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infos Syrie Posté le Vendredi 13 Septembre 2013 à 11h01

Moscou comme puissance de médiation

La Russie a appelé la Syrie à placer son arsenal chimique sous contrôle international. L'initiative russe ne constitue pas en soi une réelle surprise. Elle dérive d'une idée initialement suggérée par Moscou et Téhéran, reprise à son compte par le Kremlin et discutée lors du G20 de Saint-Pétersbourg. L'idée intéresse de fait nombre de chancelleries préoccupées du risque de voir l'arsenal chimique syrien tomber aux mains des djihadistes présents en Syrie.

La mise en œuvre éventuelle de cette proposition suscite d'ores et déjà de vifs débats. Mais les hésitations de Washington et Paris à propos d'une réponse militaire à l'attaque au gaz le 21 août, alimentées par la réticence de leurs partenaires, Parlements et opinions publiques, n'en ont pas moins créé une opportunité de taille pour la diplomatie russe. Les Etats-Unis, tout en exprimant du scepticisme quant à l'initiative de Moscou, se sont empressés, par la voix de Barack Obama, qui a reporté le vote au Congrès, d'exprimer de l'intérêt pour ce développement " potentiellement positif ".

La Russie reprend ainsi la main. Elle espère enrayer une logique militaire qui il y a une semaine semblait inéluctable. De ce point de vue, la pression militaire américano-française, malgré sa prudence, n'aura pas été inutile. Jusqu'alors, en effet, la Russie n'avait pas eu à s'inquiéter de la détermination sur le dossier syrien des Occidentaux, échaudés et fatigués par les engagements en Irak et en Afghanistan. Cela lui avait permis de se contenter d'un investissement politique et militaire a minima dans sa posture d'obstruction au Conseil de sécurité de l'ONU, d'ailleurs approuvée plus ou moins discrètement par de nombreux Etats.

Que recherche le Kremlin à travers son initiative ? Il vise à éloigner la perspective d'une intervention militaire en Syrie sans mandat du Conseil de sécurité de l'ONU, ce qui ipso facto affaiblirait la position russe. Le Kosovo et l'Irak hantent toujours les esprits des Russes, qui appréhendent ces deux opérations comme des symboles insupportables de l'absence de désir des Américains et des Européens de prendre en compte l'avis de la Russie.

A travers son initiative, Moscou entend donc ramener l'ONU au centre du jeu diplomatique, ce qui renforce de fait sa propre position en tant que membre permanent du Conseil de sécurité. Elle entend aussi redorer son blason en se posant en garant " sérieux " et responsable d'un enjeu crucial en matière de sécurité internationale - le contrôle sur les armes de destruction massive.

Moscou a joué depuis le début des années 2000 une partition du même ordre sur le dossier nucléaire iranien, au sujet duquel les Occidentaux reconnaissent que, en dépit de sa position particulière, la Russie a lutté contre la prolifération nucléaire. Moscou n'est d'ailleurs pas moins sensible que le reste de la communauté internationale au risque de récupération d'armes chimiques par des groupes islamistes.

Enfin, si M. Poutine a bien montré qu'il ne craint pas de se trouver dans une relation sous  haute tension avec les Etats-Unis, la proposition sur les armes chimiques syriennes lui permet de faire baisser la pression d'un cran. La Russie escompte que, si son initiative contribue à ouvrir une nouvelle étape diplomatique sur la Syrie, son rôle dans la recherche internationale d'une résolution de la crise en sera renforcé. Elle pourra de nouveau mettre en avant ses atouts particuliers comme puissance de médiation, atouts que sa posture d'obstruction sur la Syrie avait amenuisés en générant des tensions avec les capitales occidentales mais aussi en suscitant le mécontentement d'une bonne partie du monde arabe. En tout état de cause, la Russie suppose que la nouvelle situation créée par son ouverture diplomatique sur les armes chimiques syriennes est a priori plus favorable à ses intérêts si le départ de Bachar Al-Assad devait s'avérer inévitable.

Au-delà, Vladimir Poutine espère que la nouvelle donne incitera les Occidentaux à considérer ses propositions de partenariat stratégique au nom des intérêts de sécurité communs - mais aussi au-delà des divergences politiques. Barack Obama et François Hollande ont signalé que ces divergences posaient de plus en plus de problèmes dans la construction des relations. Ainsi, en soi, les propositions du Kremlin sur la Syrie reposent la question : jusqu'où aller dans la coopération avec une Russie qui conserve des atouts certains mais qui, n'hésitant pas à les surjouer de façon agressive pour mieux masquer les failles de sa puissance, veut que l'Occident la prenne telle qu'elle est et non telle qu'il la " rêve " ?

