Aujourd'hui
pour Guiseppe la chasse était très bonne, des grives par dizaines
passaient au dessus de sa tête. Bien que piètre tireur sa gibecière
était presque pleine, mais les munitions commençaient à baisser,
surtout les plombs, mais Guiseppe pensait aux nombreux pâtés que
Joséphine sa femme allait pouvoir réaliser.(ben oui, niet congélo à
l'époque)
Tout d'un coup la grenaille de plomb vint
à manquer, zut et re zut, je ne peux pas vous transcrire les injures en
italien qui suivirent.
Mais Guiseppe n'était pas à court d'idée, avec son gros couteau il
arriva à arracher les clous de ses semelles, les souliers étaient tous
cloutés à l'époque, c'est vrai le projectile était assez peu adapté,
mais cela fonctionnait un peu et quelques autres grives vinrent
s'ajouter aux autres.
Giuseppe en était quitte pour rentrer pieds nus, il ne fallait pas
abîmer les chaussettes et il serait quitte pour faire ressemeller ses
chaussures.
Les clous vinrent aussi à manquer. Il se rappela qu'il lui restait de
vielles pois chiches sèches au fon du "carnier", bon se dit-il, on
verra bien.
Il venait juste de recharger avec des pois chiches lorsque un chevreuil passa à portée de tir.
L'occasion était trop belle, mais extraire les pois chiches d'un fusil
à bourrer était impossible, il aurait pu mettre les boutons en fer de
sa vareuse, mais trop tard.
Il épaula, ajusta et tira en visant soigneusement la tête. L'animal perçu quelques picotements et parti à toute allure.
Giuseppe désolé d'avoir râté ce gibier de choix, quitta son poste et
rentra avec sa "cargaison de grives" pieds nus à la maison, les
souliers autour du coup.
Le lendemain matin au café il raconta sa mésaventure en provençal mélangé de français et d'italien.
Ce fut une franche rigolade pendant de longues minutes, personnes croyait Giuseppe, le "chasseur aux pois chiches".
Chaque fois qu'il venait boire son café il y avait droit :
- oh tu gardes toujours tes pois chiches dans les poches on sait jamais.
Bref il supporta cela toute une année.
Cet automne là il jouait aux cartes le dimanche se faisant chambrer
comme d'habitude. Tout d'un coup un chasseur entra et s'écria "je viens
de voir le chevreuil de Giuseppe"
- et alors ?
-Bé il y avait deux plantes de pois chiches à la place des bois sur la tête.
Certains rient encore d'autres sont "morts" de rire ce jour là à force de s'estrasser* . Personne ne cru le chasseur, et Giuseppe qui croyait sa délivrance arrivée par cette nouvelle, en reprit une "couche" ce jour là. Depuis cette blaque fait le tour du Var.
*S'estrasser : se tenir les côtes de rire, une estrasse est aussi un mauvais bout de chiffon