Le dos courbé, de noir vêtue,
Elle chemine à petits pas
Dans sa mémoire et dans la rue,
Ce présent qui n'écoute pas
Ses pauvres mots, si grands soient-ils.
En s'éloignant, les voix amies
De ces lieux firent son exil.
Le monde est jeune et on l'oublie.
Mais ce soir, son heure est venue :
Un voile s'entrouvre et voici
Sa douce étoile revenue,
Un flot d'amour qui l'éblouit.
Sans un regret, guidée par elle,
La voilà qui, d'un seul élan,
Folle de jeunesse nouvelle,
Traverse le miroir du temps.
Le vieux manteau du désespoir,
Son pauvre corps si fatigué
Sont là, gisant sur le trottoir.
A-t-elle déjà oublié ?
Enfin retrouvés, ceux qu'elle aime !
En ce Jardin illuminé
Que dans ses plus beaux songes même
Elle n'avait imaginé.
Chacun l'embrasse, l'encourage,
Autres décors, nouveaux matins.
La joie rayonne des visages.
Pour elle, tout s'éclaire enfin.
Mais dans la rue, l'on ne sait pas
L'infini bonheur qui l'emporte.
On se veut triste, on parle bas,
Les passants disent ... qu'elle est morte !
Alain Gautron