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science-fiction jeunesse

science-fiction jeunesse

science-fiction jeunesse Posté le Samedi 7 Juin 2008 à 14h17

Il y a 200 000 ans, l'homo sapiens a été ensemencé dans notre galaxie par une race aujourd'hui disparue. L'une de ces civilisations est arrivée sur la Terre. Ces humains vivent parmi nous, sans révéler leur présence. Mais dans des circonstances exceptionnelles, ils peuvent nous contacter ou nous découvrons leur existence….

J'ai regroupé ces aventures dans un recueil de nouvelles et trois romans, dont deux sont publiés aux Editions Thélès. Mes romans " Retour sur Méga " et " Pour une autre Terre " et toutes mes nouvelles sont en lecture gratuite sur www.inlibroveritas.net

ImagePierre Chonion  AQUERO  OQUERA

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Le planeur motorisé survolait la forêt équatoriale africaine à sa vitesse minimale, quatre vingt kilomètres à l'heure. L'immense disque rouge du soleil venait d'émerger à l'horizon. Ses rayons rasants illuminaient le bel oiseau bleu et lui fournissaient juste assez d'énergie pour maintenant, alimenter le moteur électrique. Lorsqu'il volait de nuit, David ne s'élevait jamais à plus de cent mètres au-dessus du sol ou des flots, car l'autre moteur fonctionnait à l'alcool et il devait veiller à économiser ce carburant au maximum.

Douze jours après son décollage de Californie, le tableau de marche avait scrupuleusement été respecté. Dans moins de quatre vingt seize heures, si la chance était toujours de son côté, le record du tour du monde en solitaire, sans escale, avec un engin à propulsion classique, sans réacteur, serait battu.

L'énergie solaire était abondante sous ces latitudes, mais surtout, il était inutile de la stocker, comme c'était le cas pour ce carburant liquide qui représentait quatre vingt cinq pour cent du poids de l'appareil.

Ce dernier commençait lentement à prendre de l'altitude. Au cours de la matinée, il atteindrait l'altitude de quatre mille mètres où il échapperait à la chaleur insupportable du jour et où le taux d'oxygène serait plus faible, mais l'air encore respirable, puis à la nuit tombante, il entamerait son interminable vol plané en direction du sol. C'était autant d'alcool économisé avant de remettre le moteur thermique en route.

Ce prototype avait déjà effectué une tentative pour améliorer ce record, mais après une traversée des Etats-Unis d'ouest en est, son pilote s'était posé sur l'aéroport militaire de Mojave, dans le désert californien, estimant consommer trop pour pouvoir boucler le tour du globe dans les délais. En fait, son appareil était mu uniquement par un moteur à alcool et il était trop petit pour pouvoir embarquer suffisamment de carburant.

A cette époque, six mois auparavant, David, jeune chercheur aux laboratoires Onex, achevait de mettre au point un procédé révolutionnaire capable de convertir la lumière solaire en électricité. Les cellules photovoltaïques au silicium, chères, peu pratiques et au rendement médiocre appartiendraient désormais au passé. Il mettait la dernière main à la réalisation d'une peinture aux propriétés identiques, mais beaucoup plus performantes. Il suffisait de recouvrir la quasi-totalité de la surface d'un planeur, équipé d'un moteur électrique d'une couche d'électrolyte iodée puis de ce fameux mélange de dioxyde de titane, de ruthénium et d'osmium pour pouvoir soutenir une bonne allure pendant toute la durée d'une journée ensoleillée. Même si le ciel était couvert, le courant généré était suffisant pour voler à faible vitesse. Si la couche nuageuse le permettait, il était toujours possible de profiter de l'ensoleillement pour s'élever au-dessus des nuages.

Une idée avait germé dans l'esprit de ce brillant chercheur. Pourquoi ne pas acquérir cet engin, bradé par son propriétaire, le munir d'une seconde motorisation et tenter de battre ce record ? Ce serait un formidable coup publicitaire pour promouvoir sa découverte !

