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le congo que je connais

un amour de pays

le 09 avril 2010 Posté le Vendredi 9 Avril 2010 à 11h07

sometimes it's hurt like hell

Aujourd’hui c'est un jour un peu triste pour moi, j'ai enterré un de mes oncles. Ce sont des moments de la vie qu'on ne souhaite pas vivre. On voudrait oublier ces moments là de l'existence. J’avais promis de vous parler de ce moment de peine et de joie et de retrouvailles à la fois que sont les moments de deuil dans mon pays. C’est vrai mais quand nous sommes personnellement concernés on a du mal a en parlé avec autant de légèreté...et pourtant je vais essayer.

 A l'annonce de sa mort le premier reflexe de la famille, des amis au courant et de se précipiter dans la maison familiale pour pleurer, partager sa peine, laisser éclater son chagrin. Et là je peux vous dire c'est vraiment une abondance de cris et de larmes, de gesticulations dans tous les sens...le monde devient fou, s'arrête, n'a plus de sens...les uns se roulent parterre, les autres se prennent dans les bras. Ceux à qui il reste un peu de dignité prennent leur téléphone et avec courage alertent qui ils peuvent alerter. Les heures passent et la tempête se calme...les gens pleurent en silence, et ceux qui ont entendu la nouvelle arrivent petit à petit. Seuls quelques personnes continuent leur explosion de peine...c'est assez particulier comme scène, ceux qui arrivent, en route ne semblent pas trop bouleversé, ils sont tristes, mais bon, sans plus...et puis arrivés sur place ils tombent dans les bras des autres et c'est à nouveau des larmes et des gémissements...ha! Précisons que les uns et les autres n'ont pas oubliés leur matériel de couchage, car dans ce désordre ces dames (c’est surtout leur rôle) savent qu'elles vont passer leurs nuits jusqu'a l'enterrement sur ce lieu ! Donc on s'organise, c'est un peu la bataille pour avoir les meilleures places à coucher ! les premières arrivées sont les mieux servies !

Ce que je trouve ridicule c'est qu'une fois ce moment passé, tout le monde retrouve son calme, comme si rien de spécial n'était arrivé...la vie s'organise sur ce campement de fortune improvisé pour la circonstance. Enfin je parle surtout de cette grande famille que nous avons ici au sens large du terme (j’en parlerai un jour de cette famille ou on ne sait plus qui et qui). Donc Les femmes se font les tresses de deuil, ce sont des tresses couchées en signe de deuil. A l'époque de mes grands-mères, les femmes se faisaient carrément raser la tête. Donc en même temps que les gens arrivent en pleurs les autres déjà là se tressent, discutent ...la vie quoi... c'est étonnant comme les gens arrivent à passer du rire aux larmes en quelques instants, je suis fascinée par ce spectacle. Donc ce premier jour passe ainsi dans les larmes, la stupeur, et les arrivées successives des proches et amis. Le premier jour c'est un peu le chaos. il faut l'avouer...

Le deuxième jour, c'est un peu plus organisé, il faut prendre les dispositions nécessaires. a savoir l'organisation des obsèques en elles même et le déroulement de la veillée. C’est ainsi qu'on dit chez nous la veillée ou "matanga" en lingala. le déroulement de la veillée est simple, les hommes font les démarches nécessaires à l’enterrement, les femmes organisent le campement en accueillant les nouveaux, en organisant les repas pour la dizaine de jours à venir, oui parce que je vous assure cela dure une dizaine de jours :qui va faire le marché, qui va donner l'argent nécessaire, qui va s'occuper des éprouvés ( veufs, orphelins, parents), c’est un vrai budget, car je peux vous assurer qu’il ya  toujours des parents sans scrupule qui y trouve une occasion d’être à l’œil ! De véritables piques assiettes...voila le deuxième jour c'est un peu plus concret. ah j'oubliais, il faut louer des chaises indispensables à tous ceux qui vont arrivés, les amis de chaque membre de la famille, les amis des amis, les collègues, les gens du quartier. Les curieux à oui en voila d’autres, je vous assure, il y a des gens qui ne savent même pas qui est mort, des inconnus qui viennent juste pour s’asseoir et pense que c’est un endroit comme un autre pour sortir ou pour être vu( c’est surtout quand le défunt et un illustre ou de la famille d’illustres individus du pays)  il faut louer donc un chapiteau destiné à abriter ceux qui viennent compatir ou se promener comme sur la « promenade des anglais »...et il faut du bruit, pourquoi il faut quasiment tout ce bruit...des fois je me dis que ceux qui pleurent ont peur des fantômes, et ils exigent ce bruit aux décibelles étonnantes pour effrayer les esprits défunts...donc il ya du bruit, de tout les genres, musique profane, musique religieuse la popularité de quelqu’un mort, se mesure à tous ce monde qui vient chaque soir assister les éprouvés..En principe il ya du monde parce que c'est comme une grande fête, à la vérité, il n’ya que ceux qui sont vraiment éprouvés dans leur cœur, parce qu’ils connaissaient le défunt, qui pleurent, et ne prennent pas part à ce grand cirque !!!!