Isabelle Facon

Maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique ; maître de conférences à l'Ecole polytechnique

Le projet russe ne règle rien mais rétablit un lien direct avec Washington

M. Poutine pense à son prestige mondial, non à la survie de Bachar Al-Assad

Force est de reconnaître au Kremlin un sens de la manœuvre dont peu de diplomaties sont aujourd'hui capables. La proposition russe invitant Damas à placer son arsenal chimique sous contrôle international est avant tout dilatoire. Apparemment, le tandem Poutine-Lavrov, alliage d'expérience et de constance, aurait pris l'ascendant sur un tandem Obama-Kerry émotionnel et pusillanime.

En réalité, le Kremlin et la Maison Blanche ont momentanément besoin l'un de l'autre pour préserver leur crédibilité internationale, évidemment plus importante à leurs yeux que le sort du peuple syrien. Cinquante-sept ans après Suez, Washington et Moscou renvoient, une nouvelle fois, Londres et Paris à leurs insuffisances. Pour Moscou, c'est la monnaie de la pièce libyenne.

Cinquante ans après l'instauration du téléphone rouge, les deux capitales se retrouvent, une nouvelle fois, dans un dialogue direct pour gérer une crise aiguë. Pour Washington c'est une manière d'échapper au piège de l'unilatéralisme.

Sur le fond, la proposition russe ne règle rien, mais vise à replacer le dossier dans le cadre de l'ONU. Sur le plan médiatique, Moscou réussit le tour de force d'apparaître comme garant du droit international et médiateur principal, ce qui constitue un succès, cinq ans après son intervention militaire en Géorgie.

Concernant la Syrie, la Russie a opposé, à trois reprises, son veto, avec la Chine, aux projets de résolution visant à condamner la répression de Bachar Al-Assad contribuant ainsi à l'escalade de la violence. La promptitude de Damas à répondre favorablement à la proposition russe sonne comme un semi-aveu de recours aux armes chimiques. Proposer un processus de maîtrise des armements, en pleine guerre civile, constitue une première, qui laisse perplexe. Imagine-t-on Bachar Al-Assad remettre les clés de ses arsenaux aux inspecteurs de l'ONU ? Imagine-t-on ses opposants observer de telles manœuvres ?

Comme son allié iranien, le régime syrien est passé maître dans l'art de la dissimulation de ses moyens militaires. Cependant, Bachar Al-Assad est aujourd'hui engagé dans une lutte à mort et joue son va-tout. En dépit de ses brillantes prestations médiatiques, il doit sentir que son destin personnel pourrait bien ressembler à celui de Slobodan Milosevic ou du colonel Kadhafi.

Pour Moscou, l'objectif ultime n'est pas la survie personnelle de Bachar Al-Assad, mais son prestige international. La Syrie consacre, en effet, son retour d'influence sur la scène internationale. De Pristina à Damas, on mesure le chemin parcouru par un pays qui a su reconstruire une politique étrangère pendant que les Etats-Unis dilapidaient leur capital stratégique en Afghanistan et en Irak.

Grâce à la Syrie, Moscou rétablit un rapport direct et exclusif avec Washington. Vladimir Poutine bénéficie en matière de politique étrangère d'un très large consensus, aussi bien au sein des élites, y compris l'opposition, que de l'opinion. Il existe une sorte d'obsession américaine chez lui : les Etats-Unis sont perçus comme les principaux responsables du déclassement de la Russie et, dans le même temps, comme les interlocuteurs indispensables pour rehausser sa stature.

Par petites touches, le président russe a su exploiter l'antiaméricanisme provoqué par l'intervention en Irak auprès de différents pays, tout en adoptant une posture assumée de résistance idéologique à l'influence américaine. Le maître du Kremlin rêve désormais du prix Nobel de la paix pour apparaître comme le seul alter ego de Barack Obama.

Au Moyen-Orient, la position de Moscou a trop longtemps été analysée sous l'angle étroit de sa relation bilatérale et de sa coopération militaire avec Damas. Ce facteur joue, mais n'explique plus la détermination de Moscou. Entre 2005 et 2011, la Syrie n'était que le septième client de la Russie en matière d'armements, très loin derrière des pays comme l'Inde, la Chine ou l'Algérie. Pour Moscou, l'enjeu est désormais régional, dans la mesure où se jouerait un conflit de civilisations au sens où l'entendait Samuel Huntington.

