Qu’il serait tout triste ce beau monde
Si Dieu n’avait eu l’idée de faire Eve.
Car l’homme après avoir fini sa ronde
Du matin irait le soir dormir sans rêve
Du lever jusqu’au doux coucher du soleil,
Entre nommer les bêtes et cultiver le Jardin,
Il s’irait asseoir tout solitaire devant le seuil
De sa maison, morose et triste, mangeant son pain
Il aurait finalement le sentiment
De mener sa vie de façon fade et presque sans goût,
Et dans la détresse qui est la sienne, certainement
Il en aurait eu marre et aurait exprimé son dégoût
De cette vie de machine, de cette vie robotique.
Heureux soit l’homme car celui qui est debout
Sur son trône, capable de lire la colonne squelettique
Du cœur des hommes, n’avait en fait pas fait tout
Du haut de son piédestal invisible
Celui qui sonde les cœurs et les reins
Avait vu la grande détresse de cette âme sensible
Qu’il conduisit par sa force dans un sommeil d’airain
Pour tirer de son coté ce que l’œil très curieux
N’avait encore vu. Ainsi l’argile qui se meut
Pouvait cette fois découvrir la splendeur de Dieu
Et cette beauté devant laquelle sans cesse il s’émeut
Finit par remplir en lui cette grande place vide.