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Parce que le roseau plie...

... mais ne rompt pas

... Posté le Jeudi 5 Mars 2009 à 14h21

           

 

            Lorsque tu m'as appelé, je savais que quelque chose n'était pas pareil que d'habitude. Je ne saurait le définir, mais c'était comme un pressentiment. Quelque chose qui m'a traversé de façon physique. Ta voie était comme si tu avais fumé un joint, et tu disais que lorsque tu fumera les poules auront des dents (au moins maintenant on sait qu'elles ne risquent pas d'en avoir).

 

            Tes parents étaient en voyage jusqu'au week end d'après. Moi, tu savais que je dînais avec mes parents chez mon grand père. Heureusement, lorsque tu as appelé nous avions finit et j'ai pu m'éclipser. J'ai dit au revoir, mit mon manteau et prit mon sac assez rapidement mais pas trop, j'ai roulé vers chez toi et me suis garée assez rapidement mais pas trop. J'ai marché, prit les clés et ouvert la porte, assez rapidement mais trop tard.

 

            Sais tu que le sang a une odeur ?

            Ca m'a remplit les narines tout de suite. Cette odeur chaude et ferreuse : écœurante. J'ai monté l'escalier en t'appelant : pas de réponse. Lumière sous la porte de la salle de bain. J'avance une main tremblante sur la poignée et pousse la porte.

 

            Sais tu combien de litres de sang contient un corps humain ? je ne sais pas, mais par contre, je sais ce que ça fait comme place lorsque c'est répandu par terre. Du rouge rubis, luisant, épais, poisseux, puant. Du rouge partout. Entailles béantes aux poignets et aux cuisses, dans un bain chaud. Tu n'avais pas moyen de te rater. Il manquait plus que tu prennes des anticoagulants aussi ! L'eau du bain te soutenais un peu de chaleur, elle était rouge aussi, mais moins. Je suis debout ne sachant où regarder, où poser mes pieds. Je ferme les yeux, essaie de retenir la nausée qui monte dans ma gorge, d'effacer la neige noir qui me tombe devant les yeux, de calmer les battements de mon cœur et je prie pour que mes jambes continue de me porter. Tu aurais peut être pu mettre un panneau genre « Attention, scène pouvant heurter la sensibilité de tout public « ?! J'aurai été prévenue au moins. Je rouvre les yeux mais c'est la même chose. Rien n'a bougé. Je me décide à t'approcher, mes pieds glissent. Je me rappelle qu'à la télé, ils regardent le pou en premier. Je prend ton poignet. Non, au cou plutôt, évidemment. Pas de pou, salope ! peut être que c'est parce que je sais pas le prendre, mais j'en doute. Il faut que je téléphone aux pompiers. Je cherche ce putain de téléphone partout, avant de réaliser que j'ai mon portable dans la poche. Quel numéro, les pompiers déjà ? Ils me disent qu'ils vont vite arriver. Je réalise que tu dois être nue en dessous cette eau. Je me dépêche, je vide l'eau, je ne trouve qu'une couverture mais ça fera l'affaire. Je la jette sur toit, sans te bouger (ça aussi ils disent qu'il faut pas le faire à la télé). Et pis, j'attend avec toi. Ils arrivent, y 'a les sirènes. Ils vérifient ton pou, comme je l'ai fait. Me disent qu'ils sont désolés mais qu'ils vont appeler la police et qu'elle fera le nécessaire pour emmener le corps. La police arrive, on m'a installée sur ce fauteuil où on se roulait quand on avait 10 ans, avec un verre d'eau. Je fais ma déposition, ils t'emmène je ne sais pas où. Aucune importance. Ce truc blanc et rouge, froid, nu, mal coiffé, vide de toute expression… ce n'est pas toi, ça ce n'est qu'un corps, un truc qui reste, un déchet, il ne m'intéresse pas et je me fiche de ce que cela deviendra. Tu n'est pas dedans. Je reste assise, regardant ce verre d'eau qui me semble absurde. Je ne sais pas combien de temps je suis restée sans bouger mais ce n'est que lorsque le soleil m'a fait sursauté quand il est venu dans mon œil, que je me suis rappelée que j'étais vivante. Je prend mes affaires pour sortir, je passe devant la salle de bain. Je ne veux pas que tes parents voient ça en rentrant. Je nettoie. Je frotte, encore et encore. J'ai rayé la baignoire et le carrelage, mais, j'ai l'impression que ça ne part pas. J'ai cassé le balai brosse. Tout doit disparaître. Tu n'aurai pas pu prendre des médocs avec du bourbon comme tout le monde ?! un peu de respect pour ceux qui ramasse merde ! Quand tout est nickel, qu'il n'y a plus de trace (à part les rayures et le tapis que j'ai dû jeter) je suis soulagée, et je m'en vais avec la satisfaction du devoir accomplie. Je referme la porte, comme si je refermais un cauchemar qui n'avait jamais existé.

