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ANALYSE

Guerre de mouvement et attentats :

la stratégie à double détente de l'Etat islamique

Erbil (Kurdistan irakien) Correspondance

 

 

 

Les victoires fulgurantes de l'Etat islamique (EI) et de ses alliés, remportées à coups de convois de pick-up lancés à travers la plaine et de bombardements au moyen de blindés et de pièces d'artillerie arrachés à l'armée irakienne, ont pris le monde de court depuis juin. Elles ont montré la capacité du groupe djihadiste à mener une offensive conventionnelle visant la conquête de territoires où il s'attache à présent à mettre en œuvre son utopie millénariste.

Le concours apporté par l'aviation américaine aux forces kurdes et irakiennes a permis d'interrompre, depuis la mi-août, ce mouvement d'expansion. Mais les capacités militaires dont l'EI dispose lui permettent à ce stade de préserver les zones placées sous son contrôle d'une contre-attaque massive. Et si les djihadistes ont prouvé qu'ils étaient capables de mener une attaque territoriale classique, ils maîtrisent aussi les fondamentaux de la guérilla et de l'action terroriste.

Les attentats qu'ils ont revendiqués le 23 août, à Erbil, la capitale du Kurdistan irakien, et dans la ville de Kirkouk – passée sous le contrôle des forces kurdes après le retrait de l'armée irakienne en juin –, l'ont rappelé à ceux qui auraient été tentés de l'oublier.

" La capacité de projection de l'Etat islamique a été sérieusement diminuée par les frappes américaines, mais nous redoutons maintenant un recours massif aux attentats-suicides et aux voitures piégées dans des villes qu'il ne peut plus attaquer frontalement ", explique Polad Talabani, un officier des forces antiterroristes kurdes.

Cette inquiétude est largement partagée au Kurdistan irakien qui, depuis 2003, était parvenu à se tenir à l'écart du chaos prévalant dans le reste du pays. La force de frappe américaine aura beau cantonner les djihadistes et mettre un terme à la guerre de mouvement qu'ils menaient face aux peshmergas (combattants kurdes) et à l'armée irakienne, elle ne pourra pas empêcher l'Etat islamique de maintenir un état de tension permanent par des voies détournées.

Les trois attentats-suicides de Kirkouk, qui ont fait 21 morts et 118 blessés, étaient directement dirigés contre les forces kurdes. Ils ont visé les locaux de leurs services de renseignement, des positions militaires ainsi qu'un marché aux armes où elles sont particulièrement présentes. La voiture piégée qui a explosé à la périphérie d'Erbil n'a fait que quatre blessés. Mais cet attentat instille à nouveau le doute sur la capacité des autorités du gouvernement autonome kurde à maintenir le statut particulier de la région. Un attentat-suicide perpétré en septembre 2013, le premier en six ans, avait déjà ébranlé la capitale du Kurdistan.

Si Erbil et les grandes villes de cette région se distinguent toujours par leur calme et leur prospérité et si l'atmosphère qui y règne n'a pas été radicalement affectée par la menace terroriste ou la proximité des forces djihadistes, parvenues à une trentaine de kilomètres de la capitale, les mesures de sécurité y ont été cependant renforcées.

L'action des services de sécurité de la région autonome alimente toutefois des tensions ethniques. Elle est en effet dirigée principalement vers les dizaines de milliers d'Arabes qui y ont trouvé refuge depuis l'offensive de l'armée irakienne contre la province sunnite d'Al-Anbar au début de l'année et les avancées de l'EI dans le nord du pays ces derniers mois. La défiance croissante de la population kurde à l'encontre de ces nouveaux venus empoisonne aussi l'atmosphère.

Depuis la chute de Saddam Hussein, en 2003, les prédécesseurs de l'Etat islamique, comme Al-Qaida en Irak, dirigé par Abou Moussab Al-Zarkaoui, ont tous nourri la haine communautaire. Les mesures de punition collective ordonnées par le pouvoir central à Bagdad, contrôlé par des formations chiites, en représailles à leurs opérations terroristes, ont soudé autour d'eux la population sunnite arabe. Ce fut notamment le cas lors de la guerre confessionnelle qui a ravagé l'Irak en 2006 et 2007.

