Titre espagnol : La màscara de Kriminal
Genre : Comics, Aventures, Thriller
Année : 1966
Pays d’origine : Italie/Espagne
Réalisateur : Umberto Lenzi
Distribution : Glenn Saxson, Helga Liné, Andrea Bosic, Ivano Staccioli, Esmeralda Ruspoli, Dante Posani, Franco Fantasia, Susan Baker…
Kriminal, l’ennemi public numéro un, a été arrêté par Scotland Yard. Son dernier forfait, le vol de la Couronne d’Angleterre, va lui coûter la pendaison. Au moment de son exécution, un certain nombre d’incidents se produisent, ce dont profite Kriminal pour s’échapper. En fait, l’évasion a été commanditée par l’inspecteur Milton, celui là même qui avait été responsable de l’arrestation du génie criminel. En agissant ainsi, il compte retrouver la Couronne d’Angleterre, et remettre la main sur Kriminal. Mais ce dernier a flairé le piège. Après avoir échappé à une filature, il trouve refuge chez Margie, son ex-compagne. Non seulement le couple se réconcilie sur l’oreiller, mais la jeune femme le branche sur un transfert de diamants à destination d’Istanbul. Pour Kriminal, qui a renvoyé la Couronne à Scotland Yard (un trésor trop encombrant, finalement), c’est une occasion idéale de se refaire la main. Mais l’affaire va s’avérer plus compliquée que prévue, l’homme au costume de squelette se retrouvant alors au centre d’une conspiration aux multiples rebondissements…
Après un début de carrière tourné exclusivement vers le cinéma d’aventures (peplums, pirates, films de jungle…), Umberto Lenzi bifurque au milieu des années soixante vers le film d’espionnage, et donc, tout naturellement, en somme, vers ce « Kriminal ». Il s’agit là de la première adaptation cinématographique d’un fumetti, deux ans avant le « Danger, Diabolik » de Mario Bava, et le « Satanik » de Piero Vivarelli. « Kriminal » fera l’objet dune suite, sous la houlette de Fernando Cerchio (« Il marchio di Kriminal », 1968), dans lequel on retrouve une partie des acteurs principaux du premier opus.
A l’origine, « Kriminal » est donc un fumetti, mettant en lice un criminel plutôt violent et sadique portant une combinaison de squelette et un masque. Cette bande dessinée (créée par le duo Magnus/Bunker) aura vu le jour en 1964, et les aventures de ce personnage prendront fin en 1976. D’un être cruel et implacable, Kriminal deviendra peu à peu une sorte d’Arsène Lupin.
En voyant le film, on peut reconnaître sans peine qu’Umberto Lenzi a su retranscrire l’esprit du fumetti, et de ce fait, « Kriminal » passe sans souci des cases de bandes dessinées au grand écran. Pour animer ce génie du mal, le cinéaste a choisi un acteur hollandais, Glen Saxson. A l’époque, l’homme n’est pas vraiment une vedette. Il joue la même année dans deux westerns spaghetti, l’un tourné par Emilio Miraglia, l’autre par Alberto de Martino. En dehors du western, cet acteur aux allures de « beau gosse » reprendra la tunique de Kriminal pour la suite tournée par Fernando Cerchio, avant de finir plus ou moins sa carrière au début des seventies dans deux volets des « Frau Wirtin » mis en scène par Franz Antel (connu chez nous sous le pseudo de François Legrand). Dans l’ensemble, malgré sa gueule de « jeune premier », Saxson s’en tire plutôt bien et compose donc un fort honorable Kriminal. Co-production italo-espagnole, « Kriminal » est doté d’un casting plutôt cosmopolite. Aux côtés de notre héros néerlandais, on retrouve la magnifique Helga Liné, dans un double rôle (celui de jumelles aussi perfides l’une que l’autre).
