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roman science fiction

roman science fiction

roman science fiction Posté le Lundi 14 Avril 2008 à 14h17

ImageImageImage          www.ava-anice-fiction.org Il y a 200 000 ans, l'homo sapiens a été ensemencé dans notre galaxie par une race aujourd'hui disparue. L'une de ces civilisations vient d'arriver sur la Terre. Ces humains vivent parmi nous, sans révéler leur présence. Mais dans des circonstances exceptionnelles, ils peuvent nous contacter ou nous découvrons leur existence….

J'ai regroupé ces aventures dans deux recueils de nouvelles et trois romans, dont deux sont publiés aux Editions Thélès. " Retour sur Méga " et toutes mes nouvelles " Les visiteurs stellaires " et " Nos amis venus d'ailleurs " sont en lecture gratuite sur www.lecturegratuitepourtous.com  " Objectif Terre " et " Pour une autre Terre " sont en vente chez www.amazon.fr

Pierre Chonion     LA MENACE           1

Le capitaine Anza Bruz, l'épouse du commandant Drak Bruz, le chef de cette première expédition arrivée la veille sur Terre, entra dans le poste de surveillance, suivie de ses deux enfants.

Les deux gardes se levèrent immédiatement et la saluèrent.

-Je vais profiter de la nuit pour effectuer une sortie avec Blix et Vaya à bord de l'Onex. Je piloterai l'appareil moi-même. Veuillez déverrouiller les systèmes de sécurité !

-A vos ordres mon capitaine ! répondit l'un d'eux.

Le chasseur était à peine sorti de la grotte artificielle creusée dans la glace du continent antarctique, que son pilote lui fit effectuer un demi tour et appuya sur le bouton de mise à feu. La bombe à neutrons téléguidée détruisit toute vie à l'intérieur du vaisseau interplanétaire, mais laissa ce dernier intact. La jeune femme reviendrait plus tard récupérer tout le matériel utile. Kristin Miller et ses deux jumeaux, Colin et Rachel –leurs nouveaux noms dans le pays où ils s'installeraient, les USA- seraient désormais les seuls Cygléens présents sur Terre avant l'arrivée de la prochaine expédition prévue dans douze ans, le temps nécessaire aux informations adressées la veille de parvenir jusqu'à la planète-mère, Cyglée et au second vaisseau d'effectuer le trajet jusqu'ici.

-Mais maman ! Qu'est ce que tu viens de faire ? demanda Colin, consterné par l'acte de folie de sa mère.

A ses côtés, sa sœur semblait pétrifiée. Malgré leur cinq ans, ils réalisaient avec horreur les conséquences terrifiantes de ce comportement incompréhensible et inconcevable. Leur mère venait de tuer leur père et tous les autres Cygléens !

-C'étaient eux ou les six milliards de Terriens ! se justifia cette dernière. Votre cher papa avait décidé d'obéir aveuglément aux ordres du Conseil : détruire tous les habitants de cette planète en vue de sa colonisation. Demain, nous nous apprêtions à libérer dans l'atmosphère un virus mortel pour l'Homme. Dans quelques mois, la race terrienne aurait disparue complètement de la surface du globe. Cela, je ne pouvais pas l'accepter !

Elle mit alors le cap sur le continent Nord Américain où elle avait l'intention de s'établir et d'élever ses enfants dans ce monde nouveau mais agonisant. Cette planète était bien malade et ses habitants égoïstes, belliqueux et inconscients comme elle avait pu le constater d'après les premières informations recueillies, mais sur le plan physique, ils leur étaient absolument identiques. Retrouver les mêmes humains dans un autre système solaire avait été une surprise de taille, mais cela leur offrait une chance inespérée de pouvoir vivre parmi eux.

2

Rachel et Colin avaient maintenant dix sept ans. Ils n'étaient guère différents des autres étudiants de leur université, excepté sur certains aspects de leur personnalité. Renfermés, distants, maussades, leurs relations avec leur entourage se limitaient au strict minimum. Mais étant jumeaux, personne n'a jamais trouvé anormal de les voir toujours ensemble et rarement en compagnie d'autres adolescents. Leurs différences biologiques concernaient uniquement leurs organes et étaient indétectables. Seule une opération chirurgicale révélerait la nature extraterrestre de leur organisme. Aussi se montraient-ils d'une prudence extrême dans leur comportement de tous les jours.

C'était la fin des cours. Ils regagnaient leur voiture pour rentrer à la maison. Bien sûr, ils auraient pu prendre le bus scolaire pour effectuer le trajet, d'autant qu'un arrêt était situé près de chez eux. Mais entre l'attente, le parcours rallongé, les autres arrêts, la lenteur du véhicule et la présence de tous ces étudiants dont ils ne recherchaient pas particulièrement la compagnie, le choix s'était vite imposé.

Colin, dont la démarche pesante laissait croire qu'il portait sur son dos toute la misère du monde, ralentit le pas. Son air de chien battu disparut un bref instant et son visage laissa apparaître un vif étonnement.

-Mais c'est Peter ! Il habite près de chez nous !

Rachel était tout aussi surprise de le voir déjà à l'arrêt du bus. Habituellement, il s'attardait avec ses amis et attendait le dernier moment pour les quitter. Il se rendait toujours aux cours, qu'il suivait brillamment d'ailleurs avec les jumeaux, accompagné de sa sœur, de deux ans sa cadette. Mais eux utilisaient toujours les transports en communs. Question de convivialité !

-Il n'avait pas sa bonne humeur habituelle aujourd'hui. Tu ne l'as pas remarqué ? lui demanda-t-elle.

-Tu as raison, lui confirma-t-il. Il m'a paru soucieux.

Ils s'approchèrent de lui. Rachel lui demanda :

-Ca n'a pas l'air d'aller, Peter. Qu'est ce qui ne va pas ?

-Lisa a une mauvaise grippe. Elle est restée à la maison, répondit-il.

En effet, sa sœur n'était pas non plus à l'arrêt du bus. Contrairement à lui, elle arrivait parmi les premières, en compagnie d'autres filles. Leur absence n'avait pas échappée aux jumeaux car elles étaient tout le contraire d'eux sur le plan de la sociabilité. Vives, gaies et plutôt bavardes.

-Monte ! lui proposa Colin. Nous te déposerons . Tu seras chez toi plus tôt.

-Merci, c'est sympa ! leur répondit-il en saisissant son sac.

Il alla s'installer sur la banquette arrière.

-Comment va-t-elle ? s'inquiéta Rachel.

-Elle a une très forte fièvre. Hier soir, le médecin est passé et il l'a mise au repos pour une semaine.

Colin chercha à le rassurer.

-Tu te fais du souci pour rien. Soigner une grippe n'est plus un problème de nos jours.

Peter hésita, puis il finit par dire d'une voix mal assurée :

-Autant vous le dire tout de suite. De toute façon vous l'auriez appris un jour ou l'autre. Nos parents ont divorcé alors que nous étions gamins. Mon père travaille depuis quinze ans à Washington pour le compte du gouvernement. Nous ne le voyons qu'occasionnellement. Il y a un mois, ma mère est partie à San Francisco pour y rejoindre un ami et vivre avec lui. Nous n'avons pas voulu la suivre en cours d'année scolaire. Elle nous a donc laissé la maison. Comme je suis l'aîné, je suis chargé de veiller sur ma sœur. Or, elle est seule à la maison, malade. Et s'il lui arrivait quelque chose…

-Elle t'appellerait sur ton portable ! lui répondit Colin.

-Sans doute, mais je ne suis pas tranquille. Vous savez, depuis le départ de nos parents, nous sommes davantage responsables et solidaires, plus proches l'un de l'autre aussi. Si l'un de nous deux a un problème, l'autre le ressent immédiatement et il partage son inquiétude.

-Nous n'avons pas besoin de nous mettre à ta place, soupira Rachel, nous le sommes déjà. Ce problème, les jumeaux le connaissent tous.

-Si nous profitions de l'occasion pour lui rendre visite ? suggéra Colin. Ta soeur n'a probablement vu personne de la journée et il en sera sûrement de même dans les jours à venir.

-Mais elle est contagieuse ! fit remarquer Peter.

Rachel échangea un regard malicieux avec son frère ; ils étaient immunisés contre toutes les maladies possibles.

-Rien à craindre, nous sommes vaccinés contre la grippe, dit-elle en souriant.

Lisa avait passé un peignoir de bain sur sa chemise de nuit et s'était installée dans un fauteuil, zappant sans cesse, essayant en vain de s'intéresser à une émission de télévision.

Elle entendit son frère arriver et leva des yeux interrogateurs en direction de la pendule murale.

Il la devança.

-Tu ne devineras jamais avec qui je suis rentré !

Ses yeux s'écarquillèrent à la vue de ces visiteurs inattendus.

-Ils ont tenu à venir prendre de tes nouvelles.

Elle aurait bien aimé cacher sa surprise.

-Excusez-moi, mais je n'arrive pas à trouver les mots pour vous remercier, bredouilla-t-elle. Sincèrement, votre visite me fait plaisir, mais comprenez mon étonnement. Nous sommes presque voisins et nous ne nous sommes jamais rendus visite. Peter, tu aurais pu me téléphoner pour me prévenir !

Son frère prit un air désolé.

-Ne m'en veux pas, petite sœur, je me remets à peine de ma surprise.

Colin se rapprocha de sa jumelle.

-Nous sommes tous les deux les seuls responsables de cette situation. Tu le sais bien Peter, nous avons des problèmes d'intégration.

Tout le monde semblait mal à l'aise. Lisa tenta de remédier à cet état de choses.

-Ne vous culpabilisez pas. Notre personnalité et notre comportement sont le résultat d'événements dont nous ne sommes pas toujours maîtres : l'éducation, les expériences, le vécu en général.

-C'était le sujet de sa dernière dissertation, coupa son frère. Mais il renchérit :

-Les jumeaux ont tendance à privilégier leurs relations mutuelles au détriment de leur entourage. De plus, l'absence de l'un des parents n'est pas faite pour arranger les choses, nous sommes bien placés pour pouvoir en parler.

-Nous n'avons pas d'amis, déplora Rachel. Peut-être serez-vous les premiers.

-Je l'espère, répondit Peter. Nous avons vu que nous avions un point en commun. Essayons d'en trouver d'autres. Voyons... quels sont vos loisirs ?

Rachel fit la moue.

-C'est mal parti ! L'astronomie, la musique classique, le jazz...

Lisa ne put s'empêcher de rire. Elle se leva et tout en souriant, invita les jumeaux à la suivre. Elle ouvrit la porte-fenêtre de sa chambre et sur le balcon leur apparut une lunette astronomique pointée vers le ciel. A l'intérieur, de l'autre côté du lit se trouvait une micro-chaîne et deux colonnes complètes de CD.

-Toute la musique que tu aimes est là, fit-elle, d'un geste ample. Choisis ce qui t'intéresse. Fais-en des copies et ramène les CD quand tu voudras, ce sera une bonne occasion de se revoir.

-Vous avez tous deux les mêmes goûts ? questionna Peter.

Colin acquiesça. Sa sœur était occupée à choisir ses titres préférés afin de compléter sa collection.

-Nous pratiquons le ski de piste, dit-il.

-Nous, c'est le ski de randonnée et l'aéromodélisme. Mais notre grande passion, c'est le vol en ULM. La semaine dernière, j'ai réussi mon brevet de pilote et nos parents nous ont offert un appareil biplace. Si une excursion aérienne vous tente, je serais heureux de vous inviter à bord.

En guise de réponse, Colin posa ses deux mains sur les épaules de Peter et lui déclara d'une voix émue :

-Maintenant, je sais ce que le mot amitié veut dire.

-Cette invitation s'adresse aussi à toi, Rachel.

Cette dernière s'approcha de son nouvel ami, prit ses deux mains dans les siennes et d'une voix chargée d'émotion, lui fit cette réflexion :

-On nous croit froids et distants. En réalité nous avons la sensibilité à fleur de peau. Vous êtes vraiment très bien tous les deux. En ce qui te concerne, je le savais déjà, fit-elle d'une voix étranglée par l'émotion, en l'étreignant, mais je n'avais jamais eu l'occasion de te le dire.

Peter la sentait prête à éclater en sanglots. Il était décontenancé et terriblement gêné, ne sachant que faire. Finalement, il l'entoura de ses bras protecteurs et déclara d'une voix douce et calme :

-Nous sommes tous les quatre en manque d'affection. Nous avons besoin les uns des autres.

Personne ne répondit. Rachel laissa échapper une larme.

Un quart d'heure plus tard, Peter sortait son ULM flambant neuf du hangar situé dans sa propriété et décollait de son champ improvisé en terrain d'aviation avec Colin bien sanglé sur le siège arrière, mais pas très rassuré pour autant.

Tous les soirs, après les cours, Peter n'avait pas besoin d'insister longtemps pour convaincre Colin ou Rachel de l'accompagner dans ses sorties au-dessus des Montagnes Rocheuses. L'indisponibilité de Lisa laissait libre la place du passager. Autant en faire profiter les jumeaux ! C'était l'hiver, la montagne était recouverte d'un magnifique manteau neigeux. Les couchers de soleil somptueux dans ces décors de rêve étaient impressionnants. Seuls, au-dessus de ces paysages grandioses, naviguant entre des sommets majestueux, la communion entre les adolescents et la nature était totale.

Kristin Miller avait attendu le rétablissement de Lisa pour inviter ses jeunes voisins à souper. Elle allait enfin pouvoir faire la connaissance de ces envoyés du ciel ! Encore une fois, elle se demandait comment ils avaient pu transformer avec autant ce bonheur et à ce point la personnalité de ses enfants. Ces derniers n'arrêtaient pas de parler d'eux avec admiration. Elle s'était toujours inquiétée de ne jamais les avoir vu jouer avec les autres enfants de leur âge. Les enseignants mettaient en avant leurs excellents résultats scolaires, mais également leur isolement et leur manque de communication. Indubitablement, cette grippe bien venue était à l'origine d'une métamorphose en tous points remarquables. Ils étaient de meilleure humeur, plaisantaient, parlaient avec moins de retenue et beaucoup d'entrain et se confiaient davantage à elle.

Peter et Lisa n'avaient jamais rencontré Kristin. Certes, ils la connaissaient comme tous les gens des environs pour avoir créé à partir de rien une petite entreprise, plus précisément un centre d'études et de production d'hydrogène liquide et d'autres produits énergétiques non polluants, mais ils ne l'avaient jamais approchée. Une chose les frappa : elle avait gardé une étonnante jeunesse. Pas seulement une grande vitalité, mais également un visage sans la moindre ride, une fraîcheur de teint et une sveltesse tout à fait surprenantes chez une quadragénaire.

Le repas s'était déroulé dans une atmosphère plutôt joyeuse. Ces jeunes gens étaient manifestement heureux de se retrouver ensemble. Un rien les amusait. Kristin n'apprit rien de réellement nouveau tant ses enfants s'étaient montrés volubiles à leur propos. Elle y compris, ils partageaient tous plus ou moins les mêmes goûts et en parlaient avec passion. Voilà qui facilitait grandement le dialogue. Ces excursions dans les airs avaient marqué tous les esprits, au point qu'elle n'avait pas pu résister à la promesse faite par Peter. Samedi, elle s'envolerait avec lui. Ses invités lui avaient fait, à elle aussi, une formidable impression.

