Blog créé grâce à Iblogyou. Créer un blog gratuitement en moins de 5 minutes.

Mes romans

Et si le bonheur...

Suite 4 de : Et si le bonheur ..... Posté le Mardi 2 Octobre 2007 à 20h37

 

 

 

 

 

 

 

Elle ouvrit les yeux, quelle heure pouvait-il bien être ? Elle tendit l'oreille, aucun bruit ne perçait les murs de cette chambre, mais où suis-je se demanda Linda. Soudain tout lui revint, comme ça, en bloc puis l'une après l'autre, toutes les scènes qui avaient précédé son malaise.

 

Elle sentit à nouveau l'angoisse l'envahir, craintive, regarda autour d'elle, les volets clos laissaient passer une faible clarté, elle eut peur tout à coup, perçut l'imminence d'un danger, une prémonition sans doute, il lui fallait faire vite, elle ne pouvait pas rester inactive, elle ne pouvait pas ne pas agir, son bébé était ce qu'elle avait de plus cher au monde, il fallait le retrouver, le retrouver très vite, elle ne pouvait pas se résoudre à l'abandonner, où était-il en ce moment ? Quel était le monstre qui jouait avec sa vie ?

 

 La colère montait  en elle tandis que les larmes inondaient son visage, elle allait quitter cette chambre, mais avant de quitter Paris, elle irait au commissariat de police déposer une plainte, une lionne en furie, décidée, combative.

 

De rage, elle se saisit de sa valise, la jeta sur le lit comme si elle tenait le monstre à sa merci, elle allait l'ouvrir, arrêta net son geste, elle venait d'apercevoir un document maladroitement plié en quatre, glissé dans le porte étiquette fixé à la poignée, une page d'un cahier d'écolier sur laquelle étaient collées des lettres découpées extraites de journaux divers formant un message qui lui était destiné :

Pas de police

Sinon plus de bébé

Instruction + tard

 

Elle explosa de colère, en lettre de feu un nom s'imposa à son esprit fatigué. Marco, si c'est lui, se dit-elle, je me vengerai, je le tuerai, mais plus que jamais j'ai besoin de Doumé, plus que jamais j'ai besoin de me rendre à Royan, de quitter cette chambre, cet appartement.

 

Du regard elle chercha le papier qu'elle tenait dans la main lorsqu'elle avait suivi la vieille dame, elle poussa un soupir de soulagement, elle venait de l'apercevoir, au sol, près du lit, l'adresse de Doumé, le ramassa, le glissa dans sa poche, ouvrit enfin sa valise,  sortit la grande enveloppe dissimulée au milieu de ses vêtements personnels, trouva un stylo sur la table de chevet, elle écrivit son nom et son adresse : Poste restante à Royan.

 

Son enveloppe à la main, elle prit sa valise, gagna rapidement la porte du vestibule, allait sortir, s'arrêta quelques instants, posa sa valise, pénétra dans la cuisine, fit le tour de la pièce, aperçut sur une table au milieu de papiers épars, un porte-monnaie en cuir jaune usé aux quatre coins par le temps, elle l'ouvrit, subtilisa deux billets de 20 €, referma le porte-monnaie, le remit délicatement à sa place, puis, d'un pas décidé, sa valise à la main, gagna la rue et se fondit dans la foule.

 

Elle avançait dans cette avenue du Maine, ne sachant trop comment se diriger, elle ne connaissait pas Paris, voulait faire du stop.

 

Elle passa près d'une boîte aux lettres, la couleur jaune avait attiré son attention, il lui fallait des timbres, comme par hasard le bureau de tabac se trouvait à proximité, la chance est de mon côté, pensa-t-elle, elle acheta ses timbres et glissa sa lettre dans la boîte.

 

Poursuivant son chemin, elle vit une benne, posée sur le trottoir, comme on en voit souvent dans les villes, remplie de matériaux de démolition, qui attendait d'être enlevés, elle distingua plusieurs sacs en plastique, vides mes propres. Une idée lui traversa l'esprit elle s'arrêta, ouvrit sa valise, fit le tri des affaires essentielles qu'elle voulait conserver, les enfouit dans l'un des sacs extirpé de la benne, referma sa valise et la jeta dans la benne.

