'elle, commente le second.

Lorsque le véhicule de secours démarre, le responsable de l'accident repart également à bord du sien, conformément aux ordres reçus.

Aussitôt après, l'ovni apparaît dans le ciel. Son pilote n'est autre que le père d'Alban, le responsable de la colonie extraterrestre implantée sur Terre, dans ce petit village abandonné de la Corrèze. Grâce aux informations que lui a adressées Céline, quelques minutes auparavant, par l'intermédiaire de son téléphone portable, il retrouve rapidement la victime.

Il est accompagné de celui qui fait office de docteur dans cette communauté.

-Elle est très mal en point, déclare ce dernier après un rapide diagnostic. Je dois lui administrer les premiers soins sur place, sinon, elle mourra.

L'inquiétude se lit sur les deux visages. Après quelques minutes d'angoisse, le praticien annonce :

-Elle est sauvée ! Demain, elle gambadera comme un lapin. Sylvie pourra remercier son amie, elle lui doit la vie.

-Nous la remercierons tous ; sans elle nous étions découverts. Nous lui devons une fière chandelle.

Puis, après un court moment de réflexion, il ajoute :

-Cette fille est merveilleuse ; elle mérite davantage de considération. Nous n'avons plus de raisons de lui cacher la vérité.

Quelques minutes après son admission aux urgences, Céline arrête de faire semblant d'avoir perdu connaissance. Elle fait mine de sortir d'un trou noir.

-Que s'est-il passé ? fait-elle faussement étonnée à l'adresse des hommes et des femmes en blouse blanche, réunis autour d'elle.

-Vous avez été victime d'un accident de la circulation, lui répond l'un d'eux en ôtant son masque, soulagé de ne pas avoir à intervenir.

-Mais rassurez-vous, votre jeune carcasse ne semble pas avoir souffert, ajoute en souriant le professeur Vouilloz, qu'elle connaît bien. Par prudence, je vous garde en observation jusqu'à ce soir.

-Vous avez prévenu mon père ?

-Oui, il est en route pour l'hôpital. Je vais immédiatement l'appeler pour le rassurer.

Le lendemain matin, le docteur Granger reçoit la visite de son confrère d'Hautchamp. Il le connaît, mais sans plus, pour l'avoir rencontré lors de divers séminaires. Il est accompagné d'Alban et de Sylvie, l'une des meilleures amies de sa fille. Depuis ce stage qui a alimenté tant de conversations, les deux adolescentes s'invitent parfois à passer la soirée et la nuit à la maison.

-Bonjour à tous ! C'est gentil à vous de venir voir notre accidentée de la route.

Tous les trois sont évidemment au courant de la mascarade, mais ils demandent néanmoins de ses nouvelles.

-Plus de peur que de mal. Elle s'attendait à une visite de votre part. Elle va vous recevoir.

Céline est assise dans le salon, un magazine de télévision sur les genoux. Elle porte des bandages sur un bras et sur une jambe. Elle n'a pas hésité à s'érafler les membres sur le goudron, pour rendre son histoire plus crédible.

Alban laisse Sylvie se jeter la première dans les bras de leur amie commune.

-Cela aurait pu être beaucoup plus grave, souligne le docteur Granger. Au vu du choc occasionné sur le véhicule accidenté, c'est un miracle si Céline s'en tire ainsi, avec seulement quelques contusions.

-J'ai eu beaucoup de chance, commente la " comédienne ".

Ils parlent de choses banales, puis le maître des lieux s'excuse de devoir abandonner tout ce beau monde. Le devoir l'appelle auprès de ses patients. Dès son départ, on peut enfin parler de choses importantes.

-Nous sommes autorisés à te dévoiler toute la vérité, annonce le docteur à Céline.

Comme elle s'est levée pour remplir à nouveau une assiette avec des biscuits salés, il lui dit :

-Assieds-toi, c'est préférable.

-Vous êtes des extraterrestres ? demande la jeune fille, le plus naturellement du monde ?

Les Solariens en ont le souffle coupé.

Leur amie Terrienne met la main à l'intérieur de son tee-shirt et en retire un hypnotiseur.

-Je te rends ta fausse pièce, dit-elle en tendant le minuscule objet à sa propriétaire légitime.

-Comment as-tu deviné ? demande cette dernière, avec un étonnement non dissimulé.

-Cette technologie, elle est trop avancée. Je la vois mal être d'origine terrienne.

-Tu as découvert la seconde partie de l'énigme, la félicite son ami issu d'un autre monde. Tu es vraiment exceptionnelle. Comment ai-je pu t'ignorer durant tant d'années ?

-Puis-je savoir quelle est votre mission sur notre misérable planète?

-Bien sûr ! lui répond le chef de la délégation. Vous étudier avec discrétion sans jamais intervenir.

-C'est tout ?

-C'est tout !

-Vous en avez tiré une conclusion, je suppose ?

-Evidemment, confirme Alban. Vous êtes mal barrés.

-On s'en sortira ?

-On s'en est sorti après avoir suivi une trajectoire à peu près identique, mais pas sans mal.

Quand le docteur Granger revient, à la nuit tombée, il retrouve les mêmes acteurs en train de converser. Par bonheur, ces derniers l'ont entendu arriver. Quand il entre dans le salon, ils se mettent alors à parler du temps, exceptionnellement clément en cette période de l'année.

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Afficher le commentaire. Dernier par stefiboy le 10-08-2008 à 22h59 - Permalien - Partager