Cette proposition fut accueillie avec enthousiasme par la direction de son entreprise qui débloqua immédiatement le budget nécessaire à cette tentative.

L'Onex –c'était son nouveau nom de baptême- avait atteint les quatre mille mètres. David brancha son pilote automatique et s'endormit. Son espace vital était extrêmement réduit. En position couchée depuis son départ, il se tournait et se retournait sans arrêt pour éviter à son corps de s'ankyloser. Ces mouvements répétés auraient pu le conduire à sa perte. Dans son sommeil, d'un geste malheureux, il débrancha bien involontairement et naturellement sans s'en apercevoir cet appareil indispensable qui lui permettait de se passer d'un second pilote et de gagner ainsi un poids précieux, cent cinquante kilos compte tenu de l'eau et de la nourriture.

Son engin commença lentement à perdre de l'altitude, puis la descente s'accentua. Plongé dans un sommeil profond, David ne s'aperçut de rien. Bientôt, il s'écraserait dans la forêt vierge. Ce serait la fin dramatique de son aventure.

Plus haut, beaucoup plus haut dans le ciel, à bord de son ovni, Céleste observait la scène avec effroi. Comme la plupart des trois cent huit Thoréens présents sur Terre, elle était au courant de cette tentative de record. Parfois, elle observait l'Onex dans sa progression. La façon de voler du jeune pilote lui était devenue familière. Dans la journée, il se maintenait constamment à la même altitude, au voisinage des quatre mille mètres, mais à ce moment précis, il se passait manifestement quelque chose d'anormal, un problème sérieux auquel le Terrien ne semblait pas pouvoir faire face. Le premier réflexe de la jeune fille avait été de se porter à son secours, mais cela lui était interdit. " Ne jamais intervenir auprès des habitants de cette planète, même s'ils sont en danger ! rappelaient régulièrement les membres du Conseil ; ils doivent rester maîtres de leur destin. Toute ingérence de notre part leur serait néfaste. " Les extraterrestres vivaient parmi les hommes et les femmes de la Terre, les côtoyaient, commerçaient avec eux, mais sans jamais se révéler à eux.

Pour la première fois de sa vie, la Thoréenne était confrontée à un grave dilemme : soit elle respectait cette règle inflexible grâce à laquelle leur présence n'avait jamais été découverte depuis leur date d'arrivée, cinquante sept ans auparavant et elle était assurée de n'être jamais inquiétée, soit elle empêchait ce drame. Son intervention ne posait pas de problème, mais ses conséquences pouvaient être catastrophiques si les siens ou les Terriens s'en apercevaient. Il lui restait une poignée de secondes pour se décider. Non, elle ne pouvait pas se résigner à assister en spectatrice à la mort de ce jeune homme dont elle appréciait les qualités au travers des reportages télévisés et de la presse !

Les deux bras articulés supérieurs se déployèrent et saisirent le frêle oiseau bleu au moment où il allait s'écraser dans les arbres. L'Albatros ramena l'appareil terrien sur sa trajectoire et à son altitude initiales tout en conservant une vitesse en rapport avec celle des performances du planeur solaire, car Céleste n'ignorait rien des détails de cette tentative. Une balise transmettait en permanence à un satellite les caractéristiques de vol de ce prototype.

Quand les deux bras relâchèrent leur emprise, l'engin terrestre amorça de nouveau un début de descente. Ils l'agrippèrent une seconde fois. " Je n'ai plus le choix, je dois aller voir quel est le problème. " se dit la jeune fille.

Elle se saisit de sa ceinture antigravitationnelle, la fixa autour de sa taille et sortit de son engin volant à la manière des astronautes, mais en évoluant dans les airs avec beaucoup plus d'aisance.

Parvenue à la hauteur de la bulle en plexiglas, elle vit un homme blond à l'allure juvénile, allongé sur le ventre. Il semblait dormir ou en état d'inconscience.