A la fin du dessert, elle prit une résolution.

-Votre amitié nous est bénéfique au plus haut point. Je voudrais à mon tour vous faire plaisir. J'ai une surprise à vous montrer, mais pour cela, je vais vous demander de me suivre dans mon laboratoire.

Les jumeaux se regardèrent avec stupéfaction et fixèrent leur mère droit dans les yeux. Personne n'avait jamais pénétré dans ce lieu sacré, sinon eux. Il abritait des appareils provenant d'un autre monde. Tous trois avaient fait le serment de ne jamais rien révéler à qui que ce soit. Comment pouvait-elle trahir sa parole ?

Devinant leur désarroi, elle ajouta à leur attention :

-Un laboratoire ne renferme pas que des secrets, on peut l'utiliser à bien d'autres fins.

Leurs craintes s'évanouirent aussitôt. Ils comprirent immédiatement que leur mère allait profiter de ce ciel nocturne exceptionnellement dégagé pour leur faire admirer les astres dans des conditions bien supérieures à celles auxquelles ils étaient habitués. Ils approuvèrent cette idée d'un sourire complice.

Mais pour Lisa, cette réflexion énigmatique ajouta à sa perplexité.

-Nous allons servir de cobayes humains ?

-Si je vous le dis, ce ne sera plus une surprise.

Kristin mit la paume de sa main dans l'empreinte du boîtier et la porte s'ouvrit.

-Ce système de sécurité reconnaît en outre Colin et Rachel et seulement eux. Les membres de mon personnel ne sont pas autorisés à entrer. Vous serez les seuls à bénéficier de ce privilège. Vous regarderez uniquement ce que je vous montrerai. Je ne répondrai qu'aux questions s'y rapportant. Tout le reste est top secret. Surtout, ne parlez à personne de votre visite ici.

La porte se referma automatiquement derrière eux.

Kristin les dirigea vers un tableau de commandes entouré d'écrans, positionnés en demi-cercle. Elle prit place sur le seul siège, les quatre adolescents se tenant à ses côtés. Elle appuya sur un bouton et commença son cours pendant que le tableau s'illuminait.

-Vous avez remarqué la présence d'une immense antenne sur le toit. Elle va se diriger automatiquement vers l'astre que l'un d'entre vous choisira sur cet écran.

Lisa pointa son doigt sur l'étoile polaire.

Pendant quelques minutes, leur professeur d'un jour les initia à l'emploi relativement simple de cette machinerie complexe. Puis des courbes et des graphiques apparurent sur les écrans.

-Nous recevons les signaux émis par cet astre, commenta-t-elle d'une voix neutre.

Elle leur en expliqua la signification et répondit à toutes leurs questions.

-Vos connaissances et votre compréhension de l'astronomie sont d'un niveau étonnamment élevé pour des jeunes de votre âge, les complimenta-elle.

Elle sortit un CD d'un tiroir et le leur offrit.

-Là-dessus, j'ai emmagasiné le meilleur de mes observations radio astronomiques. J'y ai rajouté les plus beaux clichés pris par le satellite Hubble. Il est à vous. Rangez-le en lieu sûr. N'en parlez à personne, à aucun prix !

-C'est un cadeau magnifique. Merci infiniment.

-Le plaisir est partagé, croyez-moi.

Puis, s'adressant aux jumeaux :

-Quand vous viendrez ici étudier les étoiles, amenez donc vos amis. Apprenez leur à se familiariser avec ces commandes.

A cet instant précis, elle éteignit le tableau. Tous les visages s'illuminèrent.

3

C'était leur dernière descente à skis. La journée avait été splendide, mais de gros nuages noirs assombrissaient à présent le ciel et les premiers flocons commençaient tout juste à tomber. Le soleil avait disparu depuis longtemps derrière les sommets, de sorte que la visibilité devenait précaire. La fatigue se manifestant plus rapidement dans la poudreuse, il était temps pour eux de rejoindre les pistes balisées.

Rachel était épuisée. Elle se lança la première dans la pente afin de descendre à son allure. Son état de fatigue n'avait évidemment pas échappé à son frère. Il restait en retrait, l'incitant de temps à autre à s'arrêter. Mais elle ne l'écoutait pas et continuait, sans observer la moindre pause, pour en finir avant que le ciel ne s'assombrisse trop. Elle ne voyait plus le relief et fut surprise par une barre rocheuse. Malheureusement, elle ne réussit pas à s'arrêter à temps. Colin la vit disparaître avec horreur en contrebas. Il suivit une large courbe pour la rejoindre et la découvrit, gisant au bord d'un lac gelé.

Elle était inconsciente. Il s'approcha d'elle aussi rapidement qu'il le put, son cœur battant à tout rompre. Il déchaussa ses skis et se précipita sur elle. Du sang coulait au niveau de sa nuque. Sa respiration était faible. Pendant de longues minutes, il essaya de la ranimer. Rien à faire ! C'était grave, très grave. Il craignait qu'elle ne fut dans le coma. S'il prévenait les secours en montagne à l'aide de son téléphone mobile, sa sœur se retrouverait à l'hôpital. Elle y subirait des examens et une opération chirurgicale à la tête, ce qu'il fallait à tout prix éviter. Cela lui posait un terrible cas de conscience. Non ! Les Terriens ne devaient pas découvrir leur origine extraterrestre ! Il pensa à l'Onex. Le chasseur était immobilisé depuis douze ans. Il n'était plus en état de voler, faute de maintenance. Il avait prévu de se mettre au travail à la fin de l'hiver et à présent il s'en voulait de ne pas s'y être pris plus tôt. Sa mère ne pourrait donc pas leur porter secours.

Leur véhicule était loin d'ici, garé beaucoup plus bas dans la station. La porter jusque là ? Cela lui prendrait au moins deux heures, plus une heure de route jusqu'au régénérateur. Mais il ne manquerait pas d'attirer l'attention sur eux et on ne le laisserait pas faire. Sa sœur jumelle agonisait, il le sentait. Elle pourrait tenir une heure mais certainement pas deux. A moins que... Une idée folle venait de lui traverser l'esprit ! Mais non, par ce temps et avec la nuit qui tombait. C'était du suicide et complètement irréalisable. Personne ne devait savoir, pas même son seul ami.

Mais la situation était désespérée et il se dit finalement qu'il n'avait rien à perdre à essayer. Il ôta un gant et sortit son téléphone. Il hésita. " C'est une course contre la montre, se dit-il, même s'il n'y a qu'une chance sur mille, je dois la tenter, sinon je m'en voudrais toute ma vie. "

Ruth et Lisa venaient à peine de sortir pour se rendre au Royal, à la séance de 17 H 30, quand la sonnerie retentit. Peter sortit son portable. C'était Colin. Il semblait complètement paniqué.

-Je suis au bord du lac Parker ! s'écria-t-il. Rachel a sauté une barre rocheuse. Elle est dans le coma. Viens te poser sur le lac et ramène-la à la maison. Seule ma mère peut la sauver !

Cela ressemblait à une mauvaise blague, mais Peter connaissait trop bien son ami pour savoir qu'il ne plaisantait pas.

-J'appelle immédiatement les secours en montagne.

-Non ! coupa brutalement Colin. Rachel et moi, nous sommes des extraterrestres...

-Ca suffit ! Si tu te crois drôle...

-Je suis sérieux. Les chirurgiens vont s'apercevoir qu'elle n'est pas de votre monde. Imagine les conséquences pour nous !

-Même si tu me dis la vérité, je ne peux rien faire. Il neige à gros flocons. La visibilité est nulle et dans une heure il fera nuit. C'est suicidaire et voué à l'échec. Demande plutôt aux autres extraterrestres de t'aider !

-Il n'y en a pas d'autres ! Nous ne sommes que nous trois !

-Je ne peux pas te croire, c'est trop gros !

Colin sentit le monde s'écrouler autour de lui. Il dit d'une voix calme et grave :

-Alors, tout est fichu ! Dans une heure ou deux Rachel sera morte !

Peter sentit soudain une force irrésistible monter en lui. Il se leva d'un bond et prit une décision complètement folle.

-J'arrive ! cria t-il.

Cinq minutes plus tard, il décollait péniblement, dans des conditions météorologiques épouvantables. Le sol, la montagne et le ciel se confondaient en un amalgame laiteux. Les meilleurs pilotes ont beau connaître le relief comme leur poche, ils perdent tous leurs repères dans le brouillard, encore plus dans les nuages et les tourmentes de neige. Heureusement, Peter avait équipé son appareil d'un radar, un gadget, pensait-il au moment de l'acquérir, mais une occasion en or sur laquelle il avait sauté un peu trop précipitamment à son goût. Il se guidait tant bien que mal grâce à cet instrument providentiel qui n'aurait jamais dû se trouver à bord.

Pour repérer ce lac qu'il connaissait bien, il lui fallait se rapprocher de la montagne, donc des obstacles. A présent, le radar ne lui servait plus beaucoup. Il naviguait à vue, les yeux écarquillés, sur le qui-vive. Il évita d'extrême justesse une paroi rocheuse. Il réalisa soudain que son inconscience avait failli l'emporter. Il sentait son cœur prêt à exploser. Son instinct de survie lui commandait de prendre de l'altitude et de rentrer, mais il n'arrivait pas à s'y résigner. Renonçant aux règles de prudence les plus élémentaires, il plongea à nouveau. Il avait réduit sa vitesse au minimum, son ULM menaçant à tout instant de décrocher. Il tournait, zigzaguait, mais toujours pas la moindre trace de ce lac. Il ne devait pourtant pas en être loin. A sa grande surprise, son téléphone sonna. " C'est bien le moment ! " pensa-t-il. Mais il eut un flash. " Si c'était Colin ? ". Il porta l'appareil à son oreille. Gagné ! C'était bien lui !

-Je t'entends, je suis sur ta gauche... Continue à virer... Tout droit maintenant... Un peu plus à droite... Je te vois, hurla-t-il en sautant et en agitant son bras libre.

Peter devina le lac plus qu'il ne le vit -en réalité plutôt un étang- et les deux formes humaines. Il fit un passage pour voir sous quel angle il devait se présenter et faillit percuter cette maudite barre rocheuse, déjà fatale à Rachel. Il s'en était encore fallu d'un cheveu !

La partie s'annonçait mal. Le plan d'eau gelé, encaissé et de dimensions trop faibles, obligerait un pilote téméraire à prendre un maximum de risques. Mais lui était seulement un débutant ! Avait-il le droit d'abandonner ses deux amis à leur triste sort, à laisser mourir Rachel ? Non, bien sûr ! Ce n'était plus le moment de reculer. Il amorça la descente et, frôlant la montagne, vira brusquement et posa les skis en douceur, prêt à reprendre de l'altitude si la glace se mettait à céder sous le poids de l'appareil. Il disposait de moins de cinq secondes pour remettre les gaz, car il y avait si peu de place pour s'arrêter. Passé ce délai, si la glace rompait, il coulerait avec son appareil. Par chance, le froid vif de ces derniers jours avait suffi-samment épaissi la couche. Le freinage violent fit faire un demi-tour à l'ULM au moment où il s'arrêtait, à quelques mètres des jumeaux.

Peter sauta de son appareil et se précipita vers son amie. Il réalisa alors l'extrême gravité de la situation. Le temps pressait. Il aida Colin, blême et hagard, à hisser Rachel, inconsciente, sur le siège arrière. Il la recouvrit d'une couverture de survie et la sangla fermement.

-Fait vite ! Maman vous attend devant ton hangar, lui cria Colin pour se faire entendre malgré le bruit du moteur.

Peter acquiesça et leva le pouce pour le rassurer. En réalité, lui-même ne l'était pas du tout. Avec deux personnes à bord, la distance de décollage était trop courte. L'importante couche de neige fraîche ralentirait considérablement la vitesse d'envol. Il eut une idée. La tentative était périlleuse, mais il n'avait plus le choix. Il fit deux allers et retours en roulant pour damner la neige. Puis il s'arrêta, fit hurler le moteur et débloqua brusquement les freins. L'appareil s'élança, prit rapidement de la vitesse et décolla lourdement en bout de piste. Dans le même mouvement, il amorça un virage serré à droite, un ski accrochant au passage une branche de sapin. Il perdit rapidement de l'altitude, mais il se retrouvait dans le sens de la pente et put s'élever à nouveau. Tout s'était déroulé dans une semi-obscurité, mais le plus dur était fait. Rentrer de nuit, sous d'abondantes chutes de neige n'était rien en comparaison des risques qu'il venait de prendre.

Lorsqu'elle entendit le bruit du moteur, Kristin alluma ses phares pour éclairer le terrain. Par l'intermédiaire de son téléphone portable, son fils l'avait tenue au courant dans les moindres détails de ce sauvetage inespéré. Elle avertit son fils de l'arrivée de l'ULM, mais ne lui parla pas de cette branche accrochée au-dessous qu'elle distinguait à peine. Inutile d'accroître son inquiétude.

L'atterrissage fut périlleux, la faute à cette maudite branche, mais il n'y eut pas de casse. Aussitôt descendu, Peter dégagea Rachel, toujours en vie, à son grand soulagement. Il la porta sur la banquette arrière de la voiture.

-Enlève-lui ses chaussures et sa combinaison ! lui demanda Kristin.

Puis elle démarra en trombe. Moins d'une minute plus tard, elle ouvrit la porte du laboratoire et lui montra l'emplacement où sa fille devait être déposée, une sorte de sarcophage bourré d'appareils électroniques.

-Aide-moi à la déshabiller! lui dit-elle d'une voix terriblement anxieuse.

Il s'exécuta.

Elle pressa un bouton. Le couvercle se referma sur sa fille. Des écrans s'allumèrent et se remplirent de données diverses.

-Mon Dieu, se lamenta-t-elle, elle est en train de mourir!

Kristin s'appuya sur le pupitre, le visage défait. Peter alla chercher le siège situé devant le tableau de commande de l'antenne de radioastronomie. Il l'aida à s'asseoir. Elle était effondrée.

Un écran attira son attention. Il indiquait la fréquence cardiaque.

Il se tourna vers elle :

-Son cœur recommence à battre !

Elle se leva d'un bond.

-Tous les chiffres sont en hausse ! Elle est sauvée ! Peter, tu lui as sauvé la vie ! s'exclama-t-elle en se jetant dans ses bras.

Son émotion était trop forte. Elle éclata en sanglots, mais c'étaient des larmes de joie qui coulaient sur ses joues. Lui aussi la serra dans ses bras et se mit à pleurer. La tension qu'il supportait depuis plus d'une heure avait été trop forte. Il craquait à son tour.

-Kristin, tu dois appeler ton fils, lui dit-il au bout d'un moment.

Puis seulement, il réalisa son étourderie. Il venait de la tutoyer !

-Je te considère comme mon deuxième fils, lui murmura-t-elle à l'oreille.

Elle s'écarta légèrement de lui et prit son portable pour annoncer l'heureux dénouement à Colin.

Ce dernier était sur le point de rejoindre son véhicule quand il apprit cette bonne nouvelle. Jamais il n'avait ressenti un tel soulagement, une joie aussi intense. Elle était toute intérieure. Il ne poussa pas de cri de joie, ne sauta pas, mais ferma simplement les yeux durant quelques secondes pour apprécier ce moment.

