Ma vie formidable

Ayez j'ai commencé à travailler. Je me suis longtemps demandée pourquoi je ne trouvais que des boulots sous-payés ou j'étais complètement exploitée, j'ai la réponse: j'ai six mois d'ancienneté sur un tel type de poste, avant j'avais de l'expérience dans un truc différent. Autrement dit je recommence à zéro. Il était temps que je m'en rende compte, maintenant il est trop tard pour reculer... allez je ne me plains pas, jusqu'à présent j'aime ce que je fais.
Je suis donc arrivée sur les lieux de mes nouveaux exploits, une banque. Le plus drôle dans l'histoire c'est que je travaille dans une de ses directions et que c'est justement la même banque avec laquelle je ne suis plus très copine ces derniers temps car elle à la fâcheuse tendance à me compter pleins d'agios pour compte en banque en rouge, et que donc elle me creuse encore plus mon découvert. Oui oui c'est ça, je travaille dans ma banque...
Le bureau ou je travaille compte à peu près une dizaine de personnes, ils ont tous entre 35 et 40 ans, des cadres bien sûr, l'assistante est la plus jeune, bô oui, j'ai bien 10 ans de moins qu'eux. Les gens sont corrects, ils se connaissent tous très bien et se font pleins de "personnal joke" sur lesquelles je suis complètement à l'ouest.
Cela fait trop peu de temps que j'ai commencé pour leur balancer mes remarques bizarroides mais rigolotes pour l'initié, du coup j'observe. C'est toujours très interressant et je commence à me faire une petite théorie sur le monde du travail.
Vers 35 ans si tu n'es pas cadre ou que tu n'es pas sur le point de le devenir, tu as raté ta vie.
Ok je sais que je vais me faire des amis avec cette phrase, je m'explique.
Une de mes collègues à insisté pour m'emmener changer mon passe de métro, afin de pouvoir acceder à l'endroit plus facilement (je bosse à Creteil qui est hors de mes zones habituelles) hors je ne voulais pas y aller avec elle tout simplement parce que mon paiement avait été rejeté et que j'aurais été obligé d'expliquer tout cela à l'agent, ma collègue à côté. Je me retrouve donc dans sa voiture, au bord de l'apoplexie, espérant qu'elle ne rentre pas avec moi dans l'agence et nous commencons à discuter. Elle et son mari ont acheté recemment un appartement "trop cher, mais teeeeellement pratique". Nous vivons dans un autre monde, moi qui ait un budget de trois euros par jours pour manger, elle qui vient d'acheter une maison pendant qu'elle me reconduit dans sa voiture, pour m'emmener régler ma note de métro que j'ai bien sûr payé c'est évident...Je repense aux conversations des autres à midi "j'ai des petites tomates qui poussent dans mon jardin" "mon mari et moi" "cette année je voyage au Népal" "lors de notre dernière fête avec les amis on s'est déguisés..".
Chacun à ses problèmes j'en suis consciente, mais à les voir tous bronzés, souriants, parlant de leurs voyages, leurs achats immobiliers ou de leur jardin dans la banlieue chic de Paris, je me dis que nous ne jouons pas dans la même cour.
A contrario dans un de mes précedents postes je me suis retrouvé à bosser avec une femme très agréable mais déçue par la vie, à plus de quarante ans elle n'était pas cadre, pas mariée, un crédit sur le dos (ce qui ne l'empechait pas d'être super) bizarrement mes conversations étaient moins tendues et plus naturelles avec elle.
Alors, est-ce que tous les cadres ayant à peu près réussi se ressemblent? Si je réussis ma vie, leur ressemblerais-je? Est-ce que leur ressembler me rendrait heureuse? Est-ce vers cela que nous tendons tous? Est-ce que c'est ça le but de la vie?
Qu'est-ce qui arrive quand on n'est pas dans ce moule à 40 ans?
Derrière leurs sourires et leur politesse gentille mais distante, je ne me sens pas en harmonie avec eux. Je ne les deteste pas hein, c'est juste que nous sommes différents. En fait en les regardant je me projète dans l'avenir: à quoi ressemblerais-je dans dix ans? Aurais-je réussi? Réussi quoi? Comme le dit si bien Didine (qui est sans doute avec cette phrase plus bouddhiste que boudhiste) "je crois que le but de la vie est le bonheur". Oui, et moi, quelle est ma  définition du bonheur?