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A propos de la situation en Tunisie : optimisme et discernement Posté le Jeudi 29 Septembre 2011 à 14h54

Editorial de Mgr Maroun Lahham, archevêque de Tunis,

 

dans Flash, revue diocésaine, septembre-octobre 2011

 

Cher tous,

 

Les élections prévues pour le 24 juillet sont reportées au 23 octobre. C’est un grand tournant dans l’histoire de la Tunisie après le 14 janvier. J’ai toujours recommandé de suivre tout cela avec optimisme et discernement. Optimisme : déjà par vocation, mais aussi parce que le pays – et l’Église – a vécu un véritable Tsunami politique, et il se prépare à vivre une transition démocratique qui sera la première dans le monde arabo musulman. Et comme il a été suivi par d’autres pays dans sa révolution, j’espère qu’il le sera dans sa marche décidée vers la démocratie. Le peuple tunisien sait que son pays est un «laboratoire», et je suis sûr qu’il a tout intérêt à réussir cette transition.

 

Ceci dit, il faut ajouter le discernement à notre optimisme. Car, dans cette démarche historique, il y a trois moments de durée inégale : la révolution, les élections démocratiques et la mentalité démocratique.

 

- La révolution : c’est le premier moment et le plus rapide. Cela a été fait sans beaucoup de dégâts.

Nous sommes à quelques mois du fameux janvier, et la situation générale du pays est assez calme.

 

- Les élections. Entre la Constituante (23 octobre) et les élections présidentielles et législatives, il faut compter un minimum de deux ans. L’important dans ce deuxième moment est de jeter les fondements d’une Constitution et d’un Gouvernement démocratiques. C’est important parce que c’est irréversible. On ne change pas de Constitution tous les deux ans. Et c’est à partir de cette Constitution et du Gouvernement qui présidera au destin du pays que commence le troisième moment qui consiste à acquérir une mentalité démocratique.

 

- La véritable démocratie. On ne change pas de régime comme on change de chemise. Les pays de l’Europe de l’Est ont mis des décennies pour se former à la vie démocratique. La Tunisie aura besoin encore de plus de temps: deux générations peut-être. Nous connaissons tous comment on vit en Tunisie. Une mentalité démocratique signifie le travail bien fait, la précision dans le dire et le faire, le respect du temps et des engagements pris, l’humilité de dire qu’on ne sait pas tout, le respect de l’autre différent, la responsabilité dans l’exercice du droit à parler, à faire la grève et à manifester, les valeurs civiques telles la propreté générale et le respect du code de la route. La mentalité démocratique signifie aussi savoir conjuguer le fait d’être un pays arabe et musulman avec ce que requiert la modernité…

 

Je ne dis pas cela pour décourager, mais par souci de réalisme. À s’attendre à avoir tout, tout de suite, on risque d’être vite déçu. La Tunisie n’a de leçons à recevoir de personne. Quelques modèles de démocratie peuvent servir de référence mais pas d’exemple à imiter (la Turquie en l’occurrence). La Tunisie aura son propre modèle de démocratie qu’elle devra «s’inventer». Et comme la Tunisie ne prend pas de leçons des autres en termes de démocratie, elle n’en donne pas non plus. Chaque pays arabe devra penser à son modèle propre.

 

Dans le prochain Flash, on sera déjà engagé dans la merveilleuse marche démocratique. Mettons-nous y avec

joie, optimisme, réalisme, mais aussi avec un esprit de prière pour que tout se passe au mieux.

 

+ Maroun Lahham

Archevêque de Tunis

27 août 2011

Un commentaire. Dernier par Dialogue-Abraham le 17-10-2011 à 14h20 - Permalien - Partager
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