Fondamentalement, la Russie se sent prise en tenaille entre occidentalisme et islamisme. Plus précisément, l'occidentalisme militariste et moralisateur est vu comme déstabilisateur aux marges de la Russie, alors que le " wahhabisme " est ressenti comme une menace directe au sein même de la Fédération. Moscou redoute l'effet domino des affrontements entre chiites et sunnites, et considère le Qatar et l'Arabie saoudite comme des régimes déstabilisants.

A cette dimension régionale s'ajoute une dimension globale, qui explique la dernière manœuvre russe. Le dossier syrien offre une occasion inespérée de miner un peu plus encore la notion d'Occident en rabaissant les prétentions militaires des puissances moyennes européennes. En ce sens, les suites de la Syrie joueront directement sur les rapports de force en matière de sécurité européenne.

Historiquement, Moscou, à l'instar de Washington, s'est toujours méfié d'un rapprochement militaire trop étroit dans un cadre franco-allemand ou franco-britannique. En parallèle, Moscou et Washington utilisent la crise pour souligner la position toujours périphérique de Pékin au Moyen-Orient.

Sur la forme, les relations russo-américaines apparaissent plus tendues que jamais. Or, sur le fond, les deux pays ont toujours su gérer conjointement les situations extrêmes. Ils disposent pour ce faire de canaux qui ne se limitent plus au seul téléphone rouge.

Thomas Gomart

Directeur du développement stratégique de l'IFRI

 

Prenons au sérieux l'initiative du Kremlin

La proposition de la Russie de placer l'arsenal chimique syrien sous contrôle international a provoqué scepticisme, méfiance et suspicion en Occident. Beaucoup s'accordent à dire que le Kremlin essaie juste de gagner du temps au profit de son ami Bachar Al-Assad, afin que celui-ci puisse se préparer à d'éventuelles frappes. D'autres estiment que M. Poutine utilise sa tactique " byzantine " pour faire éclater la très fragile coalition favorable aux représailles et placer ainsi Barack Obama dans une position difficile vis-à-vis d'un Congrès toujours incertain. L'initiative russe est souvent rejetée, car perçue comme démagogique, dilatoire, irréaliste et intéressée.

J'ai mes propres réserves sur l'approche globale de Moscou dans la crise syrienne, mais, dans ce cas particulier, accordons le bénéfice du doute à M. Poutine. Tout d'abord, les Russes sont préoccupés par l'arsenal chimique en Syrie et Moscou n'a jamais encouragé ce type d'ambitions. Depuis le début de la guerre civile, l'administration russe a maintes fois déclaré que l'usage des armes chimiques était totalement inacceptable.

La ligne rouge a été franchie lorsqu'elles ont été utilisées. Pour le moment, nous n'avons aucune certitude quant aux responsables de cette tuerie et il faut convenir que cela n'aurait pas été très rationnel de la part de Bachar Al-Assad, alors qu'il venait finalement d'accepter de recevoir les inspecteurs de l'ONU chargés d'enquêter sur les récentes allégations. La situation militaire de Damas n'était pas désespérée au point de jouer à la roulette russe en utilisant des armes de destruction massive. Un usage non autorisé par des militaires corrompus ou une provocation de la part d'opposants radicalisés ne peuvent être exclus, du moins pour le moment.

Mais admettons de façon purement hypothétique que des armes chimiques aient été utilisées par le régime d'Al-Assad, quel qu'en soit le responsable. Des représailles aériennes limitées contre son régime garantiraient-elles le règlement du problème des armes chimiques en Syrie ? Absolument pas. Il est même probable que le contraire se produise - cela nuirait sérieusement au gouvernement ainsi qu'aux organismes chargés de la sécurité des stockages d'armes chimiques, qui en sortiraient dangereusement affaiblis. Pas besoin d'être un génie pour se dire que cet arsenal perdu dans la nature pourrait refaire surface un jour ou l'autre en Asie centrale ou dans le Caucase du Nord.

De plus, les experts en politique étrangère du Kremlin ont toutes les raisons d'être sceptiques quant à l'efficacité de représailles limitées ou même d'une intervention américaine de plus grande ampleur dans la région - et il est vrai que, au regard de ce qui s'est passé en Irak et en Afghanistan, ce n'est pas très rassurant. En tant que leader responsable, Vladimir Poutine devrait s'inquiéter d'une possible contagion du conflit près de ses frontières et notamment d'une implication de l'Iran.