Cette Berlinoise aux yeux de félin commença sa carrière comme danseuse et acrobate, avant de devenir mannequin, puis actrice, essentiellement en Espagne où elle s’installa au début des années soixante. On ne compte plus ses prestations remarquées, tellement elles sont nombreuses, mais on peut citer « Demoniac » (« The Blancheville Monster »), « Dracula Saga », « Horror Rises from the Tomb » ou encore « The Loreley’s Grasp ». C’est l’acteur yougoslave Andrea Bosic qui tient le rôle de l’inspecteur Milton, personnage récurrent de la bande dessinée. On a pu le voir entre autres dans « Maciste en enfer » et « Sandokan le tigre de Bornéo ». Son dernier rôle sera celui d’un prêtre dans « Formule pour un meurtre ». Bon, il y a quand même des italiens dans le film, parmi lesquels Ivano Staccioli (« La mort caresse à minuit », « Il fiore dai petali d’acciaio »), Franco Fantasia (« Le tueur à l’orchidée », « La montagne du dieu cannibale », « La secte des cannibales ») ainsi que Dante Posani, partenaire de Ray Danton dans « Opération Ré Mida ». Notons enfin la présence de Mirella Pamphili, que l’on a croisé dans une multitude de films sans que l’on se rappelle vraiment d’elle (une centaine de rôles entre 1966 et 1971 !), à l’image d’une Carla Mancini.
Ce « Kriminal », sans être aussi délirant que le « Diabolik » de Mario Bava (qui doit beaucoup au talent du metteur en scène et à la musique de Morricone), s’avère bien meilleur que « Satanik », par exemple. Doté d’un budget confortable, Lenzi promène le spectateur depuis Londres jusqu’à Istanbul, en passant par Madrid. Avec son intrigue à tiroirs, il anticipe l’esprit qui animera ses gialli quelques années plus tard. Les rebondissements sont nombreux, et le réalisateur réussit son pari en proposant un Kriminal tantôt implacable, tantôt smart, doté d’un certain sens de l’humour qui fait mouche. C’est en quelque sorte un James Bond qui aurait basculé du côté obscur, sportif accompli, séducteur patenté, combattant hors-pair, et rusé comme un renard. A l’aise dans les soirées mondaines, il joue aussi au casino (perdant contre son ennemi, pour mieux prendre sa revanche par la suite). Avec une telle carte de visite, nul doute que Kriminal aurait fait un malheur au sein de n’importe quel service secret.
Mais c’est un individualiste, et son appât du gain est si fort qu’il risque à tout moment de le conduire à sa perte. Et puis, Kriminal, comme son nom l’indique, n’hésite jamais à tuer, les femmes comme les hommes, quand le besoin s’en fait sentir. Ce personnage pour le moins amoral n’en est pas moins sympathique, et c’est avec plaisir que l’on suit ses pérégrinations, accompagnées d’une superbe partition musicale pop/groovy tout à fait dans l’esprit des comics, due au peu connu Raymond Full. Derrière ce pseudonyme se cache un italien au nom de Romano Mussolini. Avec un tel patronyme, on comprend aisément qu’il ait pris un pseudo. Le film se termine comme il avait commencé, avec des « bulles », de façon très sympathique. Un festival de bulles qui mériterait que l’on débouche une bouteille de champagne pour Mister Lenzi, pour l’occasion, ce qui n’a pas toujours été le cas.
Titre original : Deadlier than the Male
Genre : espionnage
Année : 1967
Pays d'origine : Royaume-Uni
Réalisateur : Ralph Thomas
Distribution : Richard Johnson, Elke Sommer, Sylva Koscina, Nigel Green, Suzanna Leigh, Steve Carlson, Virginia North
Henry Keller est un magnat du pétrole. Alors qu’il voyage à bord de son Boeing personnel, un cigare piégé l’envoie ad patres, la faute à l’hôtesse qui n’en est pas vraiment une, mais plutôt une tueuse redoutable, Irma Eckman (Elke Sommer), travaillant pour une organisation secrète. Après avoir mis en route le détonateur d’une bombe, elle saute en parachute, près des côtes où l’attend un hors-bord piloté par sa complice Penelope (Sylva Koscina).
A la suite de l’explosion de l’avion, le détective privé Hugh « Bulldog » Drummond (Richard Johnson) est engagé par une compagnie d’assurances afin de déterminer ce qui a pu provoquer l’accident. Un premier indice, sous la forme d’une bande magnétique, est sur le point de lui parvenir, mais l’expéditeur, un journaliste d’investigation, se fait harponner au sens propre par nos deux belles espionnes avant d’envoyer le précieux document.
