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2009 : L'ALTERNANCE AU GABON

Il faut changer le régime Bongo

Oraison funèbre du Premier-ministre, Jean Eyéghé Ndong Posté le Jeudi 18 Juin 2009 à 10h10

 

 

 

Madame le président de la République, chef de l’Etat,

Vos excellences, messieurs les chefs de l’Etat,
Mesdames et messieurs.

Veuillez, je vous prie, me pardonner telle lourdeur ici, telle hésitation là, que vous pourrez percevoir dans mon propos.

Vous le savez, lorsque la douleur de tous s’exprime dans la douleur d’un individu et par sa voix, ni la marque de la figure, psychologique, physique et intellectuelle ; ni la crainte du non-dit ou du mal dit, ne pourront jamais manquer.

Nommé Premier -ministre, Chef du gouvernement en janvier 2006, j’ai dû, au cours de 41 mois, faire trois fois le même genre de pas que je viens de faire, pour saluer le président Georges Rawiri puis Madame la présidente, Edith Lucie Bongo Ondimba et, à présent, son Excellence El Hadj Omar Bongo Ondimba, lui-même, qui nous quitte si vite et dont la perte nous frappe si durement.

Douleur d’un individu, ai-je dit, parce que je garde en mémoire que le président Georges Rawiri m’avait fait l’honneur de me montrer de l’estime et, parfois, de me dire le monde de la politique au Gabon et ailleurs, que chacun de nous sait qu’il maîtrisait à un degré très élevé.

De Madame la présidente Edith Lucie Bongo Ondimba, j’ai souvenir des regards de connivence échangés avec son époux lorsque j’avais l’occasion d’être assez prés d’eux et, parfois, d’être invité à prendre part à leur conversation. Regards, souvent, qui pèsent, et qui expriment la bienveillance lorsque le jugement est assuré. Comme cette bienveillance me frappait !

Quant à vous-même, Monsieur le président Omar Bongo Ondimba, lorsque vous avez su que le père de l’indépendance, qui a été votre père spirituel, était mon frère par les œuvres de nos ascendants, comme vous avez su me faire comprendre que ce que la différence d’âge et la distance politique ne pouvaient effacer, le sentiment pouvait l’assouplir, le tempérer.

Monsieur le Président, je n’oublierai jamais cette leçon.

Madame le Président de la République, chef de l’Etat,

L’homme dont nous parlons aujourd’hui a fait l’objet de tant de livres, tant de biographies qui ont été écrites sur lui que, si j’entreprenais à présent de vous dire ses origines, sa naissance, ses années de formation qui font la vie d’un homme, je donnerais l’impression de vous faire subir un pensum.

Notre Bongo à nous, le Bongo des gabonais et des gabonaises est né en 1957, oui en 1957 ; sa première manifestation politique, c’est-à-dire, son premier acte de prise de conscience collective.

En 1956, la loi-cadre française avait organisé l’autonomie des territoires d’outre-mer en mettant sur pied une Assemblée territoriale élue au suffrage universel direct, rompant ainsi avec le suffrage capacitaire en usage depuis la libération de la France.

Cette Assemblée avait le pouvoir de désigner un Conseil de gouvernement présidé par le Gouverneur représentant l’autorité républicaine française.

Dans la région du Haut- Ogooué, l’on dût reprendre le scrutin parce que l’une des listes en compétition, celle précisément qui l’emportait, portait le nom d’un jeune homme qui n’avait que 22 ans alors que l’éligibilité était fixée à l’époque à 23 ans.

Ce jeune homme avait pour nom Albert Bernard Bongo et le choix porté sur lui par les dirigeants locaux et territoriaux du parti politique qui le présentait au vote populaire constituait la reconnaissance de ses capacités d’engagement et d’action pour le bien public.

Permettez-moi de dire que ce fut un coup d’annonce sans pareil. Je réaffirme donc ma position qui est que notre Bongo, le Bongo des gabonaises et de gabonais est né en cette année 1957, dans le Gabon tout entier, puisque le scrutin, certes organisé sur liste régionale concernait tout le Gabon.

Peut-il y avoir meilleur appel du destin, inéluctable parce que nécessaire ?

Lorsque, l’indépendance acquise et la République constituée, le président Léon Mba appelle auprès de lui ce jeune homme, qui voit chaque jour s’étendre son domaine d’intervention et se renforcer la relation de confiance entre le chef de l’Etat et lui, qui peut douter que le Père de l’indépendance a porté sur son collaborateur le jugement de l’ '' Ancien '' de culture bantoue, même si le '' corps de garde'' est devenu la présidence de la République, et le '' village '', la République Gabonaise avec son territoire et l’ensemble de ses populations ?

La preuve que le jugement du '' vieux '' positif pour le Gabon est donné par le comportement du jeune collaborateur lors des fâcheux événements de février 1964. Arrêté comme beaucoup d’autres dans la nuit du 17 au 18 février, détenu au camp militaire '' Baraka '', puis libéré par les '' troupes de la communauté'' (l’expression est du président Léon Mba) le 19 février, le Directeur de cabinet, Albert Bernard Bongo, se présente à son chef le 20 février au matin, prêt pour le travail. Au matin de ce jour là, ils n’étaient que 4, dont une femme, et il était le seul gabonais.