Le sommet du G20 à Saint-Pétersbourg a démontré qu'une éventuelle action militaire en Syrie allait au-delà des intérêts diplomatiques de la Russie. Pour la première fois, la majorité des dirigeants mondiaux s'est accordée à penser qu'une intervention militaire d'envergure contre un Etat souverain pourrait être mise en place sans l'aval du Conseil de sécurité de l'ONU. En d'autres termes, ils sont d'accord pour faire fi de l'institution qui a toujours été au centre du système de sécurité globale depuis la moitié du XXe siècle. Différence certes saisissante avec l'opération en Irak il y a dix ans, quand les Etats-Unis ont lamentablement échoué à créer une coalition avec leurs alliés de l'OTAN ! Une éventuelle marginalisation au sein de l'ONU doit être un cauchemar pour la Russie, qui compte sur son statut de membre permanent du Conseil de sécurité et du pouvoir qui va de pair : le droit de veto.

Il est facile de critiquer cette initiative russe. C'est une proposition ambitieuse et, si elle se concrétise, cela peut vite déraper, car Bachar Al-Assad peut décider de ne pas jouer le jeu et tricher. Les inspecteurs internationaux peuvent tout à fait être la cible des extrémistes de tous bords. Les pays participants peuvent ne pas tomber d'accord sur la manière d'intervenir. La destruction matérielle des armes chimiques peut prendre des années et coûter des milliards. Et ainsi de suite.

En revanche, si le plan fonctionne, cela peut complètement changer la donne, tout au moins à deux égards de la plus haute importance. Tout d'abord, ce serait la première concession significative du régime d'Al-Assad depuis deux ans et demi de guerre civile. La première étape étant toujours la plus difficile, nous pouvons nous attendre à plus de flexibilité de la part des factions modérées à Damas. Un contrôle international de l'arsenal chimique impliquerait de facto un déploiement des unités onusiennes pour le maintien de la paix. Un engagement international à caractère non militaire pourrait prendre corps graduellement, avec des programmes d'assistance humanitaire, des ONG de défense des droits de l'homme, des médias internationaux, etc. De telles occasions ne risquent pas de voir le jour si une riposte militaire est mise en place contre le régime d'Al-Assad.

Ensuite, une action militaire conjointe en Syrie pourrait complètement changer la donne dans les relations entre la Russie et l'Occident. Un effort conjoint sur un problème sensible et d'une importance critique comme celui de la Syrie est exactement ce dont nous avons besoin pour inverser la tendance négative de ces relations, pleines de méfiance, de crises artificielles et de la rhétorique archaïque héritées de la guerre froide. Si la proposition de la Russie est mise en place avec succès en Syrie, un accord commun pourra être trouvé au sujet de l'Iran, du bouclier antimissile et autres sujets de désaccord. Ce pourrait être un incroyable catalyseur pour de nouvelles relations entre la Russie et les Etats-Unis.

D'aucuns pourraient arguer du fait que, avec sa récente proposition, Vladimir Poutine tente de voler la vedette aux Etats-Unis et ses alliés afin de se présenter comme le " sauveur de la Syrie " et cela pourrait certes être assez irritant. Mais gardons en tête que, même si le problème des armes chimiques est résolu avec succès, ce ne sera pas la fin de la tragédie syrienne.

Mettre fin à la guerre civile et reconstruire le pays nécessitera bien plus que de gérer un type d'armement militaire en particulier. Le problème syrien est d'une telle ampleur qu'il laisse assez de place à quiconque souhaiterait contribuer à sa résolution.

Traduit de l'anglais par Delphine Colin

Andre Kortunov

Directeur général du Russian International Affairs Council

 

ANALYSE

Syrie : Hollande dans les pas de Mitterrand

 

Depuis le début de son mandat, le chef de l'Etat s'inscrit dans la pratique traditionnelle de la Ve République

Si certains en doutaient encore, la crise syrienne les aura décillés : François Hollande s'accommode plus que parfaitement des pouvoirs que lui confère la Constitution, quand bien même ces pouvoirs lui paraissaient excessifs quand ils étaient détenus par d'autres que lui. Le débat sur l'opportunité d'un vote du Parlement en cas d'intervention militaire de la France contre le régime de Bachar Al-Assad en est une édifiante illustration.