L'Etat islamique est donc en mesure de jouer sur plusieurs tableaux à la fois. Il peut actionner des méthodes qui ont prouvé leur sinistre efficacité par le passé tout en s'appuyant sur une force militaire conventionnelle à même de sanctuariser les territoires où il ambitionne de rebâtir un califat. Et les quelque 12 000 volontaires étrangers qui l'ont rejoint, selon le département d'Etat américain, lui offre même une capacité de projection internationale.

Abou Bakr Al-Baghdadi, le chef de l'EI, a donc toutes les cartes en main pour exercer encore longtemps sa capacité de nuisance.

Allan Kaval

 

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Un djihadiste américain tué au combat en Syrie

Un Américain, Douglas McAuthur McCain, soupçonné d'être un djihadiste de l'Etat islamique (EI), a été tué dans des combats en Syrie, a indiqué, mardi 26 août, la Maison Blanche, confirmant des informations des chaînes NBC et CNN qui avaient révélé que McCain avait perdu la vie le week-end dernier lors d'affrontements armés entre groupes rebelles rivaux. D'après NBC, il faisait partie d'un groupe de trois combattants djihadistes étrangers des rangs de l'EI. Selon le département d'Etat, quelque 12 000 djihadistes étrangers venant de 50 pays différents se sont rendus en Syrie depuis le début du conflit il y a plus de trois ans, dont un " petit nombre d'Américains ". Des responsables américains avaient confié la semaine dernière que plus de 100 ressortissants des Etats-Unis sont partis se battre en Syrie ou ont tenté de le faire.

 

Washington rejette l'aide de Damas contre l'EI

Washington Envoyé spécial
Les Etats-Unis ont commencé leurs vols de reconnaissance en Syrie, au-dessus des zones contrôlées par les djihadistes

 

La posture est familière et l'offre de service est syrienne. Il n'a pas fallu attendre longtemps pour que le gouvernement de Bachar Al-Assad prenne la mesure de l'opportunité créée par l'expansion de l'Etat islamique (EI) et l'inquiétude que les djihadistes suscitent désormais à Washington. Dans un premier temps, le président des États-Unis, Barack Obama, avait circonscrit sa riposte au théâtre d'opérations irakien.

Appelé officiellement en renfort par Bagdad, Washington s'était borné à appuyer, par un soutien aérien, une contre-offensive des forces kurdes un instant mises en difficulté. L'exécution du journaliste James Foley, le 18 août, puis le constat, dressé trois jours plus tard par le plus haut responsable militaire du Pentagone, Martin Dempsey, que l'EI dispose en Syrie d'un sanctuaire échappant aux bombardements américains ont montré les limites d'un réengagement a minima. Il pourrait d'ailleurs s'étendre désormais en Irak à Amerli, une localité turkmène menacée par l'EI, qui ne figurait pas initialement dans les objectifs listés le 7 août par M. Obama.

Face à ce réengagement, Damas, par la voix de son ministre des affaires étrangères, Walid Mouallem, s'est donc dit prêt, lundi 25 août, à coopérer " au niveau régional et international à la lutte contre le terrorisme ". Le régime syrien ne s'est pas opposé à des opérations américaines en Syrie à condition qu'elles soient coordonnées avec lui. Dans le cas contraire, elles relèveraient de l'" agression ". M. Mouallem a d'ailleurs assuré que le raid américain lancé pour tenter de libérer des otages, avant le début des frappes américaines en Irak, n'aurait sans doute pas échoué si Damas y avait été associé.

Ce n'est pas la première fois que le régime syrien tente de jouer cette carte. La différence réside dans les dizaines de milliers de morts auquel il est associé depuis qu'il a militarisé la répression de la rébellion syrienne, à l'automne de l'année 2011. Ce qui a précipité la rupture entre les deux pays. Les voix restent ainsi très rares à Washington qui défendent l'argument du moindre mal : la défaite de l'EI valant bien à leurs yeux une réhabilitation, même partielle, de Bachar Al-Assad.

