Nymphe
Dans la torpeur du soir, sur un rayon de lune,
Dès lors que se sont tus les chants et les abois,
Légère, elle descend, au plus profond des bois,
S'asseoir à la fontaine, en cette heure opportune.
Petit Peuple enchanté que réveille la brune,
Voici ta souveraine, implore et soumets-toi
Au charme ensorceleur de celle dont la voix,
Dans la langue des dieux gouverne ta fortune !
Adore-la, peignant sa chevelure blonde,
Souriant au reflet que lui retourne l'onde.
En cet instant complice, écoute-la chanter.
A son hymne profond, tout frissonne et chavire,
Tandis que ses yeux verts dardent, transfigurés,
Mille traits enflammés d'amour sur son empire.
Alain Gautron
Du rêve bleu
Du rêve bleu, des jours qui passent,
De nos moments à marée basse,
Que restera-t-il au matin,
Quand un jour nouveau tend la main ?
Comme une musique lointaine,
Je ne sais quoi d'ensorceleur,
Peut-être quelque sourde peine,
Que nous emporterons ailleurs.
Ainsi, de l'être que nous fûmes
Avant que de vivre ici-bas,
Demeure, enfin je le présume,
Au fond de notre coeur, tout bas,
Comme une musique lointaine,
Je ne sais quoi d'ensorceleur,
Le murmure d'une fontaine
Dont nous savons le nom par coeur.
Alain Gautron
Mon chat
Je n'attendais personne.
Personne n'est venu,
Que le vent de l'automne
Et ce chaton perdu.
Errant par les ruelles,
Il était si petit !
Je l'ai pris sous mon aile
Et nommé Ouistiti.
Depuis, il a pris place
Au sein de la maison,
S'appropriant l'espace
Jusqu'au moindre carton.
C'est un beau chat tigré
Les yeux pleins de malice
Qui n'en fait qu'à son gré
Mais si doux et complice !
Et bavard, avec ça !
Ayant toujours à dire :
" Bonjour, comment ça va ? "
Je sais, vous allez rire,
Mais la langue féline,
Ce n'est pas le Pérou.
Il dit : " Alors, on dîne ? "
Je lui réponds : "Miaou ! "
Alain Gautron
Sur " L'Impromptu " *
Cher Monsieur de Musset, l'on me dira sans doute
Pour le moins suffisant de m'adresser à vous,
Brillante Etoile chère à
Moi qui ne sais rimer que vers de quatre sous.
Il est vrai bien souvent que ma plume s'enlise,
Laissant la page blanche et mon cœur abattu.
En ces moments obscurs, ma pauvre âme indécise
Se tourne alors vers vous : je relis " L'Impromptu ".
Aussitôt le soleil se lève en ma maison.
Moi, sur ses rayons d'or, je me sens funambule
Et, la lyre à la main, m'envole à l'horizon
Où mille carillons en chœur tintinnabulent …
Je ne sais si mes vers en deviennent meilleurs,
Mais vous chantez si bien l'art de
Douze vers ont suffi pour envoûter mon cœur,
L'abreuver de nectar, l'embaumer d'ambroisie.
Alain Gautron
*L'Impromptu, poème écrit par Alfred de Musset en 1839, en réponse à la question : " Qu'est-ce que
La carte postale
Clémentine est debout à la fenêtre de sa chambre, son ours en peluche à la main. Elle écarte délicatement le rideau en étamine de lin et scrute la campagne endormie en cette matinée brumeuse d'octobre. Elle a un peu froid. Il faudra qu'elle demande à Sophie de monter le chauffage. Depuis un moment déjà, Clémentine attend le facteur. Que fait-il, ce matin ? Il est presque neuf heures et demie. D'habitude, il est là beaucoup plus tôt …
Clémentine attend quelque chose d'important : une carte postale de ses parents. Ils sont partis dans le midi, à Collioure. C'est là qu'habite sa grand-mère paternelle. Ils ont promis de lui écrire dès leur arrivée. Elle entend encore son papa et sa maman, quand ils l'ont ramenée au pensionnat :
« Ne t'inquiète pas, ma chérie, nous ne sommes partis que pour quelques jours, et nous t'enverrons une jolie carte postale dès que nous serons arrivés chez grand-mère ! Travaille bien, surtout, et sois sage ! »
Clémentine aurait bien voulu y aller aussi. Elle aime beaucoup sa grand-mère et celle-ci se fait bien vieille. Elle a même entendu ses parents dire à mi-voix qu'elle était malade ... Hélas, il y a l'école !
On est quel jour déjà ? Quand sont-ils partis ? Dimanche ? Elle ne sait plus très bien. Dans ce pensionnat, tous les jours se ressemblent. Quelquefois aussi, les idées se mélangent dans sa tête. Il faudra qu'elle demande à quelqu'un, à Sophie, par exemple. Oui, elle est tellement gentille Sophie !
Mais toujours pas de facteur ! Clémentine a beau écarquiller les yeux, coller son nez à la vitre, la cour et la petite route qui serpente dans la campagne et conduit au portail d'entrée sont complètement désertes ! Sous sa fenêtre, les membres du personnel de l'établissement vont et viennent, comme chaque jour. Clémentine imagine que la voiture du facteur est peut-être tombée en panne, ou que … Clémentine passe beaucoup de temps à sa fenêtre à s'imaginer des tas de choses.
Mais voici qu'on frappe à sa porte. Elle se retourne brusquement, le cœur battant. Le facteur ? Non, ce n'est que Sophie.
« Allons, madame Loiseau, il est temps de descendre à la salle à manger, le repas est prêt !
― Mais, Sophie, j'attends le facteur, j'attends une carte postale de mes parents … Ils ont promis de m'écrire en me ramenant au pensionnat …
― Madame Loiseau, vous avez quatre-vingt-cinq ans, et vous savez bien que c'est une maison de retraite, ici ! Allez, donnez-moi le bras, nous allons descendre tranquillement toutes les deux. »