Pourquoi donc nos universitaires, historiens et chercheurs qui savent pourtant que l’essentiel de nos archives ne se trouve pas dans nos bibliothèques mais dans les bâtiments et les têtes de nos anciens colonisateurs, ne savent-ils pas aller vers ceux-ci et ceux-là ?

L’anti-impérialisme justifierait t-il, à leurs yeux, l’absence de curiosité intellectuelle ?

A partir de 1965, parce que le président Léon Mba sait qu’il est atteint (dans la langue fang nous disons aloumou-ya et c’est un terme de sorcellerie), il accélère la montée en responsabilité d’Albert Bernard Bongo : Ministre délégué à la présidence de la République, c’est-à-dire, auprès du Président lui-même, chargé de coordonner l’ensemble des activités présidentielles, Vice- président du gouvernement, puis Vice-président de la République, élu le 19 mars 1967, en '' ticket '' avec le chef de l’Etat.

Le 6 décembre 1967, le nouveau chef de l’Etat déclare qu’il recueille, avec humilité, une succession éclatante et lourde, son seul appui et sa raison d’être confiant dans l’avenir se trouvant dans l’attachement indéfectible de la Nation à son fondateur, dans l’approbation de sa pensée et de son action.

'' Aussi – ce sont les mots exprès du nouveau président de la République – la politique que je mettrai en œuvre ne peut- être, dans ses grandes orientations, que la sienne ''.

Continuité, sans aucun doute, puisqu’il s’agit de construire un Gabon prospère et solide, un Gabon suscitant la considération et le respect pour son sérieux, sa cohésion et son travail, un Gabon de justice et de fidélité à ses traditions et à ses amitiés.

Cette continuité est telle que, 40 ans après, le 1er décembre 2007, le chef de l’Etat rappelle qu’il a succédé au père de l’Indépendance, '' avec la volonté et la détermination de poursuivre l’œuvre de construction d’un Etat fort, d’une Nation prospère ''.

Et même la dénonciation des retards accumulés par le système d’éternel recommencement, de l’affaiblissement de l’action publique ''par l’ethnisme, le clientélisme, l’affairisme, la corruption, la politisation outrancière et le népotisme '' - les mots sont de lui – à l’accent du premier président de la République. Lisez les paroles du 25 février 1963 et vous y trouverez la dénonciation du manque de collaboration entre les ministres, la condamnation de la volonté de certains de voir dans leur charge ministérielle une position personnelle, conduisant au détournement d’une part de l’autorité de l’Etat. Et que dire de ce rappel que l’heure est venue :

''de respirer, de penser et de vivre Gabon d’abord,
Gabon d’abord plutôt que chacun d’abord,

Gabon d’abord plutôt que mon ethnie d’abord,

Gabon d’abord plutôt que ma province d’abord

Gabon d’abord plutôt que mon politique d’abord ''
Et le président Bongo Ondimba de poursuivre : " Gabon d’abord plus de solidarité et de partage,

Gabon d’abord pour rompre avec l’égoïsme.

Gabon d’abord pour hisser notre pays parmi les tous premiers au sud du Sahara afin que le progrès économique et le bien-être social soient à la portée de tous ".

Toutefois, il existe un discours de la méthode propre au président Bongo Ondimba, parce que l’évolution du monde impose d’élargir l’horizon des relations ; ce qui enrichit les analyses et assure l’action, à l’intérieur comme à l’extérieur.

Monsieur le président de la République, vous qui nous quittez,

Avec vous et grâce à vous, j’ai pu approcher l’Etat, le nôtre en premier et en comprendre le fonctionnement.

En 1997 et en 2002, les missions de Secrétaire d’Etat, puis du Ministre délégué aux Finances m’ont placé au cœur des structures permettant à l’Etat d’assurer son plus grand attribut : lever les impôts.

Mais, vous étiez très loin, pour moi, monsieur le président, même lorsque je bénéficiais de tels gestes.

Puis vous me nommez votre premier ministre, chef du gouvernement que vous formez en janvier 2006, après l’élection présidentielle de décembre 2005, et vous me renouvelez cette grande marque de confiance par la suite.

C’est alors que j’ai pu observer la méthode Bongo Ondimba, intellectuel, politique et social. Elle a comme sous -bassement la tradition, dans son système de valeurs. La modernité y est un outil. C’est pourquoi le titre de commandement se dit " président de la République " et la responsabilité s’exerce en " Aîné ".

Cela explique la capacité exceptionnelle d’écouter. A la fois naturelle et cultivée, elle donne à chaque interlocuteur le sentiment que le Président se met à sa place pour comprendre sa situation, qu’il suit ses arguments et qu’il est ouvert à ses attentes, à ses espérances.

Cela explique la modération dans le comportement comme dans l’expression, qui est respect de la personnalité de l’autre, sans que soit abandonné, ni oubliée, la position due aux responsabilités premières.