A Londres, les morts suspectes ne tardent pas à s’enchaîner. Les victimes ont comme point commun d’être à la tête des plus puissantes compagnies pétrolières du monde. D’importants intérêts économiques sont en jeu, le monde de la finance s’inquiète, mais Drummond finit par remonter peu à peu la piste qui va le conduire jusqu’à un adversaire à sa mesure.
Le personnage de Bulldog Drummond fut créé en 1920 par l’écrivain britannique Herman Cyril Mc Neile. Il en résultera une douzaine de romans policiers mettant en lice ce détective privé, vétéran de la Première Guerre Mondiale. A la mort de Mc Neile, en 1937, un autre romancier, Gerard Fairlie, poursuivit à son tour les aventures de Drummond, jusqu’au milieu des années 50. Au cinéma, Drummond apparaît dès 1923. On recense une vingtaine d’adaptations du héros sur le grand écran, l’une des dernières étant « Calling Bulldog Drummond », en 1951, avec Walter Pidgeon dans le rôle titre, et dans lequel un débutant nommé Richard Johnson effectuait ses armes en tant que figurant.
Quinze ans plus tard, il se retrouve dans la peau du détective privé. Juste retour des choses pour l’acteur anglais qui fut pressenti quelques années plus tôt pour incarner le fameux James Bond dans « Dr No ». Johnson possède la carrure et suffisamment d’aura pour ce genre de rôle. Trois ans après sa prestation remarquée dans « La maison du Diable », de Robert Wise, le voilà donc endossant la panoplie d’un détective/agent secret aux talents multiples. En effet, Hugh Drummond n’est pas un espion ordinaire. Il parle plusieurs langues dont le japonais, joue aux échecs en fin stratège, et possède une parfaite maîtrise du judo. Certes, il ne parle pas aux dauphins comme Derek Flint, mais il plaît également aux femmes, à la différence près que Drummond ne cède pas au charme de ses ennemies.
Pourtant, elles sont diablement sexy, les adversaires en question. En effet, Drummond va être confronté à une beauté venue d’Allemagne : la blonde Elke Sommer ; et une rousse flamboyante originaire de Croatie : Sylva Koscina. Les deux femmes ont comme point commun d’avoir débuté en Italie. Et si Elke Sommer a tourné en deux occasions pour Max Pécas, elle a aussi été la vedette de deux oeuvres de Mario Bava, successivement en 1972 et 1973, avec « Baron Vampire » et « Lisa et le Diable » (dans lequel Sylva Koscina jouait également).
Une Sylva Koscina qui se fit d’abord remarquer dans deux peplums de Pietro Francisci (« Les travaux d’Hercule », « Hercule et la Reine de Lydie »), puis dans le « Judex » de Franju. Dans les années 70, elle ne manquera pas de dévoiler ses charmes en maintes occasions, dans des productions bis. On la verra aussi dans deux gialli : « La peur au ventre », et « Crimes of the Black Cat ».
Assurément, l’idée d’opposer un émule de James Bond à une cohorte de tueuses ravissantes bien que dangereuses constitue l’un des atouts essentiels de ce « Plus féroces que les mâles ». Ne manquait plus au tableau qu’un ennemi digne d’un Blofeld. Là encore, mission accomplie avec un épatant Nigel Green, qui retrouvait pour la circonstance Richard Johnson, quelques mois après le tournage de « Khartoum ». Si le nom de Nigel Green n’est pas connu de tous, il n’en demeure pas moins que son visage est familier pour quiconque apprécie le cinéma fantastique, notamment les films de la Hammer. Parmi ses nombreuses apparitions dans le genre, on peut citer « Le crâne maléfique », « Le masque de Fu-Manchu » ou encore « Countess Dracula ». Fomentant de sombres complots afin de contrôler le marché mondial du pétrole, voilà un méchant digne de ce nom, retranché dans un château dominant une station balnéaire d’Italie, en compagnie de ses pulpeuses amazones et d’un garde du corps mongol (le fameux Milton Reid qui incarna moult fois ce genre de prestation) fort peu sympathique. Après de savoureuses joutes verbales, l’affrontement entre le héros et son principal ennemi se déroulera sur un échiquier géant dont les pièces se déplacent grâce une télécommande. Une partie d’échecs grandeur nature qui constitue le point d’orgue de ce film qui, s’il s’avère moins délirant que la série des « Flint » avec James Coburn, n’en est pas moins réussi et demeure l’une des meilleures « contrefaçons » de James Bond réalisées.
