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LECTURE GRATUITE SCIENCE-FICTION Publié le Lundi 28 Avril 2008 à 11:00:47

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www.anice-fiction.com        Il y a 200 000 ans, l'homo sapiens a été ensemencé dans notre galaxie par une race aujourd'hui disparue. L'une de ces civilisations vient d'arriver sur la Terre. Ces humains vivent parmi nous, sans révéler leur présence. Mais dans des circonstances exceptionnelles, ils peuvent nous contacter ou nous découvrons leur existence….

J'ai regroupé ces aventures dans deux recueils de nouvelles et trois romans, dont deux sont publiés aux Editions Thélès. " Objectif Terre " et " Pour une autre Terre " sont en vente chez www.amazon.fr   Mes nouvelles sont en lecture gratuite sur www.inlibroveritas.com

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                                      Destins  croisés

                                                 1

Aurillac, 1 heure du matin.

L'ovni, tous feux éteints, se pose sur le toit de l'hôpital dans le plus grand silence. Deux silhouettes humanoïdes en descendent, deux humains, du moins en apparence. Ils sont habillés en infirmiers.

Du balcon d'un immeuble voisin, Alex n'en croit pas ses yeux. Il pointe sur eux sa lunette astronomique avec laquelle il observait les étoiles et modifie les réglages.

A l'aide d'une corde, ils descendent jusqu'au troisième étage. Le jeune étudiant en mathématiques se demande s'il rêve ou s'il a des visions. Son télescope est équipé d'un appareil photographique. Il prend des clichés de cette scène hallucinante en espérant qu'ils le rassureront sur son état mental.

A l'aide d'un ustensile mystérieux, ils réussissent à ouvrir une baie vitrée et pénètrent à l'intérieur du bâtiment. Une lumière s'allume dans une chambre. Malheureusement, à cause du store, il ne peut rien voir. De nouveau, le noir. Incroyable : ils ressortent avec une jeune fille en chemise de nuit, inconsciente, que l'un d'eux porte sur son dos. La corde tourne autour d'une poulie tractive et les remontent sans problème. Quelques secondes plus tard, ils sont tous les trois à l'intérieur de la soucoupe.

Alex fait défiler les images vidéo. Il n'a pas halluciné. Les preuves de l'enlèvement d'une Terrienne par des extraterrestres sont là, sous ses yeux. Il ne lui reste plus qu'à avertir les autorités.

Puis il se dit " à quoi bon ? Cela ne va rien changer, sauf pour moi ! "

Plutôt du genre introverti, Alex n'envisage par un seul instant de se retrouver sous les feux de l'actualité. Il rejette aussitôt cette idée.

L'appareil ne décolle pas. Etrange…

Près d'une heure plus tard, le sas d'entrée s'ouvre à nouveau. Les deux visiteurs et la jeune fille, toujours endormie, ressortent. Alex assiste à la même scène, mais à l'envers. Puis l'ovni décolle, emportant ses deux passagers … après qu'ils eurent ramené la jeune fille dans sa chambre !

 

                                                                       2

 

Il me semble avoir dormi une éternité. J'ouvre les yeux. Stupeur ! Je suis dans une chambre d'hôpital. Mes derniers souvenirs me reviennent en mémoire. C'est la nuit, nous rentrons en voiture de chez papy et mamy. Mes parents sont à l'avant, je me suis allongée et assoupie sur la banquette arrière. Puis plus rien ! Le noir !

J'examine mon corps. Ni plâtre, ni tuyau, pas même un bandage.

A ma droite, un bouton rouge. Je le presse. Une infirmière surgit, l'air ébahi.

-Mes parents !

-Ils vont bien, ils sont indemnes, mais toi Irène, tu viens de passer trois mois dans le coma !

-Quoi ?

-J'appelle tes parents.

Elle ressort. Un médecin arrive peu après, l'air radieux. Il ne me laisse pas le temps de me remettre de mes émotions. Il me questionne sur la journée de l'accident, sur les événements des jours précédents, sur les Jeux Olympiques qui ont pris fin le jour même. Mes réponses fusent et l'enthousiasment.

-Une vraie encyclopédie ! s'exclame-t-il. Tu as toujours eu cette mémoire d'éléphant ?