et c’est comme ça aussi longtemps que votre défunt n’est pas mis en terre. Et cela dépend de la famille, des moyens de ceux-ci, et de la popularité du défunt…oui parce que dans l’organisation il ya les cotisions…évidemment qu’un mort ne s’enterre pas avec les cotisations, c’est très souvent symbolique ! Alors on a ce qu’on appelle le cahier, il yen a par famille, par village, par association…si on est connu dans les trois cas, ben on a des cotisations dans les trois cas…et c’est le début des problèmes !!!! Les réunions concernant ces cotisations deviennent souvent une bagarre de bas étage… « Untel n’avait pas cotisé quand j’étais éprouvé, donc je ne cotise pas » ou alors « untel n’aimait pas les gens » (j’entends par aimer distribuer de l’argent à gogo quand on le demande) ou encore « moi j’ai pas assez d’argent et puis de toute façon un parent assez riche va casquer pour l’enterrer » bref des réflexions de bas étage qui vous donnent envie de vomir tellement c’est bas ! Bref j’ai toujours dit quand on est mort, on est mort ! Au pire on abandonne ton corps, il pourrira et nourrira les pissenlits, du très bon fumier…C’est ceux qui restent qui se déchirent et pensent qu’on souffre de là ou nous sommes si on ne prend pas soin de notre pauvre corps inanimé…Coucou !!!! Nous sommes partis sans rien comme nous sommes venus au monde ! Les embrouilles de cette terre, les futilités de ce monde on vous les laisse…

Enfin bref, les soirées se déroulent ainsi entre causette et rencontres entre connaissances. On se fait la bise, on rigole. On se retrouve parce qu’on s’était pas vu depuis…c’est l’occasion d’une grande réunion de famille, de voir ceux qu’on n’a pas vu, ceux qu’on ne connaît pas…on boit de la bière pour tremper le temps, qu’on fait acheter chez le vendeur du coin, des vendeurs ambulants circulent entre les gens : vendeurs de cola pour ne pas dormir, vendeurs d’œuf dur pour caler la faim, de cacahuètes pour passer le temps. Ce marché de circonstance ne se limite pas à la bouffe, on vend aussi des métrages d’imprimés destinés à ceux qui le veulent bien, famille et proches qui veulent bien accompagner la dépouille à sa dernière demeure. Ainsi je connais beaucoup de gens dont les armoires sont pleines de ces métrages ayant accompagnés chaque défunt, vous savez un peu comme dans ce film ou la demoiselle d’honneur à un placard de toutes les robes de touts les mariages ou elle a été demoiselle d’honneur. Bref c’est une kermesse…informelle…Jusqu’au jour de l’enterrement.

Le jour de l’enterrement selon qu’on est proche ou amis on se doit de faire tout ou une partie du parcours. Cela commence par la morgue ou seuls les proches ont la charge d’habiller le mort.

Ah oui j’oubliais dans les décisions à prendre lors des réunions familiales, il ya qu’est ce que va porter le mort….finalement les plus intelligents sont les musulmans : tu es venu sans rien, tu repars sans rien, ceux sont les plus sensés…donc soit le défunt était assez courageux (je dis courageux parce que cela porte quasiment malheur de parler de sa propre mort chez les africains…avez-vous déjà entendu parlez d’un africain qui a fait un testament ? regardez simplement nos présidents….)pour parler de l’habit qu’il souhaite emporter dans l’au-delà (c’est une façon de parler, nous savons très bien que malgré notre volonté, vouloir être enterrer avec nos choses préférées, tout reste…regardez les pharaons, les choses de cette terre restent !!!! c’est la règle !)…donc soit il était courageux, soit on décide pour lui, on lui achètera des habits !

