Le président du Tribunal supérieur d'appel de Mamoudzou, Jean-Baptiste
Flori a ouvert la deuxième session de l'année 2008 de la Cour
criminelle hier matin. Une seule affaire a été jugée. Cela concernait
un viol sur mineure de 15 ans en état de récidive. Mohamed* était à la
barre pour avoir violé une amie de sa soeur en avril 2005 à M'tsapéré.
Lors de l'audience, l'intéressé a d'ailleurs reconnu sans difficulté
les faits. Il a toutefois affirmé au président Flori être malade et
qu'il ne contrôlait pas ses pulsions. D'ailleurs l'expertise
psychiatrique et psychologique a confirmé que Mohamed avait de
nombreuses défaillances sur le plan scolaire, affectif et
professionnel. La psychologue, venue dresser un portrait de la
personnalité de Mohamed, l'a décrit comme immature et à la recherche de
référents parentaux. Elle a également estimé que l'enfermer à Majicavo
n'était pas la solution la plus adaptée puisqu'il n'existe aucune
structure de suivi médical pour des situations semblables à la sienne.
Dans sa jeunesse, Mohamed a été complètement délaissé par ses parents.
Il a été élevé par sa grand-mère, a arrêté sa scolarité au collège. Sa
vie affective était inexistante, l'accusé ayant avoué que les seules
relations sexuelles qu'il a eues ont été celle des deux viols.
Il y a 10 ans, il avait violé un enfant de 3 ans, ce qui avait conduit
la Cour criminelle en 2001 à le condamner à 10 ans de prison ferme.
Sorti en 2003, il a donc replongé deux ans plus tard. Finalement,
Mohamed a seulement brillé en athlétisme où il a participé à de
nombreuses sélections pour représenter notre île à l'extérieur. Comment
a-t-il fait pour ressortir aussi vite? Telle est la question qui mérite
d'être posée à la justice mahoraise alors que parmi les trois violeurs
présumés arrêtés la semaine dernière, le mineur n'avait été emprisonné
que pendant six mois.
Le procureur général Marc Brisset-Foucault n'a pas accablé Mohamed dans
son réquisitoire. Il a seulement rappelé que les faits reprochés à ce
dernier étaient graves et bien qu'il les ait reconnus, il fallait une
sanction exemplaire. Il a donc demandé 17 ans de réclusion criminelle.
Me Sevin, défenderesse de Mohamed, a, elle, demandé à ce qu'un suivi
médical accompagne la sanction, afin que Mohamed puisse avoir un jour
un espoir de guérir.
Me Kondé, représentant la jeune victime de 10 ans à l'époque, (elle
était présente à l'audience en compagnie de sa mère et de son ancienne
institutrice) a insisté sur les conséquences dramatiques de ce viol sur
Salima*. "Elle est en souffrance. Elle est blessée dans son corps et
dans sa chair. Mais il y aussi un traumatisme psychologique, ce qui
nous inquiète beaucoup. Elle n'habite plus chez ses parents à
M'tsapéré, ses parents ne pouvant supporter les insultes et les
moqueries de la famille de l'accusé alors qu'elle est la victime. Elle
vit hors de la cellule familiale protectrice à Ouangani chez son oncle.
Combien de temps ça va durer ? L'amour de ses parents l'accompagne,
mais la justice doit le faire aussi. D'ailleurs si elle est venue,
c'est qu'elle espère une fonction cathartique de ce procès pour pouvoir
se reconstruire et grandir. Sa mère me l'a confirmé, au niveau
culturel, elle sera dévalorisée quand il faudra penser au mariage. Il
est difficile de chiffrer le préjudice subi, mais la victime demande 15
000 € de dommages et intérêts", a plaidé longuement l'avocat.
Le président Flori et ses 4 assesseurs ont été plus sévères que les
réquisitions du procureur. Mohamed a en effet écopé de 18 ans de prison
ferme avec obligation d'un suivi socio médical. Il devrait donc
certainement être détenu à la Réunion ou en Métropole. La partie civile
a obtenu 10 000 euros de dédommagement. Ce verdict satisfait la partie
civile.