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Sur la route des étoiles

chronique d'une mère endeuillée

. Posté le Mercredi 21 Juillet 2010 à 17h04

NOTRE COMBAT

 

 Nous avons bien évidemment cherché à connaître les circonstances de l’accident tant auprès de son amie qui était sur sa propre moto juste derrière lui, qu’auprès des autres motards en promenade avec lui et qui ont assisté à ses obsèques. Nous n’avions jamais la même version : il était le premier, puis le deuxième et peut être le quatrième, tout était flou et personne n’arrivait vraiment à nous dire ce qui s’était passé très exactement. La seule phrase que l’on nous répétait était : « il n’était pas à sa place ».

Notre seule certitude est que Julien est mort et qu’il a fini sa vie encastré sous une voiture conduite par des anglais qui venaient en sens inverse ; nous avons supposé beaucoup de choses mais avons cependant attendu de prendre connaissance du rapport de gendarmerie, sur lequel nous savions d’ores et déjà quelle serait la conclusion, compte tenu des propos tenus par un gendarme du petit village de Côte-d’Or :

« Mais pourquoi voulez-vous savoir ? Votre fils est mort et cela ne le fera pas revenir. »

Et également :

« Je sais déjà quelles seront mes conclusions ; les motards sont tous les mêmes, ils se croient tout permis. En tout cas votre fils n’avait pas d’alcool dans le sang. » Triste consolation !

Monsieur C., gendarme, a tenu ces tristes propos, dénués de tact, de tout bon sens et du minimum de compassion qui doit être d’usage dans de tels cas. Nous savons que c’est leur quotidien mais quand même. Nous en voulons terriblement, mon mari et moi, à cette personne qui n’a pas su rester logique et à sa place.

Mais l’épisode ne s’en tient pas là :

Notre fils a été «un peu » dépouillé sur la route !

Lorsque le corps de notre fils nous a été présenté, nous avons été choqués par sa tenue vestimentaire : juste son pantalon de cuir, un tee-shirt blanc qui ne lui appartenait pas. Il n’avait plus de chaussures, le pied droit enveloppé dans un plastique bleu et sa montre avait disparu. Où était sa tenue de motard ?

 Nous avons eu l’explication en ce qui concerne le casque qui a été gardé pour les besoins de l’enquête, le blouson qui ne nous a pas été redonné celui-ci étant trop abîmé et trop tâché. Mais ses chaussures, ses gants, et sa montre, où étaient-ils ? Les gendarmes, bien sûr, l’ignoraient.  

Nous avons donc fait notre propre enquête. Personnellement je n’ai pas lâché car je me doutais que seules des personnes faisant partie de l’accident avaient pu en prendre possession. Qui ? Peu importe. Toujours est-il que mon insistance a été gratifiante car nous avons récupéré sa montre peu de temps après, et ses bottes de moto après plusieurs mois, que je suppose ne pas être les siennes car compte tenu de l’état du pied droit de Julien, la chaussure correspondante aurait dû avoir des traces et celle-ci est intacte, à l’intérieur comme à l’extérieur, à moins qu’elle se soit détachée au moment du choc. Au bénéfice du doute…..

Quant aux gants, une personne en voiture serait venue les récupérer à la gendarmerie deux ou trois jours après l’accident d’après la gendarmerie ; ils nous ont été redonnés en même temps que les bottes…..

Il n’y a eu aucun respect du corps de mon fils. Julien ne le mérite pas. Il a toujours été droit,  honnête et généreux. Il donnait beaucoup et certains en profitaient ; Julien n’avait que 26 ans ; il gagnait bien sa vie mais n’était pas riche.

Pourquoi s’approprier ses effets ? Peut être pour avoir un souvenir de lui……….. ?  

Trois mois après la mort de Julien, le rapport de l’accident nous a été présenté dans les locaux de la Gendarmerie proche de notre domicile.

 Nous avons été reçus dans une pièce contenant deux bureaux ; c’était l’heure du café : beaucoup de collègues dans cette pièce blaguaient ; nous nous sommes assis en face de celui de notre interlocuteur ; un grand nombre de dossiers empilés les uns sur les autres prenaient presque toute la surface du bureau. Le rapport nous est remis ; nous le consultons de guingois sur les piles et le bureau. Nous sommes souvent interrompus par des appels téléphoniques à l’égard de notre gendarme qui doit consulter les dossiers sur lesquels nous sommes appuyés ! Aucune décence de la part de cette personne et de celles qui étaient dans la pièce qui avaient en face d’eux  des parents effondrés……

Nous avons réussi cependant à prendre connaissance de tous les témoignages qui étaient joints ainsi que le croquis de la position du corps de notre fils et des véhicules après l’accident. Les détails nous déchirent le cœur ; c’est inhumain mais il le faut ; nous avons lu jusqu’au bout, sans oublier un mot ni une ligne. Notre souffrance était extrême,  mais nous avons pu nous apercevoir que certains témoignages ne correspondaient pas avec le croquis de l’accident et les photos du journal régional. Nous avons refusé le rapport établi par la brigade de gendarmerie qui s’était déplacée sur les lieux, le 19 août 2007.

