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Non peut-être ?

Oui sans doute ?

Bob l'éponge Posté le Mercredi 20 Septembre 2006 à 10h36

Comment parler de la Belgique sans parler de Bob ?

J'avais vingt-quatre ou vingt-cinq ans et comme tout jeune homme célibataire normalement constitué, j'aspirais à une vie indépendante et remplie d'aventures, je voulais mon chez moi. 

Mon diplôme de photographe en poche, j'avais décroché quelques mois plus tôt un emploi dans « le meilleur labo photo noir et blanc du côté droit de l'avenue de la Couronne ».  Ou gauche, c'est selon qu'on va vers le centre ou pas.  Le patron et moi entretenions d'excellents rapports.  J.M. était d'excellente compagnie, me faisait confiance, et je me plaisais dans cet endroit à réaliser des agrandissements photo, le tout avait un côté très valorisant, maître de la technique qui rattrape les erreurs des mauvais photographes.  J'y reviendrai ultérieurement…

 

Je vivais toujours chez ma mère et quelques longs mois de train-train ferroviaire quotidien avaient commencé à me peser lourdement.  Et puis j'avais commencé à travailler et mis un peu d'argent de côté depuis quelques mois, j'avais donc décidé de m'assumer.

Pourtant, je n'aimais ni Bruxelles, ni son lot de circulation, ni ses bruits, ni sa pollution, ni sa population, ni son « urbanité ».

Je jetai mon dévolu sur Boitsfort, district vert, très « villageois » de l'agglomération bruxelloise pour planter ma tente.  Et puis ce n'était pas trop loin de mon emploi, sans en être trop près non plus, un quart d'heure en bus, tout près du cimetière d'Ixelles, haut lieu de la vie estudiantine de la capitale.

Après quelques visites infructueuses, je finis par trouver mon premier chez moi, petit appartement au premier étage d'une maison réaménagée en trois plateaux et ne tardai pas à signer le bail.  Ma famille m'offrit mon trousseau de jeune célibataire : quelques meubles et quelques casseroles de maman, une cuisinière de l'un de mes frères, un micro-ondes et l'autre, un frigo racheté à une connaissance, et une visite chez IKEA avec papa pour combler les trous.  Quelques coups de pinceau pour emménager petit à petit vers le début du mois d'avril.

 

Un samedi après-midi, S., un copain disposant d'une camionnette, me donnait un coup de main pour terminer mon installation et déménager les pièces lourdes : le frigo, la cuisinière, le futon, le coffre du salon...

Nous étions dans l'escalier, peinant et suant contre le poids de la cuisinière, frappant du pied contre les marches et les murs, jurant de temps à autre pour enfin parvenir à la déposer dans un coin de la cuisine.

Redescendant l'escalier, je tombe nez à nez avec mon nouveau voisin, la petite cinquantaine, gros et presque chauve, plus qu'une petite corolle noire au-dessus de la nuque, voisin qui me fixe d'un regard brun et inexpressif, affublé d'un léger strabisme.

Poliment, je me présente, je lui tends la main.

« - Bonjour, je suis votre nouveau voisin...! »

Pas de réaction, regard bovin et mystérieux à la fois. Bon, ça doit pas être son jour...

 

Quelques jours plus tard, ma mère passe me dire bonjour et me dépose les rideaux de la chambre,  cousus avec amour pour que je puisse faire des grasses matinées dignes de ce nom le dimanche.  C'est samedi, je ne travaille pas, et elle a justement pensé à embarquer sa foreuse, ou perceuse, modèle V12, 7 vitesses plus la percussion, deux sens de rotation, mèche de 8 au tungstène, à l'épreuve de tous les murs les plus solides...  Ca tombe bien car les murs sont résistants, ici…

Allons-y, je monte sur l'escabeau et j'attaque cette matière qui résiste, résiste, résiste,  je choisis le mode percussion et la maison commence à trembler, le bruit devient assourdissant. 

Tandis que la mèche pénètre tant bien que mal les différentes épaisseurs de béton, qu'elle se met à fumer, depuis le haut de l'échelle, j'ai une magnifique vue sur le jardin, un étage plus bas... 

