Rabelais, Pantagruel, lettre de Gargantua à son fils
Introduction : Évoquer le contexte politique. Le roi François
Ier et sa soeur Marguerite de Navarre soutiennent les
efforts des lettrés en 1520-1530, encouragent les traductions,
multiplient les autorisations d’imprimer. Les
humanistes ont le sentiment de vivre une époque tout
entière tournée vers le savoir. La lettre est reliée de
manière très lâche au récit, dont le contenu importe plus
que la fonction narrative.
■Vocabulaire : précepteurs, l. 6 (= personnes
chargées de l’éducation d’un enfant en dehors
de toute institution scolaire).
Enonciation et genre : genre épistolaire et les indices d’énonciation.
Problématique : quelles sont les composantes de l’éducation humaniste
en vue de former une nouvelle génération optimiste et innovatrice ?
I Une nouvelle éducation
1- L’optimisme de la Renaissance
Les humanistes ont le sentiment qu’aucun domaine du
savoir ne leur est fermé (structures d’accumulation,
l. 2-3). L’imprimerie (l. 3), offre un accès à tous les écrivains
antiques dont on édite et commente les oeuvres. Accès
au savoir pour tous, même ceux qui en paraissent écartés,
les basses classes sociales (l. 10-11), et les femmes (l. 12).
Le savoir apparaît comme une source de plaisir (je me
délecte, l. 15).
Confiance dans les capacités d’assimilation de l’esprit
humain (voir l’ensemble du programme à partir de l. 23).
Liaison savoir / vertu qui sous-tend tout le programme
encyclopédique d’éducation (l. 20).
2- L’enseignement des langues
Deux allusions à la nécessité d’apprendre les langues, un aspect primordial
du programme humaniste, parce que par les langues, mortes ou vivantes,
les savants prennent directement connaissance du savoir antique, sans
passer par les commentaires médiévaux. Source de savoir et de sagesse
(l’atelierde Minerve).
3- Un enseignement équilibré entre :
– savoir littéraire (littérature grecque et latine) et savoir
scientifique, (géométrie, arithmétique, histoire
naturelle) ;
– savoir théorique (connaissance des textes, par coeur
pour les beaux textes, lecture soigneuse des médecins
antiques et arabes, et des savants juifs, l. 41) et
savoir pratique (fréquentation des hommes,
connaissance du monde, dissections).
– savoir profane avec toute la littérature antique, et religieux
: le grec sert d’abord à lire le Nouveau Testament
et l’hébreu l’Ancien Testament : une culture composite et syncrétique.
Gargantua affirme se délecter de la lecture
des auteurs antiques, donc païens, pour attendre
l’heure où Dieu l’appellera à ses côtés.
Méfiance vis-à-vis de l’astrologie , art de
l’erreur et de l’analogie, et qui ne s’accorde pas avec un
programme humaniste fondé sur la vérité et sur l’observation
du monde.
4- Le ton de Gargantua à son fils
Fréquence des impératifs (achève, l. 30 ; apprends,
l. 31 ; laisse, l. 31 ; relis, l. 40 ; va, l. 43), des verbes
injonctifs, (je t’engage, l. 19 ; J’entends et je veux, l. 23 ;
je veux, l. 33, 35), et des subjonctifs de souhait ou d’ordre
(Qu’il n’y ait pas, l. 26-27 ; qu’il n’y ait, l. 36 ; que rien
ne te soit, l. 39). Modalité injonctive et ton solennel de la
lettre tempérés par l’appellation mon fils (l. 19), la signature,
ton père (l. 45), et l’affection que l’on pressent tout
au long de la lettre : Gargantua reconnaît son ignorance
passée (l. 15), et affirme le plaisir qu’il prend aujourd’hui
au savoir, je me délecte (l. 15). Il insiste sur la continuité
de l’éducation qu’il propose à son fils : je t’en ai donné
le goût quand tu étais encore jeune (l. 29-30).
Donc le sérieux qu’inspire le souci de dispenser une
bonne éducation, mais non dénué d’une tendresse un peu
austère.
Conclusion
Un ton qui contraste étonnamment avec les autres chapitres
de Rabelais, en particulier dans Pantagruel. Cela
traduit l’intérêt tout particulier que les humanistes attachent
à l’éducation. On trouve ici l’attrait de Rabelais
pour toutes les formes de savoir que son oeuvre entière
laisse transparaître de manière ludique.