-Toujours !

Les examens cliniques le rassurent pleinement. Et moi donc !

Je suis habillée, prête à partir quand mes parents arrivent. Pleurs, effusions, manifestations de joie, c'est le plus beau jour de notre vie.

 

                                                                          3

 

Fin septembre. C'est bientôt la rentrée universitaire. Huit jours après mon réveil, je ne me suis jamais sentie aussi bien dans mon corps. Mais dans ma tête, ce n'est pas ça. Je devrais être heureuse, il n'est apparue aucune séquelle de mon accident. Seulement voilà, mes vacances scolaires se sont réduites comme une peau de chagrin et depuis deux jours je fais des rêves dont je ne connais pas la signification. Je vois des gens qui me paraissent familiers, j'ai beaucoup d'influence sur eux. C'est très bref mais suffisamment fort pour me réveiller en pleine nuit. Ce ne sont pas des cauchemars, alors je ne m'inquiète pas outre mesure.

Je reviens à Aurillac pour mon inscription en première année de droit. Tardive, mais acceptée grâce à mon bac obtenu avec mention très bien et un certificat médical favorable expliquant les raisons de ce retard. Plus inquiétant, le droit ne m'emballe plus du tout. Depuis mon retour à la vie, c'est la biologie qui me passionne, surtout le cerveau humain. Evidemment, mon coma récent n'est pas étranger à ce revirement soudain.

J'en ai terminé avec les formalités administratives. Je passe une visite de contrôle à l'hôpital où l'on me dit que tout va bien pour moi. Je regagne ma voiture garée trois pâtés d'immeubles plus loin. Je mets le moteur en route.

Soudain, un garçon de mon âge frappe sur mon pare-brise avant. Il a l'air surpris. Intriguée, je baisse la vitre de ma portière.

-On se connaît ?

-Vous n'étiez pas à l'hôpital la semaine dernière ? me demande-t-il.

-Si, mais je suis restée trois mois dans le coma.

-Il ne vous est rien arrivé de particulier dans la nuit du 19 au 20 ?

Mes parents et moi, nous avons demandé aux gens de mon village, de ma famille et de l'hôpital de ne pas ébruiter ma guérison miraculeuse. Comme je le craignais, il y a eu des fuites.

-Au lever du jour, je me suis réveillée.

-Oui, mais dans la nuit, entre 1 heure et 2 heures ?

C'est à mon tour d'être surprise.

-J'étais encore dans le coma, dans mon lit !

-Non !

-Comment ça, non ?

-Si je vous dis où vous étiez, vous ne me croirez pas. Je sais où vous étiez, j'ai des preuves. Vous avez un instant ? Je vais vous les montrer.

-J'ai tout mon temps.

Il se précipite dans le hall d'entrée de l'immeuble le plus proche.

Apparemment, ce garçon me semble dérangé. Si j'étais dans le coma, dans ma chambre d'hôpital, je ne pouvais pas être ailleurs !…

Il revient et me tend des photos.

A leur vue, je me sens défaillir. Je me reconnais, c'est bien moi, sur le dos de cet infirmier qui escalade le mur de l'hôpital. Puis j'aperçois la soucoupe volante. Je suis à deux doigts de m'évanouir.

-Vous êtes restée près d'une heure dans cet ovni, puis ils vous ont ramenée dans votre lit.

-Mais pourquoi ?

-Pour vous sortir du coma, c'est évident !

-Mais dans quel but et pourquoi moi ?

-Qu'est ce que j'en sais ? J'observais les étoiles avec mon télescope, c'est tout. Je ne veux pas être mêlé à cette histoire. Je vous laisse les photos.

Il me fait un signe d'adieu et retourne chez lui.

Je reprends lentement mes esprits. Je me pose plein de questions, mais je ne trouve pas le moindre début de réponse. Pourtant, au fond de moi-même, j'ai la certitude que tous ces événements incroyables se sont bien déroulés. Je suis même sûre qu'il n'y a rien d'extraordinaire dans cette histoire incompréhensible… pour l'instant. Cette intervention a forcement été réalisée dans un but précis qui me concerne au premier chef, j'en suis convaincue. Ces êtres mystérieux m'ont sortie du monde des ténèbres, je n'ai rien à craindre d'eux, je leur dois la vie. Ils vont se manifester à nouveau et tout va devenir limpide.