" Tout le camp pro-israélien s'y opposerait, parce que renouer avec Damas au nom de la lutte contre l'Etat islamique serait une première étape avant de renouer avec Téhéran pour la même raison, au risque de se montrer moins regardant sur la question du programme nucléaire iranien ", estime Joshua Landis, spécialiste de la Syrie à l'université d'Oklahoma. Le régime est " une partie du problème ", a estimé le 21 août Martin Dempsey.

L'initiative syrienne a coïncidé avec l'annonce du feu vert donné le 24 août par le président Barack Obama à des vols de surveillance du territoire syrien, par des drones et des avions espions, pour collecter des informations sur les positions tenues par l'Etat islamique. Si la Maison Blanche a exclu mardi toute coordination avec le régime de Bachar Al-Assad, par la voix de son porte-parole, Josh Earnest, l'offre de service syrienne n'en met pas moins en évidence les zones d'ombre de ce qui constitue pour l'instant la stratégie américaine : la participation à l'endiguement de l'Etat islamique pour permettre la constitution d'une coalition capable de le vaincre.

En Syrie, l'administration américaine est privée d'une bonne partie de ses cartes irakiennes, à commencer par la présence d'alliés au sol. En juin, M. Obama avait évoqué l'opposition modérée en la décrivant comme composée " d'anciens paysans, d'enseignants et de pharmaciens ", ce qui relativisait ses attentes. " En deux ans, Washington a dépensé moins d'argent - pour soutenir cette opposition - qu'en une seule semaine en Irak aux heures les plus difficiles ", assure M. Landis. De même, les États-Unis ne pourront pas se prévaloir avec la Syrie d'un appel à l'aide provenant des autorités officielles du pays, alors que l'état des relations avec la Russie, sur le fond de crise ukrainienne, complique considérablement tout passage par les Nations unies.

Refusant de monter trop visiblement en première ligne, Washington assure ensuite que la victoire contre l'Etat islamique peut être obtenue par une coalition régionale, sans en préciser la composition. Cette dernière irait au-delà des sept pays qui se sont d'ores et déjà mobilisés pour réarmer les forces kurdes et dont le secrétaire d'Etat à la défense américain, Chuck Hagel, a dressé la liste mardi (Albanie, Canada, Croatie, Danemark, France, Italie et Royaume-Uni). Elle reposerait logiquement sur les alliés traditionnels de Washington dans la région : la Turquie, la Jordanie et l'Arabie saoudite. Mais il est difficile d'imaginer ces pays s'impliquer dans une telle campagne faute de moyens opérationnels et, surtout, compte tenu des risques politiques d'un tel engagement.

Enfin, toute extension à la Syrie des efforts américains déjà portés en Irak va rester pour longtemps tributaire des résultats obtenus sur ce premier terrain. L'éviction du premier ministre sortant, Nouri Al-Maliki, a été un premier succès, mais les dérives sectaires ont atteint un tel niveau dans le pays au cours des derniers mois qu'un rapprochement entre chiites et sunnites — qui priverait l'Etat islamique d'une partie du terreau sur lequel il prospère — reste un objectif extrêmement ambitieux.

Gilles Paris

 

L'irrésistible ascension d'un djihadisme protéiforme

 

Alors que l'Etat islamique (EI) vient de proclamer un califat sur les territoires conquis en Syrie et en Irak, qui se souvient encore qu'il y a trois ans, le monde avait, dans une profusion hâtive de commentaires enthousiastes, signé l'acte de décès d'Al-Qaida et du djihadisme international ?

Il y avait certes eu au moins trois signes encourageants : l'arrivée au pouvoir de Barack Obama avec l'objectif de retirer l'armée américaine d'Irak puis d'Afghanistan, et surtout des révoltes arabes animées par un désir de démocratie plutôt que par l'activisme islamique, et enfin la mort d'Oussama Ben Laden, le 2 mai 2011 au Pakistan. Ces événements, ainsi que le fractionnement d'Al-Qaida en filiales autonomes, n'ont toutefois en rien signé l'acte de décès du djihadisme, loin de là.

