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Sur la route des étoiles

chronique d'une mère endeuillée

. Posté le Mercredi 21 Juillet 2010 à 16h53

LE MAL DES MOTS ET LES ATTITUDES

 

Il est vrai que lorsque le moral est au plus bas, quelque soit le motif, grave ou pas, notre sensibilité est exacerbée et que les mots les plus futiles, les plus larges nous pénètrent. Mais je crois qu’en ce qui concerne le deuil, il y a un manque de culture pour chacun de nous qui provoque chez les endeuillés une multiplication de la détresse lorsque certains mots, certaines phrases et attitudes leurs sont adressés.

Alors, on peut entendre :

« Il faut tourner la page » :

Comment peut-on tourner la page ? Notre enfant est mort mais il a existé et l’on ne peut mettre au fond du tiroir les moments passés avec lui tout au long de ces années qui nous ont procurés des joies, des soucis et des peines.

En ce qui nous concerne, nous continuons de faire vivre Julien au delà de la mort ;  sa susceptible présence dans notre quotidien nous aide à avancer. C’est une réaction qui nous est propre mais qui peut être mal perçue ou ridicule aux yeux des autres. Pour certains, cela veut dire raviver la douleur  et aussi vivre pour l’être mort au détriment des vivants. L’un et l’autre peut se comprendre mais je pense qu’il appartient à chacun de choisir ce qui lui fait du bien et ce qui  l’aide à supporter le départ de l’être aimé. Ne faut il pas avoir mal et creuser jusqu’au plus profond de ses sentiments pour vivre le mieux possible par la suite ces drames qui vous projettent pour le restant de vos jours dans une autre dimension ?

« Heureusement, vous avez encore deux autres enfants » :

C’est vrai, j’ai encore mes deux grandes filles, Nathalie et Virginie mes jumelles. Elles ont 13 ans d’écart avec Julien né de mon second mariage. Elles sont belles et je les aime. Nous avons souffert toutes les trois. Leur père est parti vivre autre chose nous laissant désemparées. Elles savent que rien ni personne ne pourra remplacer leur petit frère, car comme tous les autres enfants il est unique. Le vide ne se comblera jamais. La voix de Julien me manque ; quant à oublier son visage, cela ne risque pas : avec mes autres enfants et mes petits enfants, il est en  photo dans toute la maison, me donnant l’impression lorsque je les regarde que notre « tribu » est au complet. Et puis j’ai en mémoire pour toujours la dernière vision de mon fils, allongé dans son cercueil avant de refermer le couvercle : beau, détendu,  avec un léger sourire au coin des lèvres. Il dormait ….

Nous l’avions maquillé et bien coiffé avant qu’il ne parte pour ce très long voyage. C’était un moment fort pour nous quatre qui l’avons accompagné jusqu’à l’entrée de son nouveau royaume.

 « Au bout d’un an tout ira mieux » :

Pourquoi un an ? Ce sont bien sûr des statistiques.  Mais finit ’il un jour ce deuil ? Personnellement, je ne le pense pas. Il y a des instants où l’on se sent plus objectif et d’autres où l’on a envie de basculer de l’autre côté de la vie. Dans ces moments là, plus rien n’a d’importance. Deux ans que Julien est parti mais tous les jours, inlassablement je répète « ce n’est pas possible ».

J’ai l’impression qu’un jour il frappera à notre porte en hélant joyeusement, comme il le faisait toujours « salut les parents ».

Je lui parle très souvent, en général à voix haute, et quand un bruit inattendu dans la maison se fait entendre, je dis «c’est toi Julien ? » Peut être et pourquoi pas ?

« Bonjour, vous allez bien ? »!

Cette formule qui se dit cent fois par jour, me crispe d’une façon incontrôlable tout le corps à chaque fois qu’elle m’est demandée, comme un refus d’aller mieux. Je réponds simplement : « la santé va bien » ou je ne réponds rien et passe à autre chose.

« Vous partez un petit peu en vacances pour oublier ? »

Le mot « oublier » l’un des plus difficiles à entendre dans le langage adressé à des endeuillés.

Comment cela est possible ?  Des parents qui oublieraient tout ce qui s’est passé : jamais au grand jamais ; nous intériorisons notre douleur et nous efforçons d’être en apparence comme « avant » car nous savons que si la compassion est de mise au début du deuil, très vite nous devons réintégrer notre statut, parce que la mort fait peur et  l’on essaie de nous « «oublier ».

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