Ce dernier fut réveillé par des coups portés au-dessus de sa tête. " Des oiseaux ? " s'étonna-t-il en relevant la tête dans un bâillement à se décrocher la mâchoire. Comme le martèlement cessa, il entreprit de se rendormir. Les coups reprirent de plus belle. Il se réveilla alors complètement, avec un mauvais pressentiment. Portant son regard dans la direction d'où émanait ce bruit insolite, quelle ne fut pas sa stupéfaction d'apercevoir à travers la bulle de son cockpit, un visage d'une beauté à couper le souffle, celui d'une jeune fille blonde qui lui adressait à la fois de grands signes de la main et un sourire irrésistible. Ses cheveux étincelants volaient au vent. De ses deux mains, elle lui faisait comprendre qu'il devait relever la partie mobile de cette protection transparente. Ses mains ! Au lieu de se cramponner à son appareil, elle les portait à présent au niveau de sa bouche et effectuait des mouvements circulaires avec ses deux index pour lui montrer qu'elle avait l'intention de lui parler.

" J'hallucine complètement ! se dit le pilote. Je dois être victime d'une insolation. "

Il prit une bouteille d'eau minérale à moitié pleine et la vida sur son crâne.

Son inquiétude grandit lorsqu'il tourna de nouveau la tête sur le côté. Le visage angélique le regardait toujours, mais l'invitation se faisait plus pressante.

-S'il vous plait, ouvrez-moi !

La voix mélodieuse et insistante de la créature céleste lui parvenait distinctement à travers le plexiglas, à peine couverte par le sifflement de l'air et le son aigu et faible du moteur électrique.

" Les marins étaient autrefois victimes des sirènes, se remémora-t-il. Y aurait-il un équivalent pour les aviateurs ? "

Il n'y en avait pas. Il en était certain. Alors il fit glisser la partie coulissante de la bulle, uniquement pour laisser entrer une bonne bouffée d'air frais.

-Bonjour David, je m'appelle Céleste.

Une explication lui vint immédiatement à l'esprit : il était monté trop haut et le manque d'oxygène lui jouait un mauvais tour. Pourtant, un coup d'œil sur son altimètre lui indiquait quatre mille mètres. Il y avait donc une autre explication, abominable celle-là.

-Je deviens fou ! s'écria-t-il.

A cet instant précis, il vit l'une des touches de son tableau de bord en position " off ".

-Mon pilote automatique est débranché ! s'exclama-t-il.

-Vous devriez coller tout autour un petit cylindre, une section d'un tube de comprimés par exemple, suggéra l'apparition. Vous avez ce qu'il faut pour cela ?

David la regarda avec des yeux exorbités.

-Oui, mais dites-moi ce que vous faites sur l'aile de mon appareil et comment vous arrivez à tenir… sans les mains.

La jeune fille lui sourit. Au lieu de répondre, elle s'éleva dans les airs et sans le prévenir, glissa son corps souple et harmonieux dans l'habitacle, les pieds en avant en se délestant de sa ceinture antigravitationnelle. Elle s'allongea sur le dos du garçon stupéfié, dans le seul espace disponible.

-Vous permettez ? fit-elle, pas gênée le moins du monde, il fait un froid glacial dehors.

Elle interpréta son manque de réponse comme un signe d'approbation.

-On est un peu à l'étroit chez vous, poursuivit-elle, mais c'est très confortable.

Lui soulevant délicatement le menton, elle l'obligea à regarder par l'ouverture.

-Une soucoupe volante ! s'exclama le jeune chercheur au comble de la surprise. Vous êtes une extraterrestre ?

-Tout à fait ! répondit l'inconnue. Je vous rassure, vous n'êtes pas fou. Au contraire, je vous trouve très lucide.

-Que s'est-il passé ?

Elle lui expliqua son sauvetage.

-Comment pourrais-je vous remercier de m'avoir sauvé la vie ? demanda David, profondément ému et reconnaissant.