Au début des années 2000, le premier essor djihadiste fut dû à de multiples facteurs, dont la seconde Intifada et la colère face à l'interminable drame palestinien, l'émergence de la figure charismatique de Ben Laden et le fait qu'il soit parvenu à ébranler les Etats-Unis, puis la nature de la réponse américaine aux attentats du 11-Septembre : occupation de l'Afghanistan alors que les talibans avaient quitté le pouvoir et que les survivants d'Al-Qaida étaient réfugiés au Pakistan, création du camp de Guantanamo, usage de la torture, invasion de l'Irak.

Le déclencheur, cette fois, fut la résistance opposée par un dictateur arabe, Bachar Al-Assad, à la contestation populaire en Syrie, et sa détermination à plonger son peuple dans une spirale de l'horreur (200 000 morts) plutôt que de quitter le pouvoir. L'autre raison est l'accélération de l'affrontement violent entre sunnites et chiites au Moyen-Orient.

La rivalité actuelle entre Al-Qaida, dirigée par Ayman Al-Zawahiri, et l'EI, dirigé par Abou Bakr Al-Baghdadi, devenu le calife Ibrahim, ne devrait pas conduire, cette fois non plus, à en conclure trop hâtivement à la mort d'Al-Qaida. La proclamation du califat le 29 juin par l'EI est une remarquable victoire pour le mouvement djihadiste mondial.

Ayman Al-Zawahiri a commis une erreur tactique dans la guerre de Syrie : il a confié le label d'Al-Qaida au seul Front Al-Nosra, groupe djihadiste dont l'agenda est prioritairement syrien, et a demandé à l'EI de se cantonner à l'Irak. L'ambitieux Abou Bakr Al-Baghdadi a refusé, préférant la scission avec Al-Qaida.

Cette dernière n'est pas irréversible. Il y a dix ans, Ben Laden et Al-Zawahiri avaient déjà été réticents à adouber le fondateur du djihadisme irakien, Abou Moussab Al-Zarkaoui, avant de céder et de lui accorder leur label sous le nom d'Al-Qaida au pays des Deux Fleuves, ancêtre de l'EI.

La rivalité entre les têtes actuelles du djihadisme mondial se traduit aujourd'hui par une lutte à deux niveaux, international et local.

Vers une nouvelle alliance ?

Au niveau international, Al-Qaida résiste. Son commandement central survit clandestinement au Pakistan et son allié taliban a retrouvé des forces en Afghanistan. Ses deux principales filiales, Al-Qaida dans la péninsule Arabique (AQPA), basée au Yémen, et Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), basée dans le Sahel, ont renouvelé depuis le 29 juin leur serment d'allégeance à Zawahiri. Les Chabab somaliens ont suivi. Quelques serments au califat sont également apparus sur des forums djihadistes, sans conséquences notables. La principale défection remonte au 31 mars, lorsque neuf commandants de la zone pakistano-afghane avaient prêté allégeance à l'EI et rejoint la Syrie.

Au niveau local en revanche, c'est l'EI qui a clairement le vent en poupe. Malgré l'arrivée signalée de renforts al-qaïdistes du Pakistan aux côtés du Front Al-Nosra en Syrie, le califat est devenu tellement puissant militairement et financièrement, attractif pour les djihadistes étrangers, et il inspire une telle terreur aux populations, qu'il est en train d'établir des bases solides dans les territoires qu'il a conquis, à partir de ses fiefs de Rakka en Syrie et Mossoul en Irak.

L'avenir dira si la rivalité est destinée à durer, si Al-Qaida va tenter de réagir spectaculairement, ou si Al-Zawahiri et Al-Baghdadi négocieront une nouvelle alliance, sous l'égide d'Al-Qaida ou du califat.

Aujourd'hui, c'est le calife Ibrahim, l'homme pressé, qui a les cartes en main. Il a un territoire et une armée. Il s'est autoproclamé " commandeur des croyants ", alors que Ben Laden avait accordé ce titre à son hôte pachtoun taliban, le mollah Omar. Et il s'est autoproclamé " calife " dès ses premiers succès, alors que Ben Laden, en homme patient, n'espérait sans doute pas établir un califat de son vivant.