Peter se pressa de rentrer avant le retour de Lisa. Il eut du mal à dégager la branche du train d'atterrissage. Après y être enfin parvenu, il fit rouler son appareil dans le hangar, ferma la porte à double tour et alla prendre un bain pour se détendre.

Il en ressortit complètement revigoré. Entre temps, sa sœur était rentrée, avait préparé le repas et mis le couvert. Il avait une faim de loup.

-Le film t'a plu ? se força-t-il à lui demander.

Elle l'avait trouvé génial et se mit en devoir de le lui raconter.

" Elle ne se doute de rien ", pensa-t-il. Même si Kristin ne lui avait donné aucune consigne, il se sentait tenu au silence. Mais cette situation ne l'enchantait pas. Avec sa sœur, ils ne s'étaient jamais rien cachés. Elle avait beaucoup d'intuition. Immanquablement, un jour, elle découvrirait que son frère et ses meilleurs amis l'avaient volontairement maintenue dans l'ignorance d'un incroyable secret. Elle le prendrait forcément très mal.

Le repas terminé, il envisagea de se rendre chez ses amis, mais il se ravisa aussitôt. Lisa profiterait de cette occasion pour l'accompagner et ne manquerait pas de noter l'absence de Rachel et de relever dans son entourage des attitudes suspectes. Il ne fallait surtout pas lui mettre la puce à l'oreille. Dorénavant, il devrait apprendre à contrôler ses moindres faits et gestes afin de ne pas éveiller ses soupçons.

Il se retira dans sa chambre pour appeler Kristin.

-Tout se passe pour le mieux, le rassura-t-elle. Elle a un gros caillot de sang dans la tête, mais les nano-robots sont en train de le résorber et de réparer les lésions. Dans quelques heures, elle aura retrouvé toute la plénitude de ses moyens, j'en suis certaine.

Il était bien loin de partager la même conviction. Il demanda :

-Peux-tu me passer un coup de fil dès qu'elle sera sur pied, quelle que soit l'heure ?

-Je n'y manquerai pas. Tiens, Colin arrive à l'instant ! lui apprit-elle.

-Alors je te laisse, vous avez certainement des choses importantes à vous dire.

Son fils se précipita dans les bras de sa mère. Sur le chemin du retour, il s'était tenu régulièrement informé de l'évolution favorable de l'état de santé de sa sœur.

-Nous avons manqué de prudence, reconnut-il. Rachel a eu un coup de barre terrible. J'aurai du passer devant, descendre très lentement et m'arrêter de temps en temps pour l'obliger à se reposer. Au lieu de cela, je l'ai laissé régler l'allure. Cet accident est dû à la fatigue et à ma stupidité.

-Je ne te reproche rien, Colin. Le drame a été évité, c'est bien là l'essentiel.

-Grâce à Peter ! Il a été formidable ! Il n'a pas hésité à risquer sa vie pour sauver celle de Rachel. Plusieurs fois, j'ai bien cru que sa dernière heure était arrivée. Mais quelle dextérité et quelle présence d'esprit ! A chaque fois il a trouvé le moyen de s'en sortir.

-Tu as bien fait de le mettre au courant. Il représentait notre seul espoir. Mais sincèrement, je ne le savais pas aussi doué et courageux, capable de telles prouesses. J'ai une immense confiance en lui. Comme vous, je me sens maintenant très proche de lui et réciproquement au point que l'on se tutoie.

-Alors, il fait vraiment partie de la famille. Qui s'en plaindra !

Il était près de deux heures du matin quand la sonnerie du portable de Peter mit brutalement fin à ses rêves.

-Ouais ? fit-il d'une voix traînante.

-C'est moi, Rachel !

Il se redressa péniblement, encore à moitié endormi.

-Mais qu'est ce qui te prends de m'appeler au beau milieu de la nuit ? J'étais en train de rêver que je te sauvais la vie.

-Ce n'était pas un rêve, mon Peter adoré, tu l'as vraiment fait ! Tu es mon super-héros.

A présent, il était complètement réveillé.

-Quoi ? Tu veux dire que ...les extraterrestres, mon sauvetage dans la nuit en pleine tourmente, mes crashs évités d'un cheveu, tout cela est vrai ?

-Oui, Colin et maman m'ont tout raconté. Moi, j'étais dans le coma. Je ne me souviens de rien. Tu as risqué cent fois ta vie pour me sauver d'une mort certaine. Et tu as réussi grâce à ton courage et à ton intelligence.

-Tes fonctions vitales avaient cessé, ton cœur s'était arrêté de battre. Pendant un court instant, on t'avait cru perdue. Dieu merci, tu es revenue à la vie. Mais comment vas-tu ?

-Je suis en pleine forme. J'ai retrouvé toutes mes capacités, toutes mes facultés. Mais viens me rejoindre, j'ai des révélations tellement importantes à te faire.

-J'arrive immédiatement !

-Ne réveille surtout pas Lisa.

Rachel lui ouvrit. Avant qu'il n'ait eu le temps de placer un mot, elle lui sauta au cou et l'embrassa longuement sur la bouche.

-Je tenais tellement à te remercier, lui dit-elle sans relâcher son étreinte.

-Tu peux me remercier tous les jours de cette manière, lui répondit-il, à peine remis de sa surprise, même si je dois commettre des meurtres pour avoir droit à cette récompense.

-Et en plus, tu as beaucoup d'humour. Qui a dit que l'homme parfait n'existait pas ?

Elle le prit par la main et l'emmena au salon.

-Où sont Kristin et Colin, s'enquit-il ?

-Couchés. La tension nerveuse a été à son comble ce soir. Ils étaient morts de fatigue. Ils ont besoin de récupérer.

-Mais comment ai-je pu m'endormir après ce qu'il s'est passé ?

-Quand tu reviendras, pense à me ramener la petite boîte noire que Colin a déposé discrètement à son arrivée sur le rebord de la fenêtre de ta chambre. Elle émet des ondes qui favorisent le sommeil.

-Un objet d'un autre monde, je suppose.

Un sourire fut sa seule réponse.

Elle le fit asseoir sur le canapé et se blottit douillettement contre son corps. Peter l'entoura de ses bras. Rachel commença son récit.

Une heure plus tard, il savait tout d'eux, du moins l'essentiel.

-Quel effet cela te fait-il de tenir dans tes bras une extraterrestre ?

Elle tourna son visage vers le sien, dans l'attente d'une réponse. Il en profita pour l'embrasser.

-Tu n'as pas la langue fourchue, constata-t-il en souriant. Je ne vois aucune différence. Tu es parfaitement humaine, sans l'ombre d'un doute.

-Toi, tu es très différent des autres Terriens. Tu es le seul à n'avoir aucun défaut.

-Tu n'as pas très bien cherché, ou alors tu me connais mal.

-Mais je ne demande qu'à mieux te connaître !

-Je n'ai rien à te cacher.

-Et si l'on sortait ensemble ? proposa-t-elle d'un air malicieux, ce ne serait pas un bon moyen pour tout apprendre l'un de l'autre ?

-C'est une excellente idée ! se réjouit-il.

Et ils se serrèrent un peu plus fort l'un contre l'autre.

Au matin, Peter eut beaucoup de mal à s'extraire de son lit. Les événements de la nuit lui revinrent brusquement en mémoire. Il se demanda à nouveau s'il n'avait pas rêvé. La boîte noire ! pensa-t-il soudain. Il bondit en direction de la fenêtre. Elle était là, posée sur le rebord extérieur. Il n'avait donc pas rêvé ! Il ouvrit les deux battants et se saisit de l'objet mystérieux. Rien dans son aspect n'indiquait une origine extraterrestre. Au moment où il le reposait sur sa table de chevet, il entendit frapper à la porte de sa chambre.

-Lisa ! pensa-t-il immédiatement. Il n'avait jamais réussi à lui cacher quoi que ce soit. Il y a bien longtemps qu'il n'essayait plus. Pourtant, pas une seule fois, il ne l'avait surprise en train de le surveiller ou de fouiller dans ses affaires. Ce n'était pas de l'intuition, mais bien plus, un sixième sens. Elle venait à coup sûr lui faire part de ses soupçons.

Il lui ouvrit.

-Je sais bien que cela ne me regarde pas, lui dit-elle sur un ton faussement désintéressé, mais tu voles en ULM la nuit dans des conditions dantesques, tu attends mon retour du cinéma et que je me sois couchée pour te sauver en douce et tu reviens comme un voleur, avant le lever du jour. J'ai de quoi m'inquiéter, avoue-le !

C'était bien cela, un sixième sens.

Il la prit délicatement par les épaules.

-Quand on est amoureux, on fait des choses insensées qu'on ne ferait pas en temps normal.

-Et ta dulcinée, c'est Rachel !

Elle ne posait même pas la question, puisqu'elle connaissait la réponse. C'était une affirmation.

-Oui, avoua-t-il.

-Mais ne prends donc pas cet air abattu ! s'exclama-t-elle, tu ne pouvais pas rêver mieux. Je suis folle de joie !

Elle se jeta à son cou.

" Mais quelle manie ont-elles toutes à vouloir absolument me serrer dans leurs bras ? se demanda-t-il. C'est très contagieux. "

-C'est quoi cette boîte noire ? lui demanda-t-elle soudain en montrant d'un signe de tête la table de chevet.

" J'aurais dû la cacher immédiatement ! " se dit-il en maudissant sa négligence.

-Ah ça ? fit-il avec une fausse assurance, ça appartient à Rachel. C'est censé favoriser le sommeil. Un truc qui doit émettre des ions négatifs je pense ou quelque chose dans ce genre.

-Ca m'a l'air drôlement efficace. Il est dix heures au cas où tu ne le saurais pas !

-Je mettrais plutôt ce réveil tardif sur le compte de mes sorties nocturnes, dit-il pour détourner son attention.

Mais c'était raté.

-A ce propos, lui dit-elle pour confirmer ses craintes, j'ai brûlé la branche de sapin que tu as ramenée de ton escapade mouvementée de cette nuit. Tu aurais au moins pu t'en servir pour effacer les traces de ton atterrissage. La neige ne les a pas totalement recouvertes.

4

C'était la dernière séance. Lisa venait de déposer Ruth à son domicile. Une vraie cinéphile, cette fille ! Tout en conduisant, comme elle longeait le centre d'études et de production de Kristin, elle y jeta instinctivement un coup d'œil. Elle crut percevoir devant la porte du laboratoire, dans l'un des rosiers, un imperceptible frémissement de feuilles. Mais il faisait nuit noire et seul l'éclairage public apportait à ce lieu un semblant de clarté. Son sens de l'observation et sa vue perçante ne la trahissaient jamais. Qu'est ce qui avait provoqué ce mouvement ? Une légère brise ? Mais seul ce massif avait bougé. Un animal ? Probablement. Un oiseau y aurait trouvé refuge.

Elle gara son véhicule devant chez elle. Cependant, quelque chose la chiffonnait. Un laboratoire de recherches peut très bien attirer des espions. " Je dois regarder trop de films ! " se dit-elle. Malgré tout, elle refit à pied, le chemin en sens inverse.

Arrivée devant le portail, elle ne put entrer. Elle savait qu'il était verrouillé. Elle observa le Centre, l'unité de production et l'habitation de ses amis. Il y régnait un calme total. Pour des raisons de sécurité, les bâtiments étaient démunis de fenêtres. Rien ne pouvait révéler une présence à l'intérieur.

Soudain, la porte du laboratoire coulissa et Kristin apparut, reconnaissable grâce à la lumière émise de l'intérieur. Puis elle se referma automatiquement derrière elle. Ensuite, tout se passa très vite.

Subitement, Kristin s'écroula. Un homme jaillit du massif qui avait frémit, s'empara d'elle et porta la main de sa victime sur l'empreinte du boîtier d'ouverture. La porte coulissa à nouveau et la lumière s'alluma à l'intérieur.

Déjà Lisa avait escaladé le portail en hurlant " Au secours ! Au secours ! " Elle se laissa tomber de l'autre côté et tout en continuant à réclamer de l'aide, courut en direction de l'agresseur.

Un coup de feu l'arrêta net ! Elle sentit une vive douleur sur le côté et perdit connaissance.

Rachel sursauta.

-Tu n'as rien entendu ?

-Non, répondit son frère.

Ils tendirent l'oreille.

Un appel à l'aide parvint faiblement mais distinctement à leurs oreilles.

Colin se précipita sur l'armoire murale, y prit une arme paralysante et se rua à l'extérieur. Il eut juste le temps de distinguer une silhouette fuyant dans la semi-obscurité. Impossible de tirer, elle avait déjà disparu derrière le bâtiment. Continuant sur sa lancée, il arriva devant la porte du laboratoire. C'est seulement à cet instant qu'il vit et reconnut immédiatement les deux corps gisant sur le sol. Il poussa un grand cri de désespoir : " Noooon ! ".

Arrivant sur ses talons, Rachel s'agenouilla près de sa mère.

-Elle respire ! s'écria-t-elle, en partie rassurée.

Colin arrachait les vêtements ensanglantés de Lisa.

-Elle ne donne plus signe de vie ! hurla-t-il. Ouvre-moi la porte !

Il la prit dans ses bras, s'engouffra dans le laboratoire et la déposa précipitamment dans le régénérateur.

Lorsqu'elle rouvrit les yeux, Lisa se retrouva allongée dans le noir. Elle entendait des voix familières, mais faibles et inaudibles. Ses bras étaient plaqués le long de son corps. Elle était complètement nue. Elle porta ses mains au-dessus de sa tête et rencontra une résistance. La partie supérieure de l'habitacle se souleva. Le passage du noir complet à la lumière l'éblouit. Quand sa vue redevint normale, elle reconnut le laboratoire et ses occupants. Réalisant qu'elle était nue, elle poussa un petit cri aigu et tenta de cacher ses parties intimes.

Par pudeur, Colin et Peter s'écartèrent. Kristin et Rachel lui sourirent et la sortirent difficilement du caisson car elle semblait tétanisée. Elles la rassurèrent sur son état. Elles l'aidèrent à mettre des vêtements propres –c'étaient les siens- et la firent asseoir sur le seul siège disponible dans ce local.

Elle n'était visiblement pas encore remise de son choc. Elle se tourna vers Kristin et balbutia :

-J'ai cru qu'il t'avait tuée !

-Heureusement, non, Il m'a seulement endormie avec une fléchette hypodermique. Mais il a tiré sur toi avec une arme bien réelle ! Montre-lui la balle ! dit-elle en d'adressant à son fils.

Colin s'avança et la lui montra.

-Le coup était mortel, lui apprit-il gravement. Tu n'aurais pas survécu à ton transport à l'hôpital. Tu dois la vie à ce régénérateur.

Elle était trop interloquée pour pouvoir répondre.

-Lorsque j'ai entendu tes cris, poursuivit-il, j'ai accouru et l'agresseur s'est enfui.

-C'était probablement un espion, supposa Kristin. De nombreux industriels sont intéressés par mes découvertes. Certains sont peu scrupuleux.

Lisa se leva d'un bond.

-Et si vous me disiez ce que vous tous, vous essayez de me cacher depuis une semaine !

A présent, elle avait retrouvé tous ses esprits. " La comédie est terminée ! se dit Peter avec un certain soulagement, on ne pourra pas la berner plus longtemps. "

-Je vous l'avais dit, lança ce dernier, elle a un sixième sens. On ne peut rien lui cacher.

