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La situation que vit la jeunesse ivoirienne ressemble de loin à ce que Colleen Mc Cullough dans son roman
Nous inaugurions il y a quelques jours une série d’articles sur le phénomène de la corruption dans les concours de
Telles sont à notre avis les questions essentielles auxquelles nous devons réfléchir et dont les causes devraient mobiliser tout ce que nous avons d’énergie. C’est peu dire en effet, pour répondre à ces interrogations, que d’affirmer que très peu d’actions sont envisagées de part et d’autre pour remédier au problème, et qu’en outre, le laxisme, la mauvaise foi et l’indifférence semblent être les choses les mieux partagées par chacune des deux parties.
L’école en Côte d’Ivoire est sinistrée : fermeture des Universités, grèves de longue durée, vieillissement des étudiants qui à force d’années académiques tronquées se retrouvent entre le premier et le deuxième cycle à l’âge de 30 ans, démotivation des enseignants sont devenus le lot quotidien du système éducatif ivoirien depuis des années. Dans une parution de Fraternité Matin d’il y a quelques années et qui résonne encore d’actualité, Monsieur Konan Jacques imputait cela à un manque de volonté politique. Aussi poursuivant son analyse, il en déduit que le dépérissement de la situation a contribué d’une part à donner des étudiants et des enseignants une image particulièrement dégradante, et que d’autre part, en refusant d’analyser correctement les signaux d’alerte, le système ne pouvait qu’évoluer de façon erratique jusqu’à atteindre son point d’extrême dérive.
Il faut se convaincre, jeunesse ivoirienne diplômée et jeunesse ivoirienne tout court que notre avenir a cessé de préoccuper les autorités et que cet avenir s’assombrit chaque jour davantage et ce, par l’incurie de certains de nos autorités et gouvernants atteints de corruption et de nombrilisme. Ce n’est un secret de Polichinelle que notre pays souffre, pour emprunter l’idée à Comi M. Toulabor (Le Monde Diplomatique, Octobre 2001- N°571-48è année) d’une absence de catégories sociales qui portent véritablement les idéaux et les valeurs démocratiques et qui les fassent leurs. Mis à part quelques personnalités actives, les élites ne luttent pas forcément pour les principes démocratiques, mais sûrement pour la conquête du pouvoir et pour des intérêts personnels. Il y a de bonnes raisons, soutient-il, de les soupçonner d’être des démocrates par convenance. L’exemple de la grève prolongée des instituteurs du primaire est là pour nous rappeler, s’il en était encore besoin, que notre avenir reste le cadet de leurs soucis. Sinon, comment comprendre qu’on ait laissé pourrir la situation sans égard aucun pour le devenir des pauvres enfants qui ne revendiquent que le droit à l’éducation. Et dire que c’est une personnalité de la société civile qui a aidé au dénouement de la crise, cela ne peut que choquer davantage. Si donc on traite ainsi le bois vert, qu’adviendra-t-il du bois sec ? Si les tout petits enfants qui constituent le fleuron de demain sont traités de la sorte, qu’en sera-t-il de nous, leurs aînés, qui sommes au confluent de deux stades de l’évolution de l’homme et qui avons fini le processus de maturation ?
Que cela soit entendu et clair, nous ne faisons pas de la politique. Nous n’avons pas non plus la prétention de saper les bases du programme des autorités en place. Nous voulons plutôt attirer leur attention et celle de la jeunesse sur une situation de corruption généralisée qui, si l’on n’y prend garde, risque à terme de nous entraîner dans d’autres situations pires que celle dans laquelle nous nous trouvons.
Enumérant les enjeux de la réconciliation lors de la cérémonie d’installation du Comité de Médiation, le lundi 20 Novembre 2000, le Chef de l’Etat déclarait : « … Enfin, dernier enjeu, nous devons réussir la réconciliation au nom de la jeunesse, pour les jeunes qui sont morts comme pour les jeunes qui sont vivants. Il s’agit de construire pour notre jeunesse une société meilleure que celle dont nous avons hérité. Ceux qui sont tombés sont morts pour nous dire qu’ils voulaient un monde nouveau. Si nous les avons compris, alors nous devons travailler sans délai à l’avènement d’une société qui garantit L’EGALITE DES CHANCES dans la solidarité.» (Notre Voie N°754 du Mercredi 22 Novembre 2000 page2).
Si nous avons salué en son temps les espoirs nés d’un tel discours, nous en sommes aujourd’hui au constat que la traduction de ces promesses en réalités concrètes tarde à se manifester. On invoquera assurément à la décharge des autorités le fait de la guerre. Mais la Côte d’Ivoire de ces cinq dernières années, pour paraphraser Eduardo Galéano dans son article Vers une société de l’incommunication ? paru dans Manière de voir 52, le Monde Diplomatique, Juillet- Août 2000, paradisiaque pour quelques uns et infernale pour le plus grand nombre, est marquée au fer rouge par un double paradoxe : l’enrichissement fulgurant d’une minorité qui ne s’en cache pas et la pauvreté rampante qui touche la masse et qui suscite de moins en moins d’indignation.
Il convient donc de nous interroger nous-même, jeunes de Côte d’Ivoire sur la représentation que nous avons de notre avenir, sur les moyens dont nous nous dotons pour infléchir le cours des événements. La réponse nous est donnée par le Président de
Si donc les campagnes antérieures menées contre la corruption n’ont pas produit les effets escomptés, c’est bien parce qu’elles étaient conduites par les autorités elles-mêmes. Celle qui prend forme aujourd’hui est le fruit d’une prise de conscience de la jeunesse excédée et exaspérée par tant d’années de navigation à vue, d’immobilisme pernicieux et de la disqualification de la classe sociale.
Appel est donc lancé à tous les jeunes de se départir de toute considération et appartenance politiques pour emboucher la trompette du changement. Car en fait notre lutte transcende les chapelles politiques pour porter au pinacle le désespoir d’une jeunesse désorientée et désabusée.
Depuis la parution de notre premier article le Vendredi 03 Août 2007 dans les colonnes des quotidiens L’inter et Nord Sud, vous ne cessez de nous manifester par millier votre soutien. Nous remercions la société civile qui apprécie à sa juste valeur la noblesse du combat et qui nous encourage à persévérer dans la lutte. Pour terminer, nous voulons dire à la jeunesse que l’idée de la jeunesse qui serait au centre des préoccupations de nos autorités est l’un des mobiles les plus fréquemment évoqués dans les discours politiques, mais elle est sûrement l’un des slogans les plus rassembleurs et les plus flagorneurs car « la jeunesse est devenue ce qui peut être manipulé en vue du profit maximum ».
John Hallowell, dans Les fondements de la démocratie nous édifie une fois de plus sur ce constat lorsqu’il affirme : « L’art de gouverner consiste à savoir se servir de … sentiments, et non à perdre sa peine à vouloir inutilement les détruire… Celui qui sait se soustraire à la domination aveugle de ses propres sentiments est capable de se servir de ceux d’autrui à ses propres fins. »
Fait à Abidjan, le 26 Août 2007
Collectif des jeunes diplômés de Côte d’Ivoire
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