Les deux organisations sont cependant, au-delà des luttes de pouvoir, si proches, qu'elles finiront probablement par se rejoindre, d'une manière ou d'une autre. Si elle connaît un moment difficile, Al-Qaida est tout sauf morte. Et son idéal encore moins.

Ben Laden a simplement deux héritiers, d'un côté l'organisation qu'il a bâtie et les filiales sur lesquelles il a apposé son sceau, et de l'autre le fils inattendu et turbulent qui se proclame calife sans y être convié. Ce sont les aléas de l'histoire, et les surprises de la guerre. L'irrésistible ascension de ce djihadisme protéiforme n'en demeure pas moins une victoire incontestable.

par Rémy Ourdan

Service International

ourdan@lemonde.fr

 

Syrie : l'ONU dénonce les exécutions publiques du vendredi organisées par l'EI

Le Monde.fr avec AFP 27.08.2014

L'Organisation des Nations unies parle d'exécutions « devenues un spectacle ordinaire ». Dans un rapport, publié mercredi 27 août, une commission d'enquête des Nations unies affirme que l'Etat islamique organise des mises à mort publiques de civils les vendredis dans les zones syriennes sous son contrôle, à Rakka et dans la province d'Alep.

Cette commission, mandatée pour enregistrer les violations du droit international relatif aux droits humains en Syrie, souligne qu'il s'agit de crimes contre l'humanité. Pour elle, l'objectif de l'Etat islamique est d'« instiller la terreur parmi la population » et de s'assurer qu'elle soit soumise à son autorité.

DES ARMES CHIMIQUES UTILISÉES PAR DAMAS EN AVRIL

D'après les enquêteurs, les djihadistes encouragent, et obligent parfois, la population à assister à ces exécutions. Si la plupart des victimes sont des hommes, plusieurs garçons âgés entre 15 et 17 ans ainsi que des femmes ont été exécutés sommairement.

La commission d'enquête soupçonne également Damas d'avoir largué des barils d'explosifs additionnés de chlore à Kafr Zeita, à Al-Tamana'a et à Tal Minnis, dans l'ouest du pays. « Il existe des motifs raisonnables de croire que des armes chimiques, probablement du chlore, ont été utilisées » huit fois sur une période de dix jours en avril, affirment les enquêteurs.

 

 

Les chrétiens d'Irak font irruption

dans la campagne électorale suédoise

 

Södertälje (Suède) Envoyé spécial
Le premier ministre conservateur, donné perdant aux législatives, appelle à accueillir les réfugiés

 

 

Après la messe, dimanche 24 août, des familles se dirigent vers le sous-sol de la petite église Saint-Gabriel, dans le centre commercial de Ronna, l'un des deux quartiers à majorité assyrienne de Södertälje, à une trentaine de kilomètres au sud de la capitale suédoise. Après avoir béni une jeune fille agenouillée face aux icônes de l'église syriaque orthodoxe, le père Yacoub disparaît lui aussi par les escaliers.

Dans la salle d'en bas se tiennent d'un côté les hommes, chapelet en main, de l'autre les femmes et les enfants. Une centaine de personnes en tout. Ils viennent de Syrie, de Turquie, d'Irak. À la tribune, la maire sociale-démocrate de Södertälje, Boel Godner, entourée d'Assyriens, au premier rang desquels Yilmaz Kerimo, député originaire de Turquie, élu du Parlement suédois depuis 2002, et le père Yacoub qui accueille tout le monde en syriaque.

A trois semaines des élections législatives du 14 septembre, le sujet des chrétiens d'Irak domine la campagne électorale en Suède. A Södertälje, sanctuaire des chrétiens du Moyen-Orient depuis les années 1960, où l'on compte près de 30 000 Assyriens sur 90 000 habitants, tout ce qui se passe dans la province de Ninive, en Irak, a des répercussions directes sur cette cité industrielle ravagée par les problèmes sociaux.