Pourtant, Ralph Thomas, metteur en scène d’après-guerre, ne semblait pas le plus qualifié dans ce domaine. Ce cinéaste britannique, qui commença sa carrière après la Seconde Guerre Mondiale, n’a réalisé essentiellement que des comédies, notamment toute une série de longs métrages avec comme personnage central le Dr Simon Sparrow, avec Dirk Bogarde dans les premiers opus. Cela explique pourquoi « Plus féroces que les mâles » lorgne en plusieurs occasions vers la comédie, par exemple avec cette opposition de caractère entre les deux tueuses : une Elke Sommer froide et méthodique, et une Sylva Koscina nymphomane et kleptomane (un duo qui fait des étincelles durant tout le film, pour aboutir à un véritable feu d’artifices). Opposition de style et de caractère également avec ce duo improvisé et forcé que Drummond va devoir assumer avec l’arrivée inopinée de son neveu, sympathique mais terriblement embarrassant.
« Plus féroces que les mâles » remplit son quota en matière de spectacle, moins « gadgets » que les premiers Bond, mais plus glamour, avec, aux côtés d’Elke Sommer et Sylva Koscina, les fort jolies Suzanna Leigh (« Le peuple des abîmes », « Lust for a Vampire ») et Virginia North (« L’abominable Dr Phibes »). Si la bande originale n’est pas remarquable, elle restitue bien l’ambiance du film en général. On doit cette partition à Malcolm Lockyer, qui composa pas mal de BO pour le cinéma fantastique : « Dr Who and the Daleks », « L’île de la terreur », « Night of the Big Heat »…
Deux ans plus tard, Ralph Thomas réalisera une suite des aventures de « Bulldog » Drummond, « Some Girls Do », toujours avec Richard Johnson, mais sans Elke Sommer et Sylva Koscina, remplacées par d’autres superbes créatures : Daliah Lavi, Beba Loncar, Yutte Stensgaard, ainsi que Sydne Rome, pour sa première apparition au cinéma.
Quant à Richard Johnson, il entamera une seconde carrière durant les années 70 dans le cinéma-bis, à travers des œuvres comme « Le Démon aux tripes », « Emilie, l’enfant des ténèbres », « Le continent des Hommes-Poissons » et « L’enfer des zombies ». Un mariage avec le 7e Art pour le meilleur, et pour le pire…
Genre : parodie
Pays d'origine : Etats-Unis
Réalisateur : John Landis
Distribution : Saul Kahan, Eliza Roberts, Charles Villiers, John Landis, Harriet Medin
« Si un jour je découvre la chose ou l’être responsable de çà, ça va chier de la merde dans les chaumières ! » C’est par cette tirade, lancée par le détective-sergent Wino (petit, coupe de cheveux à la Bozo et imperméable Columbo) que démarre le film. A ses côtés, un grand dadais de flic aux oreilles décollées observe le carnage qui vient de se produire : les meurtres sauvages de 239 personnes dans un parc de loisirs. Dans cette petite bourgade tranquille des Etats-Unis, près de 800 victimes ont ainsi été recensées en l’espace de trois semaines. Pourtant, on n’a pas affaire, en l’occurrence, à un tueur en séries, ni à un groupuscule terroriste. Non, en fait, le responsable de ce massacre n’est autre que le Schlockthropus (Schlock pour les intimes), c’est-à-dire le chaînon manquant, un singe anthropoïde issu de la préhistoire, pris dans les glaces durant l’ère quaternaire, et qui se réveille donc, un peu perdu il faut l’avouer, en cette fin de XXème siècle.
Pourtant, il n’est pas méchant notre ami Schlock, au fond. Il lui faut juste le temps de s’adapter à son nouvel environnement, et à ses êtres étranges que sont les humains. En attendant, le « tueur à la banane », surnommé ainsi par la presse à sensations, poursuit tranquillement son chemin, semant le trouble et la panique partout où il passe. Jusqu’à ce qu’il tombe sur Mindy, une jeune américaine grassouillette aveugle, qui doit bientôt recouvrer la vue. Schlock tombe amoureux !