-Mon frère a raison, confirma-t-elle. Tôt ou tard, j'aurais fini par reconstituer le puzzle. Tous ces mystères, j'aurais bien fini par les élucider ! Cet appareil qui vient de me sauver la vie, par exemple, n'a rien à faire dans un laboratoire de recherches sur la production de produits énergétiques. Et toi, Peter, que faisais-tu en ULM, de nuit et en pleine tempête de neige ?

-Nous n'avons pas de comptes à te rendre ! intervint Colin. Nous ne te demandons pas pourquoi tu surveillais nos bâtiments aux alentours de minuit.

Lisa était interloquée. Son ami, habituellement si gentil et attentionné ! Comment pouvait-il se comporter ainsi ? La vérité devait être tout bonnement incroyable.

Sa réponse cingla :

-Je ne vous espionnais pas ! Je suis toujours là où il le faut et quand il le faut ! Ne l'oublie jamais ! Un jour mon intuition pourrait bien te sauver la vie.

-Quoi qu'il en soit, enchaîna Kristin d'une voix apaisante, ton arrivée impromptue m'a sauvée d'une catastrophe aux conséquences incalculables.

-Je suppose que vous tenez l'avenir du monde entre vos mains et que personne en dehors de vous ne doit être tenu au courant, sous peine de compromettre vos plans, supposa Lisa.

-Effectivement ! confirma Colin, étonné par cette intuition. Nous n'agissons pas pour notre propre compte, mais dans l'intérêt général. Bientôt, une menace terrible pour l'humanité apparaîtra.

Devant autant de réticence pour satisfaire la curiosité légitime de sa sœur, Peter, excédé à l'idée de devoir continuer à jouer un double jeu, se dit qu'il était enfin temps de mettre un terme à cette situation intenable.

-Je vous le répète encore aujourd'hui, nous avons tous besoin les uns des autres. Je ne peux pas accepter que Lisa soit mise à l'écart de notre groupe. Elle a des facultés que je ne m'explique pas. Mais depuis toujours, elle intervient au bon moment. Croyez-moi, son intrusion de ce soir n'était pas le fruit du hasard. De plus, elle sait tenir sa langue, je vous le garantis et j'ai totalement confiance en elle.

Sa sœur se rapprocha de lui.

-Si vous ne souhaitez pas m'impliquer dans vos activités, dit-elle, je vous gênerais bien malgré moi, soyez-en sûrs et cela me mettra mal à l'aise. Dans ce cas, j'irais rejoindre ma mère à San Francisco, parce que je ne peux pas supporter des gens qui ne m'accordent pas leur confiance. Je ne veux mettre personne dans l'embarras, alors continuez votre mission secrète, vous n'aurez plus à vous méfier de moi.

Peter prit une voix ferme.

-Dans ce cas, je partirai avec toi, mais je garderai le silence car j'ai donné ma parole, mais vous perdrez mon amitié et nous ne remettrons plus jamais les pieds chez vous !

-Maman ! s'écria Rachel, ce sont nos seuls amis ! Je ne veux pas les perdre !

Colin prit un air embarrassé.

-S'il y a bien une personne en qui nous avons confiance, c'est bien toi, Lisa. Le problème est ailleurs. Il y a un réel danger. Nous ne voulons pas te voir risquer ta vie pour notre cause.

-Mais j'ai failli y laisser ma peau ! s'emporta-t-elle. Simplement pour avoir tenté de secourir une amie. Que je sois dans le secret ou pas, que vous le vouliez ou non, je risque ma vie du simple fait de ma présence à vos côtés. Pour ces gens là, c'est clair, je suis impliquée. Alors, qu'est ce que cela change de me cacher la vérité ? Au contraire, si je connais mes ennemis et leurs intentions, je saurais mieux me défendre.

-A San Francisco, tu seras en sécurité, répliqua Colin.

-Je n'en suis pas si sûre, les enjeux sont trop importants. Ces hommes là ne reculeront devant rien pour vous faire parler. Mais si tu veux te débarrasser de moi, tu as réussi ! fit-elle, rageuse, je partirai seule. Ma présence ici ne peut que vous nuire.

Sur ces paroles, elle se dirigea d'un pas ferme vers la porte qui s'ouvrit automatiquement à son passage devant la cellule et elle disparut dans la nuit.

-Elle a failli mourir sous mes yeux, se justifia Colin. Je ne veux pas être responsable de la mort d'une innocente.

-Vous n'avez plus besoin de notre aide, nous partirons dans la journée, annonça Peter.

-Mais j'ai besoin de toi ! s'exclama Rachel. Si tu t'en vas, je te suis !

-Je ne veux pas vous perdre vous aussi ! les supplia Colin.

-Nous devons la vérité à Lisa, déclara Kristin. J'ai confiance en elle. Si nous ne lui disons rien, nous lui gâcherons la vie. Elle pourra se joindre à nous si elle le souhaite vraiment, mais nous n'aurons pas le droit d'influencer son choix, ni dans un sens, ni dans l'autre.

-Elle m'en veux et je la comprends, déplora son fils. Mais ce que je lui ai dit, c'était pour son bien. C'est à moi de lui annoncer ta décision.

Il la retrouva chez elle, dans sa cuisine, en pleurs, assise devant la table, le visage enfoui dans ses bras.

A son arrivée, elle releva la tête et dit en hoquetant sur un ton de reproches :

-Tu n'as pas le droit d'entrer ainsi chez les gens sans y être invité. Tu n'as rien à faire ici !

-Lisa, je t'aime trop pour te voir risquer ta vie.

-Alors sois rassuré, je partirai seule, loin de vous.

-Pas sans moi ! Sauf si tu me rejettes.

Prise de court, elle ne savait plus quoi répondre.

-Je t'aime, insista-t-il, je suis prêt à tout abandonner pour rester avec toi.

Revenant de sa surprise, elle déclara :

-Ta mission est plus importante. Je ne veux pas compromettre vos chances de succès.

-Ma présence n'est pas indispensable.

-Avec vos ennemis qui ne vont pas tarder à se manifester à nouveau ? Tu n'as pas le droit de laisser ta famille en danger !

-Ecoute Lisa, nous sommes tous d'accord pour te dire toute la vérité, même si tu pars.

-Alors, maintenant, vous me faites confiance ?

-Mais nous t'avons toujours fait confiance ! Je voulais simplement que tu sois en sécurité et crois moi, si tu devais aller vivre à San Francisco, j'aurais souffert cruellement de ton éloignement.

-Ton devoir t'interdit de partir et ma place est auprès de vous. Moi aussi, je dois protéger mon frère et mes amis, à ma façon, en les prévenant des dangers qui les menacent.

-Tu restes donc ?

-Oui, pour toi, pour vous tous.

Elle se leva et se dirigea vers lui sans le quitter des yeux. Elle ferma les paupières au moment de l'embrasser.

Peter, Kristin et sa fille arrivèrent et les trouvèrent toujours enlacés.

-Leurs points de vue se sont rapprochés, commenta Rachel.

-Pas seulement leurs points de vue ! constata Peter.

-Lorsqu'elle apprendra nos origines, Lisa prendra ses distances.

-Au contraire Rachel, son intérêt pour vous n'en sera que plus fort.

-A mon avis, ta sœur reste avec nous, devina Kristin.

-Tu veux dire avec ton fils ?

-C'est cela. Reste à savoir si elle souhaite intégrer notre équipe.

-Et si on le lui demandait ? proposa Peter.

Lisa se retourna vers eux.

-Au lieu de jacasser comme des pies, si enfin vous vous décidiez à tout me raconter, je pourrais peut-être répondre à votre question. D'abord, qui êtes-vous ?

-C'est une longue histoire, commença Colin. Il y a très, très longtemps, dans un monde lointain...

-Sans vouloir t'offenser, l'interrompit sa mère, je pense être mieux placée que toi pour ce genre de récit.

-Ne restons pas debout, allons nous asseoir, suggéra Rachel.

Lisa avait imaginé les hypothèses les plus invraisemblables –collaboration avec des puissances ou des organisations secrètes, secte, mutants projetant de dominer la planète- mais comment aurait-elle pu deviner que ses meilleurs amis étaient les seuls représentants sur la Terre d'une race extraterrestre et avaient pour mission de sauver sa planète d'une invasion et d'une extermination totale de ses habitants.

Elle avait été fascinée par leur récit et par le fait d'être assise en ce moment, sur un canapé, entre deux êtres apparemment identiques aux Terriens, mais originaires d'un autre monde. Pourtant, ils étaient tellement humains ! Encore davantage depuis qu'ils étaient devenus ses amis intimes. Cette sensation prit le dessus sur la répulsion qu'elle avait tout d'abord éprouvée. Elle écarta les bras qu'elle passa par-dessus leur épaule.

-Est-ce que vous utilisez vos pouvoirs à notre insu ? s'inquiéta-t-elle ?

-Lisa, nos amis sont comme nous, ils ne sont dotés d'aucune faculté spéciale, lui précisa son frère.

-Vous ne lisez pas dans nos pensées ? Vous ne déplacez pas d'objets à distance ?

-Rien de tout cela. Même en nous concentrant fortement, nous ne pouvons pas faire fondre le métal, ni transformer notre apparence physique, ni nous dématérialiser pour apparaître ailleurs, lui confirma Colin. Désolé de te décevoir, mais pour divertir tes soirées, nous devrons trouver autre chose de moins spectaculaire.

-Et tu ne devrais plus retourner voir de films de science-fiction, renchérit Peter en souriant.

-Je vais avoir du mal à trouver le sommeil, soupira Lisa.

-Au contraire, tu vas passer une excellente nuit, lui répondit Rachel. Nous t'avons apporté cette fameuse boîte noire, mais tu étais trop occupée avec Colin pour t'en apercevoir. Elle va te transporter au pays des rêves.

Ils se séparèrent très tard dans la soirée.

A son réveil, Lisa alla frapper à la porte de la chambre de son frère.

-Tu peux entrer !

Il était encore couché.

-Je suis désolée de te réveiller, s'excusa-t-elle, mais je viens de me lever avec une sensation bizarre. J'ai fait un rêve incroyable, mais j'ai l'impression d'avoir réellement vécu ces événements. Bien sûr, c'est impossible. Dis-moi, Peter, il ne s'est rien passé de spécial cette nuit ?

-Non, pas que je sache. Pourquoi ? demanda-t-il en baillant.

-Oh ! Rien, n'y pense plus. Rendors-toi !

Soudain, il se dressa d'un bond.

-Ta cicatrice, sur ton ventre, elle a disparu ! Pourtant ta blessure était mortelle.

-Mais alors, c'était vrai ?

-Oui ! J'ai eu la même sensation à mon réveil après avoir sauvé Rachel, notre amie extraterrestre.

Lisa se laissa tomber sur le lit.

-Mais alors, fit-elle, l'air incrédule, je suis amoureuse d'un être venu d'un autre monde ?

Son frère la prit par l'épaule et lui rafraîchit la mémoire.

-Comme tous les Cygléens, Colin est un humain. Sa sœur éprouve pour moi les mêmes sentiments que lui envers toi. Ils ont une influence bénéfique sur nous.

-Je m'en suis aperçue à diverses reprises, lui déclara-t-elle. Mais toi, Peter, tu n'as rien à leur envier sur ce plan là. Tu as menacé de les quitter pour me suivre s'ils ne me faisaient pas confiance.

-Je l'aurais fait. Tu réalises ce que cela nous aurait coûté si nous les avions perdus ?

-Il me tarde de les revoir.

-Donne-moi le temps de me préparer et nous irons ensemble.

Lisa s'apprêtait à sortir quand son regard fut attiré par la présence d'une boîte noire posée sur une chaise, elle-même adossée à la cloison séparant les deux chambres.

-Je me suis permis de t'emprunter cet objet, lui avoua son frère pour répondre à l'interrogation qui se lisait sur son visage. Je n'arrivais pas à trouver le sommeil. Mais à cet instant, tu dormais à poings fermés. Placé à cet endroit, il agit sur nous deux. Tu ne t'es pas réveillée pendant la nuit ?

-Non, mais comme cette boîte n'était plus sur ma table de chevet à mon réveil, j'étais vraiment persuadée d'avoir rêvé.

-Désolé de t'avoir fait douter !

-Désolé ? Mon œil ! Je te connais trop bien. Je vois bien que tu te retiens de ne pas rire. Tu t'es réjoui rien qu'en imaginant le tête que je ferai à mon réveil, répliqua-t-elle en riant et en lui jetant ses deux pantoufles à la figure.

Jamais Lisa ne fut accueillie avec autant de chaleur. Visiblement, Colin était totalement épris d'elle et il ne le cachait pas. " Il a raison, se dit-elle. Pourquoi faire des manières ? Nos sentiments sont identiques. Après tout, Peter et Rachel ont des comportements amoureux et personne ne s'en offusque. Imitons-les ! "

-J'ai appelé une société spécialisée dans l'installation de systèmes de sécurité, leur annonça Kristin. Bien entendu, je n'ai pas mentionné la tentative d'effraction commise cette nuit, encore moins à la police. Ils vont envoyer quelqu'un cet après-midi. Entre l'étude et les travaux, il faudra compter trois jours avant l'installation définitive du système.

D'un commun accord, ils avaient décidé de rendre leur habitation inviolable.

-Une nouvelle opération de ce genre est très peu probable dans les jours à venir, avait-elle poursuivi, se voulant rassurante.

-Mais pas impossible, enchaîna Lisa. Il faut d'ores et déjà se tenir prêts à parer une nouvelle attaque, insista-t-elle, comme si elle se sentait concernée au premier chef.

-On peut faire surveiller la maison par des vigiles ! suggéra Rachel.

-Nos visiteurs auront vite fait de s'en débarrasser, objecta Lisa. Nous avons à faire à des professionnels. Nous devons trouver des solutions provisoires mais efficaces. En premier lieu, fermer tous les volets et verrouiller toutes les portes, y compris celles de vos chambres.

-Nous avons égaré les clés depuis bien longtemps ! fit remarquer Rachel.

-Alors, il faudra bloquer les portes avec des chaises.

-Lisa, sois sérieuse, intervint Colin, tu ne crois quand même pas...

-Si j'étais toi, je ferais ce qu'elle te dit, coupa Peter. Les rares fois où je n'ai pas suivi ses conseils, je m'en suis mordu les doigts.

-Bon d'accord, je te promets de le faire si cela peut te rassurer.

-Vous devrez dormir avec vos montres.

-Mais enfin ! Lisa, je ne me suis jamais couché avec ma montre !

-Moi non plus, ajouta Rachel, mais je le ferai. Trois nuits, ce n'est rien. Et on s'y habituera.

C'était l'un des objets et appareils cygléens récupérés dans le vaisseau spatial. Outre le fait de donner l'heure, elles permettaient de se parler jusqu'à une distance de dix kilomètres tout en indiquant la position des deux porteurs. Mais elles avaient été rapidement remisées dans un tiroir, devenues inutiles car les jumeaux ne se quittaient pratiquement jamais. Colin s'en voulait de les lui avoir montrées un quart d'heure plus tôt.

-Puisque tu m'y obliges ! soupira ce dernier. Ce sera tout ?

-A ta place, je dormirais avec mon arme à portée de la main.

-Comme dans les westerns ?

-Mais nous sommes en plein western !