Monsieur le président de la République, auprès de vous et grâce à vous aussi, j’ai vu avec quelle force le vent des intrigues souffle dans les allées et les couloirs du pouvoir, qui contrecarre la nationalisation des formations sociales premières de notre pays, parce que, ici et là, la recherche de la puissance personnelle pour conquérir une position ou conserver un soi-disant acquis, en visant la domination au sein d’un Etat multiculturel comme le nôtre, fait constamment obstacle à la progression de l’identification nationale puisqu’elle accentue les différences informes que contient nécessairement, naturellement, un Etat culturellement réparti.

Est-ce l’objectif des apprenti- sorciers ? Vous êtes parti, Monsieur le président de la République, avant que j’aie obtenu de votre bouche ou par quelqu’autre indication la réponse à cette question.

Or, à mes yeux, cette réponse va commander le chapitre qui vient de l’histoire politique et nationale du Gabon. La première génération politique et nationale du Gabon. La première génération politique, qui inclut le père de l’indépendance, a été une introduction à l’histoire de notre pays, histoire de la construction nationale et histoire des institutions de l’Etat.

Vous, Omar Bongo Ondimba, constituez le chapitre premier.

De l’introduction à vous, la liaison s’est faite sans heurt parce que l’appel à l’unité du peuple et le fonctionnement de l’Etat étaient fortement imbriqués, les institutions et les agents de ces institutions étant tournés vers le peuple gabonais.

Il n’y eut donc pas de rencontres obscures de quelques-uns, de promesses de parrainage, de mesures annoncées sans concertation gouvernementale préalable qui sont ensuite attribuées à la décision du chef du gouvernement.

A présent que le chapitre 2 s’ouvre, je voulais adresser à certains et à tous deux rappels :

Dans la bible, le livre des Rois rapporte que, lorsque Roboam succéda à Salomon, il se rendit à Sichem pour entendre les doléances de l’Assemblée d’Israël.

Les ayant entendues, il consulta les vieillards qui avaient été auprès de Salomon. Ceux-ci lui dirent : " Si aujourd’hui tu rends services à ce peuple, si tu leur cèdes et si tu leur réponds par des paroles bienveillantes, ils seront toujours tes serviteurs".

Mais Roboam délaissa le conseil des vieillards et il s’adressa aux jeunes qui avaient grandi avec lui. Sur leur conseil, il dit au peuple : " Mon petit doigt est plus gros que les reins de mon père. Maintenant, mon père vous a chargé d’un joug pesant et moi je vous le rendrai plus pesant, mon père vous a châtié avec des fouets, et moi je vous châtierai avec des scorpions''.

C’est ainsi qu’Israël se détacha de la maison de David.

En France, en 1974, dès l’annonce de la mort du président Pompidou, Jacques, un gaulliste et pas les moindres, sans attendre les consultations à l’intérieur de son parti, le parti gaulliste, annonça sa candidature et commença presque aussitôt sa campagne. La discorde s’installa dans le camp gaulliste, pour le plus grand bien de l’adversaire centriste.

Les gaullistes ne retrouvèrent l’Elysée qu’en 1995 : 21 ans de traversée du désert. Des esprits forts me diront sans doute que comparaison n’est pas raison, que le livre des Rois n’a pas sa place chez nous, et que la France est la France.

Je leur répondrai tout simplement que l’exercice du pouvoir de tous est une chose constante en République comme en monarchie et que l’expérience des autres peut être un bon maître d’école.

Monsieur le président de la République vous qui nous quittez,


Le 6 décembre 1967, vous disiez que le peuple gabonais avait rendu à son premier président l’hommage de sa reconnaissance et de son affection, qu’il gardera impérissablement la mémoire de son créateur, de son bienfaiteur, et qu’il veut aussi continuer d’aller de l’avant dans l’efficacité, dans l’ordre et dans la paix.

Devant tous les autres peuples du monde, l’hommage que les gabonais vous rendent en ce moment étonne, par sa spontanéité, le calme et le degré de mobilisation.

Les slogans des jeunes eux-mêmes – '' Nous voulons la paix " - la paix – lancés tout au long du chemin que vous avez parcouru de l’aéroport Léon Mba au Palais de la présidence de la République, montrent leur attachement personnel et de pensée.

C’est à ce peuple, c’est à ces jeunes qu’il revient de rejeter les dissensions, les guéguerres et les luttes effrénées, personnelles ou autres.

L’avenir du Gabon est entre leurs mains.

Le Gabon est riche de ses diversités qui ne sauraient être antagonistes. Bien au contraire le Gabon est un pays démocratique et uni, grâce à vous monsieur, le président Bongo. Vous qui avez toujours dit avec force, notamment ces temps derniers: ''La constitution, rien que la constitution'' ( je sais de quoi je parle et je le dis en tant que premier ministre).

Madame le président de la République, chef de l’Etat, je vous remercie de m’avoir donné la parole.

9 commentaires. Dernier par Des Ndjoléens le 06-09-2017 à 16h41 - Permalien - Partager
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