A la source de nos émotions
« …Les images se mettent doucement en ordre et leur déroulement ressemble à ces petites routes de compagne parsemées de haltes ombrageuses et chargées de souvenirs dans lesquels l’eau et omniprésente, car tellement précieuse et tellement pénible à chercher même avec l’aide d’un âne bardé de deux tonneaux en bois qui lui usaient les flancs et mettaient sa douce patience à l’épreuve, pendant que nous nous délectons avec lâcheté de coup de bâton régulier pour le faire avancer.
Les images remontent à une vitesse vertigineuse, la nostalgie en vient presque à vous faire haleter !
C’est à cette source que nous venions pour accomplir notre passe temps favori : la chasse aux chardonnerets.
Ils y viennent en essaims, exécutant en un orchestre désordonné une symphonie qui nous imposait le même silence que les soirées chaàbi que nous suivions avec une passion religieuse.
Mon cousin a préparé le piège à base de gomme à mâcher mise à ébullition et conservée dans une boite à chique, nous étalions cette glue sur des bosquets de chardon et la cage de notre chardonneret était installée à l’ombre.
Les oiseaux chanteurs, attirés par ce concurrent impétueux, s’agglutinaient sur les chardons piégés et y restaient prisonniers s’emmêlant les plumes…
Il n’y avait plus qu’à attraper les mâles.
La chasse terminée, nous allions rejoindre notre piscine naturelle que la retenue de la source en contrebas nous offre généreusement à l’heure du chant assourdissant des cigales accrochées à l’écorce des caroubiers.
Il en est ainsi de ces souvenirs qui se perpétuent à travers les voyages, les migrations et qui vous rappellent sans cesse l’infini bonheur d’écouter ou contempler ce liquide précieux comme une invitation à vous y perdre.
Jusqu’à cette Guelta au milieu du désert du Hoggar qui fixe un décor de paradis et vous invite à une halte inoubliable.
Que dire aussi de ces fontaines d’El Bahdja immortalisées par H’ssicen et adoubées par Momo qui plantent le décor d’Alger façonné par ces innombrables bâtisseurs ! Que dire de Ain Fouara, de Rouffi ou de cette petite fontaine tout en bronze, érigée en face de la mairie de Béjaia et qui rappelle aux passants que cette ville était alimentée par un aqueduc romain de plusieurs kilomètres !... »
Djamel Touati