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EC1 n°18 Posté le Mardi 15 Décembre 2009 à 22h34

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Kant – Préface à la critique de la raison pure - Extraits

 

 

La mathématique et la physique sont les deux connaissances théoriques de la raison qui doivent déterminer a priori leur objet, la première d'une façon entièrement pure, la seconde du moins en partie, mais aussi dans la mesure que lui permettent d'autres sources de connaissance que la raison.

La mathématique, dès les temps les plus reculés où puisse remonter l'histoire de la raison humaine, a suivi, chez l'admirable peuple grec, la route sûre de la science. Mais il ne faut pas croire qu'il lui ait été aussi facile qu'à la logique, où la raison n'a affaire qu'à elle-même, de trouver cette route royale, ou pour mieux dire, de se la frayer. Je crois plutôt qu'elle est restée longtemps à tâtonner (surtout chez les Égyptiens), et que ce changement fut l'effet d'une révolution due à un seul homme, qui conçut l'heureuse idée d'un essai après lequel il n'y avait plus à se tromper sur la route à suivre, et le chemin sûr de la science se trouvait ouvert et tracé pour tous les temps et à des distances infinies. L’histoire de cette révolution intellectuelle, beaucoup plus importante cependant que la découverte de la route par le fameux cap, l'histoire aussi de l'homme qui eut le bonheur de l'accomplir n'est pas parvenue jusqu'à nous. Cependant la tradition que nous transmet Diogène Laërce, en nommant le prétendu inventeur de ces

éléments les plus simples des démonstrations géométriques qui, suivant l'opinion commune, n'ont besoin d'aucune preuve, cette tradition prouve que le souvenir du changement opéré par le premier pas fait dans cette route nouvellement découverte, a dû paraître extrêmement important aux mathématiciens, et a été sauvé par cela de l'oubli. Le premier qui démontra le triangle isocèle (qu'il s'appelât Thalès ou de tout autre nom) fut frappé d'une grande lumière ; car il trouva qu'il ne devait pas s'attacher à ce qu'il voyait dans la figure, ou même au simple concept qu'il en avait, mais qu'il avait à engendrer, à construire cette figure, au moyen de ce qu'il pensait à ce sujet et se représentait a priori par concepts, et que, pour connaître avec certitude une chose a priori, il ne devait attribuer à cette chose que ce qui dérivait nécessairement de ce qu'il y avait mis lui-même, en conséquence de son concept.

La physique arriva beaucoup plus lentement à trouver la grande route de la science ; car il n'y a guère plus d'un siècle et demi, que l'essai ingénieux de Bacon de Vérulam a en partie provoqué, et, parce qu'on était déjà sur la trace, en partie stimulé encore cette découverte, qui ne peut s'expliquer que par une révolution subite de la pensée. Je ne veux ici considérer la physique qu'autant qu'elle est fondée sur des principes empiriques.

Lorsque Galilée fit rouler ses boules sur un plan incliné avec une accélération déterminée et choisie par lui-même, ou que Toricelli fit porter à l'air un poids qu'il savait être égal à celui d'une colonne d'eau à lui connue, ou que, plus tard, Sthal transforma des métaux en chaux et celle-ci à son tour en métal, en y retranchant ou en y ajoutant certains éléments, alors ce fut une nouvelle lumière pour tous les physiciens. Ils comprirent que la raison n’aperçoit que ce qu'elle produit elle-même d'après

ses propres plans, qu'elle doit prendre les devants avec les principes qui déterminent ses jugements suivant des lois constantes, et forcer la nature à répondre à ses questions, au lieu de se laisser conduire par elle comme en lisières ; car autrement nos observations faites au hasard et sans aucun plan tracé d'avance ne sauraient se rattacher à une loi nécessaire, ce que cherche et exige pourtant la raison. Celle-ci doit se présenter à la nature tenant d'une main ses principes, qui seuls peuvent

donner à des phénomènes concordants l'autorité de lois, et de l'autre l'expérimentation, telle qu'elle l'imagine d'après ces mêmes principes. Elle lui demande de l'instruire, non comme un écolier qui se laisse dire tout ce qui plaît au maître, mais comme un juge en fonctions, qui contraint les témoins à répondre aux questions qu'il leur adresse. La physique est donc redevable de l'heureuse révolution qui s'est opérée dans sa méthode à cette simple idée, qu'elle doit chercher (et non imaginer) dans la nature, conformément aux idées que la raison même y transporte, ce qu'elle doit en apprendre, et dont elle ne pourrait rien savoir par elle-même. C'est ainsi qu'elle est entrée d'abord dans le sûr chemin de la science, après n'avoir fait pendant tant de siècles que tâtonner.

