– 16 novembre 2004
Le monde peut croire que la politique n’est en fait que l’art du possible, mais en cinquante ans de conflit et de rendez-vous manqués, ce même monde constate aujourd’hui que la marge de manoeuvre de chacun des protagonistes n’a jamais été aussi mince. Car l’impasse qui dure depuis près de quatre ans semble indiquer que chacun considère ce qu’il a donné comme la limite du sacrifice possible. Ariel Sharon et les Israéliens vont-ils, du jour au lendemain, abandonner leurs colonies et retourner aux lignes de 1967 ? N’est-ils pas trop tard pour les Palestiniens pour sacrifier une partie du territoire et Jérusalem-Est, après quatre années en enfer et après que leur chef ait été humilié jusqu’à la mort ?
On sait que les divergences palestiniennes ne portent pas sur les concessions à faire mais sur celles déjà faites aux Israéliens. Et elles sont jugées trop généreuses. Dans le contexte actuel, l’espoir de voir émerger une direction qui alignerait des revendications en deçà du minimum accepté Yasser Arafat de son vivant, relève du domaine de l’impossible. Aux yeux des Israéliens, l’insécurité et la désillusion nées de l’intifida, sont en lien direct avec la reconnaissance de l’OLP par Israël et la signature des accords d’Oslo. Ce sont-là autant de motifs sérieux pour une fronde qui a déjà provoqué, on s’en souvient, l’assassinat du premier ministre Ytzac Rabin, le maître d’oeuvre du rapprochement avec les Palestiniens. Aussi, les deux parties sont prisonnières de limites qu’il leur sera difficile de franchir. La balle n’est ni dans le camps israélien ni dans celui des palestiniens. Il ne reste que le recours à la communauté internationale même si elle est restée sans voix sur ce chapitre depuis presque quatre ans.
Autant la question de l’invasion de l’Irak par les troupes américaines a suscité un branle-bas de combat au niveau mondial, autant le conflit israélo-palestinien a laissé le monde indifférent à l’exception de rares réactions ambiguës ou timorées dans le meilleur des cas.
La communauté internationale peut-elle aujourd’hui reprendre en main ce dossier et imposer une solution de compromis qui accommoderait Israéliens et Palestiniens ? La question mérite que l’on s‘y attarde quelque peu. Depuis les dernières rencontres israélo- palestiniennes, la question de l’occupation de l’Irak est venue changer la donne dans la région du Proche-Orient, sans parler de la menace nucléaire iranienne et du terrorisme.
La proposition européenne - en fait de la France de Jacques Chirac - de faire de la question palestinienne la priorité des priorités au plan mondial a été reprise par le premier ministre britannique Tony Blair et transmise à l’Amérique vers qui les regards se sont tournés dès l’annonce du décès de Yasser Arafat. Le message est clair et s’adresse à l’Amérique de Bush qui ne peut faire, aux yeux des Palestiniens, des Russes, de l’ONU et de l’Europe, l’économie d’une implication directe et rapide dans le processus de paix. Le point de vue américain pourrait peser, en effet, d’un poids très lourd sur les décisions israéliennes et palestiniennes. Or, il se trouve que l’Amérique d’aujourd’hui n’est ni celle de Bush père qui avait réunit autour d’une table à Madrid, Arabes et Israéliens, ni celle de Bill Clinton qui a porté les négociations israélo-palestiniennes à son agenda. L’Amérique de George W Bush est engluée dans le bourbier irakien. Elle a besoin plus que jamais de partenaires, européens de préférence, pour se sortir sans trop de dommages d’un conflit dont elle a mal mesuré les conséquences.
Avant toute implication dans le conflit israélo-palestinien, l’administration américaine pourrait exiger un engagement plus fort des Européens à ses côtés en Irak. À défaut, George Bush préfèrera de loin ménager encore Israël, un allié sûr, si ce n’est l’allié le plus sûr dans la région, dans l’attente de jours meilleurs. Si aucun terrain d’entente n’est trouvé sur la guerre en Irak, celle-ci sera un autre obstacle à la paix entre Palestiniens et Israéliens qui devront se contenter de poursuivre leur guerre avec pour seul changement, l’absence de Yasser Arafat du décor.