La réponse fusa.

-En me permettant de me joindre à vous durant quelques minutes, si ma présence à bord ne vous dérange pas.

Le jeune homme appréciait au contraire le contact de ce corps douillet et légèrement parfumé.

-Ou plus longtemps ! approuva-t-il. Ma curiosité est à son paroxysme. J'ai tant de choses à apprendre sur vous !

-Il m'est malheureusement interdit de vous fournir la moindre explication.

Le scientifique était désappointé. Sa nature l'incitait au contraire à comprendre le monde physique.

La mystérieuse et envoûtante jeune créature lui donna néanmoins quelques renseignements sur la présence extraterrestre sur Terre et pourquoi elle n'aurait pas dû intervenir.

La reconnaissance du miraculé était immense.

-Non seulement vous m'avez sauvé la vie, lui fit-il remarquer, mais de plus, sans votre intervention, tous mes espoirs de battre le record du tour du monde en solitaire et sans escale et étaient anéantis.

-En solitaire ? Ce n'est pas vraiment le cas. Mais au moins, je suis certaine de votre silence et j'y tiens. Sans escale ? je vous l'ai évitée de justesse.

-Vous appelez cela une escale ? Je dirais plutôt un crash mortel en pleine jungle. Je ne vous remercierai jamais assez d'avoir enfreint les ordres pour me sauver et comme vous, je garderai le secret de notre rencontre au plus profond de moi-même. De toute façon, qui me croirait ?

-Vous n'aurez plus l'occasion de me remercier, dit Céleste d'une voix triste. J'ai joué avec le feu ; je ne vais surtout pas chercher à vous revoir et cela me chagrine, croyez-moi. Je ne dois plus transgresser les règles, car si les miens s'en aperçoivent, je n'aurais plus jamais le droit de sortir de notre base.

-Vous allez être bannie parce que vous m'avez sauvé la vie au-dessus d'une zone où les seuls témoins étaient des singes, des perroquets et peut-être des indigènes incapables de communiquer avec des gens civilisés ?

-Oui, si mon écart de conduite n'a pas échappé à l'œil de l'un de nos microsatellites. Si je suis passé au travers, je le saurai rapidement.

-Vous me le ferez savoir ?

-Certainement pas ! Je ne veux pas gâcher votre vie par une mauvaise nouvelle. Maintenant, je dois vous quitter à regret. Je vous souhaite très sincèrement de réussir votre pari, vous le méritez. Aquéro oquéra !

-C'est du thoréen ?

-Oui. Ca correspond à peu près à votre expression " Aidons-nous les uns les autres ! " Mais c'est plus fort et nous l'employons seulement dans les situations dramatiques.

- Sauvons-vous les uns les autres ! conviendrait mieux.

-Tout-à-fait ! Mais l'autre est mieux appropriée aux Terriens.

Elle remit sa ceinture et ressortit du cockpit en planant. Le jeune homme put enfin se remettre sur le dos. Il regarda d'un air mélancolique l'ovni disparaître dans le ciel.

 

                                                    2

Trois mois après son exploit mémorable, la tempête médiatique était enfin retombée. David était devenu une célébrité. On ne comptait plus les articles de presse élogieux, les passages à la télévision et les conférence données aux quatre coins de la planète. Ni la gloire soudaine, ni les retombées financières ne lui avaient tourné la tête ; il s'en accommodait avec bonheur. Sa plus grande satisfaction lui était cependant venue d'un coup de fil inattendu. Contrairement à sa promesse heureusement non tenue, son amie extraterrestre l'avait rapidement appelé pour le rassurer. Les Thoréens ne s'étaient pas rendus compte de sa violation des règles élémentaires et impérieuses de sécurité. Ce fut pour lui un immense soulagement. Il aurait tant aimé la revoir, mais il ne voulait pas la voir prendre un nouveau risque. Aussi, s'interdit-il de lui suggérer l'éventualité d'une telle rencontre. Du reste, elle aurait probablement refusé, il n'y avait pas de vie à sauver cette fois-là. Au contraire, les leurs pouvaient être gâchées. Avec le temps, le souvenir de leur rencontre s'estomperait.