 

Se sentant plus légère, plus libre de ses mouvements elle se mit à la recherche d'un taxi, le trouva rapidement, mais comme elle ne savait pas quelle destination indiquer au chauffeur, un brave homme aux cheveux grisonnants, elle lui précisa qu'elle voulait faire du stop pour se rendre à Royan, il la déposa à la porte d'Orléans.

 


 

 

 

 

 

 

 

Elle était sortie de bon matin, Mahdi, son petit-fils Julien s'était annoncé, elle venait de faire ses courses, pensez donc, ça mange un petit-fils d'un mètre quatre-vingt-trois, disait-elle à ses voisines.

 

Elle était heureuse Mahdi, elle avançait rapidement, aussi rapidement que ses jambes de soixante-huit ans le lui permettaient. Elle se pressait et à petits pas se glissait entre les passants, tirant derrière elle sa valise sur roulettes, comme on en voit dans les gares et les aéroports et dont elle se servait comme sac à provisions.

 

Il ne fallait pas qu'il arrivât avant elle, que dirait-il en trouvant la jeune femme qu'elle hébergeait, pensait-elle, cela la fit sourire, elle s'imaginait le tête-à-tête avec cette inconnue, qui sait, se disait-elle, ça pourrait, peut-être, finir par un mariage.

 

Elle était têtue, Mahdi, elle avait entrepris une véritable croisade, elle voulait le marier ce petit-fils et chaque fois qu'une jeune femme l'approchait, il suffisait qu'elle soit célibataire pour que tout un cinéma se fasse dans sa tête.

 

Elle arriva devant sa porte, donna un tour de clé, referma la porte derrière elle, prêta l'oreille, n'entendit aucun bruit, vit au fond du vestibule la porte de la chambre fermée, elle dort encore se dit-elle, la pauvre petite elle était si fatiguée, mais que faisait-elle sur les routes, je le lui demanderai se promit-elle.

 

Rassurée elle entreprit de ranger ses provisions tout en se demandant ce qu'elle pourrait bien faire pour le repas de midi, il aurait dû lui dire l'heure de son arrivée.

 

A ce moment précis, la sonnette de la porte d'entrée tintinnabula, deux coups secs, le voilà se dit-elle en se précipitant, elle n'eut pas le temps d'ouvrir la porte, un coup violent la projeta à terre tandis qu’un énergumène se précipitait dans l'appartement en vociférant. Où est-elle, je la veux, où se cache-t-elle, furieux, gesticulant, il ouvrait toutes les portes, fouillait toutes les pièces, bardé de cuir, casque de motard sur la tête, l'individu paraissait redoutable, déchaîné, prêt à toutes les extrémités, se ruant littéralement sur Mahdi restée au sol, la souleva comme une plume, la précipita sur une chaise dans la cuisine, la prit par les cheveux, lui tira violemment la tête en arrière, tu vas parler, lui disait-il en la secouant, tu vas me dire où elle se trouve. Je ne sais pas balbutiait Mahdi, elle est dans sa chambre. Elle reçut un coup si violent sur la tête que son appareil auditif, son sonotone fut projeté sur le sol.

 

Elle avait mal, terriblement mal, sentait le sang couler sur son visage, tout se brouillait dans sa tête, elle ne savait plus, ne comprenait plus, se dit qu'elle allait mourir, qu'elle ne verrait plus son petit-fils, se sentit partir, perdit connaissance et inerte, glissa sur le sol.

 

Décontenancé, furieux de son échec, l'individu se pencha sur le corps inerte, hésita quelques instants, il n'avait qu'un regret, celui de ne pas avoir réussi, il se ravisa, remplit d'eau froide un grand pichet qui se trouvait sur la table, jeta brutalement son contenu sur la tête de la vieille femme. Elle ouvrit les yeux, l'effroi se lisait sur son visage tuméfié, sans entendre les mots que l'individu lui criait au visage, sans comprendre, l'instinct de survie lui fit murmurer un mot, un seul mot : Royan, qu'elle répéta comme un leitmotiv. L'individu lâcha prise, discrètement il quitta les lieux, enfourcha sa moto et pris la direction du sud.


 

 

 

 

 

 

Le magasin de jouets venait de fermer ses portes, il était dix-neuf heures, les deux vendeuses étaient déjà parties, Marilyn arrêtait les comptes de la journée, tandis que Félix baissait la grille métallique protégeant le magasin des intrus pendant sa fermeture.

 

Chaque soir, après avoir armé les alarmes, établi la connexion avec le commissariat central, allumé l'éclairage de nuit des devantures, les époux Ballard montèrent dans leur appartement situé au-dessus de leur magasin.