Rassurée, je mets le moteur en route et je rentre à la maison.

 

                                                                     4

Mes parents sont des exploitants agricoles. Ils n'aiment pas cette expression. Ils lui préfèrent le terme de fermiers. Leurs cultures sont exclusivement biologiques. Malheureusement, elles n'ont plus droit à cette appellation car elles ont été contaminées par des plantes OGM pourtant cultivées à plus de vingt kilomètres d'ici. Si j'ai choisi d'étudier le droit, c'est dans le but de combattre ces multinationales qui utilisent tous leurs immenses moyens pour imposer aux cultivateurs du monde entier leurs semences de mort et autres produits associés. J'ai même rejoint une association militante dont les rapports avec les autorités sont pour le moins houleux.

Un bruit de moteur me tire de mes réflexions. Je lève les yeux vers ma mère et l'interroge du regard. Elle va à la fenêtre et regarde dans la cour.

- Tiens, nous avons de la visite. Deux garçons de ton âge. Sûrement des amis à toi, me dit-elle d'un ton enjoué.

Je fronce les sourcils, j'ai peu d'amis et personne ne sait vraiment que je suis revenue à la maison.

Je me dirige à mon tour vers la fenêtre et les regarde sortir de la voiture. J'ai beau fouiller dans ma mémoire, je ne les reconnais pas, pourtant leur allure me paraît familière et très amicale.

Ils sonnent à la porte d'entrée. Je vais leur ouvrir.

-Anthony ! Jeff !

Je les étreins chaleureusement dans mes bras comme si je les connaissais depuis toujours.

-Heureux de te retrouver en si bonne santé ! fait l'un.

-On s'est beaucoup inquiétés pour toi, rajoute l'autre.

-Mes chers petits enfants ! Je suis si heureuse de vous revoir.

Après avoir prononcée cette phrase incongrue, je ressens un incroyable malaise, un trouble profond. Je vacille légèrement en me tournant vers mes parents qui viennent d'assister, complètement effarés, à cette étrange scène. Les deux jeunes gens me soutiennent par le bras.

-Ne vous inquiétez pas, nous rassure Jeff, tout est normal, ou plutôt les choses suivent leur cours, comme prévu.

- Nous devrions peut-être aller nous asseoir, nous suggère Anthony. On va tout vous expliquer.

Ils se mettent alors à nous raconter une histoire complètement loufoque.

" Les Terriens et les Thyréens vivent sur deux planètes différentes distantes de quatorze années-lumière, mais ils ont la même origine. Ils ont été créés il y a près de 200 000 ans par une race aujourd'hui disparue. Les seconds viennent tout juste d'arriver sur la Terre. Ils ont été cryogénisés pendant la durée du voyage, 142 ans. Cette prouesse technique a été rendue possible grâce aux travaux d'une généticienne, notre propre grand-mère, décédée il y a huit jours. A certains Thyréens particulièrement méritants, le Conseil accorde le droit de vivre une seconde vie dans le corps d'un mourant. En fait, l'occasion ne s'est jamais présentée jusqu'à la semaine dernière. Notre grand-mère agonisait dans le vaisseau. Nous avons effectué nous-même le transfert des données d'un cerveau à l'autre. "

-Une seconde !

Je me précipite dans ma chambre et j'en ressors avec les fameux clichés.

-C'était donc vous les infirmiers ! Je viens juste de faire le rapprochement.

Ils examinent les prises de vues avec surprise.

-Les souvenirs de notre grand-mère vont te revenir progressivement, de même que ses connaissances.

-La fusion de vos personnalités ne va pas poser de problème, car vous avez pratiquement la même.

-On s'est renseigné sur toi après ton accident : ton carnet scolaire, les appréciations de tes professeurs, ton engagement écologique, les réactions de tes proches durant ton coma.

-Nous savons pirater vos ordinateurs et vous observer au moyen de drones-insectes, ce que nous évitons de faire, mais dans ce cas nous n'avions pas le droit à l'erreur, sinon c'était l'échec assuré.

Mes parents et moi, nous sommes complètement abasourdis par ces révélations inouïes.

-Qu'allez-vous faire de moi ?