 

Avant de te  connaître, j'étais une petite fille seule. Je n'avais pas d'ami(e)s et ne voyait aucun intérêt à en avoir. Je me suffisait à moi même. Je ne parlais quasiment pas en dehors de ma famille, ou alors en répondant à des questions et de façon la plus courte possible. Moi, tout m'amusais et je trouvais le monde passionnant, mais ce que je trouvais drôle ou intéressant ne l'était que pour moi. Les autres se moquaient et me laissaient volontiers de côté. J'étais « la fille aux chiens », et une génie d'équitation et cela me convenait comme ça. Je me sentais beaucoup mieux avec les animaux, ils me semblaient plus simples. Je ne sais pourquoi tu es venue vers moi, mais tout a changé. J'avais envie d'autre chose pour une fois, être ton amie, être comme toi. Le destin nous a sourit car nous avons souvent été dans la même classe jusqu'au bac. A partir de ce jour, on ne s'est plus quitté. On refusait les invitation où on ne pouvait aller ensembles, écartions les gens qui ne voulaient pas de l'un ou de l'autre, on passait la journée ensemble en classe, et nos soirées. Une vie pour deux. Avec toi, j'ai toujours été à l'aise d'être moi, contrairement aux autres, ou je cherche à être ce qui est bien que je sois.

            Sais tu ce que tu m'a fait ? tu es comme une sœur pour moi. Sais tu l'importance de cela pour quelqu'un aux racines inconnues. Comment as tu pu me faire ça, sachant comme l'abandon est terrible pour moi !

 

            Je comprend que tu ai voulu quitter ce monde. Ce monde où les gens n'ont plus le temps de penser (heureusement pour eux d'ailleurs), où la moindre différence déclenche des guerres, où les pôles fondent et où même les chiens seront un jour une espèce en voie de disparition, où l'on mange en boite des aliments crées en laboratoire, où la valeur des gens est mesurée à leur patrimoine matériel, où les enfants demandent à leurs parents « pourquoi il dort par terre le monsieur maman ? », et où l'amour n'est pas plus qu'un procéder de « prêté pour un rendu ». oui, il est moche ce monde, il est laid, mais c'est le notre, et moi, je n'en suis pas partie. Lorsque je suis morte l'année dernière, j'étais si bien que je ne voulais pas revenir. Tu as raison. Ici, tout est si brutal, brillant, bruyant. Que doit on faire pour un peu de silence, de paix ? je ne me sentais plus à ma place. C'est encore toi qui m'a aidé à la retrouver. Et maintenant tu n'es plus là.

 

            Je me sens comme anesthésiée. Je ne sais pas quoi faire de ma peau, comment faire, ni où aller. Je suis perdue. je peux rester des heures sans bouger, sans rien penser, comme si je n'existait plus, que le monde s'était arrêter. Je suis comme emprisonnée dans mon propre corps. Plus rien n'est naturel maintenant. J'aimerai pouvoir hurler, pleurer, frapper dans quelque chose, mais mon corps lui reste inerte. Pourquoi je ne peux pas sortir de moi pour réagir. Pourquoi ce que je ressens à l'intérieur ne veut pas sortir ? On me demande « comment ca va ? » et je répond « ca va », alors qu'au fond de moi je hurle « aidez moi, faites quelque chose ! ». Quelque fois, j'ai le cœur qui se serre, mais mes larmes ne viennent pas. Je reste vide. C'est comme si il y avait plusieurs moi. Un qui ne ressent rien, un qui est en colère, et un qui est triste. Ils s'entrechoquent, mais ils ne communiquent pas, et moi, je me sens super mal d'être ainsi, sous tension, dans chacun de mes moi. J'ai parfois l'impression que tout ce que je vois n'est qu'un faux monde, comme une peinture que je pourrais déchirer, et il y aurait autre chose derrière, une réalité où tu serait là. Le monde ne peut pas rester ainsi. Je ne peux pas vivre dans ce monde ainsi. Il y a forcément quelque chose à faire, une solution. Je ne peux pas croire que ça restera comme ça, comment vais je faire moi ? Pour continuer, sans toi ? Je n'ai plus envie de rien. Mon corps a faim je le sais, mais je n'arrive pas à manger, aucun aliment ne me donne envie, tout ce que je mange à le goût de l'odeur du sang, la nourriture a une texture interminable dans ma bouche, j'ai beau mâché, et remâché… je n'arrive pas à l'avaler, elle me semble bizarre. Je ne dors quasiment plus, quand cela arrive soit je fais un cauchemar où je te revois, soit je refais le monde (parce que tu m'aurais parlé avant, parce que je serais arrivée assez tôt), mais le plus souvent tu es en vie et on fait pleins de trucs ensembles, et pendant quelques minutes après mon réveil, j'y crois toujours. J'ai même envie de t'appeler. La plus part du temps, je flotte dans le vide, comme une coquille vide, comme si je m'étais absentée. Je ne suis pas spécialement triste, je suis en colère lorsque je pense à toi. En colère pour ce que tu t'es fait, pour ce que tu me laisse. Je ne comprend pas pourquoi, et Ca me met très en colère, je ne comprend pas comment tu as pu ! Sans même un mot. J'en veux au monde entier, et même à dieu, qu'ai je fait pour mériter ça moi ? M'a tu seulement aimé pour me faire ça ? Tu ne pensais qu'à toi lorsque tu as décidé d'en finir purement, simplement, et salement en plus ! je te déteste, je te déteste, je te déteste. Je te jure que si tu t'en étais sortie, su ne serai même plus là pour en parler, parce que je t'aurai étouffée avec ton oreille dans ta chambre d'hôpital ! Je suis bien plus en colère encore que ça, seulement, je n'ai pas de mot pour le dire. Il n'y a que mon corps qui pourrait l'exprimer, mais comme je l'ai dit, il ne m'appartient plus, et je n'arrive pas à le mobiliser comme je veux.

