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Non peut-être ?

Oui sans doute ?

F. et son boulot, partie 1 Posté le Lundi 18 Septembre 2006 à 15h16

Quelques mois après mon retour d'un rude voyage à la que-je-te-le-fais-à-la-dure-avec-mon-sac-à-dos en Inde et d'un encore plus rude retour à la réalité à la ah-si-j'avais-su-je-n'aurais-certainement-pas-repris-de-cet-excellent-poisson-vindaloo-car-ça-ne-m'aurait-pas-bousillé-les-intestins, je fus engagé un peu sous la contrainte et sous la crainte de devoir dormir sous les ponts.

Il faut préciser que D. avait commencé à travailler pour une institution internationale assez connue sur Bruxelles peu de temps auparavant, et que si la perspective de profiter d'un train de vie de prince saoudien nous avait donné une confiance aveugle dans l'avenir, nous n'avions pas trop tardé à déchanter.

 

Les débuts européens de D. se révélaient prometteurs mais il ne se déroula que très peu de temps avant qu'apparaissent les premières jalousies de bureau, syndrôme souvent inhérent à la gent féminine, et que l'ambiance se dégrade au plus haut point. Il y eut de l'intrigue à la cour, au point qu'une heure avant un entretien qui devait éventuellement déterminer mon avenir professionnel des trois années suivantes, je fus sommé de devenir l'élu, nos vivres risquant de se réduire sensiblement dans un délai qui pourrait être qualifié de court à très court.

 

Donc ce jour-là, j'accomplissais avec flegme ma énième mission d'intérim pour une entreprise qui faisait régulièrement appel à mes talents limités, un lobby de pièces détachées automobiles, dont S., la secrétaire générale, une germanico-sympathico mais très stressée  bonne femme avait les cheveux qui se dressaient sur la tête à la simple idée de devoir me confier son standard téléphonique pour la matinée, le temps d'une assemblée générale.

Cette journée s'annonçait bien car j'avais reçu la veille un coup de téléphone pour me prévenir que les premiers tests que j'avais passés à la --- quelques temps auparavant s'étaient révélés concluants et que j'avais décroché l'entretien espéré à quatorze heures trente précises. J'avais donc reçu l'autorisation bienveillante de S. de me rendre à cette entrevue, à l'unique condition d'être revenu pour seize heures trente, mais surtout pas plus tard car on aurait besoin de ma présence...

 

La journée était donc ficelée aux petits oignons : ne disposant pas de véhicule, j'avais prévu l'arrivée d'un taxi une heure avant mon rendez-vous. Un entretien qui se passe bien durant généralement une heure, je devrais être sorti de là pour quinze heures quarante-cinq dans le pire comme dans le meilleur des cas ; prévoir une grosse demi-heure pour le trajet de retour, on reste dans la moyenne et tout va bien.

Mais allez savoir pourquoi, il est parfois de ces journées durant lesquelles tout est parfait, tous les événement s'imbriquent idéalement, à un tel point que le soir, on se demande si une petite fée veille sur nous...

Mais ces jours-là n'arrivent malheureusement pas trop souvent.

  

13h25 : Je suis toujours dans le bureau de J., l'assistante de S. qui est à cinq minutes du début de l'assemblée générale. Tout le monde est à son poste et on n'attend plus que G.R., le directeur général teuton du lobby pour lancer la présentation. 

Ce jour-là, j'apprends le sens littéraire, voire concret de l'expression «tension palpable». Je commence à me préparer mentalement pour l'entretien

  

13h26 : D. me téléphone pour m'annoncer que son contrat, bientôt arrivé à terme, ne sera pas renouvelé... Pas à dire, ça commence très fort ! Pas vraiment intérêt à dire n'importe quoi durant ce rendez-vous. Pourvu que ça marche, pourvu que ça marche...

  

13h29 : Je suis sur le point de m'en aller alors qu'un dernier coup de téléphone de G.R. me retient sur place. Fidèle à son habitude, il a attendu le dernier moment pour tenter de m'expliquer dans un anglais approximatif teinté d'un improbable accent germanique qu'il est paumé quelque part, je n'ai pas compris l'endroit exact, peut-être à Munich, peut-être à Hawai ou encore au coin de la rue... J'ai un sentiment d'inachevé, mais d'accord, je vais faire mon possible pour prévenir S.

  

13h34 : Je descends à la salle de réunion, mon taxi est là, mais S. a déjà débuté sa présentation... Je demande au chauffeur de patienter, j'entre discrètement par le fond de la salle et essaie désespérément d'attirer l'attention de S. par des gesticulations voyantes, diverses et explicites...