Le jeune chercheur avait repris son vrai travail dans le laboratoire de l'entreprise où il venait d'être nommé responsable de recherches et il rentrait, comme toujours, à pied à son appartement de San Francisco, en pensant pour la millième fois à la belle inconnue venue des étoiles.

Soudain, son attention fut attirée par des coups d'avertisseurs, des cris et des bruits caractéristiques d'accidents automobiles. Il vit avec horreur un camion fou débouler dans la descente, heurtant au passage divers véhicules et d'autres heurter des obstacles en tentant de l'éviter. Il lui fonçait droit dessus ! Un seul pas en arrière et il échapperait à une mort certaine, d'autant que le chauffeur était dans l'impossibilité de prendre le virage pour l'éviter. Le choc contre l'entrée de l'hôtel devant laquelle il se trouvait était inévitable. A cet instant précis, un client en sortit, sans se douter un seul instant du drame affreux dont il allait être la victime.

Sans réfléchir, dans une mouvement de réflexe instinctif, David plongea sur le malheureux comme un joueur de rugby le fait sur un adversaire et il le projeta à plus de deux mètres, lui évitant ainsi d'être percuté de plein fouet, au moment où le camion s'écrasait sur la façade du bâtiment. Malheureusement, la tête de l'homme heurta durement le trottoir et il perdit connaissance. Plus inquiétant, du sang coulait de son crâne. David déchira alors les deux manches de sa propre chemise achetée la veille et confectionna un bandage de fortune. Il fut soulagé de voir l'hémorragie s'arrêter.

Tout autour de lui, c'était un chaos indescriptible. Les gens hurlaient, d'autres criaient des ordres ou tentaient de secourir les victimes. Il régnait une forte odeur de freins brûlés. Le camion prit feu après que l'on eut sorti le chauffeur, vivant mais à moitié groggy et en état de choc.

-Aquéro ! Aquéro !

Le jeune homme sursauta. L'inconnu avait prononcé des paroles étrangement semblables à celles de Céleste. Il était pourtant toujours en état d'inconscience.

" Il délire, pensa son sauveteur. Il parle sa langue natale. Il n'y a rien d'étonnant à cela, si ce n'est… "

Sa déduction lui apparut soudain comme une incroyable évidence.

" C'est un Thoréen ! en conclut-il en se pétrifiant. Il a dit : sauvez-moi ! "

Le jeune scientifique laissa ses émotions de côté et fit appel à ses facultés d'analyse.

" S'il se retrouve à l'hôpital, se dit-il, la nouvelle d'une présence extraterrestre fera l'effet d'une bombe et aura des conséquences extrêmement néfastes sur les esprits, si j'en crois mon amie. Je dois à tout prix éviter qu'on l'emmène. "

Il jeta un coup d'œil autour de lui et vit plusieurs véhicules arrêtés sur la chaussée et sur le trottoir, la portière côté chauffeur ouverte, leurs propriétaires occupés à soigner les blessés ou à tenter d'éteindre l'incendie.

Sur le plus proche, il vit les clés sur le contact. Il releva le supposé extraterrestre et le coucha sur la banquette arrière. Sans demander son reste, il prit le volant et démarra en douceur pour ne pas éveiller l'attention autour de lui.

David décida de sortir de la ville. Il croisa des voitures de police et des ambulances, sirènes hurlantes.

Il continuait à réfléchir et se demandait s'il avait bien fait d'agir ainsi. Le doute commença à s'insinuer dans son esprit. Et s'il divaguait ? Et si cette victime était bien un Terrien comme n'importe quel être sensé aurait dû le penser ? S'il mourait par sa faute ?

Il s'efforça de chasser ces idées sordides ; elle l'empêchaient de se concentrer sur la situation présente et les décisions à prendre.