Lorsque l’on se penche sur la filmographie des réalisateurs renommés, on se rend compte que certains ont débuté avec de petites œuvres fort sympathiques. On pourrait citer par exemple « Seizure la Reine du Mal », d’Oliver Stone, ou encore « Dark Star », de John Carpenter. Ce n’est pas un hasard si les deux cinéastes cités, ainsi que John Landis, sont issus de la même génération, et si les trois films sont sortis dans un laps de temps rapproché. Cette période du début des années 70 fut particulièrement faste en jeunes réalisateurs surdoués et qui, avec peu de moyens, compensèrent largement ce déficit financier par une imagination débridée et sans limites.
« Schlock » est avant tout une parodie, doublé d’un hommage évident à « King-Kong », mais où les clins d’oeil affluent : « La Belle et la Bête » de Cocteau, « 2001 L’Odyssée de l’Espace » de Kubrick, de même que l’âge d’or du cinéma muet, et notamment les films de Laurel et Hardy. Landis (qui joue le rôle de Schlock, dont le masque fut conçu par le talentueux Rick Baker) se permet également une incartade dans un cinéma dans lequel passent deux classiques du cinéma fantastique : « Blob, Danger planétaire », et « Dinosaurus, les Monstres de l’Ile en Feu », où l’on retrouve parmi les spectateurs un certain Forrest J. Ackerman pour un sympathique cameo.
Si « Schlock » n’est pas un film sans défauts, il ne faut pas oublier que John Landis n’avait que vingt trois ans à l’époque, ce qui ne l’a pas empêché de bien maîtriser son sujet, et de jongler habilement entre la parodie (humour potache) et l’hommage aux films de genre (ambiance « drive-in movies »). Qu’importe les stéréotypes (flics stupides, teen-agers insouciants), « Schlock » accumule les scènes drôles : Mindy qui, aveugle, croit que Schlock est un chien et lui lance inlassablement un bâton ; Schlock qui débarque dans une station-service, voit l’enseigne représentant une banane, annonçant le lien avec le monolithe de « 2001… » et un gag savoureux dont sera victime un pauvre hippie qui ne demandait rien. Et puis, il y a le duo au piano avec un (autre) aveugle pour un boogie endiablé ; sans oublier le final (dramatique, cette fois) au bal des étudiants.
Comme ce fut parfois le cas dans ce genre de films (« Doc Savage arrive » par exemple), le métrage s’achève en annonçant une fausse suite qui ne se tournera jamais, en l’occurrence « Son of Schlock ».
En dehors de John Landis, impossible à reconnaître dans son costume de singe, mais très bon dans sa gestuelle et ses expressions, on notera la présence de Harriet Medin au sein d’un casting composé d’une majorité d’inconnus. Miss Medin incarna l’archétype de la gouvernante inquiétante dans un grand nombre d’œuvres gothiques durant les années 60, comme « L’Horrible Secret du Dr Hichcock », « Le Spectre du Dr Hichcock », « Le Corps et le Fouet », « Six Femmes pour l’Assassin » et « Les Nuits de l’Epouvante », excusez du peu.
Ici, elle joue la mère de Mindy, un rôle bien différent où elle montre également un talent pour la comédie, et qui se confirmera notamment un peu plus tard dans « La Course à la Mort de l’An 2000 ».
Si vous avez l’occasion de voir « Schlock », vous ne manquerez pas de remarquer le « délire » de John Landis à propos d’un film inventé : « See you next Wednesday » (« On se voit mercredi »). Ce gag deviendra récurrent dans les œuvres futures du metteur en scène, puisque l’on verra furtivement des affiches de « See you next Wednesday »au détour d’une scène du « Loup garou de Londres », par exemple, ou de « Série Noire pour une Nuit Blanche ».
