C’est le terme qu’a utilisé le Sarthois lors du débat d’entre-deux-tours avec Alain Juppé. François Fillon veut par exemple transférer une partie de la couverture de la Sécurité sociale aux assurances et aux mutuelles, comme l’explique l’ancien premier ministre dans un document de seize pages consacré aux questions de santé.
Concrètement, seules les affections graves ou de longue durée (ALD) seraient prises en charge : accident vasculaire cérébral invalidant ; insuffisance cardiaque grave ; diabète ; maladie d’Alzheimer et de Parkinson ; paraplégie… C’est ce que le candidat appelle le « panier de soins solidaires », dont sont exclus « les soins de confort et la “bobologie” ».
Aux complémentaires échoirait « le reste, le panier de soins individuel ». Ce transfert au privé de la prise en charge des soins courants a suscité l’indignation de la ministre de la santé, Marisol Touraine :
Le candidat concède toutefois que ceux qui n’ont pas accès à l’assurance privée puissent bénéficier d’« un régime spécial de couverture accrue ».
Autre point majeur du programme « santé » de François Fillon, les Français seraient davantage mis à contribution. Selon la ministre de la santé, les propositions du candidat de la droite engendreraient un surcoût de 3 200 euros par an pour chaque foyer (un chiffre obtenu en prenant le montant total de l’Ondam, 190 milliards d’euros, en soustrayant la part des affections de longue durée, 100 milliards d’euros, et en divisant le reste par les 28 millions de foyers français).
Cette mise à contribution passerait par :
L’hôpital est aussi dans la ligne de mire de François Fillon, avec un retour annoncé aux trente-neuf heures de travail sans contrepartie annoncée :
« L’application des trente-cinq heures et sa gestion comptable du temps de travail à l’hôpital ont été une source de désorganisation majeure. »
On sait aussi que la suppression des 500 000 postes de fonctionnaire touchera la fonction publique hospitalière… sans qu’on connaisse exactement la proportion. Le candidat de droite insiste en outre sur la « complémentarité », la coordination entre public et privé, qui passe notamment par un renforcement du parcours de soins et une « médecine connectée ».
Mais cette « interopérabilité » a-t-elle des chances de convaincre des hôpitaux où les moyens seront réduits et des libéraux qui, comme le reconnaît François Fillon, « craignent une fonctionnarisation rampante qui rigidifierait encore davantage leurs pratiques pourtant déjà très encadrées » ?
Les solutions alternatives proposées comme faire retravailler des médecins retraités dans les « territoires déficitaires où ils se seraient retirés » et l’augmentation des maisons de santé sont, elles, déjà mises en œuvre.
« Nous allons remettre sur le métier tous les éléments de son programme, dont la santé », s’il est désigné candidat, avait dit aux Echos la semaine dernière Dominique Stoppa-Lyonnet, porte-parole santé de François Fillon. La professeure de génétique à l’université Paris-Descartes a d’ores et déjà écarté certaines propositions : « Il est possible que nous renoncions à cette franchise universelle pour revenir à un système plus classique. »
Quant à la fin du remboursement des actes courants par la Sécurité sociale, c’est un thème récurrent à droite : déjà en 2002, le président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, Jacques Barrot, estimait qu’il fallait « différencier risques lourds et petits risques » et qu’il convenait « de responsabiliser les Français sur les petits risques afin de pouvoir perpétuer la solidarité nationale sur les risques lourds, c’est-à-dire être tous traités de la même manière pour ceux-ci ».
Mais personne n’a jamais réussi à définir la catégorie des « petits risques » : Jean-François Mattéi, ministre de la santé à l’époque, s’était d’ailleurs refusé à faire cette distinction. Dominique Stoppa-Lyonnet évoque parmi les risques légers « le désordre digestif temporaire, la grippe – encore qu’une grippe peut être dramatique », et explique finalement que « tout cela sera à définir en concertation ».
D’autant qu’afin de contrôler la mise en place de cette nouvelle couverture, il faudra commencer par créer une nouvelle instance, une « agence de contrôle et de régulation de l’assurance-santé privée », bénéficiant d’une délégation de service public, pour définir un contrat type avec les assureurs. Enfin, il faudrait savoir aussi si le monde mutualiste pourra supporter ce transfert massif de compétences sans être profondément déstabilisé : les mutuelles ont des frais de gestion quatre fois plus élevés que l’Assurance-maladie.
Le smartphone, un compagnon de tous les instants. A Londres, en septembre 2016.
REUTERS/Stefan Wermuth
En 2017, la France a un petit plus qui exerce une certaine fascination sur la presse étrangère. Le droit à la déconnexion pour les salariés, prévu dans la loi Travail, qui entrait en vigueur ce dimanche.
"Ce mail de votre boss à 22h00? Vous avez le droit de l'ignorez. Ce collègue qui vous pose 'une petite question' le samedi? Lui répondre lundi suffira. Si vous êtes en France", s'amuse par exemple le Washington Post.
"C'est la seule mesure dans l'ensemble des nouvelles règles sur le travail qui n'ait pas provoqué de protestations et de grèves massives", relève la BBC, qui consacrait dès samedi un article au sujet. Tout en remettant en avant un article de mai dernier dans lequel des salariés français doutent de l'applicabilité de ce nouveau droit.
LIRE AUSSI >> Droit à la déconnexion: comment peut-il s'appliquer?
Le site d'information américain NPR.org, qui se réjouit de cette "expérimentation" en France, cite une étude de l'université canadienne de Colombie-Britannique selon laquelle la consultation continuelle des emails professionnels peut contribuer au stress, ainsi qu'une autre étude de l'université du Colorado, selon laquelle le simple fait de s'attendre à recevoir un email contribue à l'épuisement des salariés.
Le site australien The New Daily va jusqu'à parler d'une "loi fondatrice." Selon une chercheuse qui a travaillé sur l'invasion de la vie personnelle et familiale par les emails professionnels, "c'est une question importante, qui transforme l'expérience professionnelle d'un bon nombre de salariés australiens." Cette dernière assure au New Daily que l'Australie devrait faire passer sa législation "au 21e siècle."
Le Guardiancite quant à lui une spécialiste britannique, qui remarque que les salariés ne sont pas près à renoncer à la flexibilité du travail à distance: "Certains préfèrent travailler deux heures le soir de chez eux pour être avec leurs enfants en fin d'après midi."
Cette universitaire reconnaît néanmoins que cette flexibilité rend plus difficile de se dire "off." Ce qui devient un nouveau "challenge" pour les salariés. Selon elle, la loi française a le mérite de mettre le sujet sur le tapis.