Un pas aux portes de la grande ville
Avec son vieux pont à sens unique,
Sa morgue qui dit bonjour,
Quand la rue gigantesque du N’zo,
Ce fleuve mythique, étendue mystique
Donne l’illusion d’une chute sans précédent
Et je baigne encore une fois dans le cœur vif
Du village des hommes, de la cité du pardon
Ou j’ai tété jusqu’à la maternelle sans gène
Le sein de ma mère sous le regard de mon père.
A peine revenu, voilà ils accourent
A grands pas dans le sourire de la mélancolie ;
A peine descendu, voilà ils m’embrassent
A bras ouverts, dans la joie de la nostalgie ;
Eux , les premiers souvenirs de ma vie de ma vie d’enfant.
Ils ne m’ont pas oublié, moi leur fils, moi l’ami
En qui ils ont mis une grande confiance,
Car je me rappelle les fois, tous les moments
Ou seul en leur compagnie dans nos rues nues
Avec leur poussière à méningite
Je leur promettais que le maire les bitumerait
Pour qu’enfin nos mères braves, femmes attentionnées
Portent les produits de leur terre de providentielle.
Toutes les fois que seul dans les sentiers je traînais,
Tous les fils de l’ombre devenu comme moi
Ne cessaient de me chanter dans cette constante ténèbre
Les paroles d’espoir composées dans les malheurs d’ici.
J’entends encore tonner en mon indélébile mémoire
Le refrain de ces notes lointaines et lancinantes.
Toutes les fois que je me rendais à la Place Publique
Voir les yeux levés aux cieux la grande tour tricolore,
Poumon puissant des eaux de la capitale du Moyen Cavally
Je mesurais enfant déjà la taille normale de mes rêves
Qui n’avaient d’égal que cette fière hauteur de béton
Qui surplombe orgueilleusement le beau ciel de cette cité.
Si j’avais pu par quelque miracle gravir cette pile orange blanc vert,
Lieu de retrouvailles de ces augures oiseaux noirs,
Evidemment j’aurais pleuré ce que rejetait ce vieux château
Quand il faisait la cure de ses eaux, tant j’aurais compris
Avec quelle violence de négligence et quelle force de mensonge
Le feu qu’on pensait à l’époque être la flamme de l’espérance
N’était que le souffle de l’utopie né dans le vent de la haine.