Lorsqu’il nous a été adressé, nous l’avons lu maintes et maintes fois et avons trouvé de nombreuses contradictions dans les dépositions.

Au vu de tout ceci, nous avons décidé de prendre un avocat. Ce dernier, compte tenu du rapport de Gendarmerie conforté par le Procureur de la République, nous a demandé de contacter un expert en accidentologie pour donner « des armes » à la procédure car il avait été conclu que Julien était en tort.

 Il y a très peu d’experts dans ce domaine. J’ai contacté celui qui m’avait été proposé. Je lui ai expliqué notre histoire. Sa réponse a été négative : il ne pouvait s’occuper de notre affaire compte tenu de son emploi du temps chargé.  A ce moment j’ai hurlé de tout mon être en lui disant :

« Mais Monsieur, si je comprends bien, nous ne pourrons jamais connaître la vérité parce que vous êtes débordé. Mon fils a peut être été tué et nous devrons vivre tout le reste de notre vie avec cette interrogation ? »

Je pense que j’ai dû être pathétique car à cet instant cette personne m’a dit :

«Je ne peux prendre votre affaire car trop de temps s’écoulerait avant que je sois disponible, mais si vous voulez bien, je contacte un confrère et je vous rappelle d’ici une heure ».

Ce monsieur a tenu sa promesse. Un autre expert s’est occupé de notre dossier et a établi un rapport faisant apparaître de nombreux doutes et zones d’ombre. Le Procureur a confirmé son premier verdict malgré ce rapport qui change tout. Notre avocat a saisi le Doyen des Juges qui a accepté de reprendre le dossier qui avait été purement et simplement classé. Nous nous sommes portés Partie civile et avons déposé plainte pour homicide involontaire à l’encontre d’un autre motard qui serait à l’origine de l’accident.

Aujourd’hui, nous savons que ce motard a été entendu par un juge d’Instruction nommé par le Tribunal et que ce juge a commis une autre expertise en accidentologie.

Nous n’attendons de cette procédure que la vérité et l’accepterons quelle qu’elle soit mais nous ne voulons surtout pas être fatalistes en ne cherchant pas à comprendre. Il est vrai que les morts ne peuvent plus parler mais à notre époque, les moyens scientifiques et techniques sont nombreux pour apporter des preuves et c’est tant mieux.

Nous combattrons tant qu’il y aura une petite lueur d’espoir à l’horizon qui permettra de réhabiliter notre enfant.

Dans la mort de notre fils, je pense qu’il y a un déni très important ; Je suis certaine que des personnes savent mais ne veulent rien dire compte tenu des conséquences qui peuvent en découler, surtout pour le garçon qui pourrait être à l’origine de l’accident. S’il est responsable, plus il se taira, plus cela peut être grave pour lui. Comment fait-il, s’il en est ainsi, pour vivre avec sa conscience endormie ? Pas un mot, pas une lettre, pas un coup de fil, pas une visite sur la tombe de Julien, rien. Tout le monde peut faire des erreurs, celle-ci étant très grave mais très certainement involontaire. Pourquoi n’assume t’il pas ?

L’esprit  de vengeance : je ne veux pas en avoir car je pense qu’elle dessert plus qu’elle ne sert.

Notre enfer : c’est l’attente ; toujours attendre : attendre que la Gendarmerie veuille bien déposer son rapport, attendre que le Procureur donne son avis, attendre que le rapport nous soit adressé, attendre que notre plainte soit prise en considération, attendre qu’un Juge d’Instruction soit nommé. Tout cela a pris deux ans et demi et ce n’est que le début.

Pourquoi être pressés ? En fait, c’est vrai ; cela changera quoi ? C’est ce que nous entendons souvent.

La vérité pour nous est importante. Il y a des doutes sur les circonstances de la mort de notre fils et nous devons savoir. Qu’il y a t’il d’anormal à cela ?

Nous demandons simplement que les responsabilités soient clairement établies parce qu’il y a des éléments concrets qui permettent de les rechercher.

Les procédures sont tellement longues que nous nous demandons comment la Justice va pouvoir être objective, face à un recul de plusieurs années ; comment les témoins vont pouvoir se rappeler ? 

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