-Mais rien, grand-mère, me répond Anthony. Ton avenir t'appartient.

J'éclate de rire. S'entendre appeler " grand-mère " à dix-sept ans, ça fait vraiment bizarre. Puis je réalise que je suis effectivement leur ancêtre…

Soudain, mon humeur s'assombrit.

-Mais alors, si j'ai des petits enfants, je dois avoir des enfants, un mari ! Un vieillard !

-Non, me rassure Jeff. Grand-père est décédé lors du voyage interstellaire, sa cryogénie s'est interrompue accidentellement.

-Désolée.

-De toutes façons, vous ne vous êtes jamais bien entendus, et c'était il y a si longtemps. Mais tu as une fille, notre mère qui a hâte de te revoir.

Je pousse un soupir de soulagement, sans trop savoir pourquoi.

- Mais nous allons perdre notre fille ! se désole alors maman.

-Non, lui répond Anthony. Vous l'auriez perdue si nous n'étions pas intervenus. Elle va garder ses souvenirs, sa personnalité… tout ! Une fusion de deux entités ne peut réussir que si elles ont une carte psychologique identique et c'est le cas.

- Une carte psychologique ?

- Oui, un peu comme une carte génétique, mais plus spirituelle !

Je me sens blêmir.

-Sinon ?…

-Nous avons piraté ton journal, me répond Jeff, éludant ma question. Il nous a révélé toute ta personnalité. Tu n'as pas de crainte à avoir de ce côté-là.

-Vous n'avez pas répondu à ma question, dis-je cette fois en élevant le ton.

Une certaine colère commence à m'envahir.

- Si l'incompatibilité est trop forte, c'est la folie ! La schizophrénie, c'est …

-Oui, ça va, je sais ce que c'est… dislocation de la personnalité, coexistence de deux entités, hallucinations…  Je me tourne vers mes parents ; ils sont anéantis par ces révélations …tout comme moi.

Anthony pose alors son bras autour de mon cou et me prend la main.

-Nous t'étudions depuis plus d'une semaine, me dit-il. Nos craintes se sont vite envolées. Tu es le portrait tout craché de notre grand-mère … psychologiquement. Parce que physiquement, tu es la plus belle fille que j'aie jamais vue.

Soudain ma colère explose :

- Et moi, si je n'ai pas envie d'être votre grand-mère ! Vous vous introduisez dans ma chambre, vous me bidouillez le cerveau au risque de finir à l'asile, vous violez mon intimité et vous voulez que je sourie à vos compliments.

Mes deux petits-enfants me regardent sans comprendre, désorientés par mon attitude. Ils pâlissent, ne savent que répondre.

- Nous avons fait ça pour toi, Irène et pour grand-mère, nous étions persuadés d'avoir fait ce qu'il fallait. Nous t'offrons la possibilité de choisir. Tu nous accompagnes à la base et tu décideras de ton avenir.

Et ils restent là, pendus à mes lèvres, la mine contrite, attendant que je me radoucisse.

De jolis souvenirs affluent alors à ma mémoire, des souvenirs de petits galopins qui me font courir dans toute la maison et qui implorent mon pardon devant leur bêtise. Un grand calme m'envahit et je leur sourie à nouveau :

-Vous avez raison, votre marché me semble honnête.

Anthony me reprend la main qu'il m'avait lâchée durant mon coup de colère.

-Dis donc, lui fais-je remarquer, tu ne vas quand même pas courtiser ta jolie grand-mère ?

-Et pourquoi pas ? me répond-t-il en m'embrassant affectueusement, nous n'avons pas les mêmes gènes.

 

                                                                      5

Je sens que ma curiosité va être servie. Nous décidons sur le champ de partir à bord de leur OVNI jusqu'à leur base située en Finlande, à Jarvik.

Ma mère éclate en sanglots.

-Ne pleure pas maman, je reviendrai vous voir régulièrement, je vous le promets. Je dois savoir ce qui est le mieux pour moi.

-Dans quelques jours, précise Jeff. Ta réadaptation à notre milieu doit se faire progressivement.

A la tombée de la nuit, nous partons en voiture. Après un quart d'heure de route, Anthony engage son 4x4 dans un chemin de terre. Son frère sort une télécommande.