La métaphysique est une connaissance rationnelle spéculative tout à fait à part, qui s'élève entièrement au-dessus des leçons de l'expérience, en ne s'appuyant que sur de simples concepts (et non en appliquant comme les mathématiques ces concepts à l'intuition), et où, par conséquent, la raison doit être son propre élève. Cette connaissance n'a pas encore été assez favorisée du sort pour pouvoir entrer dans le sûr chemin de la science, et pourtant elle est plus vieille que toutes les autres, et elle subsisterait toujours, alors même que celles-ci disparaîtraient toutes ensemble dans le gouffre d'une barbarie dévastatrice. La raison s'y trouve continuellement dans l'embarras, ne fût-ce que pour apercevoir a priori (comme elle en a la prétention) ces lois que confirme la plus vulgaire expérience. Il y faut revenir indéfiniment sur ses pas, parce qu'on trouve que la route qu'on a suivie ne conduit

pas où l'on veut aller. Quant à mettre ses adeptes d'accord dans leurs assertions, elle en est tellement éloignée qu'elle semble plutôt être une arène exclusivement destinée à exercer les forces des jouteurs en des combats de parade, et où aucun champion n'a jamais pu se rendre maître de la plus petite place et fonder sur sa victoire une possession durable. Il n'y a donc pas de doute que sa marche n'ait été

jusqu'ici qu'un pur tâtonnement, et, ce qu'il y a de pire, un tâtonnement au milieu de simples concepts.

Or, d'où vient qu'ici la science n'a pu ouvrir encore un chemin sûr ? Cela serait-il par hasard impossible? Pourquoi donc la nature aurait-elle inspiré à notre raison cette infatigable ardeur à en rechercher la trace, comme s’il s’agissait d'un de ses intérêts les plus importants ? Bien plus, comme nous avons peu de motifs de confiance en notre raison, si, quand il s’agit de l'un des objets les plus importants de notre curiosité, elle ne nous abandonne pas seulement, mais nous leurre de fausses espérances et finit par nous tromper ! Peut-être jusqu'ici a-t-on fait fausse route, mais sur quels motifs fonder l'espérance qu'en nous livrant à de nouvelles recherches nous serons plus heureux que

ne furent les autres avant nous ?

En voyant comment les mathématiques et la physique sont devenues, par reflet d'une révolution subite, ce qu'elles sont aujourd'hui, je devais juger l’exemple assez remarquable pour être amené à réfléchir au caractère essentiel d'un changement de méthode qui a été si avantageux à ces sciences, et à les imiter ici, du moins à titre d'essai, autant que le comporte leur analogie, comme connaissances rationnelles, avec la métaphysique. On a admis jusqu'ici que toutes nos connaissances devaient se

régler sur les objets ; mais, dans cette hypothèse, tous nos efforts pour établir à l'égard de ces objets quelque jugement a priori et par concept qui étendît notre connaissance n'ont abouti à rien. Que l'on cherche donc une fois si nous ne serions pas plus heureux dans les problèmes de la métaphysique, en supposant que les objets se règlent sur notre connaissance, ce qui s'accorde déjà mieux avec ce que nous désirons démontrer, à savoir la possibilité d'une connaissance a priori de ces objets qui établisse quelque chose à leur égard, avant même qu'ils nous soient donnés. Il en est ici comme de la première idée de Copernic : voyant qu'il ne pouvait venir à bout d'expliquer les mouvements du ciel en admettant que toute la multitude des étoiles tournait autour du spectateur, il chercha s'il n'y réussirait pas mieux en supposant que c'est le spectateur qui tourne et que les astres demeurent immobiles. En métaphysique, on peut faire un essai du même genre au sujet de l'intuition des objets.