 

5

John et Alex Rinaldi avaient fait fortune dans le trafic de drogue. Mais la lutte contre ce fléau s'était intensifiée. L'âge aidant, les deux frères avaient décidé de ne plus courir autant de risques et s'étaient reconvertis dans l'industrie de transformation des matières premières. Ils avaient conservé leurs deux hommes de main et les avaient affectés dans le secteur lucratif de l'espionnage industriel. A l'occasion, ces fidèles serviteurs recouraient à l'intimidation et au chantage pour extorquer à certains cadres d'entreprises concurrentes des renseignements concernant des brevets ou autres procédés de fabrication. Si les futures victimes se montraient naïves, les promesses non tenues et les menaces suffisaient amplement. Sinon, ils avaient recours à la manière forte. Les auteurs de ces fuites ne savaient jamais à quelle société ces secrets étaient destinés.

Ce matin, les deux frères n'étaient pas d'humeur à plaisanter. Le coup de cette nuit avait raté lamentablement : une adolescente avait surpris l'un des deux et l'avait chargé en donnant l'alarme. Il l'avait descendue avec son arme automatique munie d'un silencieux alors qu'il aurait dû l'endormir avec une fléchette... ou avec ses poings. Un autre jeune, à peine plus âgé, avait surgi avec une arme et avait mis en fuite l'agresseur et son comparse qui attendait derrière le laboratoire au lieu de faire le guet dans la rue.

Les malheureux kidnappeurs étaient dans leurs petits souliers. Ils venaient de se faire copieusement insulter au téléphone par l'aîné des frères Rinaldi.

-Je vous accorde une dernière chance, grommela ce dernier. D'après vos renseignements, leur maison n'est équipée d'aucun système de sécurité. Ce sera un jeu d'enfants de vous y introduire cette nuit et de me ramener la mère et ses enfants.

-Mais vous n'y pensez pas ! rétorqua l'homme, l'air consterné. Maintenant ils vont se méfier, la police va veiller !

-Après votre piètre déconvenue, qui pensera vous voir remettre cette tentative le lendemain ? Autre chose, il faut compter plusieurs jours avant qu'un système de sécurité perfectionné ne soit installé dans leur habitation. Donc, vous devrez intervenir cette nuit ou au plus tard la suivante. Ensuite il sera trop tard.

-Mais la police ?

-Vous avez des jumelles infrarouge ? des armes hypodermiques ? Eux, non ! Peut-être vont-ils patrouiller ou installer deux ou trois policiers en faction. Ce sera à vous de vous montrer plus malins qu'eux.

-Que devra-t-on faire des prisonniers ?

-Si vous menacez de faire du mal à ses enfants, leur mère parlera. Elle doit vous révéler tous ses secrets de fabrication, absolument tous ! Mais veillez à les garder en vie, nous ne sommes pas des assassins.

-Très bien, nous agirons cette nuit.

Pour les frères Rinaldi, cette femme était un véritable génie. Elle avait forcément fait des découvertes et mis au point des procédés de fabrication révolutionnaires. En effet, comment une si petite unité de production pouvait-elle sortir une telle diversité de produits à des coûts identiques à ceux de la concurrence ? Il suffirait de les mettre en fabrication sur une grande échelle pour abaisser encore les coûts. C'était précisément leur but. Mais pour cela, elle devait leur remettre ses plans ou coopérer par tous les moyens.

Les effectifs de cette petite entreprise comprenaient en tout et pour tout cinq personnes. C'était proprement ahurissant. Cette femme réalisait des prodiges et ils comptaient bien les utiliser à leur profit.

Tous leurs efforts pour parvenir à leurs fins avaient échoués. Il s'était avéré impossible de soudoyer l'un des membres d'un personnel aussi restreint, honnête et dévoué. Le peu de renseignements glané ici ou là laissait à penser qu'elle employait uniquement des exécutants. Elle seule détenait ces fameux secrets.

Ses bâtiments étaient inviolables. Ses hommes avaient tenté à plusieurs reprises d'y pénétrer, mais en vain. Le plan imaginé pour entrer avec elle dans le laboratoire s'était soldé par un cuisant échec.

Maintenant, on allait employer les grands moyens.

 

6

Lors de leur reconnaissance et de leur tentative d'effraction avortée, les deux malfrats avaient remarqué en face du laboratoire une maison aux volets toujours clos. Aucune lumière n'y filtrait jamais. Elle paraissait inhabitée. Le numéro de téléphone correspondant au nom figurant sur la boîte aux lettres n'était plus attribué. La serrure du portail était verrouillée. Cela n'avait pas été un problème de la forcer, ni celle de la porte d'entrée.

Depuis plus de deux heures, ils se relayaient pour surveiller à l'aide de leurs jumelles infrarouge, la propriété voisine, mais également les environs. Il n'y avait pas la moindre surveillance, rien de suspect, aucune patrouille de police, aucun vigile, rien ! Ce coin de la vallée était très peu peuplé. A cette heure de la nuit, les rares habitants devaient tous être au lit. Le moment d'intervenir était arrivé. Ils sortirent leur fourgonnette du garage en la poussant pour ne pas réveiller leurs futures victimes.

Colin avait le sommeil léger. Un bruit d'objet renversé le fit sortir de ses rêves. En ouvrant les paupières, il vit avec horreur sur le seuil de la porte de sa chambre, une silhouette pointer une arme sur lui. En un éclair, il effectua une rotation complète sur lui-même et se retrouva sur le sol. Il entendit le bruit d'un impact sur le matelas, à l'endroit où il se trouvait une fraction de seconde plus tôt, mais pas de coup de feu.

L'inconnu se saisit d'une autre arme et tira un coup étouffé sous l'effet d'un silencieux. La balle alla s'écraser au plafond, car à l'instant précis de son tir, il reçut violemment, en pleine face, la porte que Colin venait de frapper d'un coup sec, du plat du pied.

Un bruit de pas précipités et forts dans le couloir fit craindre à Colin qu'il avait un complice. Sa mère et sa sœur étaient en grand danger. Il lui fallait absolument réagir, prendre des initiatives, surtout ne pas subir.

Son assaillant n'avait pas lâché son arme. Colin lui bondit dessus dans le but de s'en emparer, mais celui-ci, bien qu'à moitié groggy, recula en lui fermant la porte au nez. Il se retrouva seul dans sa chambre. Il tâtonna à la recherche de l'interrupteur, le trouva et la lumière inonda la pièce. Il bloqua à nouveau la porte avec la chaise renversée et la cala à l'aide de son lit. Il n'avait aucune chance face à ses hommes armés, à moins que... Son fusil paralysant était en bas, dans l'entrée. Si seulement il avait fait un peu plus confiance à Lisa, il l'aurait eu à portée de sa main. Pour le récupérer, il lui fallait sauter par la fenêtre de sa chambre. Du premier étage ! Il l'ouvrit ainsi que les volets pendant que les agresseurs commençaient à enfoncer la porte qui céda au moment où il sautait. Un massif de roses amortit sa chute et lui arracha un cri de douleur.

Il se releva et courut pour contourner la maison. Il allait disparaître derrière l'autre côté, quand il s'écroula sur le sol, atteint d'une balle dans les côtes. Il était blessé mais néanmoins conscient. Les deux hommes étaient penchés à sa fenêtre. Ils jubilaient. Puis ils se retirèrent. Plus question de tenter un acte héroïque. Ils allaient rappliquer et lui se sentait trop faible pour s'interposer. Il alla se cacher en clopinant dans le jardin, sa blessure le faisant atrocement souffrir.

L'un des deux hommes surgit, mais il le chercha au mauvais endroit, là où il était au moment du coup de feu. Puis il vit l'autre sortir avec sa mère sur son épaule, ligotée et bâillonnée. D'où il était caché, il le vit la pousser à l'intérieur d'une fourgonnette noire. A cause de l'obscurité, il ne pouvait pas lire le numéro de la plaque d'immatriculation. L'inconnu retourna dans la maison et revint avec Rachel qui avait subi le même sort que sa mère. Le second abandonna les recherches en maugréant. Il rejoignit son complice et le véhicule démarra aussitôt. Colin sortit alors de sa cachette et malgré la souffrance, courut jusqu'au portail. Heureusement, il arriva juste à temps pour mémoriser le numéro de la plaque minéralogique. Il tendit l'oreille : à la bifurcation suivante, ils avaient pris la direction de Lakewood.

Il se traîna aussi vite qu'il le put dans le hall, prit son portable et appela Peter.

-Ouais ? fit ce dernier d'une voix traînante.

-C'est Colin ! Ils ont emmené Rachel et maman. Ils ont pris la direction de Lakewood. Sors ton ULM ! J'ai un fusil paralysant, on va les arrêter !

" Voilà que ça recommence ! pensa Peter. Encore une mission périlleuse ! Et je n'ai pas le choix ".

-OK! Allons-y ! répondit-il, en cherchant à cacher son anxiété.

Colin prit le paralyseur et les clés de contact. Il monta péniblement dans son véhicule et démarra.

Le trajet jusqu'au hangar fut laborieux tant la douleur était atroce.

L'ULM était sorti, son pilote aux commandes, le moteur en route. Lisa attendait elle aussi au pied de l'appareil. Elle eut un mauvais pressentiment en apercevant son ami agrippé au volant et sortir de son véhicule, vêtu d'un pyjama déchiré, couvert de sang, le torse penché en avant, se tenant le côté droit, pour finalement s'écrouler.

Peter et sa sœur s'étaient précipités vers Colin. Ils voyaient avec effarement le sang couler de son dos.

-Aidez-moi à monter à bord…. une fourgonnette noire, réussit à articuler le blessé d'une voix faible avant de s'évanouir.

Lisa était pétrifiée.

Son frère ouvrit la portière arrière, y installa son ami et cria :

-Déshabille-le ! On l'emmène au régénérateur !

Sortant de sa léthargie, elle monta dans la voiture et s'exécuta. Peter prit le volant et fonça en direction du laboratoire.

Il s'arrêta à moins de deux mètres de l'entrée, prit dans ses bras Colin, nu comme un ver et s'approcha du boîtier commandant l'ouverture. Lisa avait compris. Elle prit la main de son ami et lui plaqua sa paume dans l'empreinte. La porte s'ouvrit et ils entrèrent.

Ils se dirigèrent vers le régénérateur. Peter allongea son ami toujours inconscient à l'intérieur et referma le couvercle.

-Appuie sur le bouton rouge !

Lors de la " résurrection " de Rachel, il avait mémorisé le mode d'emploi très simple de cet appareil.

Le diagnostic aurait été plus que réservé dans un hôpital, mais ici les chances de s'en sortir étaient presque certaines.

-J'ai trouvé ce papier dans la poche de son pyjama, déclara Lisa.

-C'est le numéro d'immatriculation du véhicule ! Donne-moi aussi sa montre. J'ai le paralyseur. Je vais essayer de les arrêter, mais je dois faire très vite. Tu m'accompagnes ?

-Non ! Seul, tu iras plus vite.

C'était évident, l'excès de poids le ralentirait, mais surtout Lisa avait le pressentiment d'être plus utile ici. Pour le moment, elle en ignorait encore la raison. Comme toujours, elle se fiait entièrement à son intuition.

Peter laissa sa sœur dans le laboratoire et accourut à la voiture.

Il volait en direction de Lakewood en coupant par-dessus les montagnes les plus basses. Le véhicule des ravisseurs, lui, devait suivre la vallée. Aurait-il le temps de le rattraper ? Il jeta un coup d'œil à son arme étrange. Elle ne ressemblait à rien de connu, mais était munie d'une gâchette et d'un canon court. Il remarqua une molette et un bouton. Y avait-il des réglages à effectuer ? Mystère. Peut-être était-elle déjà réglée. Dans ce cas mieux valait ne rien toucher, on aviserait si le premier essai n'était pas concluant.

Il connaissait par contre le fonctionnement de la montre. Rachel lui avait fait une démonstration la veille. Dès le décollage, il avait actionné le mécanisme. Pour l'instant, l'écran de données était vierge mais il n'y avait pas lieu de s'en inquiéter. Il était encore trop loin pour recevoir le signal de celle de son amie, si toutefois elle la portait. Quant à la fonction vocale, il n'y comptait pas trop, Rachel n'étant certainement pas en mesure de signaler sa présence. Quant à lui, il ne commettrait pas l'erreur de risquer de donner l'alerte aux ravisseurs.

Il ressentit un léger picotement à son poignet gauche. Instinctivement, il y jeta un coup d'œil : sur l'écran de sa montre, il vit apparaître un point faible et intermittent qui se précisa rapidement. Pas de doute, il se rapprochait de son objectif. A la sortie de la vallée, les ravisseurs avaient bifurqué au sud, en direction d'Englewood. S'il était arrivé une minute plus tard, Peter aurait été trop éloigné pour capter le signal. Il aurait mis le cap sur Denver, une agglomération beaucoup plus importante et ne serait sans doute jamais parvenu à retrouver ses amies. Il s'en était bien douté, le refus de Lisa de l'accompagner n'était pas dû à un manque de courage. Il se remémora ses paroles au moment de son départ " Seul, tu iras plus vite ". Grâce à sa clairvoyance, il était arrivé juste à temps. La poursuite pouvait continuer.

Cette opération de sauvetage était risquée pour les deux otages, mais sans doute moins qu'il ne l'aurait cru au premier abord. Perdre le contrôle de son véhicule sur une autoroute bordée de rails de sécurité, ne comportant aucun virage prononcé et sans risque de collision frontale, ne présentait pas de risque majeur. Cela le rassurait en partie.

Sur l'écran de sa montre, les deux points s'étaient presque rejoints. Un coup d'œil au travers de ses jumelles lui confirma son impression : cette fourgonnette un peu plus loin était bien celle des ravisseurs.

Peter regretta amèrement de ne pas s'être fait expliquer le maniement de cette arme. Elle pouvait tuer si le tir était déclenché de trop près et avec trop de puissance, mais Colin ne lui en avait pas dit davantage. Le curseur de la molette était positionné au niveau du premier tiers de sa plage d'utilisation. " Ce doit être la puissance pour paralyser un homme à bout portant, pensa-t-il. Mais je vais tirer de loin et au travers d'un toit en tôle. Règlons-là aux deux tiers pour commencer. Et ce bouton, ce doit être une sorte de cran de sûreté. Je vais l'enfoncer. "

Il ajusta sa vitesse à celle du véhicule poursuivi. En fait, il était proche de son maximum. Heureusement, les raccourcis par dessus les obstacles naturels lui avaient permis de rattraper son handicap du départ.

A une centaine de mètres au-dessus deux, il visa tant bien que mal et appuya sur la gâchette. L'arme vibra très légèrement, mais la fourgonnette continua malgré tout sans ralentir, ni dévier de sa trajectoire. Il tourna la molette à fond et recommença en se concentrant mieux sur son tir. Il sentit une vibration plus forte. Le véhicule fit un très léger écart et reprit son cap normal. Peter réduisit la distance de moitié et tira à nouveau : la fourgonnette ralentit alors et s'arrêta en heurtant avec le flanc gauche le rail situé du même côté.

Impossible de se poser dans cette nuit noire et sur un terrain aussi incertain. Sur l'autoroute, pas question ! Il ne fallait surtout pas éveiller les soupçons ! Le retour s'imposait, d'autant que tout jouait en sa faveur : le véhicule accidenté n'était probablement pas en état de repartir et les kidnappeurs encore moins. Les automobilistes allaient appeler la police qui interviendrait avant même que les passagers plus ou moins endormis ne retrouvent l'usage de leurs membres.

