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Liberté

Le Cameroun à l’heure de la répression politique dans les universités

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Le Professeur agrégé Jean Gatsi vient de recevoir sa convocation signée du Recteur de l’Université de Douala, Bruno Bekolo Ebe. Il doit répondre le 08 avril prochain des « publications de son site Web où il profère des injures et menaces à l’endroit des autorités de l’Université et du chef de l’Etat », peut-on lire dans le document que nous avons consulté.

Le dossier remis aux membres du conseil de discipline et que nous avons également consulté est visiblement vide. Il est composé essentiellement de trois documents : 1) deux pages photocopiées de commentaires anonymes des internautes publiés sur le blog de l’enseignant et datés des 25 et 31 août, 29 septembre, 31 octobre, 03 et 05 novembre  2009 ; 2) un extrait d’une interview publiée sur le site www.cameroun-info.net à la suite de sa grève de la faim de 2008, et 3) une lettre intitulée « Plainte administrative » du 17 décembre 2009 d’un chargé de cours Dr. WANDJI K, Jérôme Francis adressée directement au Recteur Bekolo Ebe. C’est donc un dossier complètement politique ; il n’y a rien qui permet de retenir une faute disciplinaire à l’endroit de l’enseignant de droit.

Le site en question est le blog camerounlibre accessible par le lien http://camerounlibre.blogspot.com . Sur ce site dédié à la liberté du peuple camerounais, Jean Gatsi demande notamment de « refuser à Paul BIYA le droit de détruire davantage le Cameroun ». C’est donc un site personnel véritablement tourné vers l’opposition au régime en place au Cameroun, même si de temps en temps on peut y lire des articles équilibrés ou ceux rédigés par des gens du pouvoir.

 

Ambiance morose à l’université de Douala

La nouvelle fait grand bruit à Douala en ce moment, notamment auprès des étudiants qui ne comprennent pas comment leur enseignant peut être traduit au Conseil de discipline en raison de ses opinions politiques. Cela est d’autant plus curieux que l’administration de l’université de Douala ne reproche à cet enseignant aucune faute professionnelle. « Il fait bien ses cours et nous respecte », déclare un étudiant. Par ailleurs, Jean Gatsi n’a jamais reçu de demande d’explication, encore moins une lettre d’observation, ni du Doyen de la faculté des sciences juridiques et politiques où il enseigne, ni du Recteur de l’Institution. Or il s’agit là de préalables à la convocation d’un enseignant au conseil de discipline.

Un étudiant rencontré sur le campus nous a présenté un sms de sensibilisation envoyé à beaucoup de ses camarades, sans doute par le camp du professeur de droit qui a décidé de contrattaquer contre ce qu’il estime être « la violation de sa liberté d’opinion par le Recteur Bekolo ». On peut y lire ceci : « A diffuser : Le recteur Bekolo Ebe masque le vol de 850 millions par son frère à l’université en tentant de tuer le Pr. Jean Gatsi. Soutenez votre professeur ».

Ambiance morose donc, qui témoigne sans aucun doute de l’affrontement à venir entre les deux camps.

 

Du règlement de comptes à la volonté de détourner l’opinion sur les détournements à l’université de Douala

De responsables de l’université parlant sous anonymat nous révèlent leur gêne. Selon eux, ce conseil de discipline n’était pas opportun, à un moment où la paix règne sur le campus. D’ailleurs, Jean Gatsi est le seul professeur de rang magistral convoqué à ce conseil, puisque les autres enseignants convoqués on abandonné leurs postes depuis de longues années et vivent au Canada ou aux Etats unis. « On ne reproche aucune faute professionnelle à cet enseignant ; on lui reproche ses prises de position publiques contre le régime », déclare un enseignant.

C’est dire que c’est un « conseil de discipline à tête chercheuse », qui vient régler un compte personnel entre le Recteur et l’enseignant de droit, et sans doute repositionner le premier qui se trouve en extrême difficulté depuis la révélation du détournement par son cadet de près d’un milliard des comptes des établissements de l’université de Douala. A ce jour d’ailleurs, ce caissier principal, Maker Ebe, n’a jamais été entendu par la police judiciaire.

Le recteur serait donc entrain de détourner l’attention de l’opinion, histoire de faire en sorte que l’on ne parle plus de ces détournements, le temps que l’attention soit focalisée sur l’affaire qui l’oppose à l’agrégé de droit marginalisé, à qui il n’a jamais offert de toge comme il est de tradition, et dont la cérémonie d’adoubement n’a jamais eu lieu.

C’est un risque qu’il prend certes, mais pour se repositionner devant le régime, en ces moments difficiles pour lui, comme le « Monsieur sécurité » des universités camerounaises. Cela l’aidera peut être à rebondir et à étouffer l’affaire des détournements massifs à l’université de Douala.

 

Purge : la volonté du régime de Paul Biya de museler les enseignants-opposants

D’aucuns voient dans ce « conseil de discipline politique » la main du régime en place. En effet, Jean Gatsi est connu au Cameroun en ce moment pour ses opinions critiques à l’endroit du régime camerounais et de son chef Paul Biya. Sur son site camerounlibre, il ne passe pas par quatre chemins pour dénoncer les abus divers commis par le pouvoir en place (violation des droits de l’homme, corruption, tribalisme, etc.). Certains lui reprochent ouvertement de relayer les messages du Collectif des Organisations Démocratiques et Patriotiques de la Diaspora Camerounaise (CODE) qui tente à l’heure actuelle de déstabiliser le Chef de l’Etat par tous moyens.

L’enseignant de droit affirme que depuis quelques semaines, il reçoit des menaces anonymes de mort sur son téléphone portable. Les instigateurs seraient la police politique du régime qui souhaiterait le faire taire ou carrément se débarrasser d’un formateur visiblement encombrant, dont les prises de positions publiques deviennent de plus en plus gênantes. Surtout que cet enseignant a créé, depuis janvier dernier un parti politique, le « Rassemblement pour la libération des camerounais (MPLC) » auquel adhèrent déjà de nombreux étudiants.

Il s’agirait donc d’une autre phase du durcissement du régime à l’endroit de tous ceux qui peuvent constituer un obstacle à la réélection de Paul Biya en 2011.

Le message s’adresserait ainsi à tous les enseignants camerounais qui oseraient prendre officiellement parti contre le régime en place depuis 28 ans.

 

La semaine qui commence promet d’être chaude sur le campus de l’Université de Douala. Jean Gatsi a promis de réagir de la plus belle manière face à cette énième provocation du Recteur. Nous scrutons la suite des événements.

© J. D. SIGABET à Douala, Cameroun

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