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Liberté

Cameroun : Le discours hors sujet de Paul BIYA Posté le Dimanche 3 Janvier 2010 à 09h54

Vœux de Paul Biya pour 2010 : la même logique de bouc émmissarisation, de récupération, de manque d’anticipation et d’évitement permanent des vrais sujets

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Voici près de 30 ans que Paul Biya raconte la même histoire aux Camerounais pour se dédouaner totalement des régressions cumulées des piteuses années du Renouveau National à la tête de ce pays. Le message des vœux présidentiels pour 2010 n’a pas dérogé à cette règle : Le président camerounais a, depuis 1982, un bouc émissaire politique. Celui-ci se nomme la crise économique mondiale.

 

La politique de boucémissarisation

Lorsque Paul Biya annonça en en 1987 à l’assemblée nationale que le Cameroun était en crise, il égraina aussi un ensemble de mesures de sortie de crise qui, selon lui, arrêtaient de faire de l’Etat camerounais « une vache à lait » et l’aidaient par conséquent à sortir de la crise économique sans faire appel au Fonds Monétaires International. Les Camerounais connaissent la suite : l’Etat a continué à être une vache à lait comme le prouve actuellement l’opération épervier ; il n’est pas sorti de crise et le FMI n’a pas été évité par le pays quelques mois après.  

Ceci dit, depuis l’ajustement structurel, le leitmotiv politique du Renouveau National a consisté à dire aux Camerounais que la source de tous leurs problèmes était la détérioration des termes de l’échange induite par une crise économique mondiale qui réduisait drastiquement les recettes d’exportation du pays. Comme quoi, le Renouveau National qui, en 1991, condamnait avec véhémence la création des premiers partis politiques d’opposition, utilisa une situation économique objective de crise, pour se dédouaner et couvrir ses malversations politiques sur le plan local. Le message à la Nation de fin 2009 se situe en droite ligne de cette politique de déresponsabilisation et de bouc émissarisation face à la situation du pays. En 1987, c’était la crise mondiale la source des problèmes du Cameroun. En 2010, c’est encore et toujours la crise mondiale le démon qui hante la terre camerounaise et sape les efforts de Paul Biya. 

En effet, Paul Biya embarque encore une fois les Camerounais dans le champ économique international qu’il utilise comme bouclier contre les carences et les injustices politiques graves de son régime. Le message de fin d’année 2009 utilise la crise des subprimes comme une aubaine politique dont le but, une fois de plus, est de dire que « l’enfer c’est les autres ». Tous les problèmes du Cameroun seraient la résultante de la crise de la finance globale sur la quelle l’Afrique Noire et dont le Renouveau National n’ont aucune responsabilité étant donné qu’ils ne sont pas des acteurs majeurs de la globalisation financière. Du coup, le regard des Camerounais se dirige vers Waal Street  et la place financière de Londres où se trouvent les responsables de la pauvreté qu’ils vivent sous le Renouveau où on a jamais autant parlé de milliards détournés des caisses de l’Etat.

 

Le manque d’anticipation politique

La stratégie communicationnelle de Paul Biya est une technique tant de détournement de pensée que d’exploitation des dividendes politique de la situation périphérique du Cameroun et de l’Afrique par rapport à l’épicentre du capitalisme financier. Paul Biya ne s’en prive d’ailleurs pas. Il se donne de bons points lorsqu’il affirme dans son message que ses hypothèses sur les conséquences de la crise au Cameroun se sont avérées justes. Autrement dit, il a été visionnaire même si on peut se demander pourquoi sa vision ne fonctionne qu’ex post puisqu’il reconnaît dans le même message que son régime n‘a pas anticipé certains effets négatifs dans certains secteurs. 

Puisque Paul Biya veut parler d’économie, parlons-en un instant. Monsieur le président, les économies qui avaient de bons fondamentaux (faible inflation, faible taux de chômage, grande réserves de change, diversification du système productif…) sont également celles-là qui sortent très facilement de la crise actuelle. C’est le cas notamment des pays émergents. Le fait que le Cameroun fasse encore aujourd’hui recours à un endettement supplémentaire auprès du FMI montre qu’il n’a pas de bons fondamentaux comme vous l’affirmez car il aurait été ainsi qu’il aurait eu des moyens autonomes de relance de son économie. Par ailleurs vous affirmez compter sur les fonds PPTE pour relancer des secteurs aussi vitaux que l’éducation, la santé et les moyens de communication.  

Croyez vous qu’il est possible d’être un PPTE et avoir de bons fondamentaux ? Un pays qui compte sur les PPTE pour construire des routes, bâtir des écoles et des hôpitaux est tout simplement un pays dont la santé et l’éducation, éléments centraux de son développement, dépendent de l’extérieur et des stratégies financières qu’il ne maîtrise pas. Votre tâche depuis 1982 aurait dû consister à bâtir un pays capable d’être économiquement autonome dans le financement de ces secteurs. Il va sans dire que tous les milliards détournés par les dignitaires du Renouveau National pouvaient construire des centaines de centres de santé et d’écoles primaires à travers les villages camerounais. Ceci n’a pas été fait et le Renouveau National, comme le dit votre message, attend « un temps mort » de crise de crise pour agir sur des secteurs aussi vitaux. 