Il n'avait pas fait cinq kilomètres sur le chemin de retour, quand il lui sembla entendre une voix très faible venant de la montre. Il coupa immédiatement le moteur pour mieux entendre. C'était Rachel.

-Colin, tu m'entends ?

-C'est Peter ! Je suis seul à bord. Ton frère est dans le régénérateur. Il a reçu une balle dans les côtes. Pas d'inquiétude. Et vous deux ?

-Nos ravisseurs sont ligotés, nous sommes indemnes. Merci Peter. Mais je dois te laisser, le secteur devient trop fréquenté.

Il remit le moteur en route. Mission à nouveau réussie ! Il pouvait rentrer à la base avec la satisfaction du devoir accompli.

En vérité, tout n'avait pas été aussi simple. A cent mètres, le tir était trop faible et la surface couverte trop importante. Cinquante mètres avec la pleine puissance était la bonne distance pour atteindre le véhicule dans sa totalité sans risquer la vie des passagers mais il aurait fallu appuyer à nouveau sur la gâchette. Peter, évidemment l'ignorait. A trente mètres, par contre, il les aurait tous tués.

Les prisonnières étaient allongées chacune sous une couverture, sur des lits de camp fermement fixés au plancher. Pour rendre leur transport plus confortable, leur garde, assis entre elles sur un siège pliant également boulonné, avait lié leurs poignets, non pas dans le dos, comme il le faisait habituellement, mais sur le devant. Elles avaient leurs pieds ligotés et sur la bouche un sparadrap pour les empêcher  de crier. L'homme chargé de les surveiller tenait dans une main une fléchette pour, leur avait-il dit, endormir la première qui tenterait la moindre incartade. Comme si elles étaient en position de tenter quoi que ce soit !

Les hommes, tous deux vêtus d'un costume noir, avaient la cinquantaine bien sonnée. Le chauffeur n'avait pas prononcé un seul mot. Son acolyte, au contraire, se montrait particulièrement volubile. Il leur expliquait dans les détails comment ils s'y étaient pris pour les capturer. Il n'avait pas caché son inquiétude de tomber sur un barrage policier, suite aux problèmes rencontrés avec Colin.

Soudain, il s'arrêta au beau milieu d'une phrase, l'air ahuri, semblant chercher ses mots. Rachel se sentit légèrement engourdie. Elle avait compris : les deux garçons volaient au-dessus d'eux et essayaient de les prévenir toutes d'eux d'une attaque au moyen du paralyseur. Le conducteur avait fait un léger écart, mais il avait immédiatement redressé sa course.

Le second coup porté ne la paralysa que partiellement. Elle s'attendit à une autre décharge qui ne vint pas. " Ce n'est pas normal, pensa-t-elle, il y a un problème. Je dois agir. "

Leur garde était affalé sur son siège, la tête en arrière. Il avait laissé tomber sa fléchette. La voyant au sol, elle eut une idée. Elle voulut faire un demi-tour sur elle-même, mais elle était trop enfoncée dans son lit de camp pour y parvenir et son corps ne répondait pas encore suffisamment à ses ordres .

Par chance, le choc du véhicule contre la barrière de sécurité lui donna un élan supplémentaire et involontaire lors de sa seconde tentative. A son grand étonnement, elle se retrouva avec l'instrument convoité entre ses doigts. Son jeune âge lui permit de réagir plus rapidement que ses adversaires à l'engourdissement. Elle piqua le premier à la cheville, se mit à ramper aussi rapidement que son état le lui permettait vers le second qui portait la main dans la poche intérieure de sa veste, à la recherche de son arme. Une piqûre au mollet et il s'affala sur le volant, sans relâcher son revolver. Epuisée par cet effort, Rachel se laissa tomber sur le plancher, à moitié inconsciente.

Les secondes passaient rapidement. Le silence devenait angoissant. Si ses agresseurs se réveillaient avant l'arrivée des secours, tout serait perdu. Enfin, elle entendit approcher un véhicule. " Mon Dieu, faites qu'il s'arrête ", pria-t-elle. Elle fut entendue. Une portière claqua. Le visage volontaire d'un colosse d'une trentaine d'années apparut à la vitre, du côté du conducteur. Visiblement, il n'en croyait pas ses yeux. Il prit méticuleusement l'arme d'une main et de l'autre décrocha un formidable direct du droit au menton de son possesseur. Puis il enjamba Rachel, les yeux rivés sur l'autre homme qu'il assomma en lui assénant un violent coup de poing sur la nuque.

-Ces deux-là ne sont pas prêts de se réveiller, fit-il en déliant les poignets de Rachel.

-Ils sont encore armés ! lui lança-t-elle après avoir arraché son sparadrap d'un geste rageur.

Une fouille en règle permit au colosse de faire main basse sur trois autres armes. Il ligota ses victimes après avoir récupéré les liens des deux otages.

Kristin le mit sommairement au courant de l'enlèvement. Sa fille en profita pour sortir et appeler discrètement son frère par l'intermédiaire de sa montre. Quelle ne fut pas sa surprise d'entrer en liaison avec Peter seul à bord !

Les véhicules commencèrent à s'agglutiner sur les lieux de l'accident. Un second automobiliste se fit un plaisir d'appeler la police.

Lorsque cette dernière arriva un quart d'heure plus tard, gyrophares allumés, sirènes hurlantes, les kidnappeurs se remettaient lentement de leur paralysie, mais aussi des effets de la piqûre et du coup de poing encaissé.

L'inspecteur, un homme jeune et plein d'allant avait reconnu Kristin Miller.

Il prit une initiative approuvée par elle et sa fille.

-Ecoutez, il est plus de quatre heures du matin et vous venez de vivre des moments difficiles. Je propose de vous ramener immédiatement chez vous. Je vous rendrai visite en fin de matinée pour établir un rapport. Mes hommes vont s'occuper de ces deux lascars et de tout le reste. Vous n'y voyez pas d'inconvénient ?

Evidemment, elles n'en voyaient aucun.

Pour lui, c'était clair, le conducteur s'était endormi au volant et les deux kidnappeurs avaient été sonnés par le choc de leur véhicule contre le rail.

-Ca leur apprendra à rouler sans la ceinture de sécurité ! ajouta-t-il d'un ton sarcastique.

Sur le chemin du retour, les ex-otages furent bien obligées de lui raconter brièvement leur enlèvement.

Ni l'une ni l'autre ne firent la moindre illusion à Colin, et pour cause, il était dans le régénérateur et n'en sortirait pas avant plusieurs heures.

Kristin s'efforçait d'imaginer un scénario plausible à raconter le lendemain à l'inspecteur lorsqu'il apprendrait l'existence de son fils. Pour elle, Colin dormait encore. Non, cela ne tenait pas. Il aurait dû être enlevé lui aussi ou être réveillé par le bruit et aurait dû prévenir la police. Or, il ne l'avait pas fait. Il fallait trouver autre chose. A leur retour, sa chambre était vide, elle l'aurait découvert dans le jardin, inconscient. Après avoir sauté par la fenêtre de sa chambre pour échapper à ses agresseurs, sa tête aurait percuté le sol et il se serait traîné jusqu'au jardin où il aurait perdu connaissance. Voilà pourquoi il n'avait pas prévenu la police. C'était un peu tiré par les cheveux, mais ça se tenait. Surtout, cette version corroborerait celle des accusés si ces derniers omettaient avoir tiré sur son fils. On n'allait quand même pas la pousser à bout, après tout ce qu'elle venait d'endurer. C'était elle la victime, pas ses kidnappeurs !

Arrivés à destination, l'inspecteur insista pour les raccompagner jusqu'à l'intérieur, " au cas où la porte serait fermée à clé. Sait-on jamais ? avait-il fait remarquer, ou pour constater l'ouverture par effraction ".

La porte était restée ouverte.

Elle le laissa inspecter le couloir et le salon " pour s'assurer que tout était en ordre ", précisa-t-il. Elle devait se montrer coopérative afin de ne pas éveiller de soupçons. Tout semblait effectivement en ordre.

Il leur conseilla de faire installer un système de sécurité sophistiqué et d'aller se reposer.

Kristin le remercia de son aide et de ses conseils et il se retira poliment.

Dès que la voiture de police eut démarré, Peter et Lisa sortirent de la cuisine où ils s'étaient cachés.

Rachel, comme à son habitude, se jeta dans les bras de son ami.

Lisa expliqua :

-L'état de Colin évolue favorablement. Toutes les données sur les écrans sont en hausse. Il a perdu beaucoup de sang. Je suis venue ici pour nettoyer toutes ces tâches. Il y en avait partout. J'ai demandé à Peter de venir m'aider. Il ne fallait pas que la police voit cela.

Kristin la serra contre elle.

-Sans toi, je serais dans une situation impossible, Lisa. Tu es une fille en tous points remarquable, douée d'une clairvoyance hors du commun. Toi et ton frère, vous nous avez encore une fois sortis d'un drôle de guêpier. Je vous considère comme mes deux autres enfants.

-Vous êtes notre vraie famille, même si l'on aime bien nos parents. Simplement ils n'étaient pas faits pour vivre ensemble. Mais il ne leur est jamais venu à l'esprit de nous laisser tomber. C'est nous qui avons choisi de rester ici. On ne le regrette pas, surtout depuis ma grippe.

-Si nous allions au laboratoire ? suggéra Rachel.

-Il s'est vidé d'une grande partie de son sang, mais aucun organe vital n'a été touché. Il sortira dans quelques minutes, les rassura Kristin.

-Tu es le seul de nous quatre à n'être jamais entré dans le régénérateur, Peter, lui fit remarquer Rachel et pourtant, tu prends tous les risques. Une bonne étoile te protège.

-Ne vous mettez plus en situation de danger et je n'aurai plus besoin de voler à votre secours. Notre bonne étoile, c'est Lisa. Ecoutez-la et suivez ses conseils.

Une dizaine de minutes plus tard, Colin sortit de l'appareil sans ressentir la moindre séquelle de sa blessure déjà cicatrisée.

A voir tout ce beau monde à ses côtés, il sut que Peter avait tenté et réussi l'interception malgré sa méconnaissance totale du paralyseur et les difficultés dues au vol de nuit. Il alla le féliciter et le remercier.

Puis il se tourna vers son amie et lui posa les mains sur ses épaules. Sa nudité ne le dérangeait pas le moins du monde.

-Je te dois des excuses, Lisa. Je t'ai sous-estimée. Tes conseils nous sont précieux et moi j'ai été idiot de ne pas t'avoir écouté. Si Rachel n'était pas venue me rappeler de bien bloquer la porte de ma chambre avec une chaise et de me coucher avec ma montre à mon poignet, ces kidnappeurs auraient réussi leur enlèvement. Et le paralyseur ! Elle me l'a apporté et moi, je n'ai rien trouvé de mieux à faire qu'à aller le remettre à sa place !

Il l'attira contre lui et devina sa gêne.

-Ah ! Ces Terriens soupira-t-il, comme ils peuvent être pudiques !

 

7

Cette histoire insolite fut relatée par les médias. Les mésaventures de ces malheureux kidnappeurs tournés en ridicule avaient fait les titres des journaux. S'endormir au volant après avoir procédé à un enlèvement, il fallait le faire ! Se faire mettre hors d'état de nuire par une femme et sa fille, toutes deux ligotées, au moyen d'une fléchette hypodermique que l'un d'eux venait de leur agiter sous le nez pour les faire tenir tranquilles, il y avait matière à rire.

Leur avocat leur avait conseillé de jouer le rôle de deux compères naïfs, maladroits, influençables et manipulés par des hommes d'affaires sans scrupules, au passé douteux. Ils ne tiraient qu'avec des pistolets à fléchettes pour ne faire de mal à personne.

Ils avaient chargé leurs patrons au maximum et espéraient ainsi profiter de la compassion et de la mansuétude des juges.

Les frères Rinaldi n'avaient opposé aucune résistance à leur arrestation. On extirpait de leur passé des faits prouvant qu'ils faisaient autrefois partie des gros bonnets de la drogue. Ils finiraient leurs jours derrière les barreaux.

L'inspecteur était repassé comme convenu pour prendre la déposition de Kristin. Colin avait confirmé la version de sa fuite, suivie d'un évanouissement dû à une mauvaise réception lors de son saut. Comme ses agresseurs n'avaient jamais précisé avoir tiré sur lui avec une arme à feu, tous les témoignages concordaient.

La bonne influence exercée par leurs amis sur Rachel et son frère se manifestait un peu plus chaque jour. Ils sortaient souvent ensemble, allaient au cinéma, au bowling, dans les soirées disco. Par leur comportement, ils ne se différenciaient plus des jeunes de leur âge. Les relations enfin nouées avec leurs camarades de cours en avaient surpris plus d'un. Colin avait définitivement abandonné son air de chien battu. Il ne pouvait plus se passer de Lisa. Ils ne se quittaient plus. Il rayonnait. .

 

8

Le véhicule extraterrestre s'éleva majestueusement de quelques mètres et sortit lentement de cette grotte où il reposait depuis douze ans. Il répondait au doigt et à l'œil. Tous feux éteints, indétectable aux radars, capable d'accélérations foudroyantes et de manœuvres inouïes, il pouvait échapper aux tirs d'avions de chasse et aux missiles.

Pour se familiariser avec ce nouveau moyen de transport, Peter traversa tout d'abord en ligne droite l'énorme masse nuageuse au milieu des éclairs. Ensuite, il effectua quelques figures simples, puis il s'enhardit et compliqua ses évolutions. Il grimpa encore en gagnant toujours plus de vitesse et d'altitude. Il jeta un regard émerveillé à son instructeur, Kristin Miller, ex-capitaine Anza Bruz qui le lui rendit. Ils étaient bien calés dans leurs sièges et ressentaient à peine les effets des accélérations et des changements de cap.

Jamais il n'aurait imaginé voyager un jour dans l'espace. Il appartenait désormais à cette élite qui avait acquis le privilège d'échapper à l'attraction terrestre et d'admirer d'aussi haut la planète bleue. Pour l'instant, elle était plutôt noire avec des millions de petites lumières scintillant en divers endroits, très inégalement réparties. On pouvait reconnaître aisément les grands centres urbains d'Amérique du Nord. Le spectacle était fascinant.

-C'est incroyable, nous avons déjà atteint le Pôle Nord, s'exclama Peter après quelques minutes de vol.

Passer directement du pilotage d'un ULM à celui d'un chasseur cygléen avait de quoi inquiéter. Mais l'Onex était d'une docilité étonnante et l'apprentissage de ses diverses fonctions s'était avéré aisé.

-Tu devras acquérir une parfaite maîtrise du pilotage et des techniques de combat, déclara Kristin. Tu es le plus qualifié d'entre nous pour détruire le vaisseau cygléen lorsqu'il pénétrera dans l'atmosphère terrienne.

Il le savait. Ils en avaient parlé à diverses reprises. Ils possédaient un avantage, celui de pouvoir le localiser plusieurs jours avant son arrivée grâce à l'antenne fixée sur le toit du laboratoire. En outre, ils savaient de quelle direction il allait venir et donc quelle zone de l'espace il faudrait surveiller.

Au retour dans la grotte, les jumeaux les accueillirent avec des yeux envieux.