S. me remarque et se demandant ce qui se trame, donne un coup de coude à J., qui l'air affolé, me désigne la porte du menton. On se retrouve dans le couloir et je lui rapporte mon semblant de conversation avec G.R.. Caca nerveux et là-dessus arrive G.R. qui ne devait pas être coincé bien loin et qui a l'air réjoui de se retrouver parmi nous. G.R salue tout le monde, prend place, et satisfait du devoir accompli, je monte enfin dans mon taxi. Il est 13h48. Notre destination est à une demi-heure de là, on a du jeu et je profite de cet instant de répit pour me perdre dans mes pensées.

  

14h18 : on est encore loin d'être arrivés, je n'avais plus pensé que la circulation à Bruxelles s'apparentait  à un purgatoire. J'ai une poussée d'admiration sincère pour mon père qui a longtemps roulé en taxi. Maintenant je comprends mieux son côté zen et débonnaire. Un peu masochiste aussi, c'est certain...

Je prévois d'arriver avec quinze minutes de retard, et comme il est de coutume de le faire, je retrouve le numéro de téléphone du secrétariat, je mets des gants de velours à ma voix pour prévenir de mon probable retard mais il n'y a personne à l'autre bout du fil.  Déçu et affolé, je passe des minutes très très longues ...

 

14h43 : Le navire est à quai ! Je me jette hors du taxi, et dans mon costume que je n'ai pas l'habitude de porter, je ne sais pas pourquoi mais je me sens soudain comme Julien Courbet, sûr de moi, rempli de panache et d'esbrouffe, prêt à les bouffer tout crus...

 

Je me confonds en excuses devant la secrétaire qui ne répondait pas au téléphone. Elle faisait les cent pas dans le corridor d'entrée en espérant mon arrivée. 

«On n'attendait plus que vous !», m'annonce-t-elle, me faisant signer un registre. Je découvre quelques signatures par-dessus la mienne, peut-être une dizaine, ou peut-être un peu moins, et je commence à me poser des questions.  Mais on a plus le temps, on verra bien le moment venu.

Nous emprutons religieusement un escalier et elle me guide vers le fond d'un couloir aux lumières glauques, blafardes.  Une grande porte, une poignée qui s'abaisse, je prends ma respiration une dernière fois avant d'affronter le jury et je me retrouve devant quelqu'un que, vu son costume mal coupé, je pense d'abord être un groom. Il se présente comme le directeur de l'établissement et me fait signe de m'asseoir en silence parmi d'autres candidats à la mine studieuse et aux prises avec je ne sais quel problème de fuite d'eau, d'arrivée en gare de train A, de train B, ou des deux...

 

Celui que nous appellerons D.G. me juge du regard, me tend ce qui doit ressembler à une directive ou un règlement administratif et m'annonce solennellement ma mission : en produire un résumé sous quinze minutes mais comme je suis arrivé en retard, j'ai tout de même intérêt à me magner le train...Les candidats ont reçu les mêmes directives et nous serons appelés chacun à notre tour, par ordre alphabétique.

Une fois installé, il me faut bien deux minutes pour parvenir à un semblant de concentration. Je me consacre d'abord à reprendre mon souffle perdu depuis le taxi et je me demande comment je vais faire pour tenir un délai raisonnable vis-à-vis de S.

 

Quelques minutes passent et je me décide enfin à passer à l'épreuve.  Le texte traite vaguement de conditions d'accès à l'enseignement mais je ne parviens décidément pas à y entrer. Il m'est plus facile de ressasser ma dernière conversation avec D. et ses hypothétiques implications, mon retard certain chez S. et je me maudis trois fois d'être tombé dans ce piège à cons. Je parviens pourtant  à produire péniblement un plan de ce jargon juridico-administratif tandis que D.G. passe ses yeux bleus de hyène mal rasée pour appeler le premier candidat qui n'est malheureusement pas moi.

Relativement stressé par la tournure globale que prend cette journée, je tente le coup et au diable la politesse:je me lève et j'annonce que, pressé par un autre rendez-vous , j'aimerais passer tout de suite si personne d'autre n'y voit un inconvénient. Personne ne semble avoir envie d'aller au feu et je retrouve le couloir à la suite de D.G. pour défendre mes chances. Je me surprends à penser que de dos, il ressemble encore plus à une hyène que de face, l'implantation de ses cheveux parsemés partant de la ligne médiane du crane vers les oreilles...

 

Je passerai les détails de l'entretien qui se déroulera comme tout entretien... Je pense que les premiers tests étaient excellents, je pense ne pas avoir dit trop de bêtises, je pense avoir fait bon impression sur le jury et je pense que D.G. qui dirigeait le jury m'a semblé favorablement impressionné.

J'ai eu raison car quelques semaines plus tard, j'ai reçu un courriel m'annonçant que j'étais sorti du lot et que je pouvais commencer quelques jours plus tard.

 

Pour une bonne nouvelle, c'était une bonne nouvelle...

...Enfin cela dépend...

2 commentaires. Dernier par admiratrice anonyme le 02-10-2006 à 15h30 - Permalien - Partager
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