Genre : Thriller métaphysique
Année : 1965
Pays d'origine : Espagne
Réalisateur : Vicente Aranda
Distribution : Teresa Gimpera, Antonio Ferrandis, Marcos Martin, Alberto Dalbès, Marianne Benet, Antonio Casas
Dans un teaser réalisé à la façon d’une bande dessinée, un commissaire de police rappelle un fait survenu en 1965 : le meurtre d’Ursula Alejandra Aviexa, une très belle femme. Selon le policier, l’assassin, dont l’identité demeure inconnue, s’apprête à frapper de nouveau. On ignore où et quand, et qui sera la prochaine victime. Mais celle-ci sera encore une fois une jolie femme, car le tueur s’en prend à la beauté.
Le flic chargé de retrouver la future cible du meurtrier s’appelle J.J. Pour lui commence à présent une course contre la montre.
La femme qu’il recherche s’appelle Gim, blonde à l’aspect fragile et qui vend son image à travers des spots publicitaires. Elle vit dans une grande cité qui, pour des raisons inconnues, doit être évacuée. Alors que la grande majorité des habitants ont déserté la ville, certains ont choisi de rester, pour des raisons personnelles.
Gim, par exemple, ne veut pas partir car l’homme qu’elle aime, Alvaro, fait partie de ceux qui n’ont pas tenu compte des consignes d’évacuation. Il réside dans une belle propriété avec Miriam, dont la santé mentale demeure encore fragile suite à la mort de Jerry, son ex-amant. La situation est délicate pour Alvaro, à la fois amoureux de Gim, et incapable d’abandonner Miriam.
Parmi les autres habitants encore présents dans l’enceinte de la cité, on trouve une bande de cinq adolescents « à problèmes », et un expert en criminologie : le Professeur. Ce dernier est le lien entre Gim et J.J., la seule personne capable d’empêcher la jeune femme d’être la prochaine victime et de permettre au policier de confondre l’assassin.
Surtout connu pour « La Mariée Sanglante », sa déroutante adaptation du roman de Sheridan Le Fanu, « Carmilla », Vicente Aranda s’est lancé tardivement dans la mise en scène avec un premier long métrage : « Fata Morgana ». Un film bien étrange, assez hermétique, dans la droite ligne de la Nouvelle Vague espagnole. Une première œuvre sous influence, à certains moments, de Luis Bunuel, dont Aranda s’annonce comme l’un des héritiers. « Fata Morgana » baigne aussi dans le surréalisme, et l’on ne peut s’empêcher de penser également à Arrabal ou Jodorowsky. Sauf que chez Vicente Aranda, la violence et le délire sont épurés à l’extrême. Ce qui surprend, à la vision du film, c’est son aspect très dépouillé dans la forme, par rapport au fond, particulièrement complexe.
Le réalisateur a choisi pour trame une histoire policière, une sorte de thriller basé sur le postulat que dans toute société, certaines personnes naissent victimes, et d’autres sont nées pour tuer. Le personnage du Professeur est capital, car c’est à travers son étude de la compréhension des criminels que l’on parvient à saisir la démarche de Vicente Aranda. Il s’intéresse à la psychologie de certains tueurs en séries, obsédés par la beauté et le fait de vouloir la posséder à travers l’autre. S’ils ne peuvent la posséder, ils n’ont d’autre alternative que de la détruire. Si la beauté peut susciter la convoitise (à travers le personnage d’Alvaro), elle peut tout autant attirer la haine.
Si la victime est innocente, elle est cependant « coupable » de vulnérabilité naturelle, provoquant ainsi un sentiment d’incitation à la violence chez le criminel. Gim possède toutes les caractéristiques de la victime ainsi désignée. Elle n’a pas conscience du danger qui la menace, et c’est pourquoi le Professeur va l’aider à éveiller sa conscience, par le biais de rencontres improvisées, où, sous le couvert d’un déguisement différent à chaque fois, le criminologue aura pour mission d’appliquer sa méthode, à savoir faire accepter ses peurs à la jeune femme, et les surmonter.
Le subterfuge du déguisement n’est pas innocent. Derrière de faux-semblants, le cinéaste cherche à nous montrer que la réalité que nous voyons à travers nos yeux, et que nous pensons être vraie, peut être un leurre. Outre la relation entre le tueur et la victime, Aranda jongle aussi sur le rêve et la réalité, le désir et le besoin, et forcément la vie et la mort.
