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Platon - l'âme - EC1 n°9 Posté le Vendredi 11 Septembre 2009 à 09h53
Platon - l'âme
Phédon

XXVII. — Ne disions-nous pas aussi tantôt que, lorsque l'âme se sert du corps pour considérer quelque objet, soit par la vue, soit par l'ouïe, soit par quelque autre sens, car c'est se servir du corps que d'examiner quelque chose avec un sens, elle est alors attirée par le corps vers ce qui change ; elle s'égare elle-même, se trouble, est en proie au vertige, comme si elle était ivre, parce qu'elle est en contact avec des choses qui sont en cet état ?

— Certainement.

— Mais lorsqu'elle examine quelque chose seule et par elle-même, elle se porte là-bas vers les choses pures, éternelles, immortelles, immuables, et, comme elle est apparentée avec elles, elle se tient toujours avec elles, tant qu'elle est seule avec elle-même et qu'elle n'en est pas empêchée ; dès lors elle cesse de s'égarer et, en relation avec ces choses, elle reste toujours immuablement la même, à cause de son contact avec elles, et cet état de l'âme est ce qu'on appelle pensée.

— C'est parfaitement bien dit, et très vrai, Socrate, repartit Cébès.

— Maintenant, d'après ce que nous avons dit précédemment et ce que nous disons à présent, à laquelle des deux espèces te semble-t-il que l'âme est le plus ressemblante et plus proche parente ?

— Il me semble, Socrate, répondit-il, que personne, eût-il la tête la plus dure, ne pourrait disconvenir, après ton argumentation, que l'âme ne soit de toute façon plus semblable à ce qui est toujours le même qu'à ce qui ne l'est pas.

— Et le corps ?

— Il ressemble plus à l'autre espèce.

XXVIII. — Considère encore la question de cette façon. Quand l'âme et le corps sont ensemble, la nature prescrit à l'un d'être esclave et d'obéir, à l'autre de commander et d'être maîtresse. D'après cela aussi, lequel des deux te paraît ressembler à ce qui est divin et lequel à ce qui est mortel ? Mais peut-être ne crois-tu pas que ce qui est divin est naturellement fait pour commander et pour diriger, et ce qui est mortel pour obéir et pour être esclave ?

— Si, je le crois.

— Alors auquel des deux ressemble l'âme ?

— Il est évident, Socrate, que l'âme ressemble à ce qui est divin et le corps à ce qui est mortel.

— Examine à présent, Cébès, reprit Socrate, si, de tout ce que nous avons dit, il ne résulte pas que l'âme ressemble de très près à ce qui est divin, immortel, intelligible, simple, indissoluble, toujours le même et toujours semblable à lui-même, et que le corps ressemble parfaitement à ce qui est humain, mortel, non intelligible, multiforme, dissoluble et jamais pareil à soi-même. Pouvons-nous alléguer quelque chose contre ces raisons et prouver qu'il n'en est pas ainsi ?

— Non.

XXIX. — Alors, s'il en est ainsi, n'est-il pas naturel que le corps se dissolve rapidement et que l'âme au contraire soit absolument indissoluble ou à peu près ?

— Sans contredit.

— Or, tu peux observer, continua-t-il, que lorsque l'homme meurt, la partie de lui qui est visible, le corps, qui gît dans un lieu visible et que nous appelons cadavre, bien qu'il soit naturellement sujet à se dissoudre, à se désagréger et à s'évaporer, n'éprouve d'abord rien de tout cela et reste comme il est assez longtemps, très longtemps même, si l'on meurt avec un corps en bon état et dans une saison également favorable ; car, quand le corps est décharné et embaumé, comme on fait en Égypte, il demeure presque entier durant un temps infini, et même quand il est pourri, certaines de ses parties, les os, les tendons et tout ce qui est du même genre, sont néanmoins presque immortels. N'est-ce pas vrai ?

— Si.

— Peut-on dès lors soutenir que l'âme, qui s'en va dans un lieu qui est, comme elle, noble, pur, invisible, chez celui qui est vraiment l'Invisible, auprès d'un dieu sage et bon, lieu où tout à l'heure, s'il plaît à Dieu, mon âme doit se rendre aussi, que l'âme, dis-je, pourvue de telles qualités et d'une telle nature, se dissipe à tous les vents et périsse en sortant du corps, comme le disent la plupart des hommes ? Il s'en faut de beaucoup, chers Cébès et Simmias ; voici plutôt ce qui arrive. Si, en quittant le corps, elle est pure et n'entraîne rien du corps avec elle, parce que pendant la vie elle n'avait avec lui aucune communication volontaire et qu'au contraire elle le fuyait et se recueillait en elle-même, par un continuel exercice ; et l'âme qui s'exerce ainsi ne fait pas autre chose que philosopher au vrai sens du mot et s'entraîner réellement à mourir aisément, ou bien crois-tu que ce ne soit pas s'entraîner à la mort ?

— C'est exactement cela.

— Si donc elle est en cet état, l'âme s'en va vers ce qui est semblable à elle, vers ce qui est invisible, divin, immortel et sage, et quand elle y est arrivée, elle est heureuse, délivrée de l'erreur, de la folie, des craintes, des amours sauvages et de tous les autres maux de l'humanité, et, comme on le dit des initiés, elle passe véritablement avec les dieux le reste de son existence. Est-ce là ce que nous devons croire, Cébès, ou autre chose ?

— C'est cela, par Zeus, dit Cébès.

 

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