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Généalogie Rajbaut

L'arbre généalogique Rajbaut

Charles au tournant du XIX° siècle Posté le Dimanche 21 Juin 2009 à 18h46

L'hypothèse que j'avais formulée dans mon précédent billet sur la possibilité, pour Charles et Françoise, d'avoir quitté momentanément Nice au moment de la période révolutionnaire, ce qui aurait impliqué la naissance de leurs deux enfants André et Honoré hors de Nice, était séduisante mais elle est fausse. En effet si je n'ai toujours pas trouvé les actes de naissance et de baptême d'André et d'Honoré, j'ai trouvé leurs actes de décès en 1873 (pour André) et en 1878 (pour Honoré), ces actes ne mentionnent pas leur date de naissance mais leur âge à leur décès et précisent qu'ils sont bien nés à Nice. Avec ces renseignements j'en ai déduit qu'André était né vers 1795 et Honoré vers 1797, ce qui est plausible puisque l'aîné Stéphane est né en septembre 1792 et les jumeaux François et Lazare en janvier 1801. Mais alors pourquoi ne puis-je pas trouver leurs actes de naissance ou, au moins de baptême ? Mystère, alors surtout que les registres d'état civil et paroissiaux existent bien pour cette période.

 

En tous cas il est vrai que la vie à Nice pendant les années de la Révolution n'a pas dû être facile. La ville avait connu près d'un demi-siècle de paix et de tranquillité et voici qu'elle se trouvait annexée contre son gré à un pays plongé dans une révolution que les Niçois n'approuvent guère et, en plus, plongée dans la guerre. Car la guerre avec le royaume de Piémont-Sardaigne continue dans l'arrière-pays. Les Français, avec à leur tête Masséna (décidément plus Français que Niçois !) s'emparent de Saorge, de Tende et rejettent les troupes sardes en Piémont. Le 2 mars 1796 Bonaparte est nommé à la tête de l'armée d'Italie et fait son entrée à Nice le 27 mars 1796 (armée qui sera certainement à l'origine du pic de naissances d'enfants naturels que j'ai observé dans mes recherches à partir de la fin de l'anné 1796 !). Les succès militaires français contraignent Victor-Amédée III à signer le 15 mai 1796 le traité de Paris par lequel il abandonne officiellement Nice et la Savoie à la France. Miné par le chagrin ce roi ne survivra guère à cette défaite puisqu'il décède le 16 octobre 1796.

 

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Une jolie représentation de Nice en 1796 montrant le départ de l'armée d'Italie (qu'on distingue au fond).

 

Le nouveau roi Charles-Emmanuel IV, doux, timide et pieux, est malheureusement d'une compétence politique médiocre. La situation se dégrade dans ce qui lui reste de son royaume, les Jacobins piémontais sont de plus en plus actifs, la France intervient de plus en plus avec une garnison installée à Turin. L'émeute éclate dans la capitale le 15 septembre 1797 obligeant le nouveau roi à quitter le Piémont le 9 décembre 1798 pour s'exiler en Sardaigne où il débarque le 3 mars 1799.

 

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Charles-Emmanuel IV

 

Un instant ce roi pensera pouvoir regagner sa capitale lorsque le 26 mars 1799 les troupes russes (eh oui !) écrasent les Français et libèrent Turin.  Nice est reprise le même mois par les troupes autrichiennes (apparemment acclamées par la population) tandis que le 4 juin 1800 c'est Masséna, assiégé dans Gênes, qui doit se rendre. Mais cette victoire sera de courte durée car la défaite de la bataille de Marengo, remportée le 14 juin 1800 par Bonaparte, retourne la situation : Nice retourne à la France.

Charles-Emmanuel IV n'a d'autre ressource que de partir à Rome où, désespéré, il abdique le 4 juin 1802 au profit de son frère Victor-Emmanuel Ier.

