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L'écriture pour m'exprimer

Parce que ma vie est une émotion

Carrousel Posté le Mardi 23 Janvier 2018 à 19h33

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C’était un village calme, coincé entre les collines verdoyantes qui refermaient leur écrin serein sur les maisonnettes. On y respirait un parfum d’ennui mais un ennui qui ne confine pas à l’isolement. La route qui traversait le village serpentait gentiment entre les platanes et les jardinières et s’élargissait dès qu’elle quittait les limites de l’endroit. Elle menait vers d’autres lieux que nul n’aurait songé à fréquenter, préférant ignorer l’aventure d’un voyage sans doute inutile. Ici, on se laissait porter par les heures qui n’ont de sens que pour les gens de la ville. Les journées s’écoulaient entre chants d’oiseaux, bruissement de feuillages, conversations anodines filtrant du café qui trônait sur la place, chuchotements comploteurs d’enfants farceurs et l’inévitable musique d’une cloche d’église qui vivait au ralenti. On ne pensait pas aux lendemains, ni même à hier révolu. Dès que tombait la nuit, on refermait la porte du jour écoulé et qui sait ce qui se passait derrière les murs épais des bâtisses qui n’avaient plus d’âge.

 

Ce village devait avoir un nom mais je l’ai oublié. Je m’y suis perdue, malgré sa petitesse, au cours d’un printemps radieux. J’avais été saisie d’un besoin d’évasion, prisonnière de moi-même. J’avais pris la route au hasard, vagabondant entre champs gorgés de soleil et sous-bois humides et foisonnants. J’aime ces errances qui éloignent de toute contrainte et qui pénètrent votre être d’une douceur légèrement euphorisante.

 

Je suis arrivée dans ce village sans nom, sans repères, sans signification autre que celle d’une destination finale et évidente. Un banc devant l’église m’a offert un repos mérité et je l’ai investi en conquérante, faisant de lui un poste d’observation stratégique. J’y ai vu le café à l’enseigne défraîchie ; j’y ai vu l’épicerie dont je déchiffrais un passé héroïque lorsqu’il faisait office de bureau de poste et de rendez-vous des ménagères ; j’y ai vu la mairie qui restait muette et silencieuse ; j’y ai vu un arrêt d’autobus où plus aucun autobus ne devait s’arrêter depuis très longtemps. J’y ai vu un vide impressionnant et j’y ai entendu un silence surprenant.

 

Jouxtant la mairie se dressait une maison sans prétention mais souriante, aux volets repeints. Les fenêtres de l’étage étaient ouvertes, laissant une liberté presqu’enviable aux voilages éclatants de blancheur.

 

Mais de mon poste d’observation, je ne pus voir aucune vie. Mon esprit s’enfuit vers des impossibles, des fantômes envahisseurs, invisibles et présents. Je sentais le souffle d’une bise bienvenue. Elle me caressait la nuque et me murmurait de fermer les yeux. Mais je résistais. Je voulais être le témoin privilégié de ce vide sidérant qui enveloppait ce village qui avait été placé sur mon chemin sans que je sache ni par qui ni pourquoi. J’imaginais un gentil fantôme me regardant, curieux et interrogateur. Je lui aurais bien parlé mais comment s’adresse-t-on à un fantôme ?

 

Mais voilà que la bise s’est énervée et fit claquer un volet de la jolie maison. Je suis sortie de ma torpeur et lentement, j’ai repris conscience de mon environnement. Il m’a semblé alors que le village naissait, tout en douceur et sans heurts. Je perçus des rires, ces rires innocents qui font se sentir bien, des rires d’enfants. Le banc devint inhospitalier et m’invita à le quitter. Mon regard prit la direction de l’église à laquelle j’avais tourné le dos pendant mon repos. Une ruelle sombre se faufilait à son côté. Je l’empruntais avec envie et curiosité. Et là, j’ai vécu la joie.

 

C’était une joie puérile, un envol de joies, un réceptacle béni, une puissance simple et libératrice. Là, derrière l’église, presque en dehors d’un village que je croyais condamné à une vie silencieuse, j’ai vu des enfants rieurs qui tournaient, tournaient, tournaient, prenant tout le bonheur qui leur était offert. Ils tournaient, les yeux au ciel, les mains battant l’air. La vie s’était réfugiée ici, sur les quelques chevaux de bois d’un carrousel improbable mais pourtant bien réel.

 

Je suis rentrée chez moi, la tête claire, délivrée du poids de mes incertitudes. Chacun de mes voyages me ramène à ce village dont je ne vois plus rien sauf le carrousel, été comme hiver tournant sans fin. J’ai trouvé la clé du bonheur parce que rien ne remplacera le rire d’un enfant.

 

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