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Mes romans

Et si le bonheur...

Suite 7 de : Et si le bonheur.... Posté le Dimanche 7 Octobre 2007 à 21h20

En quittant la propriété dans laquelle il avait laissé l'enfant, José regarda sa montre, une Rollex, bijou tapageur de grande classe, gagnée au poker, il y avait de nombreuses années. Midi pile, dit-il tout haut, Hélène, perdue dans la recherche d'un CD de Madonna, qu'elle avait vu ce matin dans la pile qui se trouvait en vrac au fond de la boîte à gants, acquiesça d'un hochement de tête.

 

Bien qu'il soit plus de midi, José ne rencontra pas une grande circulation.  Dès son entrée dans Bourges, il prit à gauche, passa devant la gare, tourna à droite puis à gauche, admira au passage le célèbre jardin, les Prés Fichaux, et s'arrêta sur la place Saint Bonnet, à la porte d'entrée de l'église du même nom.

 

Il arrêta son moteur, descendit, invita Hélène à en faire autant, viens, lui dit-il, je vais te faire connaître un petit resto sympa.

 

Il ferma le 4 x 4, traversa la route et par une petite rue étroite dont la chaussée était couverte de pavés, il déboucha sur la place Gordaine.

 

José admira une fois de plus l'architecture moyenâgeuse des bâtiments de cette petite place, il y avait passé une bonne partie de sa jeunesse, il ressentit la même émotion que lorsqu'il avait levé sa première fille, qu'il avait soutenu sa première bagarre qui avait eu lieu à l'endroit même où il se trouvait en ce moment, il y avait un peu plus de vingt ans, il avait alors dix-huit ans.

 

Il songeait que le temps s'était écoulé trop vite, comme le sable entre les doigts, ou plutôt pour ce qui le concernait, comme l'eau de la rivière se brisant  contre les rochers tellement sa vie avait été chaotique.

 

Il secoua la tête, haussa les épaules, comme pour se débarrasser d'un passé trop lourd à porter, à moins que ce ne soit le présent qui pèse tant dans la balance de sa vie.

 

Vite il rejeta de son esprit les images qui l'une après l'autre venaient se superposer, s'imbriquer dans le décor médiéval offert à ses yeux, il s'arracha enfin à ses souvenirs, il n'était pas sentimental, n'exprimait aucun regret, il était dans la vie, la prenait à bras-le-corps telle qu'elle se présentait à lui, il en profitait voilà c'est tout.

 

Hélène qui l'observait crut voir dans les yeux de José passer un éclair d'humanité, de douceur, de bonté même, elle en fut un instant troublée, se demanda quel était cet homme qui se trouvait là, à ses côtés, le connaissait-elle vraiment, avait-elle envie de le connaître davantage, elle ne sut que répondre, se promit de faire un peu plus attention à lui.

 

L'adorable  restaurant, qu'il avait connu jadis, et dont il avait conservé le souvenir était encore là, il en fut tout heureux, ils entrèrent, apparemment rien n'avait changé, à droite, le bar, minuscule, alignait ses trois tabourets, l'hôtesse d'accueil faisait toujours partie du décor, jeune, épanouie, elle souriait devant la collection de bouteilles pleines et vides alignées sur les étagères de verre transparent. Rien n'avait changé. Si, l'hôtesse, combien de partie de 421 avait-il joué sur la tablette de ce bar, ça le fit sourire.

 

Ce n'était pas l'adorable vieille dame, ancienne sous-maîtresse d'un bordel parisien qu'il avait connue jadis, mais une jeune femme accorte, élégante, qui les invitait à s'installer à table, il reprenait à nouveau possession de la petite salle à manger, six tables de deux personnes, alignés comme à la parade, et au fond de la pièce, une porte qui s'ouvrait sur une salle à manger privée. Là aussi rien n'avait changé tout été petit mais tellement intime.

 

Les fenêtres à petits carreaux, encadrées de long rideaux en velours rouge sombre, les soubassements des murs en panneaux de bois, les cimaises recouvertes de tissu en velours lie de vin, les fleurs déposées sur les tables et les plantes vertes ornant les encoignures de la pièce, la douce musique d'ambiance et la lumière tamisée conféraient à ce lieu un pouvoir magique, apaisant, propice aux histoires d'amour.

 

Le repas fut un véritable moment de détente, prévenant, il joua le grand jeu, fut attentif aux désirs de sa compagne, elle se laissa prendre au jeu, accepta de bon coeur les marques de sympathie qu'il lui prodigua tout au long du repas.

 

Le sourire aux lèvres, heureux d'avoir passé un si agréable moment, José régla l'addition, il invita Hélène à se lever et ensemble, accompagnés par l'hôtesse, se dirigèrent vers la sortie.

 

En franchissant le seuil, ils croisèrent un groupe de quatre personnes, des hommes exclusivement qui se dirigeaient vers le bar, Hélène était déjà sortie, José s'apprêtait à en faire autant.

 

Soudain il s'arrêta, brusquement il venait de reconnaître parmi le groupe Polo dit l’anguille, un ancien détenu qu’il avait connu au cours de son dernier séjour à la centrale de Clairvaux. Sentant un regard peser sur lui instinctivement, dans un geste de défense, Polo pivota sur lui-même, et dans le même geste porta la main à sa poche revolver, reconnut José, se redressa, éclata d’un rire gras, tonitruant, communicatif, qui gagna vite toute l’assemblée.

 

Il se précipitèrent dans les bras l'un de l'autre, heureux de cette rencontre. Tout en se tenant par les épaules ils se mirent un peu à l'écart.

 

Hélène  aspira un grand bol d’air, elle avait eu très peur, la tension retombée entreprit de faire le tour de cette merveilleuse place avec ses maisons à colombages sous ce ciel bleu parsemé de petits nuages blancs, un vrai

décor de cinéma. L’espace d’un instant fugitif, s’imagina se trouver dans sa ville natale, Rouen, rue de la grande horloge où ses parents, qu’elle avait quittés sur un coup de tête, vivaient encore. Ah, nostalgie quand tu nous tiens.

 

 José et Polo n’en finissaient pas d’évoquer leurs souvenirs, ils ne parlaient pas d’avenir lointain mais de projets immédiats, conscients que leur vie aventureuse, dangereuse, pouvait s’interrompre brutalement à chaque instant, mais c’était leur vie, ils l’avaient acceptée, pas toujours choisie.

 

Ils restèrent un long moment ensemble, ils avaient tellement de choses à se dire, mais on ne sut jamais quel fut le principal sujet de leur conversation, on les entendit simplement échanger leur numéro de portable avant de se quitter.

 


 

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