Brusquement, il eut un déclic. " Si ces gens-là se trouvent en situation délicate, pensa-t-il, il doivent pouvoir appeler leurs congénères pour en sortir. "

Il s'arrêta dans un endroit désert, descendit et ouvrit la porte arrière, de son côté. L'inconnu respirait et le sang ne coulait pas, c'était un soulagement. Une fouille minutieuse lui permit de mettre la main sur l'objet recherché : un téléphone portable, mais d'un modèle inconnu et sans marque. Au centre, un bouton rouge sur lequel il appuya instantanément. Une voix se fit entendre, dans une langue incompréhensible.

-Aquéro ! fit David.

De nouveau la même voix, mais terriblement inquiète.

-Je suis David Morgan. Votre ami a eu un très grave accident à San Francisco. Dites-moi où je dois le conduire.

Puis un silence interminable.

-Très bien, fit-il sur un ton colérique, puisque vous ne voulez pas me faire confiance, je vais attendre qu'il meure, puis j'irai l'enterrer.

La réponse ne se fit pas attendre.

-David Morgan ? le pilote de l'Onex ?

-Affirmatif !

-Vous connaissez donc Céleste ?

Le Terrien se figea. Cela ne laissait rien présager de bon pour son amie, ce " donc " en particulier. Ils avaient forcément établi un parallèle. Leurs soupçons étaient à présent confirmés. Comme elle, il s'était mêlé de ce qui ne le regardait pas. Tous deux avaient cherché à sauver un être humain, mais il n'était pas de leur planète. Elle allait le payer au prix fort, ce n'était pas juste. Lui serait bientôt fixé sur son sort, mais il s'en moquait. Seule Céleste importait.

-Elle m'a sauvé la vie, mais nous en sommes restés là, répondit-il pour tenter d'obtenir la clémence de leurs juges.

-Nous nous en doutions, mais nous avons fermé les yeux. Il n'y avait pas de témoins aux alentours. De plus, la gentillesse et la bonne humeur de cette fille sont sans égal. Nous nous serions sentis coupables si nous l'avions sanctionnée pour cette bonne action.

Le jeune homme était complètement abasourdi.

Du portable, sortaient maintenant des ordres en thoréen puis il entendit une courte conversation dans cette langue toujours aussi incompréhensible. L'une des voix lui sembla familière.

-David, c'est moi Céleste. Je prends le relais. Nous connaissons ta position. Je vais t'en donner une autre pour un rendez-vous. Nous allons envoyer un engin à ta rencontre avec deux chirurgiens à bord.

Nouvelle surprise : il s'agissait d'un hangar dans le port de la ville à quelques minutes de l'endroit où il se trouvait. Dans son cerveau en ébullition, il se posait une multitude de questions, mais comme le temps était compté, il s'y rendit sans en poser une seule.

Le lieu de destination grouillait de monde, l'activité portuaire y était très intense, les gens s'activaient comme cet homme en combinaison de travail, passablement agité. Brusquement, David comprit le motif de cette excitation. Les signes s'adressaient à lui, il était attendu avec une impatience non contenue, compréhensible vues l'urgence et la gravité de la situation.

La porte d'un dépôt était ouverte. Visiblement, il était invité à y entrer. Il s'arrêta au centre du local et sortit du véhicule au moment où le battant se refermait.

-Aidez-moi à le sortir !

Le jeune homme s'exécuta avec empressement. Il prêta son concours au mystérieux individu et porta avec lui le corps inanimé dans une simple caisse en bois, puis ils chargèrent le tout sur un chariot. Toujours sans prononcer le moindre mot, ils se dirigèrent en direction du quai. Deux minutes plus tard, le chargement était à l'intérieur d'un hors-bord.

-Merci infiniment ! fit l'inconnu en mettant le moteur en route.

Puis il fit un signe de la main à David en prenant la direction du large. Ce dernier y répondit avant de retourner dans le hangar.

