
 
				Et  mon Marcéou, ramenait toujours le même gibier. Il avait dû faire des  achats chez le quincaillier pour ne pas tomber à court de munitions. Le  quincaillier s'en étonnait d'ailleurs :   - ho, marcéou, què mé dies aqui ? (salut Marcel, qu'est-ce que tu me dis là ? )   - et bien il me faut encore un peu de poudre, et du plomb de 5 qui fait 6 à Marseille (très longue histoire sur la dimension des  plombs, mais cela n'intéressera personne) et des amorces.   - pour les bourres tu veux koâ ?   Le  quincaillier essayait toujours de vendre ses bourres, mais entre le  journal qui ne coûtait rien et les bourres payantes il ne faisait pas  le poids.   - je me démmerde !   - oui,  mais c'est mieux pour ton fusil, la pression est plus régulière, un  jour il va te péter dans la tronche, il est vieux tu sais, et puis j'ai  de bons fusils d'occasion si tu veux, avecque* les cartouches modernes.   - pupu, pu, putaing comme tu le prends ! -  oh, oh, oh, mon fusil il est à moâ et je l'aime, d'accord ? Le moderne  m'en fouti (je m'en fous) et puis j'ai pas de ronds (les sous),  alors !!! et en plus mon fusil il m'aime aussi.

    allez, Zou, file-moi ce que je t'ai demandé et basta !      J'ai  oublié de vous dire qu'ils bégayaient tous les deux, légèrement mais  lorsque le ton est plus rapide vous savez ce qu'il se passe entre deux  bègues.    Cette anecdote est vraie. 
Les  munitions en poche Marcéou reprit ses activités de chasse. Il ne  faisait pas que chasser ce bougre, il était journalier, oui, vous savez  les gens qui louent leurs bras pour toutes sortes d'activités  (non,  pas pour soulever la fonte le soir dans la salle de Gym, franchement  vous avez de drôles d'idées), mais le plus communément pour les travaux  des champs, ou alors un peu comme manœuvre dans la maçonnerie. La  maçonnerie à l'époque c'était beaucoup du rafistolage, les maisons ne  poussaient pas comme des champignons AnglOis.   Un coin de toiture par ci, une fente de citerne par là,  juste des travaux d'entretien.   Marcéou,  ne chassait pas tous les jours donc, mais dès qu'il avait un moment de  libre, il retournait à son coin et canardait pies et geais. L'Adèle lui  avait demandé de ramener autre chose, une lébrasse* par exemple, des  lapins, bref n'importe quoi d'autre, une cuisse de Tyrex, « attention  Tyrex boiteux , te bouffe en moins de deux ».   Elle en avait marre de plumer ces volatiles, en plus c'est plein de pépidons.*   Elle cachait bien les plumes dans la poubelle, car ce n'était pas des plumes de grives.   Elle  donnait les oiseaux plumés et vidés à son entourage, proche et moins  proche, mais comme monnaie d'échange pour ses ragots, cela n'était pas  terrible.   Vous  savez, avec deux douzaines de grives , vous pouvez avoir des secrets de  confessions, par la bouche même du curé. Et oui, notre curé était un  épicurien, pas un moinillon maigre et grand comme une asperge sauvage  qui se nourrit de quatre prières et d'un verre d'eau bénite et d'une  salade de régardéli.*   Non,  le nôtre était un bon curé bien gras, au bord de l'asphyxie  vasculaire,  qui ne ratait pas une occasion pour s'en mettre plein le  bedon, mais je n'en dirais pas plus, ses enfants auraient bien d'autres  choses à vous raconter... *pépidons : petits poux, comme chez les poules d'ailleurs. *régardèli : salade sauvage un peu "raide"
.../...
*lébrasse :  un  gros lièvre, grosse lèbre, la lébre est féminin dans le Var, au même  titre que la platane (oui c'est vrai) demandez à Nadine de Trans.  
