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Liberté

La « Communauté Internationale » des intérêts en Afrique

 

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Quelle célérité de la part de ceux qui s'arrogent le droit d'être appelés la « Communauté Internationale » pour traduire les autorités guinéennes devant le Tribunal Pénale International ! : La France, appuyée en cela par les Etats-Unis !

En effet, après deux rapports au pas de course de Human Rights Watch et de la commission d'enquête ad hoc de l'ONU pour les tueries du stade de Conakry, avant même que l'ensemble des membres du Conseil de Sécurité n'en reçoive copie et que le document ne soit traduit et remis à tous les ambassadeurs près l'ONU, la France demande voire exige, depuis hier (mercredi 23 décembre 2009) que les autorités guinéennes soient traduites, « très rapidement (sic !) » devant les instances judiciaires internationales. Pour cela, elle réclame la saisine immédiate du TPI (le tribunal des perdants, des pauvres et des faibles).

En vue d'empêcher, dit-elle, le Capitaine Moussa Dadis Camara (atteint par balle à la tête par son aide de camp Toumba Diakité, au cours d'une tentative d'assassinat manquée et hospitalisé au Maroc), de revenir prendre les rênes de la Guinée. Elle compte ainsi parvenir à circonscrire le risque d'éclatement d'une guerre civile au pays de Sékou Touré (vraiment ?).

Diantre, dans quel monde sommes-nous ? Un pays planificateur de tueries et de coups d'Etat à la pelle, en Afrique, est-il fondé à des donner des leçons au monde et à exiger quoi que ce soit ?
On se souvient encore de l'implication clairement démontrée de la France dans le génocide Rwandais (même si elle s'obstine à tout nier en bloc et à se refuser à toute repentance ou excuse) et dans les crises à répétition sur le continent noir avec leur cortège de morts, notamment en Côte d'Ivoire, au Niger, à Madagascar, au Togo, au Tchad, au Gabon, en Centrafrique, au Congo Brazzaville et même au Ghana (coup d'Etat manqué contre John Kufuor). Et la liste n'est pas exhaustive, loin s'en faut !

Les 6, 7, 8 et 9 novembre 2004, en Côte d'Ivoire, la France, à travers sa Force Licorne a tiré avec du gros plomb contre des Ivoiriens aux mains nues qui manifestaient contre un coup d'Etat en cours et la prise en otage de leur pays.

87 femmes, hommes et jeunes (dont un enfant de 11 ans, à Port-Bouët, devant le 43 ème BIMA) ont ainsi trouvé la mort, dans des conditions particulièrement atroces, sans compter les milliers de blessés dont certains portent des séquelles et des handicaps à vie.

A-t-on entendu un pépiement de la part de qui que ce soit dans le monde ou ne serait-ce qu'une parole de compassion pour le pauvre peuple de Côte d'Ivoire meurtri et bafoué sur sa propre terre ? Non !

A-t-on même entendu les africains ? Non ! Ils s'étaient tous terrés dans une incompréhensible couardise, dans l'inconséquence générale et un manque criant de solidarité ! Ils ont même voté la mise sous embargo de la Côte d'Ivoire par l'ONU, assortie de sanctions individuelles qui demeurent jusqu'à ce jour, dans l'illogisme le plus complet et l'incongruité la plus totale. Grâce à la France.

Et bien que des preuves à profusion existent contre la France dans cette tuerie innommable, la Côte d'Ivoire n'a jamais vu passer, par ici, même l'ombre de Human Rights Watch (les Ivoiriens ne sont peut-être pas des humains, sait-on jamais !) et d'une quelconque commission d'enquête ad hoc de l'ONU.

Voici révélée toute la laideur de notre monde et des prétendus organisations et pays de liberté et des Droits de l'Homme. Et il y a bien pire ! Je vous en fais l'économie.

Alors, qu'aujourd'hui, cette France-là demande justice et réclame le TPI pour les autres, là où une bibliothèque n'arriverait pas à contenir le récit de tous ses crimes en Afrique et dans le monde, c'est véritablement le monde à l'envers !

Même si la junte au pouvoir en Guinée est indéfendable, cet activisme nauséabond de la France choque fortement ma morale et suscite, chez moi, étonnement et interrogations.

Je crois qu'il faut plutôt voir derrière ce zèle surréaliste, non pas de l'amour pour le peuple guinéen, de la solidarité ou un quelconque désir de justice, mais la volonté d'une nation impérialiste de se positionner durablement dans un pays qui s'est affranchi de sa tutelle, aux temps des indépendances, qui lui a toujours échappé et à qui elle l'a durement fait  payer.