Peter regarda ses deux amis et leur lança d'un air désinvolte :

-Bon, maintenant, il va falloir que je vous apprenne à piloter cet ovni. Après tout, c'est le vôtre ! Les extraterrestres, c'est vous !

Colin se tourna vers sa sœur.

-Je te propose que l'on abandonne notre apparence terrienne et que l'on redevienne des reptiles. Ca devrait suffire à l'effrayer.

Ils remirent en place à l'entrée de la grotte artificielle la fausse paroi rocheuse en mousse synthétique et reprirent place dans leur véhicule tout terrain, après une petite marche nocturne sur ce terrain montagneux à la limite du praticable. Dans une demi-heure, ils seraient de retour à la maison.

 

9

Les gardes-chasse et les policiers avaient entouré le périmètre. Il serait difficile aux braconniers de leur échapper, d'autant que ces derniers ne se doutaient de rien. L'un d'entre eux venait d'allumer un projecteur pour aveugler un animal et l'abattre.

Un orage violent avait éclaté trois heures auparavant. Mais en montagne, le temps peut changer très rapidement. A présent, le ciel était dégagé et le faible croissant de lune n'aurait laissé aucun espoir aux représentants de l'ordre d'appréhender ces opposants à l'autorité, s'ils n'étaient munis de lunettes et d'appareils photographiques infrarouge.

Soudain, le regard perçant d'un jeune officier de police fut attiré par une masse sombre qui se déplaçait en silence au-dessus de sa tête. C'était un objet lenticulaire d'une dizaine de mètres de diamètre. Rien à voir avec un phénomène naturel. Il était en présence d'un ovni, sans l'ombre d'un doute ! Au diable les délinquants ! Cette apparition était beaucoup plus importante, elle intéresserait les hautes autorités chargées de la sécurité du pays. Ses collègues étaient suffisamment nombreux pour mettre fin aux agissements des contrevenants, sans son aide.

Trois parmi les cinq témoins raisonnèrent de la sorte et photographièrent l'Onex. Ils quittèrent leur cachette pour le suivre, car manifestement, il cherchait à se poser.

La chasse à l'homme s'arrêta là. Les deux braconniers, à l'œil aguerri par plus de vingt ans de pratique illicite, aperçurent leurs traqueurs ainsi que le chasseur piloté par Peter. Ils connaissaient la montagne comme leur poche. Ils n'eurent donc aucune peine à passer à travers les mailles du filet.

Pour cette seconde sortie, Lisa, excellente pilote d'ULM elle aussi, était aux commandes de l'Onex, assistée par son frère. Lors de la première, en se rendant à la grotte, elle avait pris des clichés spectaculaires des orages de montagnes. Ainsi, avait-elle argumenté, si besoin était, on pourrait expliquer notre présence ici. Personne n'avait opposé la moindre objection lorsqu'elle avait conseillé à celui qui prendrait place aux côtés du pilote, de se munir d'un appareil photographique et de ses clichés.

Comme à l'accoutumée, les deux voyageurs devaient parcourir quelques hectomètres à pied, car il n'existait aucun passage pour se rendre plus loin avec le véhicule tout-terrain.

Quelle ne fut pas leur stupeur, au moment de reprendre place dans leur 4X4, de voir surgir de l'obscurité deux policiers qui les attendaient ! Comment avaient-ils pu être découverts ? Ils avaient pris toutes les précautions utiles et imaginables. Rien n'avait filtré de leurs activités, ils étaient tous persuadés de n'avoir commis aucune erreur, ils se montraient tous et toujours d'une extrême vigilance et se vouaient une confiance mutuelle sans borne.

Le lieutenant Marlet prit la parole :

-Vous allez avoir du mal à m'expliquer ce que vous fabriquez ici, dans la montagne, loin de toute habitation, par une nuit d'orage, à trois heures du matin.

Lisa ne se laissa pas impressionner.

-Vous voyez bien, répondit-elle en lui montrant son appareil, nous photographions les éclairs.

-Vous me prenez pour un imbécile ! On ne trouve que des braconniers, la nuit, dans ces montagnes. Nous vous suivons depuis près de deux heures.

-Vous faites erreur shérif, répliqua Peter. A chaque orage, nous en profitons pour prendre des photos. En voici la preuve.

Il ouvrit la boîte à gants et en sortit des épreuves.

-C'est saisissant de réalisme ! intervint son adjoint.

Son chef fusilla ce dernier du regard.

-Fouillez donc le véhicule !

-Vous ne trouverez rien, enchaîna Lisa. Je comprends vos soupçons, mais nous n'enfreignons pas la loi.

Elle lui tendit son appareil.

-Ce sont les clichés de cette nuit.

-Vous n'avez rien pris d'autre que des éclairs ? demanda-t-il en examinant les photos numériques. Vous n'avez rien remarqué de particulier?

-Non, répondit Peter. De quoi voulez-vous parler ?

-Une soucoupe volante ! lança impulsivement le policier néophyte.

-Plus probablement un phénomène naturel inexpliqué, corrigea son chef dans une montée d'adrénaline, en lançant un regard lourd de reproches à son jeune adjoint.

-Nous n'avons rien relevé d'anormal, dit Lisa.

-Ce n'est pas possible ! s'emporta le lieutenant Marlet, cette chose se dirigeait droit sur vous !

-Comment savez-vous où nous étions à ce moment-là ? lui demanda l'adolescente avec un certain aplomb.

-C'est simple, cela s'est passé il y a moins de cinq minutes et le sentier d'où vous venez, mène exactement à cet endroit.

-On ne devait pas regarder dans la bonne direction à ce moment-là, lui répondit Peter.

-L'engin avait près de dix mètres de diamètre. Nous sommes plusieurs à l'avoir vu se poser. Il a pris tout son temps pour atterrir. Je me demande même si vous n'étiez pas à l'intérieur.

-Chef ! Envoyons simplement un de leurs cheveux au laboratoire, comme cela nous saurons si ce sont des extraterrestres.

-Vous, continuez à fouiller !

Puis, d'une voix à peine mieux contenue :

-Montrez-moi vos papiers !

Puis il leur demanda à mi-voix :

-Un seul de vos cheveux devrait régler cette question.

Mieux valait s'exécuter. Peter leur donna en surplus un morceau de peau, souvenir d'une ampoule récente.

Le chef de la police n'avait aucune preuve pour les emmener au poste. Un peu à regret, il dut les laisser partir.

Peter chuchota d'un air admiratif :

-Tu nous as encore sauvé la mise avec tes photos.

 

10

Une semaine s'était écoulée depuis cet incident.

Le lieutenant Marlet s'apprêtait à aller se coucher, quand la sonnerie de sa porte l'arrêta à la dernière marche de l'escalier. Il lâcha un juron. Dès sa nomination, il avait donné pour consigne à ses hommes de ne pas le déranger à son domicile, sauf en cas de gros pépin. Pour le reste, ils devaient être capables de s'en sortir sans lui.

A contrecœur, il alla ouvrir. C'était Bill, son jeune adjoint. Trop intelligent pour rester simple policier, il préparait plusieurs concours en vue de gravir les échelons. Son chef lui accordait beaucoup de temps libre pour étudier. Plus tôt cet empoisonneur réussirait, plus tôt il en serait débarrassé. Mais en attendant, il était bien obligé de s'accommoder de ce casse-pieds.

-Qu'est ce qu'il est encore arrivé ? grogna son supérieur.

-Rien, ou du moins pas encore. Je vais faire le guet à l'endroit où nous avons vu l'ovni. J'ai pensé que cela vous intéresserait de venir avec moi.

-Quoi ? A cette heure et par ce temps ? Vous êtes tombé sur la tête ?

-Justement, ce sont les conditions idéales, les mêmes que la dernière fois. Leurs sorties ne doivent avoir lieu que la nuit et par mauvais temps pour ne pas attirer l'attention des témoins.

-On va se tremper et attraper un bon rhume à attendre pour rien, pendant des heures.

-J'ai repéré un endroit où l'on pourra cacher notre véhicule et de là, surveiller leur arrivée, bien à l'abri.

-Dans ce cas, allons-y ! soupira son chef d'un air résigné.

Et il suivit son jeune adjoint comme un chien suit son maître.

Ils n'attendirent pas très longtemps. Un 4X4 arriva et quitta le chemin au bord duquel ils étaient postés, à l'endroit précis où le jeune enquêteur obstiné avait repéré les traces qui le menait à sa destination finale, quelques centaines de mètres plus loin. Mais ce n'était pas le même véhicule. Les deux policiers s'y engagèrent aussi, mais à pied pour ne pas risquer de se faire remarquer. Bill savait qu'il aurait largement le temps de rattraper les occupants mais il doutait des capacités de son lieutenant à pouvoir suivre son rythme, son ventre proéminent l'handicapant trop lourdement.

Arrivés à proximité du Range Rover arrêté dans une petite clairière, il se tapit dans l'obscurité, derrière un taillis. Il reconnut le jeune Peter Douglas, mais sa passagère n'était plus la même, elle avait approximativement le double de son âge. Tous deux s'étaient munis d'un appareil photographique. A travers ses lunettes infrarouge, il scrutait son visage. Il ne lui était pas inconnu. Soudain, il réalisa.

-C'est Kristin Miller, glissa-t-il à son chef qui venait de le rejoindre, complètement essoufflé par cette poursuite. C'est une industrielle de Briston.

Ils les suivirent à distance. Le lieutenant Marlet soufflait comme un bœuf. Par chance, la pluie battante couvrait en partie ce halètement incessant.

A dix mètres de la falaise, Peter sentit un picotement à son poignet gauche.

-Je reçois un signal, chuchota-t-il en pressant l'un des boutons de sa montre. Les caméras ont détecté une présence étrangère dans les parages.

Kristin hocha la tête ; elle avait compris.

Colin vit apparaître l'image de deux policiers sur l'écran.

-Le lieutenant Marlet et son adjoint ! soupira Peter.

A cet instant un éclair zébra le ciel. Kristin avait eu le réflexe et la présence d'esprit de le photographier. Le jeune homme lui saisit délicatement son appareil digital des mains et observa le dernier cliché.

-Lieutenant, vous étiez dans l'objectif, cria-t-il, vous avez fait rater la photo.

 

11

Cette affaire dépassait l'entendement. C'était tout bonnement stupéfiant. Depuis son entrée au FBI, trente deux ans auparavant, jamais il n'avait eu à traiter un cas d'une telle importance. Pourtant, Mike Hunter était l'un des personnages les plus influents des services secrets américains. Il en avait vu passer des dossiers explosifs, mais comme celui-là, jamais ! Son meilleur collaborateur et ami, David Douglas, serait selon toute vraisemblance un agent extérieur infiltré dans ses services. Absolument ahurissant ! Il le convoqua immédiatement.

-David, lui demanda-t-il, tu connais Kristin Miller ?

-Tout le monde la connaît dans ma région et moi en particulier. Je l'ai même fréquentée. J'habitais près de chez elle. Une scientifique à la tête de son entreprise de production de produits énergétiques. Une femme en tous points remarquable. Elle a quitté la Russie avec ses deux enfants, au lendemain de la chute du mur.

-Partie de rien et avec sa petite unité de production, elle est la seule à pouvoir concurrencer les géants de son secteur. Tu ne trouves pas cela étrange ?

-Elle a été présentée par la presse comme une très brillante chercheuse. Elle aurait fait des découvertes techniques de tout premier plan.

-Ses concurrents se posent beaucoup de questions. Pour eux, un chercheur isolé aussi jeune et aussi brillant soit-il, ne peut pas avoir réussi de telles prouesses. Il y aurait autre chose !

-Où veux-tu en venir ?

-Tu ne vois vraiment pas ?

-Non, pas du tout.

Il lui mit sous les yeux des photos d'ovnis, d'une netteté surprenante, visiblement prises de nuit, avec des appareils infrarouge. Tous les détails apparaissaient. Il en eut le souffle coupé.

-Certains de ces clichés ont été pris à quelques dizaines de mètres de distance par trois policiers qui cherchaient à mettre la main sur des braconniers. Trois appareils photographiques différents, cinq témoins policiers ou gardes-chasse, parfaitement dignes de foi. Les gars du labo sont formels : ni les négatifs, ni les tirages n'ont été truqués ou retouchés. L'engin émet un bourdonnement imperceptible. Il s'est posé à environ cinq cent mètres d'eux, dans une zone très difficile d'accès. Ils s'y sont rendus, il n'y avait rien. Et pourtant, si la soucoupe avait décollé, ils l'auraient vue, du moins, ils l'affirment. Le lendemain, j'ai fait ratisser le secteur par mes agents. Tout ce qu'ils ont trouvé, c'est une concentration vingt fois plus élevée que la normale de rayons gamma. D'après certains scientifiques, ce pourrait être les résidus d'un engin se propulsant au moyen d'un moteur antigravitationnel, une technique inconcevable sur Terre, donc d'origine extraterrestre.

-Nous serions visités par des créatures venant d'un autre monde ?

-C'est tout à fait vraisemblable. Les preuves sont formelles. Tout se tient. Je ne vois rien d'autre. Et toi, tu as une autre explication à me donner?

-Aucune et je ne vois pas en quoi je pourrais t'aider.

-Tu n'as vraiment rien à me dire ?

-Tu penses que je détiens des informations simplement parce que j'ai habité dans cette région ? Mais qu'est ce que tu crois ? Que je suis un agent à la solde des extraterrestres ! cria-t-il en se levant brusquement.

-Moins de cinq minutes après l'atterrissage, les policiers ont vu arriver de l'endroit où l'engin s'était posé et d'où il a disparu, à trois heures du matin, à la fin d'un orage, dans une zone inaccessible de montagne, tes propres enfants, Peter et Lisa.

-Quoi ?

-Tu as bien compris. Ils regagnaient tranquillement leur 4x4 qu'ils avaient caché dans la forêt. As-tu une idée de leurs activités nocturnes ?

-Pas la moindre.

-Ils ont essayé de faire croire aux policiers qu'ils photographiaient les éclairs. Ils étaient équipés d'un Canon et ils ont exhibé des clichés d'orages pris précédemment.

Mais ce n'était pas tout !

-Huit jours plus tard, sur le lieu d'atterrissage, en plein orage nocturne, le lieutenant de police Marlet et l'un de ses adjoints tombent à nouveau sur ton fils. Mais cette fois, il était accompagné par Kristin Miller, asséna Mike.

Davis Douglas était consterné.

-Je ne comprends absolument rien à cette histoire ! Parfois, je vois mes enfants, je les ai souvent au téléphone. Ce sont des jeunes sans problèmes, ils ont de très bons résultats scolaires. Nos agents les ont-ils interrogés?

-Non, c'est à toi de leur tirer les vers du nez. Mais auparavant, je voudrais être certain que tu n'es pas impliqué dans cette affaire.

-Mais tu me connais ! Comment peux-tu douter de moi !

-Tu es dans la maison depuis quinze ans. Souviens-toi, on aurait donné le Bon Dieu sans confession à plusieurs de nos collègues qui se sont avérés être des agents doubles. L'un d'eux était notre ami. Cette affaire est trop importante. Il y a trop de coïncidences qui font de toi un suspect. Je te fais mettre en garde à vue. Donne-moi les clés de ton appartement et de ta voiture, je te prie. Ton portable aussi.

