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Mes romans

Et si le bonheur...

Suite 13 de : Et si le bonheur .... Posté le Lundi 15 Octobre 2007 à 20h18

C'était la première fois que José se rendait dans ce trou perdu au milieu des Pyrénées, près de la frontière espagnole.

 

Il invita Hélène à descendre, elle ne se fit pas prier et bien vite vint se ranger auprès de José tant était fort le sentiment d'angoisse qu'elle éprouva soudain.

 

Dès l'abord ils ne virent personne, pas de comité d'accueil, ni d'illuminations, seule, en face d'eux, une imposante bâtisse se découpait sur fond de ciel étoilé, ciel de froidure, la lune en son premier quartier projetait sur la terre une pâle lumière créant au sol des ombres fantasmagoriques.

 

Dans le lointain un hurlement se fit entendre suivi d'une plainte déchirante qui n'en finissait pas. José qui n'était pas un enfant de coeur partagea cette angoisse, il se rapprocha de la voiture, passa la main sous son siège, retira le P 38 qu'il armât

D’un geste sec.

 

Un bruit de pas se fit entendre, voilà de la visite se dit José.

 

Les yeux et les oreilles aux aguets il avança en direction d'un petit édifice qu'il pensa être la margelle d'un puits, de sa main gauche il fit signe à Hélène de le suivre sans bruit, c'était bien un puits, ils se mirent à couvert.

 

Les pas se rapprochaient, on les entendait distinctement maintenant, José pensa que le moment était venu de lancer le mot de passe révélé par Marco.

 

- Viva cria-t-il d'une voix assurée.

- Libertad, répondit une voix chaude, fortement timbrée, l'atmosphère se détendit.

 

Le faisceau d'une lampe électrique balaya les ténèbres, s'attarda un instant sur le visage de l'individu qui approchait, comme pour se présenter, pour se porter ensuite sur José et Hélène enfin sur la porte d'entrée et sur le chemin rocailleux qui y conduisait.

 

L'individu donna un tour de clé, poussa la porte qui gémit sur ses gonds, fit quelques pas, laissa ses visiteurs sur le seuil, trouva la lampe qu'il cherchait, frotta son briquet, alluma la lampe à pétrole qu'il tenait dans sa main gauche.

 

Une lumière timide éclaira l'unique mais immense pièce de cette bâtisse, laissant dans les encoignures de larges zones d'ombre. Les quatre murs sans ouverture sur l'extérieur étaient en pierre apparente, le sol en terre battue, dans le coin droit face à la porte d'entrée un escalier en bois brut accédait à la mezzanine également en bois brut.

 

Ce n'était pas le Sofitel, ni même un hôtel deux  étoiles, mais on peut y séjourner une nuit pensa Hélène qui se fit un devoir de visiter le frigidaire tandis que les hommes échangeaient à l'écart quelques mots. Elle n'avait pas à participer à la discussion, c'était leurs affaires, elle n'avait pas à les connaître encore moins à en discuter.

 

Le repas fut frugal et rapide, fromage de chèvre, tranches de lard fumé, confiture de myrtilles, accompagnés d'un petit vin du pays. Il fut aussi silencieux, Hélène observa l'individu, celui qu'on appelait le montagnard, bel homme, grand, solidement charpenté, la cinquantaine flamboyante, un visage taillé à la serpe, des yeux bleus, moustache et barbe blanches taillées en pointe, les sourcils presque noirs soulignant le regard perçant, un éternel chapeau de feutre tout déformé, sans couleur, définitivement vissé sur la tête, veste et pantalon en velours beige côtelé, des souliers de montagne complétaient l'habillement.

 

Le montagnard regarda sa montre, referma son opinnel, se leva, s'adressa à José :

 

- J'te laisse la clé, j'prépare la bagnole, lever demain à 5 plombes.

 

Il quitta la salle, sans dire un mot de plus, sans même regarder Hélène qui souleva les épaules, comme pour dire à qui l'aurait vue, qu'elle s'en foutait.

 

Restés seuls, José et Hélène, fatigués par cette longue journée, et par les émotions qu'elle avait suscitées, trouvèrent près des lits installés dans la mezzanine, des couvertures et des sacs de couchage, ils s'installèrent pour la nuit aussi confortablement que possible.