-Je déclenche le retour du Bernix. Il est à 25 000 mètres au-dessus de nos têtes.

Quelques minutes plus tard, notre véhicule est happé par le vaisseau. Je le distingue à peine car il est noir, n'émet aucune lumière et ne dépasse pas la taille de notre maison familiale.

Un quart d'heure de vol dans une soucoupe volante, moi qui n'ai jamais pris l'avion et déjà, nous arrivons à destination.

Jusqu'ici, rien de familier, mais la base me rappelle un goût de déjà-vu.

-Tu voyageais toujours en empruntant les moyens de transport terrestres, me précise Jeff. Ici, les choses vont te revenir en mémoire, surtout les gens.

-A commencer par le responsable de notre base, Donald.

-Non, Ronald, me corrige Anthony.

Je l'avais immédiatement reconnu. Il m'accueille chaleureusement, de même que tout le comité d'accueil, une centaine de personnes. A ma grande satisfaction, toutes ces têtes me sont familières, mais de là à mettre un nom sur chacune d'entre elles… Incorrigible gaffeuse, je vais éviter de les appeler par leur prénom.

Ma fille et son mari sont les plus heureux de ma résurrection.

-Eléna, Marc ! Comment trouvez-vous mon nouveau look ?

-Tu es la plus belle des mamans ! Quel incroyable coup de jeune !

Ronald commence à me présenter mes collaborateurs.

-Non, c'est inutile, je les reconnais tous. John, Ingrid, Teddy et toute la bande… Au fait, on travaillait sur quoi ?

-Sur les mondes parallèles, me répond le plus naturellement du monde Eric, un collègue de travail.

J'en reste sans voix.

-Je suis le premier à avoir fait ce voyage, ajoute-t-il. Pas plus tard qu'hier. Grâce à tes brillants travaux, je suis revenu entier.

 

                                                                    6

 

Le Bernix se pose à nouveau sur le toit de l'hôpital.

Mes petits-enfants retournent me chercher dans ma chambre. Je repère l'immeuble dans lequel le jeune astronome avait observé la scène deux semaines auparavant. Je ne le vois pas. Peut-être n'existe-t-il pas dans ce monde… Moi, j'existe bien, car je vois Anthony me ramener sur ses épaules.

Nous sommes à présent toutes les deux dans un caisson.

-La dernière fois, j'ai cliqué sur " déplacer ", m'avait expliqué Jeff en pianotant sur son ordinateur, causant ainsi ta mort. C'était prévu, ton vieux corps était arrivé en fin de vie. Cette fois, je vais cliquer sur " copier-coller ".

-En réalité, c'est un peu plus compliqué, m'avait précisé son frère. Dans ce monde, tu vas bientôt mourir de vieillesse, mais dans ton jeune corps, tu sauras retrouver les nôtres, je veux dire nos doubles.

Je sens le sommeil me gagner. Dans moins d'une heure, je me réveillerai. Dans cet autre monde, la jeune Irène, toujours bien présente en moi sera sauvée, à la grande satisfaction de ses proches, Terriens et Thyréens et surtout à mon grand soulagement.

 

                                                                     7

C'est fait ! Je viens de m'inscrire en première année de droit et de passer un examen médical à l'hôpital qui confirme ma guérison miraculeuse. Je suis si heureuse d'être en excellente santé, c'est inouï ! Je regagne ma voiture garée trois pâtés d'immeubles plus loin, le cœur léger.

Alors que je suis sur le point de démarrer, un garçon de mon âge frappe sur mon pare-brise avant. Intriguée, je baisse la vitre de ma portière.

-On se connaît ?

-Vous n'étiez pas à la fac cet après-midi pour votre inscription ? me demande-t-il.

-Si.

-Moi aussi.

-Je peux faire quelque chose pour vous ?

-Oui, je dois ramener ma lunette astronomique chez le vendeur. Elle a un problème et je suis à pied.

Il me la montre, elle est volumineuse.

-Chargez-là sur le siège arrière, je vous dépose, lui dis-je d'un ton amical.

Durant le trajet, le jeune homme ne cesse de me parler de sa passion pour les astres. Je lui fais part de mes connaissances dans le domaine :

-Altaïr est la plus brillante des étoiles proches, lui dis-je, la seule connue avec la Terre pour abriter la vie… une vie intelligente.

