Le temps des herbes folles
Ah ! qu’il était heureux, le temps des herbes folles,
Lorsque nous gambadions dans les prairies en fleurs !
Bleuets, coquelicots nous tendaient leurs corolles,
L’air doré s’enivrait de parfums enchanteurs.
Le ciel était d’azur, tout zébré d’hirondelles.
Du monde s’élevait un chant d’éternité
Que déchirait parfois, le temps d’une étincelle,
Le cri de l’alouette, éclatant et flûté.
La brise était légère et nos cœurs sans souci …
Mais qu’est-il devenu, le temps des herbes folles ?
Bleuets, coquelicots n’ont plus cours par ici,
Aussi quand vient le soir, c’est vers vous que je vole,
Vous mes rêves d’enfant,
Mon pays merveilleux.
Il suffit simplement
Que je ferme les yeux.
Alain Gautron
Miracle
En bouquets de notes fleuries,
Dans l'air bleu du premier matin,
Entendez-vous la symphonie
Que le Printemps donne au jardin ?
Devinez-vous sous le feuillage
L'archet de mille musiciens,
Comme à l'envers du paysage,
La baguette d'un Magicien ?
Ivre de parfums, de couleurs,
Dispense en tous lieux ses merveilles,
Nous éblouit de sa splendeur.
A ce prodigieux mystère,
En notre coeur s'épanouit
Une aurore dont la lumière
Sublime l'être et le ravit.
Alain Gautron
Le crapaud
Trouvant son destin bien amer
Et non conforme à son mérite,
Il s’en ouvrit à Jupiter.
On le reçut à l’heure dite.
« Mon épouse est par trop commune,
Moi, je voudrais une beauté !
Ne vous en reste-t-il pas une,
Princesse aux longs cheveux dorés ?
Qu’elle soit douce et très gentille,
Intelligente et sans défauts,
Qui plus est, de bonne famille
Et sachant m’aimer comme il faut ! »
Deux elfes, l’un blanc, l’autre noir,
Selon les ordres du Très-Haut,
Lui présentèrent un miroir …
Il rentra chez lui fort penaud.
***
On imagine se connaître
En se gardant bien de se voir
Voilà pourquoi beaucoup, peut-être,
Sont fâchés… avec les miroirs !
Alain Gautron
Interdit d'être vieux !
Connaissez-vous la loi nouvelle
Celle par qui tout ira mieux ?
Tous les médias nous la rappellent :
"Il est interdit d'être vieux".
Jamais on ne vit rien de tel :
Le Législateur unanime
Vient de décréter sans appel
Que la vieillesse est un grand crime.
Lors faisant feu des quatre fers,
Soldats, police, ainsi de suite,
Prenant tous les vieux à revers,
Se sont lancés à leur poursuite.
La bataille était inégale.
Le Troisième Âge fut vaincu.
Il s'effondra de mort légale,
Tout essoufflé, n'en pouvant plus.
Pourtant quelques-uns résistèrent,
L'on ne sait qui, les plus vaillants,
Ni par quel curieux mystère
La traque dura si longtemps
Que le temps faisant son office,
Un beau matin nos poursuivants
Virent arriver la police
Qui n'aimait pas ... leurs cheveux blancs !
Alain Gautron
Gisait parmi les feuilles mortes,
Transi sur le pavé mouillé
Attendant qu'un diable l'emporte.
J'aurais pu, ne sachant que faire,
Le porter au commissariat,
Le rendre à son propriétaire ...
J'ai bien vu qu'il n'y tenait pas.
Je l'ai glissé sous ma casquette,
Songeant : "Ca peut toujours servir !"
Un sourire, c'est une fête,
Un petit rien qui fait plaisir.
Alors, je me suis senti riche,
Très heureux sans savoir pourquoi.
Malgré mon escarcelle en friche,
L'or me coulait entre les doigts.
Et depuis, quand de ma casquette,
Je salue, c'est plus fort que moi,
A tout venant, je fais risette,
Même aux gens que je n'aime pas !
Alain Gautron