Regarde par là-bas ce petit garçon qui marche aidé de sa canne,
Il a perdu son pied droit dans les champs de mine.
Regarde par ici cette bruyante marmaille en sanglot,
Ossements desséchés qui continuent de vivre.
Regarde là-haut ce gros avion volé sur nos terres en souffrance,
On jette des céréales comme à des poules de basse-cour.
Regarde sur ce sol les fils de ta grand-mère à jamais couchés,
Ils ont gagné leur mort dans le feu de leur haine inutile.
Regarde tout ça et commence, commence à comprendre
Pourquoi depuis longtemps on vit sans songe ni rêve,
Comprends pourquoi sans cesse des yeux me sortent de nombreuses larmes
Et pourquoi le mal-vivre me fait haïr l’ébène, couleur d’Ethiopie
Regarde tout ça et commence, commence à entendre dans ton esprit
Les litanies funestes chantées en chœur par les pauvres de chez moi ;
Entends les interminables couplets noirs des veuves sur leurs maris troués,
Entends les pleurs sans mesure de ces ventres rachitiques, claviers
De misère dont les notes jouées par l’ensemble des ténèbres lointaines
Font comprendre aux hommes d’ailleurs les géhennes quotidiennes d’ici…