 

José s'endormit comme  une masse, Hélène ne trouva pas le sommeil tout du moins pas tout de suite, elle songea à sa ville natale, à sa jeunesse, à ses parents noyés dans le chagrin, maintenus volontairement depuis plus de trois ans sans nouvelles, sans qu'ils sachent où elle se trouvait, ni ce qu'elle faisait, elle ne voulut pas s'attendrir, repoussa les images qui lui étaient douloureuses,  elle ni parvenait pas, elle savait qu'elle avait  fait le mauvais choix, se demandait ce qu'elle faisait là dans ce nid de truands, sa vie sentimentale n'était qu'un échec, elle avait eu des amants de passage, sans amour, sans tendresse, le portefeuille à la place du coeur. Elle eut soudain honte de son existence, honte de sa vie, alors dans un grand élan de repentir sincère, se fit le serment que dès son retour, elle laisserait son masque au vestiaire pour redevenir la petite Hélène, celle qu'elle avait toujours été, celle de la rue du Gros horloge à Rouen.

 

Le coeur apaisé, elle ferma les yeux, comme pour faire pénitence, le sommeil l'enveloppa de son épais manteau.  

 

Un bruit indéfinissable parvint dans la nuit  aux oreilles de José, bruit insolite dans cet environnement si calme, on aurait dit des pas sur le sol, des paroles apportées par le vent. José inquiet, dérangé dans son sommeil, consulta sa montre, il était deux heures, les bruits s'arrêtaient par instants puis reprenaient assourdis, manifestement il se passait quelque chose autour de la maison. Il fallait aller voir.

 

Il s'habilla à la hâte, saisit son revolver déposé près de sa couche, descendit l'escalier sans faire de bruit,  se dirigea vers la porte, l'ouvrit, un petit vent froid glissa sur son visage, il frissonna, et sans refermer la porte derrière lui, s'enfonça dans la nuit.

 

Il avança lentement, le corps penché en avant, prêt à bondir, fit quelques mètres encore, se dirigea vers le dernier contrefort rocailleux, là d'où provenaient les paroles de plus en plus audibles, de l'espagnol pensa-t-il, encore quelques pas, il se retrouva près d'un buisson, avait senti les branches épineuses s'accrocher à sa manche, allait le contourner, entendit un frôlement, sans penser qu'il faisait peut-être une erreur, il murmura Viva, son coeur fit un bon dans sa poitrine, le vent dans un souffle lui apporta la réponse libertad.

 

C'était le montagnard, tout en rampant ils se rapprochèrent, la lune qui avait disparu derrière les nuages fit à nouveau son apparition, ils virent alors distinctement à une centaine de mètres un groupe d'hommes armés, cagoulés, courir en gesticulant dans tous les sens.

 

- Qui c'est ces guignols ? demanda José.

 

- L'ETA, répondit le montagnard, j'avais reçu des menaces, j'pensais pas qu'ils passeraient  à l'exécution.

 

- Mais que cherchent-ils, la dope ?

 

- Non les.... le montagnard ne finit pas sa phrase, un cri déchirant, inhumain, venu de la maison, ils retournèrent instinctivement la tête, suffoquée ils aperçurent Hélène qui courait dans leur direction appelant sans cesse José ....José.... José, poursuivie par deux individus cagoulés, ils ne firent qu'un bond, sont se préoccuper du danger, pas plus que de l'insuffisance de leurs armes, ils volèrent à son secours.

 

Ils furent stoppés net par une rafale de mitraillette, José toujours debout, arriva près d'Hélène, couchée, la face contre terre, inerte, baignant dans une mare de sang, José s'agenouilla, la retourna doucement sur le dos, une tâche rouge s'élargissait sur sa poitrine, elle ouvrit les yeux,  prit la main de José et murmura dans un souffle :  je....veux.... rentrer...... chez....... moi. Elle glissa dans les bras de José, Hélène ne reverrait pas ses parents ni sa ville natale.

 

Les tueurs s'étaient enfuis, de rage, José vida son chargeur dans leur direction mais que pouvait il faire de plus.

 

Le montagnard arriva près de José, le bras droit supportant le bras gauche, touché par une balle à l'épaule, il avait perdu beaucoup de sang, sous l'impact s'était évanoui, mais le petit matin qui fraîchissait l'avait sorti de sa torpeur. José  regarda sa montre, il était près de quatre heures, dans une heure il serait parti, mais que faire du corps d'Hélène, José ne laissait jamais un cadavre derrière lui.