David était atterré. Il aurait voulu se révolter, hurler sa colère, mais dans ce métier, il avait appris à garder son sang-froid. S'emporter était la pire des solutions. Il dit d'une voix calme et grave :

-Mike, vous ne trouverez rien contre moi, pour une raison bien simple, je suis totalement étranger à cette histoire. En ce qui concerne mes enfants, le témoignage des policiers est très troublant, j'en conviens mais je réponds d'eux comme de moi.

-Les gardes-chasse avaient repéré deux braconniers, mais ils n'ont pas réussi à mettre la main dessus. Et si c'étaient tes enfants ?

-Complètement absurde ! Mes enfants sont bien trop respectueux des lois. Tuer du gibier ? Pour eux, c'est inconcevable !

-Tu vas rester ici, sans contact avec l'extérieur. Mes hommes vont fouiller ton véhicule et ton appartement. S'ils ne trouvent rien de compromettant, nous prendrons ensemble le premier avion pour Denver. Je ne te lâcherai pas et nous mènerons l'enquête conjointement. Ah ! J'allais oublier ! Notre laboratoire a analysé un cheveu et un morceau de peau de tes enfants : ils sont parfaitement humains.

-Mais bien sûr qu'ils sont humains ! Je le sais bien, ce sont mes propres enfants ! C'est fou, complètement fou ! C'est une histoire à dormir debout. Tout cela me met dans une situation invraisemblable.

-Et moi, dans une situation embarrassante.

Sûr de son fait et avec l'accord de son responsable resté à l'écoute, David passa un coup de fil à ses enfants, surpris par cette invitation inattendue et inespérée. Puis ils filèrent directement à l'aéroport. Peu avant d'embarquer, les agents du FBI leur confirmèrent que les recherches menées dans le véhicule et dans l'appartement de David s'étaient révélées infructueuses.

A Denver, ils louèrent un véhicule et arrivèrent à destination en début de soirée.

Passées les embrassades, David accompagna son hôte à la chambre d'amis. Lui-même avait toujours la sienne à sa disposition. A chacune de ses visites, il était accueilli à bras ouverts non seulement par ses enfants, mais également par son ex-épouse avec laquelle il avait gardé de très bonnes relations. Tous deux avaient admis s'être mariés trop tôt, sans vraiment avoir pris le temps de bien se connaître. Ils s'étaient rendus compte trop tard de leur incapacité à vivre ensemble. Ni l'un ni l'autre n'avaient par la suite trouvé l'âme sœur. Leurs expériences vécues séparément depuis leur divorce se terminaient invariablement par une nouvelle séparation.

-Mes enfants, l'heure est venue pour moi de vous faire des révélations incroyables et j'en attends autant de votre part.

Peter et Lisa se regardèrent, perplexes. Comment leur père pouvait-il se douter de quelque chose ? Rien n'avait transpiré, le lieutenant avait fait chou blanc. Il n'y avait aucune preuve. Et lui, que leur avait-il donc caché ? Qui était réellement cet hôte mystérieux ? Toutes ces questions se bousculaient dans leur esprit. La partie s'annonçait difficile.

-Tout d'abord, continua-t-il, je n'ai jamais travaillé au Ministère des Affaires Etrangères comme je vous l'ai toujours laissé croire. En réalité, j'occupe des fonctions importantes au FBI.

-Au FBI ? s'étonna Peter. Il avait soudain pâli.

-C'est bien cela, intervint l'inconnu, et votre père est mon bras droit. Je suis moi-même chargé d'identifier tous les agents menaçant la sécurité intérieure du pays.

-Vous nous suspectez ? s'inquiéta Lisa.

-Non, bien au contraire, la rassura-t-il. Je suis le seul à avoir découvert l'origine extraterrestre des inventions de Kristin Miller. Pour l'instant, je suis d'avis de n'alerter personne. Ni le FBI, ni le gouvernement ne doivent être tenus au courant. Je ferai en sorte de brouiller les pistes, d'étouffer les informations si nécessaire. Je ferai tout pour vous aider, à commencer par donner l'ordre au chef de la police locale de ne plus vous importuner.

Les enfants de David étaient ébahis, mais ils ne l'avaient pas interrompu, ils n'avaient pas émis le moindre signe de protestation. Mike Hunter avait donc vu juste.

-Vous pouvez lui faire entièrement confiance, reprit leur père. Nous sommes absolument les seuls à être au courant et personne d'autre ne le sera. Mais si nous devons travailler ensemble, nous avons besoin d'en savoir davantage. Nous devons nous faire confiance, sinon votre mission sera un échec.

-J'ai pris la tête de mon département, il y a seulement trois semaines, continua Mike, et c'est une chance pour nous car mon prédécesseur aurait déjà ameuté l'armée et le gouvernement s'il avait appris ces informations.

Les adolescents n'avaient pas dit un mot depuis l'annonce de la véritable raison de cette visite surprise.

-Rassurez-moi, mes enfants, leur dit leur père. Ces extraterrestres, ce sont vos amis ? Leurs intentions sont pacifiques ?

Toujours pas de réponse et ils conservaient cet air consterné.

David douta alors de la tactique dictée par son supérieur. Cette hypothèse de collaboration entre de jeunes étudiants et des aliens lui parut alors complètement absurde. Lui ne croyait pas aux ovnis. Ces clichés ne représentaient rien d'autre que des engins secrets appartenant à l'US Air Force. La situation était complètement surréaliste. Ses enfants devaient prendre leur père et son responsable pour deux aliénés qui sévissaient dans les hautes sphères du FBI pour le plus grand malheur de leur pays.

-Vous savez piloter leur soucoupe volante ? persista Mike.

La réponse leur tomba dessus comme un coup de massue.

-Oui, répondit simplement Lisa.

Un long silence s'ensuivit, causé par l'abattement chez les jeunes et par la stupéfaction chez les plus anciens. David le rompit.

-Vous et Kristin, vous collaborez avec eux ?

Peter regarda son père d'un air embarrassé.

-Kristin et les jumeaux sont des extraterrestres ! lâcha-t-il.

Nouveau coup de massue !

-Des, des… bafouilla l'ancien amant de la créature originaire d'un autre monde.

-Ils sont arrivés de l'espace et non pas de Russie, confirma Lisa.

-Avec une armée d'invasion, continua son frère, mais elle l'a entièrement détruite.

-La prochaine vague devrait bientôt arriver, poursuivit sa sœur. Notre mission consiste à l'en empêcher.

-Nous allons défendre notre planète, détruire l'envahisseur ! poursuivit Peter en tapant d'un poing rageur sur la table.

-Leur but est de nous anéantir jusqu'au dernier, déclara Lisa sur un ton angoissant. Ils allaient le faire, mais heureusement, Kristin est intervenue à temps.

Les deux responsables du FBI étaient complètement abasourdis.

-Pourquoi n'avez-vous pas prévenu les autorités ? demanda Mike. Nous aurions pu organiser notre défense !

-C'est comme si vous vouliez vous opposer à une armée moderne avec des arcs et des flèches, se justifia Peter. Le seul rempart, c'est nous !

-Si le monde apprenait l'existence de cette menace, vous imaginez la panique qui s'ensuivrait ? intervint David.

-Ce serait le chaos le plus dramatique jamais enregistré, prophétisa Mike, le plus grand traumatisme de l'histoire. A l'échelle de la planète. Tout s'arrêterait. Les envahisseurs n'auraient plus qu'à nous achever. Cette information ne doit pas absolument pas être révélée au public, ni même aux autorités, y compris le FBI.

-Je croyais bien connaître Kristin, soupira son second, encore sous le coup de cette révélation stupéfiante, mais en réalité, j'ignorai presque tout d'elle. Il me tarde de vraiment faire sa connaissance.

-Allons la voir maintenant, proposa son fils. Ta visite ne devrait pas lui déplaire ; elle nous a assez souvent parlé de toi.

-Plutôt en bien, compléta sa sœur.

La jeune femme Cygléenne était à la maison en compagnie de ses enfants. Quand la sonnerie de la porte d'entrée retentit, elle alla ouvrir.

-David ! s'exclama-t-elle, c'est bien toi ?

-Kristin ! Tu n'as pas changé en quinze ans.

-Toi non plus. Mais pourquoi n'es-tu jamais venu me voir quand tu rendais visite à Peter et Lisa ? Nous étions pourtant bons amis avant ton départ.

-Vous aussi, vous êtes devenus de bons amis. Voilà enfin l'occasion pour nous deux de renouer des liens.

Elle le prit par le bras.

-Ne restez pas dehors, entrez.

Elle ne se doutait de rien. Aussi, sa surprise fut à son comble lorsqu'il lui apprit l'objet de leur visite.

-Je n'ai plus guère le choix, soupira-t-elle, je vais tout vous raconter.

-Vous n'avez rien à redouter de nous, la rassura Mike. Au contraire, David et moi, nous allons vous faciliter le travail. Grâce à notre intervention, vous pourrez d'ores et déjà reprendre vos vols sans être inquiétés.

Elle ne leur cacha rien, insista particulièrement sur le rôle capital joué par Peter et sa sœur dans le succès de cette folle entreprise. Les deux hommes, pourtant aguerris aux missions périlleuses, n'en revenaient pas. David croyait pourtant bien connaître ses enfants. Il était émerveillé par leurs prouesses et s'en montrait fier.

Mais cette imminence d'une extermination de l'humanité par des envahisseurs extraterrestres les avaient atterrés.

-Vous êtes le seul rempart contre la catastrophe qui nous menace, déclara Mike. Je ne peux rêver de meilleurs agents au service de notre sécurité. Considérez-vous comme faisant partie du FBI, mais vous n'aurez de comptes à rendre à personne. Officiellement, vous dépendrez exclusivement de moi, mais je ne vous donnerai pas le moindre ordre, vous ne serez pas tenus de me faire des rapports. Vous bénéficierez éventuellement de mon assistance et je vous couvrirai sans restriction. Je vous fournirai une carte du FBI, sauf à toi, Lisa, car tu es trop jeune. Ainsi, vous devriez avoir moins d'ennuis.

Cette idée de devenir des agents secrets et de ne recevoir aucun ordre, mais uniquement une aide en cas de besoin, les enthousiasma au plus haut point. Ils acceptèrent sans hésiter.

-Notre vaisseau reste cloué au sol depuis la découverte du lieutenant Marlet, à savoir que Peter effectue ses sorties la nuit et par mauvais temps, déplora Kristin.

-Nous irons le voir et nous lui ferons croire que vous avez collaboré à la réalisation de cet engin secret, commandé par les forces aériennes américaines, lui expliqua Mike. L'armée possède une base secrète près d'ici où elle l'expérimente.

-Et nous participons tout naturellement à ce programme ! déclara Rachel.

-Les chercheurs se font souvent assister dans leurs travaux par des étudiants, précisa Kristin.

-Je me suis renseigné sur ce lieutenant, reprit Mike. Il ne brille pas particulièrement par son intelligence, mais c'est un homme de principes, très respectueux de l'ordre, de la hiérarchie et du devoir. Si nous lui accordons une certaine considération, nous n'aurons jamais de problèmes avec lui. Il pourra même nous être utile pour décourager les éventuels curieux.

-Des orages sont annoncés pour cette nuit, dit Peter. Le moment me semble tout indiqué pour reprendre mes missions d'entraînement.

-Messieurs, proposa Kristin, que diriez-vous d'un petit voyage dans l'espace ?

Les deux hommes se regardèrent, visiblement surpris.

-Je ne vais pas laisser passer cette occasion, répondit David.

-Lorsque j'étais un enfant, je voulais devenir astronaute, leur apprit Mike. Mon rêve va enfin pouvoir se réaliser !

-Allez vite au bureau du lieutenant, les prévint Lisa. Vu l'heure déjà tardive et les mauvaises conditions météorologiques, il ne devrait pas tarder à aller faire le guet.

Tout se passa comme prévu. Les explications des deux responsables du FBI avaient convaincu le lieutenant et ses adjoints. Si le besoin s'en faisait sentir, la police locale leur apporterait son concours.

Les deux nouveaux voyageurs de l'espace furent émerveillés par tout ce qu'ils découvrirent : la base, le vaisseau, le survol de la planète. Leurs yeux étincelaient de surprise et de joie, ils multipliaient les superlatifs. Peter et sa sœur, qui formaient l'équipage, ne pouvaient s'empêcher de sourire à chacune de leurs exclamations.

Après une nuit de sommeil écourtée, David avait laissé son chef repartir seul à Washington où sa présence était réclamée. Quant à lui, il s'était accordé quelques jours de congés auprès de ses enfants. Il en profiterait pour mieux faire connaissance avec la famille Miller et son étonnant environnement.

Quand arriva le moment de repartir pour Washington, Kristin prit les deux mains de David et lui avoua d'une voix émue :

-Pendant dix sept ans, j'ai vécu seule avec deux enfants taciturnes et mal dans leur peau. J'ai passé des moments très difficiles jusqu'au jour où Peter et Lisa sont entrés dans notre vie. Leur influence sur nous a été incroyablement bénéfique. Le seul ami pour lequel j'ai vraiment eu une réelle affection, c'était leur père. Après une si longue absence, je te retrouve enfin et tu repars.

-J'ai toujours eu des sentiments pour toi, mais ma vie était ailleurs. La tienne était dans ton laboratoire. A chacune de mes visites, je jetais un coup d'œil en direction de ta maison et de tes installations, mais je ne t'ai jamais aperçue. Il aurait suffit d'une seule fois et je serais allé à ta rencontre. Je n'ai jamais osé sonner à ta porte.

-Comme tes enfants, tu pourras venir aussi souvent que tu le voudras. D'ailleurs, les miens passent également la moitié de leur temps chez toi et inversement.

-Ce n'est plus chez moi, la maison ne m'appartient plus. Elle est au nom de mon ex-épouse.

" Quelle aubaine ! pensa-t-elle " en essayant de masquer sa satisfaction.

-Alors, viens habiter chez moi ! conclut-elle sur un ton tellement évident, comme s'il ne disposait d'aucune autre alternative.

-J'accepte ta proposition et je t'en remercie, répondit-il en cherchant à contenir sa joie. Je tâcherai de ne pas trop bouleverser ta vie de célibataire.

-Au contraire ! Je compte sur toi pour la transformer !

A la même seconde, ils se jetèrent dans les bras l'un de l'autre, laissant leurs émotions et leurs sentiments s'exprimer librement.

 

EPILOGUE

Le lendemain, le programme automatique de l'ordinateur, connecté à la parabole, détecta l'arrivée du vaisseau cygléen. Ce dernier se plaça sur une orbite terrestre très élevée. A aucun moment, les astronomes Terriens ne le découvrirent.

Lisa, aux commandes du second chasseur récupéré dans l'antarctique, assurait la couverture du continent américain. Son frère se positionna dans l'immense plaine sibérienne. Il avait équipé son appareil d'un système de détection identique à celui du laboratoire. Lorsque le chasseur ennemi apparut sur son écran, il se porta immédiatement à sa rencontre. Il l'intercepta au moment où il sortait, incandescent, des hautes couches de l'atmosphère. A ce moment-là, son adversaire était totalement vulnérable, incapable d'attaquer, de se défendre ou de modifier sa trajectoire. Il n'eut aucun mal à le désintégrer.

Le vaisseau intergalactique repartit alors dans la direction d'où il était arrivé. La menace était écartée.

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Un commentaire. Dernier par les littérateurs le 13-07-2013 à 11h37 - Permalien - Partager
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