Il inspecta les lieux. Rien à l'intérieur ne laissait supposer la fréquentation de ce local par des extraterrestres, pas le moindre indice. Il actionna l'ouverture de la porte principale par laquelle il était entré, un modèle standard, qui se referma automatiquement après la sortie de la voiture.

Sur le chemin du retour, David se sentit doublement soulagé. D'abord pour avoir remis aux extraterrestres l'un des leurs, vivant de surcroît, alors qu'il allait tomber entre les mains des Terriens, d'autre part parce que ceux-ci ne prendraient certainement pas de sanctions contre Céleste, après qu'ils aient eu confirmation de son intervention auprès de lui. Son initiative à lui, renforçait sa conviction.

Son contact au port ne lui avait pratiquement pas parlé. Sans doute avait-il reçu pour consigne de se taire. Il avait donc jugé préférable de ne pas le questionner. Du coup, il n'était guère plus avancé sur les conséquences de sa rencontre avec ces habitants d'un autre monde. Il était dans l'incertitude la plus totale ; toutes les suppositions étaient envisageables, même les plus inattendues. Peut-être lui feraient-ils parvenir des nouvelles rassurantes et pourquoi pas des informations sur leur civilisation, celles fournies par son amie étaient vraiment trop parcellaires, mais il n'y croyait pas trop.

Il eut la délicatesse de faire le plein avant de garer le véhicule devant le commissariat de son quartier. Il n'oublia pas non plus de laisser un mot sur le pare-brise sur lequel il avait écrit : " Voiture empruntée. A rendre à son propriétaire. Merci. "

Puis il regagna à pied son appartement.

Il soupa. Ensuite, il essaya de voir un film à la télévision, de prendre connaissance des informations, de lire. Impossible ! Il n'arrivait pas à se concentrer ; il pensait sans cesse à tous ces événements incroyables.

 

                                                       3

Deux heures après son retour, le téléphone sonna. Le jeune homme se tenait à quelques centimètres de l'appareil. Il décrocha instantanément.

-Vous êtes David Morgan ?

C'était une voix masculine très caractéristique. Il l'avait entendue en début de soirée crier " Aquéro ! Aquéro ! "

-C'est bien moi ! Je suis heureux d'apprendre votre prompt rétablissement. Vos chirurgiens font des merveilles.

-Sans votre présence d'esprit, nous serions dans une situation cauchemardesque. Je tenais à vous remercier.

-Sans Céleste, je n'aurais pas été là pour vous sortir d'affaire, tint à préciser David.

-Nous en sommes tous bien conscients.

-Aquéro oquéra!

-Tout à fait ! approuva l'inconnu. Mais c'est l'application qui pose problème.

-Pourriez-vous préciser votre pensée ?

-Bien volontiers, mais pas maintenant. Plus tard dans la soirée. J'aimerais vivement faire votre connaissance.

-Moi également !

-Alors rendez-vous le plus tôt possible, devant notre hangar.

-Entendu !

-A tout de suite !

En s'approchant du bâtiment en question, le jeune chercheur distingua à la lueur des lumières du port, une silhouette féminine élégante vêtue d'un uniforme de la marine marchande. Il la reconnut immédiatement. Elle s'avança à sa rencontre.

-Céleste !

-David !

Ils se jetèrent dans les bras l'un de l'autre et s'étreignirent longuement.

-L'interdit entre nous deux est levé ! annonça triomphalement la jeune fille.

-Nous allons donc pouvoir passer des moments ensemble ? demanda son ami, sans chercher à contenir sa joie.

-Et plus si affinités ! répondit sa possible future compagne en riant.

-Les Thoréens te tiennent en très haute estime, d'après le peu que j'en sais.

-Ils ont beaucoup d'admiration pour toi également et moi j'en ai encore plus, lui précisa la séduisante extraterrestre.

-J'en ai tout autant pour toi.

Elle le prit par la main et l'entraîna en direction du quai.