 

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Victor-Emmanuel Ier

 

Encore un mot sur le Piémont : comme à Nice en 1792, un gouvernement provisoire jacobin se met en place et, par un plébiscite contesté, demande en février 1799 l'annexion du Piémont à la France, ce qui deviendra effectif le 11 septembre 1802. La France s'agrandit alors de six nouveaux départements et Turin, avec ses 80.000 habitants, devient la quatrième ville de France. Victor-Emmanuel Ier, lui, ne peut que s'exiler, d'abord à Naples puis en Sardaigne où il restera jusqu'en mai 1814.

 

Au même moment la situation à Nice n'est guère brillante, les campagnes sont dévastées,le ravitaillement est irrégulier, plongeant même la ville dans la disette, les finances sont exsangues, gérées par des incompétents notoires ou corrompus, l'ordre public est inexistant et l'insécurité s'accroit dangereusement avec la prolifération de tripots, le développement de la prostitution.

 

La situation va changer avec l'arrivée de Bonaparte au pouvoir, d'abord comme Premier Consul puis comme Empereur. Surtout avec la nomination en 1803 comme préfet de Marc Grate Dubouchage qui restera en place jusqu'en 1814 et qui peut être considéré comme le meilleur préfet des Alpes-Maritimes (surtout si on considère l'incapacité notoire de ses deux prédécesseurs). Efficace et diplomate (il a été formé sous l'Ancien Régime) il sait s'entourer d'hommes d'expérience et faire appel à des Niçois (tous les employés départementaux sont exclusivement Niçois). Il redresse la situation économique en relançant les savonneries, le textile, en transformant les collines alentour en vergers d'agrumes, il encourage la production d'huile d'olive et de vin (le célèbre Bellet qu'on ne trouve qu'à Nice et à un prix !). De grands travaux sont accomplis telle que la Grande-Corniche qui relie Nice à Menton. Il prévoit aussi la construction d'un lycée impérial qui ouvre ses portes en 1812, il s'agit de l'actuel lycée Masséna (même si celui-ci n'a rien à voir avec la création de ce lycée !), ce qui permet en outre de développer la diffusion du français auprès des élites niçoises (car bien entendu cela n'a strictement rien changé pour Charles et ses enfants qui n'ont jamais dû parler que le Nissart !).

 

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Dubouchage

 

Dubouchage aura aussi l'habileté de ne pas heurter les sentiments profondément religieux des Niçois et d'ailleurs lorsque le pape Pie VII (si malmené par Napoléon) traverse Nice en 1809 puis en 1814, des milliers de Niçois l'accueillent à genoux sur le pont du Var. J'imagine aisément que Charles a dû amener ses enfants car le passage du pape à Nice a dû être pour eux un événement considérable.

 

Nice connaît même sous l'Empire, un semblant d'activité touristique. En effet avec la Révolution les touristes anglais qui avaient découvert les charmes de Nice dans la deuxième moitié du XVIII° siècle, ont disparu, ils sont remplacés par les dignitaires de la cour impériale et aussi par la soeur de l'empereur, la belle Pauline Bonaparte, mariée au prince Borghèse qui est alors gouverneur général du Piémont.

 

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Buste de Pauline Borghèse par Canova qu'on peut voir au musée Masséna de Nice.

 

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Un plan de Nice en 1812.

 

