QUE
BECHIR SOIT LIVRE A LA CPI...
C’est
certainement la plus grosse aberration de la courte histoire des nations
africaines et des organisations panafricaines qui s’est produite au début du
mois de juillet 2009 à Syrte en Libye. Les chefs d’Etats africains ont, au
cours d’une assemblée générale extraordinaire, convenu de soutenir le président
soudanais Omar El-Béchir qui est sous le coup d’un mandat d’arrêt international
de la Cour Pénale Internationale (CPI)
Tout serait partie
d’une plainte dans laquelle les familles des victimes du Darfour accusaient
El-Béchir pour des crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Après des
enquêtes menées par Luis Moreno Ocampo le procureur de la CPI en charge du
dossier, il ressort que des forces et des
agents contrôlés par Béchir ont tué au moins 35 000 civils et causé la
mort lente de 80 000 à 265 000 autres, contraints de fuir leurs
foyers devant les combats. Béchir a commis à travers d’autres personnes, un
génocide contre les ethnies Fur, Masalit et Zaghawa au Darfour, en utilisant
l’appareil d’Etat, les forces armées et les milices djandjaouides. Des milices
qu’il aurait recrutées pour écraser la population. Compte tenue de la
gravité des faits a la CPI s’est vue contrainte de lancer un mandat d’arrêt international
contre le président soudanais.
Le président soudanais
qui aurait dû saisir l’opportunité de cette tribune pour établir son innocence
et attirer l’attention de la communauté internationale sur sa démission dans le
conflit darfouri, a engagé une fuite en avant, un peu comme s’il était
convaincu de sa culpabilité. Après avoir expulsé toutes les organisations
humanitaires qui opéraient au Darfour, exposant à la faim, aux épidémies et aux
massacres des populations en proie à une guerre longue et incompréhensible, il
s’est empressé d’engager un bras de fer avec la CPI. C’est dans le cadre de ce
bras de fer que El-Béchir est allé quérir le soutien de ses paires d’Afrique au
récent sommet de l’Union Africaine à Syrte. Le fait surprenant en que en dehors
du Botswana et du Tchad qui ont clairement refusé de soutenir l’imposture de El-Béchir,
les autres Chefs d’Etats, même ceux ayant ratifié le traité créant la CPI, semblent
lui apporter leur soutien.
La prise de position
des Chefs d’Etats africains en faveur de leur homologue soudanais interpellent
tous les africains. La question lancinante de l’impunité refait surface. Et du
coup, on est tenté, pour comprendre ce qui s’est passé à Syrte le 03 juillet
dernier, de scruter l’univers des droits de l’homme en Afrique. On se rend
compte tout de suite les présidents africains ont fini par banaliser le
massacre de leur compatriote. Ainsi, au Congo par exemple, le procès des disparus du Beach dans laquelle certains
proches du président Sassou étaient impliqués a abouti à un non lieu. Au
Burkina-Faso, la mort du journaliste Norbert Zongo a rejoint la rubrique des
faits divers nationaux. Au Cameroun, société civile et pouvoir public ne
s’accordent toujours pas sur le nombre de camerounais tombés sous les balles
des forces de défense au cours des émeutes de la faim de février 2008.
Toutefois, les deux parties conviennent qu’il y a eu des morts. Des morts pour
rien. Aucun procès n’a été engagé. Un peu comme si les balles étaient tombées
du ciel. Les cas sont légions, et s’étendent à l’ensemble du continent.
On comprend que
El-Béchir ne soit pas inquiété. La peur d’une généralisation des poursuites a
prévalu sur le droit international. Et Béchir peut continuer son ouvrage en
toute sécurité, n’en déplaise à ces empêcheurs de massacrer en paix de la CPI.
Surtout que le record du cambodgien Pol Pot - avec deux millions de tués - est encore à battre.
FRANCAFRIQUE
Paul BIYA va-t-il
reprendre le flambeau ?
La présence du président camerounais
Paul Biya aux obsèques de son homologue et ami Omar Bongo, le rôle central que
lui ont dévolu les acteurs de la transition – entretien successifs avec la
présidente par intérim, le premier ministre Eyeghe Ndong ; candidat
déclaré à la succession, Pascaline et Ali Bongo…- témoignent de l’espoir que la
classe politique gabonaise place en lui pour une transition réussie. A ce
niveau, M. Biya dont la grande discrétion politique a inspiré l’ouvrage
« Le Code Biya » de l’écrivain et journaliste français Claude Mattei
peut véritablement se dévouer et favoriser une alternance pacifique et
impartiale au Gabon.
Toutefois, le président camerounais
est aussi interpellé sur un autre plan. La mort du président Bongo laisse orpheline
la plus grande organisation de crime économique encore en activité dans le
monde : la Françafrique. Créée aux lendemains des indépendances africaines
par le Général de Gaule, avec la complicité active de certains Chefs d’Etats
africains plus préoccupés par leur maintien au pouvoir que par le destin des
jeunes Etats et des peuples dont ils prenaient la charge, la Françafrique
devait permettre à la France de conserver ce pré carré sans lequel elle ne
pouvait tenir son rang de grande puissance ; de constituer une zone
économique privilégiée, protégée de la concurrence internationale…
Houphouët
Boigny fut naturellement choisit pour aider M. Jacques Foccart à favoriser
l’implantation de cette mafia. Evidemment, l’installation de l’affaire ne
pouvait se faire sans entraîner des dommages collatéraux. C’est ainsi que
beaucoup d’anciens chefs d’Etats furent assassinés dans des conditions
exécrables : Gata Tombalbaye au Tchad, Thomas Sankara en Haute-volta… Au
Gabon, le débarquement des parachutistes français remet Léon M’Ba au pouvoir après
un coup d’Etat orchestré par des officiers de l’armée nationale. A la mort de
Houphouët Boigny, le président Bongo qui avait profité des largesses de ladite
organisation pour succéder à Léon M’Ba en devient le parrain.
Sur
le plan économique, le journaliste du New York Times Howard French soutien dans
A Continent For The Taking que
« des pays comme le Gabon et la
République du Congo ainsi que la Côte-d’Ivoire ont gaspillé des décennies de
richesse en grande partie à cause de la Françafrique ». Toutefois, les
désastres économiques de la Françafrique vont largement au-delà d’un article de
presse comme celui-ci ou même d’un roman. La réalité est que des millions de
jeunes gabonais, ivoiriens, congolais, camerounais, sénégalais… vivent
aujourd’hui dans des conditions d’extrême misère sans que personne ne puisse
prendre les devants pour dire que l’enrichissement
des Bolloré, Elf, Lafarge… ; l’élection des Giscard d’Estaing, Mitterrand,
Chirac et plus proche de nous Nicolas Sarkozy se sont faites sur le sang des
africains.
C’est
cette organisation qui, une fois de plus, refusant de disparaître s’est
retrouvée aux obsèques du président Bongo pour essayer de recruter un nouveau
parrain en la personne du président Biya. Et pour l’aider à réfléchir
sereinement, le Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement (CCFD)
s’est subitement rappeler que sa famille et lui s’étaient enrichi de manière illicite et sauvage depuis 1982. Et il faut
prévoir dans les jours à venir des pressions supplémentaires venant d’ONG ou de
médias internationaux.
De
toute façon, les observateurs de la scène politique africaine estiment qu’il
faut plus que ce genre d’agitation pour ébranler celui que les médias français
ont à tort ou à raison surnommé le Sphinx. Aux profiteurs de la Françafrique de
bien se tenir, de faire provision de munitions, le combat risque d’être long.