Si l'intuition se réglait nécessairement sur la nature des objets, je ne vois pas comment on en pourrait savoir quelque chose a priori ; que si l'objet au contraire (comme objet des sens) se règle sur la nature de notre faculté intuitive, je puis très bien alors m'expliquer cette possibilité. Mais, comme je ne saurais m'en tenir à ces intuitions, dès le moment qu'elles doivent devenir des connaissances ; comme il faut, au contraire, que je les rapporte, en tant que représentations, à quelque chose qui en soit l'objet et que je détermine par leur moyen, je puis admettre l'une de ces hypothèses : ou bien les concepts à l'aide desquels j'opère cette détermination se règlent aussi sur l'objet, mais alors je me retrouve dans le même embarras sur la question de savoir comment je puis

en connaître quelque chose a priori ; ou bien les objets ou, ce qui revient au même, l'expérience dans laquelle seule ils sont connus (comme objets donnés) se règle sur ses concepts, et dans ce cas, j'aperçois aussitôt un moyen plus simple de sortir d'embarras. En effet, l'expérience elle-même est un mode de connaissance qui exige le concours de l'entendement, dont je dois présupposer la règle en moi-même, avant que des objets me soient donnés, par conséquent a priori ; et cette règle s'exprime

en des concepts a priori, sur lesquels tous les objets de l'expérience doivent nécessairement se régler, et avec lesquels ils doivent s'accorder. Pour ce qui regarde les objets, en tant qu'ils sont conçus simplement par la raison, et cela d’une façon nécessaire, mais sans pouvoir être donnés dans l'expérience (du moins tels que la raison les conçoit), nous trouverons en essayant de les concevoir (car il faut bien pourtant qu'on les puisse concevoir), nous trouverons, dis-je, plus tard une

excellente pierre de touche de ce que nous regardons comme un changement de méthode dans la façon de penser : c'est que nous ne connaissons a priori des choses que ce que nous y mettons nous-mêmes.

Cette tentative réussit à souhait et elle promet la marche assurée d'une science à la première partie de la métaphysique, à celle où l'on n'a affaire qu'à des concepts a priori, dont les objets correspondants peuvent être donnés dans une expérience conforme à ces concepts. En effet, à l'aide de ce changement de méthode, on peut très bien expliquer la possibilité d'une connaissance a priori, et ce qui est encore

plus important, munir de preuves suffisantes les lois qui servent a priori de fondement à la nature, considérée comme l'ensemble des objets de l'expérience ; deux choses qui étaient impossibles avec la méthode usitée jusqu'ici. Mais cette déduction de notre faculté de connaître a priori conduit, dans la première partie de la métaphysique à un résultat étrange, et, en apparence, tout à fait contraire au but que poursuit la seconde partie : c'est que nous ne pouvons, avec cette faculté, dépasser les bornes

de l'expérience possible, ce qui est pourtant l'affaire essentielle de la métaphysique. D'un autre côté, l'expérimentation nous fournit ici même une contre-épreuve de la vérité du résultat auquel nous arrivons dans cette première appréciation de notre faculté de connaître a priori : c'est que cette faculté n'atteint que des phénomènes et laisse de côté les choses en soi qui, bien que réelles en elles- mêmes, nous restent inconnues. En effet, ce qui nous pousse nécessairement à sortir des limites de l'expérience et de tous les phénomènes, c'est l'inconditionné, que la raison exige nécessairement et à juste titre, dans les choses en soi, pour tout ce qui est conditionné, afin d'achever ainsi la série des conditions. Or, en admettant que notre connaissance expérimentale se règle sur les objets, comme sur des choses en soi, on trouve que l'absolu ne peut se concevoir sans contradiction ; au contraire, si l'on admet que notre représentation des choses, telles qu'elles nous sont données ne se règlent pas sur ces objets, considérés comme choses en soi, mais que ce sont eux plutôt qui comme phénomènes, se règlent sur notre mode de représentation, alors la contradiction disparaît. Si en conséquence on se convainc que l'inconditionné, ne saurait se trouver dans les choses en tant que nous les connaissons (qu'elles nous sont données), mais en tant que nous ne les connaissons pas, c'est-à-dire dans les choses en soi, tout cela est la preuve que ce que nous n'avions d'abord admis qu'à titre d'essai est véritablement fondé. Mais, après avoir refusé à la raison spéculative tout progrès dans le champ du suprasensible, il nous

reste encore à chercher s'il n'y a pas dans sa connaissance pratique certaines données qui lui permettent de déterminer le concept transcendant de l'inconditionné et de pousser ainsi, conformément au vœu de la métaphysique, notre connaissance a priori au-delà de toute expérience possible, mais seulement au point de vue pratique. En procédant comme on vient de voir, la raison spéculative nous a du moins laissé la place libre pour cette extension de notre connaissance, bien qu'elle n'ait pu la remplir elle-même. Il nous est donc encore permis de la remplir, si nous le pouvons, par ses données pratiques, et elle-même nous y invite.

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