-Comment le savez-vous ? me fait-il, interloqué.

Justement, je ne le sais pas !

-Mon intuition, lui dis-je en essayant de cacher ma propre surprise, nous sommes arrivés.

-Merci pour votre aide et à bientôt à la fac !

-A bientôt !

Moi d'ordinaire si réfléchie, qui ne parle jamais pour ne rien dire, qui déteste me rendre ridicule, comment ai-je pu sortir une telle absurdité ? Si encore j'avais de l'intuition, je pourrai comprendre, mais je n'en ai pas ! Quand on sort du coma, on peut avoir des absences, mais pas des informations venues de nulle part. Alors, des hallucinations ? Il faudra que je me renseigne. Inquiétant !…

 

                                                                     8

 

De retour à la ferme familiale, je m'empresse de faire différentes recherches sur Internet susceptibles de me renseigner sur cette étoile. Je suis surprise d'y trouver si peu d'informations et rien sur un éventuel système planétaire ou sur une possible forme de vie. Pourtant, je suis convaincue de l'existence d'une planète habitée par des humains. Je le ressens au plus profond de moi.

Dans la soirée, en zappant sur la télécommande du téléviseur, je tombe par hasard sur un reportage consacré aux entreprises de pompes funèbres qui " congèlent " les cadavres dans l'espoir insensé pour les familles victimes de cette arnaque de les faire revivre lorsque l'état de la science le permettra.

-Ils ne se réveilleront jamais ! Ils n'ont ni les connaissances, ni la technologie pour mener à bien le processus de cryogénisation.

-Mais enfin, me répond maman, qu'en sais-tu ?

-Tu n'es pas biologiste que je sache ! rajoute papa.

-Ben…

Tiens, c'est la première fois que j'emploie ce mot barbare.. Je répète mentalement ma dernière phrase qui résonne bizarrement dans ma tête : " On a ni les connaissances, ni la technologie… ", … mais non, j'ai dit "ils ", c'est curieux… " pour mener à bien le processus… "… mais je ne m'exprime jamais de cette façon !… " de cryoni… de cryogéniti… de cryogénisation ".

-Ca va Irène ? Je te trouve bien pâle.

-Euh… oui maman.

-Change de chaîne, me dit papa, ce reportage te rappelle de trop mauvais souvenirs.

Le lendemain, le même phénomène se reproduit : je me mets à penser comme je ne l'ai jamais fait ! Je n'y comprends strictement rien. Dans l'émission " Des chiffres et des lettres ", à ma grande surprise, je fais mieux que les candidats… pour les chiffres, car pour les lettres, je suis toujours aussi nulle.

Tout cela me perturbe profondément, je ne me reconnais plus. Je décide se supprimer l'ordinateur et la télévision, le temps de retrouver mon état normal et de me plonger dans les travaux de la ferme. Eviter toutes les sollicitations de toutes sortes et ne penser à rien !

Même en prenant toutes les précautions possibles, mon comportement continue à se modifier, bien malgré moi.

Un jour, je reviens du supermarché avec un plein sac de provisions.

-Tu as pris un ananas ? s'étonne mon père. Mais tu n'a jamais aimé les ananas !

-Mais si, je les adore !

-Si c'est une conséquence de ton accident, me dit maman, c'est une bonne chose, parce que nous aussi, on les adore.

-Je ne le savais pas.

-Ce n'est pas une défaillance de ta mémoire, me rassure papa, on s'en prive depuis ton plus jeune âge.

En temps normal, j'aurai répondu une plaisanterie du genre " Finies les privations, vous allez pouvoir vous rattraper ! ", mais je n'ai pas le cœur à rire, trop d'interrogations me perturbent.

Oubliant mes bonnes résolutions, je retourne sur Internet pour en savoir plus sur les conséquences après une sortie du coma. Je ne trouve rien qui puisse expliquer ces changements.

Par contre, une surprise de taille m'attend : je comprend tout, même les articles les plus techniques. Je décèle rapidement approximations dans les explications et les ignorances médicales. J'ai même l'impression de connaître les réponses à toutes ces lacunes, mais pour l'instant je ne les trouve pas. Là, franchement, j'ai peur. Je pense aux savants fous, à tous ces surdoués aux comportements infantiles, incapables de s'en sortir seuls dans les actes de la vie quotidienne ou qui ne dorment pas car trop de choses leur trottent dans la tête. Je ne veux pas finir comme eux !