Cette étude du comportement humain n’est pas toujours facile à suivre, mais l’originalité du metteur en scène consiste à l’avoir placé dans un contexte d’anticipation. A style épuré, décor également dépouillé. Cette grande ville (Barcelone ?) en partie déserte donne au film des allures de polar post-apocalyptique. Une impression de vide gigantesque accentuant l’impression de malaise, de mystère et d’incertitude qui règne dans « Fata Morgana ».
Evidemment, comme souvent dans un film « expérimental » (car c’en est un), les défauts ne sont pas exempts. La faible part laissée à l’action, la violence tangible mais non visible et le caractère presque irréel des personnages (à l’exception du policier) confèrent à l’œuvre une aura un peu trop abstraite. Cela donne parfois lieu à quelques séquences mémorables, notamment lorsque le Professeur donne rendez-vous à J.J. au milieu d’un stade entièrement vide. Le criminologue a le visage et les mains recouverts de bandelettes, le déguisement ultime laissant entendre que son personnage importe peu, mais que seul compte son message. Un message intimant au policier de sauver Gim. Et de ce fait, il montre une photo de la fille à J.J., en ajoutant : « Ce que je vous montre est un meurtre qui n’a pas été encore commis ».
La scène racontant la façon dont Miriam se rappelle la mort de Jerry est aussi très curieuse, retrouvant son amant allongé dans la neige, le visage recouvert de glace, comme effacé, ce qui nous conduit à se poser la question de savoir s’il a réellement existé.
Oui, « Fata Morgana » est une œuvre pour le moins déconcertante, croisement de plusieurs genres, tout comme « La Mort a pondu un Œuf » de Giulio Questi. On peut reprocher à Aranda d’avoir conclu son histoire de façon abrupte, trop hâtive, et de laisser ainsi le spectateur sur sa faim. Mais on a là un véritable film d’auteur, servi par de bons acteurs, parmi lesquels on reconnaîtra un Alberto Dalbès qui deviendra familier dans l’univers de Jess Franco.
Titre original : In Like Flint
Genre : Espionnage, Parodie
Année : 1967
Pays d’origine : U.S.A.
Réalisateur : Gordon Douglas
Distribution : James Coburn, Lee J. Cobb, Jean Hale, Andrew Duggan, Steve Ihnat, Yvonne Craig…
Alors que le super-agent Derek Flint coule des jours heureux avec ses trois nouvelles femmes (les cinq précédentes s’étant depuis mariées), Lloyd C. Cramden, patron de la Zonal Organization World Intelligence Espionage (Z.O.W.I.E.), doit faire face à une énigme impossible à résoudre. Tandis que le chef des services secrets, invité par le Président des Etats-Unis à une partie de golf, chronométrait le swing du chef d’état, il est apparu que l’appareil indiquait trois minutes, alors que la logique aurait voulu qu’il se soit écoulé trois secondes, tout au plus.
En réalité, Cramden, le Président et sa garde rapprochée ont été neutralisés par un gaz paralysant dissimulé dans une balle de golf. Un poison ayant aussi pour effet d’effacer la mémoire, ce qui explique le profond trouble de Cramden. Trois minutes se sont donc effacées de sa mémoire, durant lesquelles une organisation a enlevé le Président des Etats-Unis, le remplaçant par un parfait sosie. Cette organisation a pour nom « Femme Fatale », elle est située sur un îlot du Pacifique, à quelques kilomètres d’une base militaire américaine doublée d’un centre spatial, dans les Iles Vierges. Sous une couverture d’institut de soins esthétiques et de remise en forme, « Femme Fatale » cache en réalité un consortium exclusivement féminin qui envisage de renverser les gouvernements du monde entier afin de transformer la planète en matriarcat. Pour arriver à ses fins, l’organisation a doté tous ses sèche-cheveux d’un appareil conditionnant le sujet. Bientôt, toutes les femmes seront endoctrinées, et se rallieront à la cause de « Femme Fatale ». Sauf si Derek Flint décide de s’en mêler…
Deux ans après « Notre homme Flint », le meilleur des agents secrets reprend donc du service, pour une seconde et dernière fois. On retrouve dans ce nouvel opus les ingrédients qui faisaient le charme du premier film : un héros infaillible, séducteur et décontracté, une espionne craquante, et un décor de rêve (îlot du Pacifique) servant de cadre à la base des méchants. La réalisation en a cette fois été confiée à Gordon Douglas. D’abord acteur durant la première moitié des années 30, l’homme est ensuite passé à la réalisation. Il s’est essayé à plusieurs genres, comme la science-fiction (« Des monstres attaquent la ville », 1954), mais c’est à partir des années 60 qu’il accroît sa notoriété, dans le polar, à travers trois œuvres mettant en vedette Frank Sinatra : « Les 7 voleurs de Chicago », « Tony Rome est dangereux » et « La femme en ciment ». Il tourne encore deux films importants en 1970 : « Appelez-moi Monsieur Tibbs », avec Sydney Poitier, et « Barquero », avec Lee Van Cleef.