La politique attentiste du Renouveau National n’augure de rien de meilleur pour l’avenir du pays. Paul Biya ne présente aucun projet de réforme structurelle pour que le Cameroun essaie de diversifier sa structure productive très étroite. Il affirme par contre compter sur la reprise des cours des matières premières dont le pétrole que le Cameroun ne produit pas beaucoup. Ceci veut dire que le Cameroun mise sur la même spécialisation primaire pour sortir de la crise et prend ainsi le risque de subir les mêmes effets étant donné que les causes de sa situation périphérique par rapport au commerce mondial, resteront les mêmes. Le Cameroun est en relation commercial aujourd’hui avec des économies postindustrielles où la conception et la distribution des produits sont primordiales dans les chaînes de production. 

Une politique d’avenir pour lui doit se situer dans ce segment en privilégiant la formation du capital humain non par la promotion de l’ENAM et les fonds PPTE comme c’est le cas, mais par une politique globale d’écosystèmes d’innovations où se regroupent et travaillent en réseaux entreprises privées, grandes écoles et écoles doctorales dans toutes les disciplines. Ceci doit se faire en parallèle avec le développement des banques de développement pour soutenir le monde rural et les micros entrepreneurs locaux. Le business actuel sur les concours d’entrée aux grandes écoles camerounaises est contreproductif par rapport à ces objectifs. Il ne faut donc pas d’abord annoncer des milliards à mettre à la disposition des chercheurs  mais penser au préalable ce qu’on ferra avec ceux-ci : structures innovantes, résultats visés, modalités d’attribution et d’évaluation des chercheurs.

 

La politique d’évitement

Une autre règle que respecte ce massage de Paul Biya est la politique de l’évitement qui consiste à aborder les problèmes de façon périphérique. La conjoncture économique mondiale l’y aide énormément car ce qui a fait l’actualité politique camerounaise ces derniers temps n’est pas la crise des crédits hypothécaires. C’est plutôt la révision constitutionnelle non indiquée de 2008 ; c’est le massacre par l’armée camerounaise de centaines de jeunes camerounais armés de simples cailloux ; c’est Elecam dont la structure atteste de sa position de juge et partie des prochains scrutins ; c’est une élection présidentielle dont un ne connaît pas la date ; ce sont des responsables politiques qui doivent déclarer leurs biens ; ce sont des Camerounais qui ne savent pas combien ils sont (recensement ?).  

Tout ceci est analysé par Paul Biya comme des événements sans objet à côté des projets de décentralisation et de création du Sénat qu’il nous annonce pour préparer sa campagne à ladite élection présidentielle. La même stratégie d’évitement concerne la vie internationale du Cameroun. Ce chapitre est vide dans le discours. Il contraste avec la litanie des mêmes et identiques projets nationaux qu’on débite aux populations depuis près de 30 ans. Ce qui revient sur l’international c’est une diaspora non dans sa dimension revendicatrice et contestataire, mais uniquement démagogique qui consiste à dire qu’elle a d’énormes qualité et soutien le Renouveau National dans son œuvre. 

Le comble de l’évitement se retrouve dans l’hommage que le président feint de rendre aux combattants camerounais pour l’indépendance. Il aurait été préférable que Paul Biya citât les noms des ces héros tellement ils ont tout donné au pays. Autant il n’a jamais cité le nom d’Ahidjo, autant il n’a pas osé sortir de sa bouche celui d’un nationaliste dont sa ligne politique est la concrète antithèse. La Fondation Moumié a fait des propositions pour réhabiliter ces grands camerounais. Nous attendons des actes et non des mots de circonstances d’une équipe gouvernementale qui ratisse large pour la réélection de son candidat. C’est dans cette logique qu’il faut lire la résurrection du comice agropastoral d’Ebolawa en 2010 sans au préalable poser les fondements d’une politique agricole camerounaise. Le régime est à l’heure des gadgets politiques qui, dans le cas d’espèce, veulent remobiliser une population du Sud dont les fils son en prison et où le comice agropastoral du Renouveau a avorté avec fracas il y’a quelques années.

 

La politique de récupération

Mettre en avant le fait que la Cameroun subit les effets désastreux de la crise financière mondiale est déjà une stratégie de récupération politique de celle-ci. Cependant, comme déjà signalé dans d’autres papiers, Paul Biya n’a pas oublié son arme favorite dans cet exercice : les Lions Indomptables. Nous en sommes tous fiers même si c’est toujours un petit blanc qui doit venir montrer aux Camerounais qu’un peu de sérieux et d’organisation peut donner de bons résultats. Ce qu’il faut cependant noter ici et qui semble plus préoccupant, est que Paul Biya parle de la construction de la nation camerounaise et désigne les Lions Indomptables comme le signe de la réussite de celle-ci.  

Si une équipe nationale de football comme celle du Cameroun est une fierté nationale, n’est-elle pas maigre comme signe ou moisson tangible d’une ouvre de 50 ans de construction d’une nation camerounaise ?  Encore une fois, le fait que les Lions existent et gagnent fait table rase des problèmes anglophone, de celui de Bakassi et de la dichotomie autochtones et allochtones qui figure toujours dans notre Constitution. Ce sont des aspects qui entament le socle du cocktail un seul peuple, une seule terre et un seul pays. Ils prouvent qu’une politique juste et équitable est le seul vrai ferment d’une Nation. 

Au bout du compte, le Cameroun de Paul Biya est actuellement dans un double tunnel  Le tunnel de la crise économique de 1987 duquel il n’est jamais sorti malgré le bout annoncé par le président, puis le nouveau tunnel de la crise des crédits hypothécaires. Il faut ajouter à ça le tunnel politique que seuls ceux qui ont les yeux de chat maîtrisent.

© Correspondance de : Thierry AMOUGOU, Président de la Fondation Moumié

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