Cette nuit justement, contrairement à mon habitude, j'ai eu beaucoup de mal à trouver le sommeil. Je n'ai pas arrêté de penser ce changement d'état qui m'angoisse. Quand enfin j'ai pu m'endormir, j'ai fait un rêve étrange. J'habitais dans un village isolé, dans un pays vallonné, recouvert d'immenses forêts de conifères, avec des lacs par centaines. Il y avait de la neige en abondance. Les habitants formaient une communauté. Rien de mystique, mais beaucoup de solidarité et d'amour. C'était un havre de paix.

Etait-ce un pays imaginaire ? Voyons… avec autant de lacs, ce ne peut-être le Canada ou la Sibérie. Alors… la Scandinavie ? La Finlande… le pays aux mille lacs !

Je sens une force mystérieuse qui me pousse à m'y rendre.

-Maman, papa ! Je pars pour la Finlande !

 

                                                                    9

 

L'Airbus d'Air France atterrit à Helsinki. C'est curieux, dès la phase d'approche de l'aéroport, en regardant par le hublot, j'ai eu l'impression de reconnaître la ville et ses environs alors que je n'ai jamais mis les pieds dans ce pays.

Je suis partie sans but précis, sans destination autre que celle de cette capitale, me fiant uniquement à mon instinct et à mes intuitions. Je me retrouve ainsi dans un cybercafé, étudiant les photos satellite de ce pays, à la recherche de lieux géographiques qui éveilleraient en moi des souvenirs.

Je ne tarde pas à les trouver, dans le nord, loin des grands axes de circulation et des zones urbaines, dans une région particulièrement isolée, située à 250 kilomètres au nord du cercle arctique. Moi qui suis frileuse… Tant pis ! Je dois y aller ! Je retourne donc à l'aéroport et je prends un billet pour Ivalo.

Dans l'avion, j'essaie de dormir pour éviter de penser et pour espérer faire un nouveau rêve merveilleux, mais comme dans le vol précédent, je n'y parviens pas. Alors, je reste le nez collé sur la vitre du hublot à regarder les nuages et défiler le paysage lointain, au grand étonnement du passager assis à mes côtés.

A l'arrivée, toujours la même impression de déjà-vu, mais encore plus forte.

Il neige et le thermomètre affiche moins cinq à l'extérieur. Dans une boutique de l'aéroport, j'achète des vêtements adaptés aux températures polaires.

Je continue à me fier à mon intuition : la gare routière ! Je prends le premier bus à destination du nord. Je descends au terminus puis j'en prend un second qui me dépose dans un village perdu, à 150 kilomètres de la mer de Barents.

Je descends dans un hôtel, le seul à cinquante kilomètre à la ronde, me précise le patron de cette petite bâtisse en pin, simple mais bien tenue.

J'ai une faim de loup. Il me sert des plats copieux et délicieux. Je mange de la viande de rêne pour la première fois de ma vie. Vraiment succulent ce repas, je n'en laisse pas une miette.

Je demande à l'hôtelier :

-Dans la région, quelle est la commune la plus isolée, la moins fréquentée ?

Il me regarde avec surprise.

-Jarvik, me répond-il. Vous ne comptez pas vous y rendre ?

-Si ! Pourquoi ?

Il n'y a ni bus ni taxi. Pas d'hôtel, non plus.

-Je peux louer un voiture ?

-Pas de route praticable pour s'y rendre !

-Mais ce sont des sauvages !

-Pas du tout ! Des gens très charmants au contraire, mais ils ne veulent pas être embêtés.

-Surtout par des étrangers comme moi ! ne puis-je m'empêcher d'ajouter.

A son soupir, je sens qu'il ne veut pas en dire plus.

Je sens ma colère monter.

-On ne trouve pas de skis à louer dans ce bled du bout du monde ?

J'allais dire " dans ce bled paumé ", mais je me suis retenue juste à temps.

-Non, mais je peux vous prêter ceux de ma femme.