 

            Je ne supporte plus nos potes. Ils sont là, à pleurer, et à parler de toi sans cesse. Je n'ai pas envie de parler avec eux. Ni de toi, ni d'autres choses. Le seul réconfort que je trouve c'est les personnes avec qui je peux parler qui ne te connaissaient pas. Ils me disent « et tu vas au stage, mais comment tu fais, quel courage », du courage… mais non, c'est tout le contraire. C'est par lâcheté que j'y vais. Parce que lorsque j'y suis, je ne suis pas seule, j'ai quelque chose à faire, avec un cadre définit, où l'on a pas le temps de ne rien faire, où mes petits résidents me donne un rôle à jouer, un personnage à incarner, l'impression d'être un peu utile. Je n'ai pas envie de voir grand monde, mise à part certaines personnes, les moments où il y a trop de gens, qui parlent en même temps me saoulent, m'étourdissent. Quelque fois, même avec une seule personne, je n'y suis pas. Je veux dire, je l'entend mais ce n'est que lorsqu'on me demande une réponse que je me rend compte que j'ai entendu mais pas écouté. J'ai un mal fou à me concentrer sur quelque chose, mon esprit part je ne sais où. Ton enterrement sera sûrement la semaine prochaine, ils voulaient faire une autopsie d'abord. Je me demande bien pourquoi, c'est ridicule, il me semble qu'il ne faut pas avoir faite math'sup pour voir que c'est un suicide ! Enfin bref, je ne sais pas si tes parents décideront de m'inviter finalement. Vois, tu ils me rendent responsable de ce que tu as fait. Ils cherchent un coupable, et ils disent que je te connaissais mieux qu'eux, que je te voyais plus, que j'étais comme ta sœur, et qu'en plus je suis psy, que j'aurai du savoir, anticiper. Ils n'ont peut être pas tord. Quoi qu'il en soit, je ne sais pas si je viendrai à cet enterrement. Parce que tu vois, je sais que tu es morte, je suis bien placée pour le savoir, je t'ai vu de mes yeux. Mais… si je voyais ton corps dans une boite, qu'on descendrai dans un trou, si j'assistais à ça, alors ça voudrai dire que j'y crois. Et si j'y crois, cela veut que ça aura vraiment exister, et ça, je peux pas, je veux pas. Je ne tiendrai pas, je m'effondrerai complètement. Lorsque la douleur arrive un peu, mais de très loin comme émoussée, ça m'étouffe, ça me coupe le souffle et j'arriverai pas a récupérer ma respiration. C'est comme lorsqu'on est jeté dans l'eau très froide.

 

            Je ne sais pas le dire, mon visage sourit alors même que je me noie à l'intérieur. J'aimerai qu'on me fasse sortir de la camisole qui retient ma colère et ma douleur. Je ne sais pas comment. Des bras assez solides et qui me serreraient assez fort pour que je puisse me laisser aller à pleurer sans avoir peur de ne jamais pouvoir m'arrêter, sans avoir peur d'être détruite. Qu'on me fasse un électrochoc, qu'on me gifle… j'aimerai qu'on me réveille. J'ai envie de tornade, d'avalanche, de tsunami, quelque chose d'assez grand et fort, à la mesure de ce que je ressens à l'intérieur. combien de temps... combien de temps je vais être comme ca, me sentir si mal, si en colère, un peu triste et si absente ? un mois ? un an ? plus ? La vie sera t elle belle de nouveau un jour ?

 

Cela fait 5 jours que je ne t'ai pas eu au téléphone. Si l'espérance de vie d'une femme est de 80 ans et qu'il y a 365 jours par an, cela fait…29200 jours en moyenne à vivre sans toi.

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