A l’instar de « Notre homme Flint », « F comme Flint » ne comporte pas de grosses vedettes, si l’on excepte évidemment James Coburn, et à un degré moindre Lee J. Cobb. Tout juste peut-on dire que Jean Hale, la coordinatrice de charme de « Femme Fatale », a joué dans « Le massacre de la St-Valentin », de Roger Corman ; Andrew Duggan a eu une longue carrière dans la télévision (mais on a pu le voir aussi dans « Le monstre est vivant », de Larry Cohen) ; enfin, Yvonne Craig (la danseuse étoile) connut son heure de gloire grâce au serial « Batman » aux côtés d’Adam West, dans lequel elle incarnait Batgirl. L’actrice a également joué dans « Mars needs Women », de Larry Buchanan.
Mais qu’importe la renommée des seconds rôles, puisqu’avant tout le film repose sur la performance de James Coburn, une fois encore magistral. On a vraiment le sentiment qu’il endosse une seconde fois la tenue de Derek Flint avec un réel plaisir. Un plaisir partagé par le spectateur qui assiste, pendant 1H45, à un festival de l’acteur. On savait, après le premier opus, que l’espion excellait dans des domaines aussi nombreux que variés. Cette fois, on apprend que l’homme est capable de communiquer avec les dauphins, et qu’il écrit des ouvrages scientifiques (il finalise dans le film un traité sur l’isomérie). Mais la cerise sur le gâteau, en dehors des langues étrangères qu’il maîtrise toujours autant et des gadgets qu’il confectionne, est sans aucun doute son passage au Bolchoï en tant que danseur étoile, lors d’un spectacle à l’Opéra de Moscou qui lui permet de rencontrer ainsi la prima ballerina Natasha, une ancienne conquête à qui il veut soutirer des informations. Et quoi de plus simple pour l’agent secret, effectivement, que de figurer dans le ballet, au nez et à la barbe du KGB qu’il ne manquera pas de ridiculiser au cours d’une poursuite mémorable sur les toits de Moscou, avant de s’envoler pour Cuba déguisé en révolutionnaire local !
Flint est l’agent secret ultime (secret en théorie, vu que le simple fait de le nommer provoque une lueur de convoitise au sein de la gent féminine), et son érudition n’a d’égal que son sens de l’improvisation. Afin de sauver la planète, il n’hésite pas à enfiler une tenue de cosmonaute pour affronter un général félon s’étant emparé d’une fusée avec à son bord des ogives nucléaires. Inutile de préciser que notre espion préféré aura le dernier mot, et qu’il pourra goûter un repos bien mérité dans une station orbitale, en compagnie de deux charmantes spationautes soviétiques.
« F comme Flint » reste donc dans l’esprit de « Notre homme Flint », à savoir celui d’une parodie d’espionnage bourrée d’humour et d’action, de gadgets incroyables (ici, une boucle de ceinture/diapason capable d’émettre des ultra-sons, et qui sauvera notre héros en deux occasions), de jolies filles et de dialogues savoureux. Lorsque Flint apprend que le Président des Etats-Unis a été remplacé par un acteur ayant subi des opérations de chirurgie esthétique, il ne peut que répondre avec un air dépité : " Un acteur président ! "
Quatorze ans plus tard, Ronald Reagan deviendra Président des Etats-Unis…