 

C'était un bel appartement, 150m carrés dont les fenêtres s'ouvraient à l'est sur la rue piétonne la plus commerçante de Dijon, et à l'ouest sur un magnifique jardin, clos de murs, planté d'arbres fruitiers et de fleurs.

 

Cependant, pour autant qu'il soit confortable et très bien situé, cet appartement n'en était pas moins beaucoup trop grand maintenant qu'ils n'étaient plus que tous les deux.

 

Ce soir là, comme chaque soir, ils éprouvaient le besoin de décompresser, se détendre un peu, les journées étaient très dures surtout à la proximité des fêtes de Noël, la permanence de leur présence au magasin exerçait, sur eux, à l'approche de la cinquantaine, une pression qu'ils avaient de plus en plus de mal à supporter.

 

Félix s'approcha de la chaîne stéréo, tourna l'interrupteur, dans l'instant une musique douce, mélancolique, l'adagio d'Albinoni, enveloppa la pièce. Félix laissa échapper un profond soupir, une larme brilla, comme une perle, dans les yeux de Marilyn. Ils écoutaient pour la 100e fois peut-être, en silence, le disque préféré de Linda l'enfant, leur enfant unique, qui avait fait leur bonheur avant que de les détruire mais dont ils ne pouvaient effacer le souvenir.

 

Machinalement comme d'habitude ils s'installèrent dans les deux fauteuils se faisant vis-à-vis, sans dire un mot, sans se regarder, ils repassaient sans cesse, dans leur tête, le film de leur vie.

 

La vie, leur vraie vie, avait commencé pour ce jeune couple à la naissance de leur fille Linda, elle était arrivée comme un bonheur tombé du ciel, alors qu'ils ne l'attendaient plus, Marilyn ayant subi une grave intervention chirurgicale.

 

Les premières années de cette jeune vie, avaient été pour ce jeune couple un émerveillement, un enchantement, une découverte, un amour merveilleux. À l'école maternelle ils n'eurent que des satisfactions, des compliments, cette petite était active, intelligente et sociable, laissant augurer une excellente scolarité.

 

En primaire, elle avait été le parfait bonheur de leur vie, toujours première dans toutes les matières, enjouée, obéissante, serviable, toutes ces qualités avaient peut-être quelque peu endormi leur vigilance et puis ils travaillaient beaucoup, pour elle, pour lui préparer un avenir confortable, ils s'étaient endormis, pleinement heureux.

 

C'était en troisième, au collège, que tout avait basculé, elle se mit à sécher les cours, à leur mentir, à prendre des attitudes agressives, à leur répondre, à ne plus les écouter.

 

Beaucoup trop absorbés par ce commerce qui les dévorait, ils avaient laissé inconsciemment la situation se dégrader. Ils avaient été obligés de sévir, d'interdire, de punir sans effet. Convoqués par le proviseur du collège, ils avaient appris qu'elle entretenait une relation sentimentale avec un élève de seconde dont la réputation n'était pas exemplaire.

 

Une nuit, réveillés par des bruits insolites, ils l'avaient surprise faisant le mur, pour se rendre où, jamais ils ne le surent.

 

Ce fut la consternation, le coup de grâce, lorsqu'ils apprirent qu'elle était enceinte. Ils étaient bouleversés, dépassés par les événements, ne sachant que faire, comment régler ce problème, catholiques pratiquants, ils ne pouvaient se faire à l'idée de lui demander d'avorter, commerçants honorablement connus, ils étaient trop sensibles au qu'en-dira-t-on, ne pouvaient admettre que leur fille puisse avoir à élever un enfant sans père. Il n'y avait donc qu'une solution, pensaient-ils, le mariage.

 

L'affrontement avait été terrible, ils n'étaient pas prêts d'en oublier le déroulement, l'entretien qu'ils avaient eu avec les parents du jeune homme les avait humiliés, profondément blessés dans ce qu'ils avaient de plus cher, leur honneur, ils crurent mourir de honte lorsqu'on leur fit entendre que leur fille n'était qu'une petite traînée qui s'offrait au premier venu.

Sous le torrent des reproches que lui firent ses parents, Linda quitta, sans qu’ils ne la retiennent, le domicile familial, pour ne plus y revenir.

0 commentaire - Permalien - Partager
Commentaires