" Södertälje est la ville la plus chrétienne de Suède ", s'enorgueillit la maire. Mais elle évoque rapidement les problèmes de logement. Les familles qui s'entassent à plusieurs dans un appartement, la surcharge dans les écoles. Dans la salle, les questions fusent, notamment sur l'accueil de non-chrétiens, bien que très minoritaires parmi les réfugiés. " Pourquoi on prend des musulmans ici ? ", demande une femme. " La Suède est un pays humanitaire qui accepte des réfugiés du monde entier. On ne peut pas refuser l'asile aux gens à cause de leur religion ", répond Boel Godner. " Et les bus 5 et 7 qui ont été supprimés ! ", s'insurge un homme aux cheveux blancs. Une autre femme intervient. " Si vous acceptez encore des réfugiés, comment allez-vous les loger ? "

La déclaration surprise du premier ministre conservateur, Fredrik Reinfeldt, quelques jours plus tôt, est encore dans toutes les têtes. Dans une campagne jusque-là dominée par la dégradation du système éducatif et les prises de bénéfice des entreprises privées œuvrant dans le secteur public, le chef du gouvernement a prévenu que la Suède allait faire face à une vague de demandes d'asile en raison de la situation dans le nord de l'Irak. L'Agence des migrations a demandé une rallonge de plus de 5 milliards d'euros pour les quatre ans à venir afin de faire face à cet afflux.

" Je sais que cela va provoquer des tensions, a dit le premier ministre. Aussi je demande au peuple suédois de faire preuve de patience et d'ouvrir son cœur. " Il s'est empressé d'ajouter que cet effort interdisait toute dépense supplémentaire dans d'autres domaines et que le temps des promesses électorales était révolu. Le gouvernement qu'il dirige depuis huit ans est en mauvaise posture alors que les sociaux-démocrates devancent largement les conservateurs dans les sondages.

Fredrik Reinfeldt a été accusé de faire le jeu de l'extrême droite et de faire croire que toute réforme à venir était bloquée à cause de l'accueil de réfugiés. Il a été particulièrement mal compris à Södertälje, d'autant que, comme l'a relevé le quotidien Dagens Nyheter, la commune a accepté 77 réfugiés pour 1 000 habitants entre 2006 et 2013, tandis que celle du premier ministre, Täby, au nord de Stockholm, en a accepté 3 pour 1 000.

" Nous n'avons pas attendu pour ouvrir notre cœur, martèle Boel Godner. Pendant huit ans, Anders Borg - le ministre conservateur des finances - a à peine bougé le petit doigt pour soutenir les communes qui accueillent des réfugiés. " Elle promet qu'avec les sociaux-démocrates au pouvoir, elle fera tout pour supprimer le libre établissement des réfugiés en Suède : " A la place, je favoriserai l'accueil solidaire des réfugiés par toutes les communes. "

Président de la Fédération des Assyriens de Suède, dont le siège est à Södertälje, Afram Yakoub préférerait aider les chrétiens sur place : " Nous sommes contre la venue des Irakiens ici. Il faut les aider à rester en Irak, sinon nous faisons le jeu des terroristes qui procèdent à la purification ethnique de la région. Que l'on nous arme plutôt, comme les Kurdes. " Un discours qui n'a reçu aucun écho.

Au printemps, à Södertälje, c'est l'accueil des réfugiés syriens qui représentait l'urgence. " La vague irakienne entre 2006 et 2008 était unique, mais depuis l'été 2012, celle de Syrie est plus importante encore ", explique Johan Ward, responsable de l'accueil et de l'intégration des demandeurs d'asile dans la commune. Depuis septembre 2013, la Suède a décidé d'attribuer un permis de séjour permanent aux Syriens qui étaient autorisés à séjourner sur le territoire suédois pour des raisons de protection.

Ces chrétiens d'Orient ont développé un sanctuaire unique en Suède avec ses clubs de football concurrents, ses chaînes de télévision, ses succès économiques dans le secteur de la restauration, ses églises, ses divisions religieuses et politiques, et des élus que l'on retrouve de la gauche à l'extrême droite. A travers le pays, des dizaines d'Assyriens sont candidats aux élections. Ils ont déjà compté un ministre et plusieurs députés. Et le flux ne va pas tarir. Selon l'Agence des migrations, Södertälje devrait accueillir une partie des chrétiens fuyant le nord de l'Irak au printemps 2015.

Olivier Truc

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