Mais l'Empire, embourbé dans la désastreuse campagne de Russie, s'effrite, déjà en 1814 lors de la deuxième venue du Pape, Dubouchage a entendu dans la foule des cris hostiles à la France, signe que la francisation menée depuis plus de 20 ans est restée superficielle. Le 27 avril 1814 Napoléon abdique et le prince Borghèse accepte, à Turin, de céder la place à un conseil de régence chargé de préparer le retour du roi Victor-Emmanuel Ier. A Nice Dubouchage essaie de maintenir la présence française en se ralliant aux Bourbons mais c'est Victor-Emmanuel Ier que la population niçoise acclame ! Le 25 avril 1814 le maréchal autrichien Schwartzenberg annonce aux Niçois qu'il remettra leur comté au roi de Piémont-Sardaigne. Entre temps, le 23, Talleyrand a déjà accepté de céder le comté de Nice au royaume de Piémont-Sardaigne. Isolé, Dubouchage décide de s'effacer avec discrétion et décence, en remerciement, le 5 mai 1814, la municipalité (qui a pourtant fait allégeance au roi Victor-Emmanuel Ier) décide, fait rarissime, de frapper une médaille en l'honneur de Dubouchage. En 1860 les élus niçois donneront son nom au nouveau boulevard qui vient d'être ouvert, c'est toujours aujourd'hui le boulevard Dubouchage.

 

Et Masséna ? Il a eu, à la fin de l'Empire, une attitude ambiguë, rejoignant les Bourbons puis se ralliant à nouveau à Napoléon pendant les Cent-Jours. Lors de la seconde restauration on lui reprochera cette ambiguïté et, aussi, son enrichissement lors des pillages de la chartreuse de Pavie et de Gênes. Il s'éteindra à Paris en 1817 et, finalement, aura été bien peu Niçois même s'il y a une rue à son nom, un musée et un lycée (qui aurait mieux fait de s'appeler lycée Dubouchage).

 

Ainsi avec la disparition de l'Empire, le comté de Nice retourne au royaume de Piémont-Sardaigne. Mais le traité de Vienne du 9 juin 1815 permet aussi l'annexion au royaume de la ville de Gênes (qui avait été une république indépendante jusqu'alors) : désormais le Piémont dispose d'un très grand port, du niveau de celui de Marseille, et plus proche de Turin que Nice, plus facile d'accès aussi. La ville de Nice ne peut plus prétendre être le port de commerce du royaume.

 

La restauration du royaume se fait de façon excessive : toute la législation française est abrogée, les fonctionnaires et les militaires sont rétrogradés ou limogés, le commerce avec la France est interdit et les cadres sardes remplacent les Niçois. La francisation s'arrête net et désormais c'est à nouveau en Italien (ponctué de dialecte piémontais) que s'expriment les nouveaux représentants du conseil municipal dès juin 1814 (ou plutôt devrais-je dire la civica amministrazione della città di Nizza maritima).

 

Quant à Charles, il aura été le premier de la famille à changer trois fois de nationalité : d'abord Italien, il est devenu Français à 28 ans avant de redevenir Italien à 49 ans (enfin je devrais dire citoyen du royaume de Piémont-Sardaigne car l'Italie n'existe pas encore), mais ça n'a pas dû changer grand chose pour lui car je suppose que Niçois il est né et que Niçois avant tout il devait être. Et puis surtout l'essentiel pour lui, comme pour la plupart des Niçois, était que la paix revienne enfin dans le comté et qu'il puisse vivre à nouveau tranquillement comme avant toute cette tourmente révolutionnaire. Il va s'éteindre en paix (du moins je le suppose !) le 5 janvier 1833 à l'âge de 69 ans, ce qui n'est pas si mal pour l'époque. Il va être inhumé à Cimiez qui, pour la première fois, devient une paroisse autonome : désormais les actes paroissiaux ne seront plus ceux de la cathédrale Sainte-Réparate, mais seront rédigés au monastère de Cimiez dont  j'aurai l'occasion de reparler.

 

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L'acte de décès de Charles.

 

Un détail qui a son importance : le nom de Charles dans son acte de décès est orthographié RAJBAUD, pour la première fois on voit apparaître cette lettre J si étrange pour la langue italienne qui l'ignore. J'aurais l'occasion d'en reparler dans mon prochain billet : c'est en effet à partir du XIX° siècle que l'orthographe de notre nom de famille (qui jusqu'alors était restée stable) va varier de façon anarchique.

 

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