A première vue, le fait que le président de la République n'exclue pas qu'un tel vote puisse avoir lieu semble infirmer cette thèse. Constitutionnellement, en effet, rien ne l'y oblige : c'est seulement quand une intervention militaire à l'étranger dépasse une durée de quatre mois que le Parlement doit voter pour en autoriser la prolongation.

En laissant s'installer l'idée qu'il pourrait consulter la représentation nationale plus tôt, voire en amont d'une éventuelle intervention, le chef de l'Etat peut donner l'impression qu'il renonce à une partie de ses prérogatives. Et qu'en cela, il est fidèle au discours qu'il tenait avant d'entrer à l'Elysée, sur la nécessaire " revalorisation " du Parlement.

" Vote de renforcement "

La vérité est plus pragmatique. Dans l'affaire syrienne, François Hollande pense d'abord à lui-même. En privé, il explique qu'un vote du Parlement ne se justifierait que s'il était, dit il, un " vote de renforcement " - sous-entendu : de lui-même. A cette aune, on comprend mieux le ressort profond de son hésitation sur l'opportunité d'un tel vote. Pour le chef de l'Etat, l'enjeu n'est pas constitutionnel, il est d'abord politique : s'il est assuré qu'une large majorité de parlementaires approuvera sa décision, il les fera voter ; s'il en doute, il ne prendra pas le risque.

Reste à savoir, en cas de vote, quelle procédure choisirait François Hollande. Une option consiste à utiliser l'article 50-1 de la Constitution, introduit en 2008, qui dispose que " devant l'une ou l'autre des assemblées, le gouvernement peut (...) faire, sur un sujet déterminé, une déclaration qui donne lieu à débat et peut, s'il le décide, faire l'objet d'un vote sans engager sa responsabilité ". L'autre possibilité est d'utiliser l'article 49-1, qui permet au premier ministre d'engager " devant l'Assemblée nationale la responsabilité du gouvernement sur son programme ou éventuellement sur une déclaration de politique générale ". C'est ce qu'avait fait M. Mitterrand, en 1991, lors de la première guerre du Golfe.

Laquelle de ces options M. Hollande aurait-il intérêt à choisir ? Les spécialistes de droit constitutionnel sont partagés. Pour les uns, le vrai courage serait de passer par l'article 50-1. " Si la responsabilité du gouvernement n'est pas engagée, des parlementaires de la majorité peuvent se sentir libres de voter contre ; dans le cas contraire, ils auront tendance à être plus disciplinés, explique ainsi Pierre Avril. Pour Hollande, utiliser le 50-1 serait donc plus courageux, alors que le 49-1 serait une dérobade. "

D'autres constitutionnalistes défendent la thèse opposée. " Quand on est face à un choix politique majeur, comme celui d'envoyer des troupes à l'étranger, on doit utiliser la procédure majeure, qui consiste à mettre en jeu la responsabilité du gouvernement ", explique ainsi Didier Maus, pour qui M. Hollande devrait utiliser le 49-1.

Que faire, donc ? " La question du débat s'est posée à des fins purement politiciennes, résume un proche de Hollande. Le président aurait pu la balayer d'un revers de main, comme le précise la Constitution. Il ne l'a pas fait. Il n'a pas tranché et il est vraisemblable qu'il n'ait pas à le faire. " Au-delà de la situation diplomatique, c'est donc d'abord le calcul entre coût et bénéfice politiques qui guidera le choix de l'Elysée. Qu'il choisisse d'ignorer le Parlement ou d'y rechercher un consensus national, le dessein sera toujours de sécuriser sa position

" Ce que le président a à l'esprit, c'est la position de la France et la fonction présidentielle, poursuit ce proche. Il s'agit de préserver l'une et l'autre, les deux étant liées. " L'épisode de la loi sur la transparence, consécutif à l'affaire Cahuzac, l'avait pour la première fois démontré de façon éclatante : nourri à la culture par essence parlementariste du PS, M. Hollande n'avait pas hésité, dès lors que l'ampleur de la crise politique l'imposait, à heurter de plein fouet la corporation des élus.

" Les institutions n'ont pas été faites à mon intention mais elles sont bien faites pour moi ", reconnaissait François Mitterrand dans Le Monde du 2 juillet 1981. Trente-deux ans plus tard, le dossier syrien le confirme : M. Hollande est sans doute du même avis, même s'il ne l'affirme pas aussi ouvertement.

 

David Revault d'Allonnes et Thomas Wieder

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