Cela fait maintenant des jours,
Des jours qu’il n’est pas encore venu le camion,
Le gros camion blanc et vert qui collecte,
Qui ramasse les ordures dans le quartier.
Cela fait des jours que j’observe les chiens,
ces bâtards du coin y plonger leur museau ;
La poule et ses poussins qui mangent de l’aube au crépuscule
Ne se font pas conter le spectacle.
Cela fait des jours que Cocody
Jadis vitrine d’Abidjan, perle des Lagunes
Elève aux cieux des effluves nauséabondes.
Il ressemble maintenant aux autres, mon quartier.
Les gens ne rêvent plus d’y venir
Car les moustiques-docteurs font les piqûres du paludisme.
Il a fallu que se propage jusqu’ici la gangrène
Pour qu’on se rende compte de l’ampleur de l’insalubrité
Et qu’on voie la souffrance qu’ont toujours vécue
Ceux qui depuis leur naissance ne mangent que poubelle.
Il a fallu que le théâtre d’Adjamé Renault
Nous rende visite seulement une fois
Pour qu’on réalise le mal dans le District.
Partout, de
Les canalisations, dans les égouts, dans les maisons
C’est le même bourbier, la même odeur de putréfaction.
Les femmes vendent au bord, les gens mangent la mort ;
Les enfants, torse et pieds dénudés y prennent leur bain
Personne ne se rend compte, tout le monde ignore que
Ce sont les petits bouts de papier, les restes d’orange
Les épluchures de bananes, l’eau de vaisselle
Qu’on jette, qu’on déverse en toute innocence
Qui revient boomerang meurtrier, microbes dans nos victuailles,
Choléra dans nos quartiers, fièvre typhoïde dans nos chambres…