Les africains devrait, eux-mêmes, prendre en main le dossier guinéen et aider ce digne peuple frère à se relever de cinquante années de misère profonde. Parce que je continue à croire en l'Afrique et à penser que le peuple noir n'est pas frappé de l'atavisme de la médiocrité morale et de la misère intellectuelle.

Africains, ne croyons surtout pas que la France, par toutes ces gesticulations, ait l'intention de nous donner les preuves de son amour. Elle n'a que des intérêts et n'est mue par eux. Et si nous consentons à lui donner le coup de pouce complice pour dépecer la junte (malheureusement) au pouvoir en Guinée et embrigader ce pays frère, alors il faudra désespérer de l'Afrique. De fait, que chacun s'attende à connaître son tour et à ne bénéficier d'aucune solidarité.

Des militaires et des civils ont pris le pouvoir, en Afrique, par des coups d'Etat, avec la bénédiction de la « Communauté Internationale ». Pour ne citer que deux exemples, on se souvient encore du voyage du Général François Bozizé, en France en 2003, et de son retour en Centrafrique suivi du renversement du régime en place, celui du civil Ange-Félix Patassé, démocratiquement élu de surcroît.
Il y a le cas plus récent du séjour d'une semaine d'Ange Rajoelina, un DJ insurrectionniste notoire d'Antananarivo, à l'ambassade de France à Madagascar, officiellement pour raison de sécurité. Dès qu'il en sort, coup d'Etat retentissant contre Marc Ravalomanana, Président de la République malgache.

Dans les deux cas, les tergiversations de la « Communauté Internationale » pour condamner ces dérives ont été hallucinantes. Au final, elle s'est contentée d'en prendre simplement acte.
D'où vient-il donc qu'en Guinée, on veuille nous faire croire au Père Noël (même si nous sommes en Décembre. Tout de même) ?

Dans le dossier guinéen, il n'est question que d'intérêts et de profits ; rien d'autres. Qu'on ne vienne donc pas nous dire des contes de fées.

Je tiens à l'affirmer tout net pour éviter toute équivoque : Ce n'est pas de la sauvegarde ou de la préservation du pouvoir de Dadis Camara dont je me préoccupe autant mais plutôt du peuple guinéen frère, de sa paix, de son intérêt supérieur et de son bonheur souverain. Une crise guinéenne gérée maladroitement et dans la précipitation en coûtera plus à ces frères qu'un recours judicieux à la sagesse et à la mesure.

La solution qui, pour moi, s'impose en Guinée, à la suite de toutes les observations que j'ai faites de la situation, c'est de permettre aux Africains et au peuple guinéen de résoudre, eux-mêmes, cette crise. Il faut multiplier les initiatives et les médiations entre les parties en présence, en Guinée. De la concertation persévérante et obstinée et des professions de bonne foi des guinéens sortiront des solutions et des dispositions salutaires pour ce peuple frère. Pour une fois, prouvons que nous sommes intelligents, en Afrique (après, bien sûr, la leçon du dialogue direct ivoirien).

C'est bien le passage en force auquel la France est en train de nous conditionner et nous conduire qui, plutôt, provoquera le chaos redouté. Car, il ne faudrait jamais l'oublier, ce sont des militaires aguerris qui sont au pouvoir. Ils ne seront certainement pas prêts à se laisser tondre la laine sur le dos et ça, il faudra le comprendre. Aucun recours à la force et aux intrigues mafieuses impérialistes ne peut aboutir. Ne provoquons pas chez les putschistes un raidissement irréversible, un basculement dans le totalitarisme et la décision de se maintenir au pouvoir, vaille que vaille, pour se mettre à l'abri des poursuites judiciaires. Au meilleur des cas, ce à quoi de tels procédés conduiront, c'est à la recolonisation de la Guinée, par l'arrivée aux commandes du pays de personnalités que celle qui s'agite, aujourd'hui, s'arrangera (comme toujours) à imposer. Il faudra alors craindre le bradage des immenses ressources minières de la Guinée aux entreprises impérialistes françaises qui rechignent à la concurrence et qui affectionnent les prébendes et les contrats léonins (Areva au Niger, Total au Gabon, au Tchad et au Congo Brazzaville, Bolloré en Côte d'Ivoire et au Sénégal, etc.).

Je recommande donc à mes frères africains la prudence, la patience et la compréhension pour conduire le dossier guinéen à bon port. De sorte que nous en sortions tous gagnants. Nous n'avons pas besoin d'un embrasement général de la sous-région ouest africaine. En tout cas, pas la Côte d'Ivoire !

Que DIEU bénisse l'Afrique !

 DINDE Fernand AGBO,  Enseignant d'Education Permanente, http://regardscroises.ivoire-blog.com

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