Fermant la parenthèse, donc le mort est mort, et la famille rentre dans la morgue pour s’occuper de sa personne. Je ne suis jamais rentrée dans la salle mais déjà l’odeur à proximité du formole m’étourdit, donc je n’ai rien à dire sur l’intérieur. Donc on attend dans la cour et en général l’attente n’est pas longue…nous sommes nombreux dans la cour à attendre le notre…il y a des chants, des associations religieuses, des groupes  folkloriques….je finirai par croire que les congolais ignorent le silence qui parle je devrai faire un sujet sur l’envie de bruit à Brazzaville en toute circonstance. Donc on attend le cercueil. Ce dernier est placé dans les des box réservés pour une chapelle ardente très sommaire, très kitch à la limite du mauvais gout en attendant le corbillard qui l’emmènera d’abord à la maison ou une autre chapelle ardente louée pour l’occasion et d’autres personnes attendent…

L’industrie du mort marche pas mal au Congo, cela fait parti de la vie. Alors nous avons : la location de chaises, la location de tentes, la location de groupes animateurs, le matériel de sono pour faire le plus de bruits possibles, les fabricants de cercueils, les fabricants de gerbe de fleurs artificielles (ah oui il est interdit d’utilisé les fleurs naturelles sur les tombes parce que les graines de ces dernières peuvent germer), les fabricants de croix( la dernière mode ce sont des croix en bronze, modèles fer forgé à la hispanique, peinte en noires), la location de chapelles ardentes, la location de guirlandes lumineuses( parce qu’il faut que ca brille de mille feux…je vais vraiment finir par croire que nous sommes de gros peureux, il faut faire fuir les esprits, et parfois la location de groupe électrogène pour pallier aux problèmes de courants…oui la mort rapporte de façon très discrète mais certaine, parce que le jour ou un particulier fait sa morgue il sera accusé de tous les morts dans sa famille, on le poursuivra , on le chassera comme une proie, et on le fera bruler sur le bucher de la colère populaire( c’est que nous sommes très superstitieux chez nous !).Je connais trois morgues à Brazzaville, à raison de 20 cadavres par jour (la morgue ne désemplit pas, les meurtres, les erreurs médicales, les morts à causes naturelles)

Enfin bref là  à nouveau à la maison, le corps attend, le temps que le corbillard aille chercher un autre corps pour le déposer à un autre lieu, on pleure un peu, les curieux regardent, tout le monde est beau, propre dans la peine bien sur…en fait le corbillard doit jongler entre le programme de la famille et son planning très chargé, donc compte tenu des embouteillages, des différents corps a transportés en arrive très souvent a un programme non respectueux des horraires.

Les catholiques vont à la messe, leur défunt doit connaître la bénédiction finale. Et a nouveau on se transporte tous a l’église…et puis enfin ! quasiment 6h après que le corps soit sorti de la morgue, après tout ce parcours nous arrivons enfin au cimetière, c’est à la fois un soulagement et un déchirement, parce qu’on est fatigué : 10 jours de veille, 6 h de parcours, un déchirement parce que c’est fini, tout c’est passé comme un rêve ou je devrai dire cauchemar, il ya quelque temps la personne se tenait devant nous, l’instant d’après elle n’est plus, la vie est magique on apparaît et on disparaît comme par enchantement.

Donc ce cimetière ne dure même pas 1h, ce n’est pas une cérémonie a l’américaine, non c’est une cérémonie à l’africaine. Le corbillard arrive le premier et dépose le cercueil prêt des fossoyeurs, le temps que le long cortège arrive à la tombe, votre bonhomme est déjà descendu dans sa demeure finale, il ya déjà quelque mottes de terre sur lui. C’est fini ! À la limite les derniers du cortège peuvent faire demi-tour ! Circulez il n’ya plus rien à voir !!!

En vous écrivant ce long texte je pense soudain à tous ceux que j’ai accompagnés à leur dernière demeure, et je les revois déambulant au quotidien vivant comme vous est moi et qui ne sont plus. A kin notre belle voisine (dont je vous parlerez un autre jour) il ya, à l’entrée d’un cimetière important de la ville cette inscription : « souvenez vous, nous étions comme vous »

 

Un commentaire. Dernier par anne klein le 09-09-2013 à 21h27 - Permalien - Partager
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