La sensualité, c’est quand une main d’enfant touche la mienne et qu’elle me mène dans un monde invisible
La sensualité, c’est quand je posais ma tête légère sur l’épaule de ma mère, une plume sur le nid qui est fait mère et dure au-delà de toute existence
La sensualité, c’est mes yeux plongés dans les yeux apeurés de mon amie à qui je suis en train de dire « quitte-nous, n’aie pas peur, n’aie plus jamais peur, pars «
La sensualité, c’est la langue que passe avec délice l’animal-mère sur son nouveau-né
La sensualité, c’est la vague qui meure dans une langueur à me faire presque mal
La sensualité, c’est ta main posée tendrement sur mon sexe pour me redonner goût à la vie
La sensualité, c’est deux enfants qui se découvrent et cherchent loin loin dans leurs yeux, un semblant de souvenir
La sensualité, c’est la larme de malheur sur la joue d’un vieil homme qui dit je t’aime à la compagne de toute une vie
La sensualité, c’est la trahison d’une amie et moi qui la prend dans mes bras
La sensualité, c’est mes mains qui jouent une petite cantate à quatre mains sur le clavier de ton piano
La sensualité, c’est les coups cadencés sur des tam-tam africains, leurs chants chaloupés et des corps d’ébène ruisselant de sueur
La sensualité, c’est le petit garçon qui se sauve à quatre pattes dans l’escalier en poussant plein de petits cris excités
La sensualité, c’est le brouillard sur un petit étang à l’aube
La sensualité, c’est toi quand je regarde tes gestes qui réveillent en moi d’autres gestes
La sensualité, c’est un bateau glissant sur l’eau
La sensualité, c’est être sourd entendre la musique et aimer le violon
La sensualité, c’est voir le même sourire sur les visages illuminés d’une petite fille grimpée sur son papa
La sensualité, c’est manger délicatement quand on sait qu’on n’aura pas de quoi se nourrir demain
La sensualité, c’est cueillir les lourdes grappes des raisins juteux d’octobre, délivrer ses mains de tout le sucre en les suçant comme des bonbons
La sensualité, c’est s’attendrir, s’éblouir de la courbe d’un pétale
De la danse d’un mot, du jeu des chiffres,
des jeux de mots, du son des notes
La sensualité, c’est passer sous le tunnel d’un canal en plein été
La sensualité, c’est quitter le port debout à la proue d’un voilier et débarquer l’estomac révulsé, dans les bras puissants d’un marin
La sensualité, c’est me retrouver allongée, chemisier ouvert, tête posée sur les cuisses de mon chef de service me caressant le front
La sensualité, c’est recevoir le baiser de la bouche gourmande de ma meilleure amie
La sensualité, c’est l’éclat effrayant d’un orage, mon chien soupirant d’aise près de moi
La sensualité, c’est mon enfant me disant « plus tard, quand tu seras morte, tu seras un arbre avec plein de feuilles et on viendra toujours jouer sous toi »
La sensualité, c’est penser qu’on pourrait être professeur de magie
La sensualité, c’est regarder un fauve humer une proie
La sensualité, c’est jurer à 15 ans devant des étoiles filantes, qu’on restera amies pour toujours
La sensualité, c’est ton visage d’enfant écrasé contre le mien à s’en étouffer et t’entendre me dire, te retirant rapidement, mais ! ma mie, j’ai besoin de mon nez hein !
La sensualité, c’est m’allonger près d’un ruisseau, l’écouter me raconter les marmottes et les neiges éternelles
La sensualité, c’est ta voix ton souffle ton haleine ta peau ton odeur
C’est nous embrasser à pleine bouche
et laisser monter les désirs de nos sexualités
Marie Aubrée, 2008
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