-Viens avec moi ! lui dit-elle. Nous allons nous rendre dans notre base. Tout le monde est impatient de te connaître.

-Mais je n'ai rien fait d'extraordinaire ! Je ne mérite pas autant de considération.

-Attends un peu d'être arrivé chez nous et tu comprendras les raisons de cette admiration sans bornes.

-Céleste, sois sérieuse ! Cette invitation est une preuve de reconnaissance, rien de plus et c'est déjà beaucoup pour un Terrien.

-Tu es le premier et tu seras sans doute le dernier à être admis parmi nous. Crois-moi, David, c'est beaucoup plus que de la reconnaissance. Tu es un héros. Tu ne sais pas encore pourquoi, mais tu le sauras bientôt. Je ne t'en dis pas plus, je préfère te faire la surprise.

Plus les événements se précisaient, plus le héros se posait des questions. Impatient de connaître les réponses à toutes ses interrogations, il fut le premier à prendre place dans le hors-bord, à l'emplacement où le Thoréen et lui avaient déposé la caisse, trois heures auparavant.

Sa mystérieuse amie mit le moteur en marche et prit la direction du grand large.

-Dans un quart d'heure, nous serons arrivés à destination, déclara cette dernière.

Quelques minutes plus tard, elle coupa les gaz ; l'embarcation s'immobilisa, loin des lumières du port.

Aussitôt, jaillissant de la mer, un dôme apparut tout près d'eux. Une ouverture apparut dans laquelle Céleste engouffra le hors-bord.

Puis ils se retrouvèrent dans le noir.

Quand la lumière apparut, l'eau avait disparue, mais sous leurs pieds, le plancher était toujours à l'horizontale. Il n'y avait rien de particulier dans cet espace confiné.

-Suis-moi !

Ils se retrouvèrent au niveau inférieur, dans le poste de pilotage, seuls à bord.

Céleste prit les commandes. L'engin s'enfonça à une vitesse inouïe au fond de la mer. Eclairé par les puissants projecteurs, David voyait au travers du hublot, le paysage aquatique défiler de plus en plus rapidement.

Ils ralentirent, s'immobilisèrent sur le fond marin, puis soudain s'enfoncèrent dans le sol.

Ils débouchèrent dans un univers fantastique. Une caverne sans fin, lumineuse où évoluaient à l'air libre des véhicules terrestres et aériens pilotés par les habitants de ce lieu féerique. Pas de constructions apparentes, mais des ouvertures de formes irrégulières dans la roche, à perte de vue.

Leur appareil se posa devant une centaine de personnes visiblement venues à leur rencontre. Elles souriaient, échangeaient des propos et certaines leur adressaient des signes de bienvenue.

Les deux arrivants se retrouvèrent bientôt au milieu de cette foule affable.

L'un des accueillants s'approcha d'eux. Le nouveau venu eut du mal à reconnaître en lui la victime de son malheureux plaquage. Il ne portait ni les traces de sa blessure, ni celles de son opération.

-Je te présente notre président, Paul Russel, lui annonça Céleste.

Le Terrien en eut le souffle coupé.

-Je comprends votre étonnement, David, mais notre science est en avance de plusieurs siècles sur la vôtre. Malheureusement, elle ne peut rien pour le peuple de cette planète. Vos problèmes se situent à la source, dans vos comportements. Quant à moi, je suis effectivement le responsable élu de cette communauté.

-Elu et plébiscité par quatre vingt douze pour cent des électeurs, précisa son extraterrestre préférée, la plus belle de toutes, plus belle que toutes celles qui avaient joué des coudes pour s'approcher au plus près de son Terrien adoré.

-Vous êtes ici chez vous, lui déclara le responsable thoréen. Nous allons vous faire découvrir notre base. Vous n'avez pas fini de vous émerveiller !

-Je suis arrivé au paradis ! s'exclama le jeune chercheur en passant son bras autour de l'épaule de Céleste.

 

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