« Tiens, n'est-ce pas mon voisin que je vois, torse nu, bidoche à l'air et qui me regarde l'air mécontent, barrique couleur de farine, visage rougeaud, poing levé, depuis son carré de verdure ? » 

Je lui fais un petit signe de la main, lui montre la perceuse d'un air contrit en lui signalant que je n'en ai plus pour très longtemps, après tout c'est samedi et rien n'interdit de travailler chez soi, tout de même.

 

Les semaines suivantes, la vie suit son cours, je m'habitue à ma nouvelle vie et un soir, rentrant d'un cinéma, je suis sur le point d'entrer dans la maison et j'entends des ronflements depuis l'allée extérieure...  J'ouvre la porte et je tombe à nouveau sur lui, couché par terre, endormi devant sa porte, je dirais plutôt cuvant, des vapeurs éthyliques se dégagent de son corps avachi.  J'enjambe le tout et monte me coucher.

 

Un soir, je reçois deux ou trois amis pour un repas improvisé, on discute, on écoute un peu de musique, rien de plus normal que de partager des moments simples avec ses semblables.  Nous passons une excellente soirée et le lendemain soir, j'entends des coups à ma porte.

Il s'agit de mon voisin, qui cordialement, se présente, une bouteille de vin à la main. Il s'appelle R., mais tout le monde l'appelle Bob, trente-huit ans, travaille à la TVA, et c'est le neveu du propriétaire de la maison. 

Un verre à la main, nous faisons plus ample connaissance et j'apprends qu'il aime la pêche, les armes, qu'il est un inconditionnel de Chuck Norris et de Jean-Claude Van Damme et que les films de guerre en tous genres, c'est son truc.  Il m'apprend aussi qu'il a très mal dormi la veille, qu'il aime mes goûts musicaux mais qu'il aimerait que je fasse désormais un peu moins de bruit, surtout le samedi après-midi consacré à sa sieste hebdomadaire.  Il serait dommage que nos bons rapports de voisinage se détériorent.  Bien qu'il me soit impossible de faire autrement que d'effectuer des travaux d'installation un autre jour que le samedi, et que concernant la soirée de la veille, il ne me semble pas avoir occasionné tant de bruit qu'il le prétend, je reste courtois.  De bonne foi, beau joueur, ma réponse semble le satisfaire, bien qu'il ne m'interdise pas de travailler les soirs des jours de la semaine et nous décidons d'en rester là.  J'ai le sentiment d'avoir parcouru un peu de chemin, tout le monde semble heureux.

 Je n'allais malheureusement pas tarder à déchanter.  

 

Mon emménagement terminé depuis quelques mois, j'avais commencé à me refaire financièrement et je décidai quelque temps plus tard de changer les revêtements qui en avaient grand besoin.  Je pris les mesures et commandai une nouvelle moquette qui devait être posée une semaine plus tard.

Je ne perdis pas trop de temps et décidai d'arracher l'ancienne, qui posée depuis de trop nombreuses années, avait laissé de nombreux dépôts de poussière dans les interstices du plancher.

Suivant les conseils de mon gentil voisin et pour préserver sa sieste du samedi, je passai les soirées suivantes à bouger les meubles, débarrasser le sol de ses vieux tapis, passer et repasser l'aspirateur où cela me semblait nécessaire...  Il ne fallut pas plus d'une demi-heure pour que Bob vienne frapper à la porte pour me demander de baisser le son... 

Les hostilités étaient lancées…

 

« Dis, tu as tiré la chasse, hier soir…

Dis, tu as reçu du monde l'autre jour…

Dis, le modem de ton ordinateur, il fait du bruit… »

De mon côté, j'avais décidé de ne plus ménager personne.  Si j'avais envie d'écouter de la musique, je branchais la chaîne, si je recevais des copains, je ne prenais plus spécialement de précautions, de toutes manières, Bob n'était jamais content…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Un commentaire. Dernier par Thomas le 20-09-2006 à 10h50 - Permalien - Partager
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