J'ai bien fait de me retenir.

-Ce n'est pas de refus, merci.

-Vous chaussez du combien ?

-Du 39.

-Comme elle, c'est parfait ! Je vous prépare tout l'équipement.

-Merci encore.

-Jarvik est à 35 kilomètres d'ici…

J'ai l'habitude de pratiquer le ski de randonnée sur les hauteurs d'Aurillac. La distance ne me fait pas peur.

-Ce n'est pas un problème.

Je tombe de sommeil.

-Je vais me coucher. Bonne nuit !

-Il n'y a pas de nuit en cette saison, pas au-delà du cercle polaire. Dormez bien.

Je m'arrête au milieu des escaliers.

-Au fait, il y a bien une piste balisée ?

-Il n'y en a jamais eu.

L'inquiétude me gagne.

-Mais rassurez-vous, me fait-il en souriant, vous n'aurez qu'à suivre leur traces. Ils viennent parfois se ravitailler au village en motoneige ou en skis. Aujourd'hui, ils sont venus et repartis, chargés comme des mules.

Il ne m'a pas posé une seule question. Pourtant, une jeune fille de dix-huit ans, seule, avec pour tout bagage un sac de voyage -pas très grand d'ailleurs- dans les neiges glacées de l'arctique… cela a de quoi surprendre. Tant mieux s'il ne me le demande pas, car moi-même, je ne sais pas ce que je fais ici.

 

                                                                 10

 

Douze heures plus tard –je suis une grande dormeuse- je me réveille, parfaitement bien reposée, prête à affronter le froid et les 35 kilomètres d'un parcours accidenté mais praticable.

J'ouvre les volets. Le décor est féerique dans cette lumière blafarde : une forêt enneigée à perte de vue dans un paysage vallonné, pas un nuage dans ce ciel bleu pâle, une fine couche de neige fraîche recouvre l'ancienne.

Derrière son bar, l'hôtelier arbore un large sourire. Il me montre l'équipement qu'il m'a préparé en vue de cette expédition. Outre le matériel de ski, un petit sac à dos bien rempli.

-C'est trop gentil.

Je ne me sens pas du tout dépaysée dans cette forêt entrecoupée d'immenses clairières. Les traces de ski sont parfois à peine visibles, mais je ne m'inquiète pas, j'ai l'impression que même si elles disparaissaient je saurais retrouver mon chemin.

Enfin le village ! Mon cœur bat à tout rompre. Pas à cause de l'effort, mais d'une émotion intense qui m'envahit.

Je m'engage dans la rue principale. Les gens me regardent comme une bête curieuse. Ils ne doivent pas voir beaucoup d'étrangers chez eux. Rien de menaçant dans leur regard, au contraire, des sourires, un signe de la main par ici, un bonjour par là auxquels je réponds.

C'est bizarre, j'ai l'impression de tous les connaître.

Un banc ! Je déchausse et je m'y assois.

Une jeune fille de mon âge, souriante, vient prendre place à mes côtés. Je la regarde avec stupéfaction.

-Katleen !

L'émotion est trop forte. En criant son nom, je perds connaissance.

Quand je reviens à moi, je me retrouve allongée sur le banc, entourée de visages familiers.

-Ingrid, Karl, Judith, Arthur…

A l'évocation de leurs noms, ils deviennent blêmes, leur stupéfaction est totale.

-Mais qui êtes-vous donc ? me demande Thibaud.

-Qui je suis ? Mais voyons, vous le savez bien, je suis… je suis …

Silence, stupeur !… Je ne sais plus qui je suis. Puis un prénom me revient en mémoire.

-Irène ?

-Nous ne connaissons pas d'Irène, me répond Tatiana.

Un second prénom sort instantanément de ma bouche :

-Karen … Karen Mildar !

Autour de moi, tout se fige : les visages, les gens… même le temps semble s'être arrêté.

-Ce n'est pas possible, tu ne peux pas être…

-Anthony ! Mon cher petit fils !

Je me lève et je le serre dans mes bras.

-Grand-mère ! me dit-il, la voix brisée par l'émotion, tu es revenue !

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Afficher les 2 commentaires. Dernier par À vous les secrets de la magie ! le 22-07-2013 à 11h23 - Permalien - Partager