 

T'inquiète lui dit le montagnard, j'ferai le ménage, on n'doit pas laisser de traces.

 

 José ne pouvait se résoudre à quitter cet endroit sans avoir obtenu quelques réponses aux questions qui lui venaient à l'esprit. Il proposa au montagnard de le suivre au prétexte qu'il voulait jeter un coup d'oeil sur sa blessure, le montagnard accepta, les moments de frayeur qu'ils avaient surmonté avaient rapproché ces deux taciturnes.

 

Ils se dirigèrent vers la grande bâtisse, firent quelques pas, brusquement José s'arrêta, le montagnard en fit autant, José revint sur ses pas près du corps d'Hélène, se baissa, la saisit dans ses bras, se dirigea vers le puits qui se trouvait à quelques mètres, eut un moment d'hésitation, comme pour lui laisser le temps de dire une prière, puis d'un geste large, précipita le corps par dessus la margelle.

 

- Tu balanceras des pierres demain, dit-il en matière d'oraison funèbre, au montagnard qui l'avait attendu.

 

De retour dans la salle, José examina la blessure du montagnard, heureusement la balle n'avait fait qu'effleurer le bras gauche laissant sur son passage la chair à vif, pas besoin de docteur, la cicatrisation se ferait naturellement. José demanda de l'alcool, le montagnard sortit d'un vieux bahut deux bouteilles couvertes de poussière, l'une de vin, l'autre d'alcool de fruit, tendit cette dernière à José qui en versa une bonne rasade sur la plaie à vif,  le montagnard serra les dents, sans laisser échapper aucun cri.

 

Ils s'installèrent l'un en face de l'autre, autour de la table, ils se servirent un verre de vin, le silence persistait dans la salle, au second verre ils purent  échanger quelques mots, au troisième verre ils se racontèrent, difficile de les arrêter.

 

- Pourquoi cette attaque de l'ETA demanda José, que cherchaient-ils ?

 

- Les caisses de dynamite que nous leur avons subtilisées. Ce stock nous avait été signalé par un indic, il se trouvait sur un chantier de T.P, près de Castres, dans la montagne noire. Nous ne savions pas qu'il appartenait à l'ETA, nous avons embarqué la dynamite et débarqué l’indic qui jouait un double jeu.

 

- Comment ça, de la dynamite, c'est nouveau, jusqu'à présent l'organisation ne gérait que la drogue, la prostitution, et le trafic des personnes, t'as reçu des ordres du Boss ?

 

- Non mais de Marco.

 

- De Marco ? Questionna José étonné.

 

- Oui, de lui seul, activité parallèle je suppose, moi j’discute pas les ordres, j’exécute.

 

José était de plus en plus étonné, il n'avait jamais entendu parler de trafic d'armes, il avait pourtant de nombreux contacts avec le boss, le grand patron, il commençait à douter de la fidélité de Marco à l'égard du groupe, il faudra se dit-il, sans rien laisser paraître, que je tire cela au clair.

 

Ils finirent la bouteille, en silence, chacun à nouveau perdu dans ses pensées.

 

Le montagnard se leva,

 

- C'est bientôt l'heure dit-il, faut que j'aille vérifier ta tire, il sortit aux premières lueurs de l'aube.

 

Une fois seul, José ne put s'empêcher de réfléchir. L'organisation était bien implantée dans cette région, sur un terrain, ancienne mine d'or, truffé de galeries dont l'une d'entre elles avait été prolongée clandestinement jusqu'en territoire espagnol. La drogue, en provenance d'Amérique du sud et de deux laboratoires espagnols, était négociée en Espagne, passait en France, en toute sécurité par la galerie-tunnel, son acheminement dans la métropole ne posait ensuite aucun problème.

 

Le tunnel facilitait aussi l'entrée clandestine des étrangers sur le sol Français, il en était de même des jeunes femmes étrangères destinées à la prostitution.

 

Tout cela était parfaitement rodé, pourquoi, se demandait José, le mettre en péril par des actions inconsidérées, l'enlèvement de l'enfant et le trafic d'armes qui produisaient des turbulences majeures.

 

Un peu après cinq heures José reprit seul la route en direction d'Aix-en-Provence.


 

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